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16 Marion nappait de miel ses tartines grillées en attendant que son thé refroidisse.

Publié le 06/01/2014

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16 Marion nappait de miel ses tartines grillées en attendant que son thé refroidisse. Le petit déjeuner se déroulait dans la cuisine. Jane l'avait fait carreler de faïence dont les coloris chaleureux lui rappelaient les majoliques napolitaines. Des clématites et du jasmin festonnaient l'encadrement des fenêtres. Marion aimait prolonger ce rituel du matin. Près de l'évier, Jane pressait des oranges en sifflotant. De joyeuse humeur. -- Aujourd'hui, je termine mon angelot. Ça fait cinq fois que je le reprends ! -- Franchement, tu es trop perfectionniste. Tu l'avais réussi dès la première fois. -- Que tu dis... Mais il n'y a que l'artiste pour en juger. -- Tu comptes l'exposer ? -- Carole, tu te souviens de Carole ? Elle tient une boutique de mode, rue Saint-Honoré. Elle voudrait le mettre dans le décor de son showroom. -- Au milieu des cintres ? Si j'entrais dans cette boutique, c'est lui que j'achèterais, pas les robes. -- Mais je ne tiens pas à le vendre, mon chérubin ! -- Alors, colle-lui une étiquette avec cinq zéros dessus. -- C'est ça, pour en faire une oeuvre conceptuelle, merci bien ! Marion mordait à pleines dents dans sa tartine quand son Iphone émit un son de grelot. -- Grrrr... J'avais complètement oublié, j'ai rendez-vous à la fac avec une copine ! Du miel dégoulina sur sa manche. -- Oh non ! Toujours au bon moment. Marion fila dans sa chambre pour se changer. Cinq minutes plus tard, Jane entendit claquer la porte d'entrée. Elle hocha la tête et sourit, fataliste. Jamais sa nièce n'apprendrait à refermer discrètement les portes derrière elle. En mettant les tasses et les couverts du matin dans le lave-vaisselle, Jane laissa une pensée lui traverser l'esprit. Marion tenait-elle toujours son armoire fermée à clé ? Une idée absurde, peut-être, mais elle avait besoin de s'en assurer sur-le-champ. C'était se montrer indiscrète, Marion avait bien le droit de protéger ses secrets. Mais ça la taraudait. Sa nièce lui cachait quelque chose. Après avoir hésité un court instant, Jane se rendit dans la chambre de Marion, et fut soulagée d'y trouver les battants de l'armoire entrouverts. Elle jeta un coup d'oeil à l'intérieur. Tout y était soigneusement rangé par piles, pantalons, pulls, chemisiers, tee-shirts. Suspendus aux portants, des jupes, des vestes et des foulards qu'elle ne lui connaissait pas. Mine de rien, Marion avait considérablement étoffé sa garde-robe. Jane s'accroupit, intriguée par l'étage du bas, où s'entassaient des paires de chaussures, un sac de toile, des embauchoirs, et une boîte à bonbons qui lui avait appartenu jadis et lui rappelait des souvenirs. Elle la prit dans ses mains pour l'examiner. L'étiquette partait en lambeaux. Elle ôta le couvercle, juste pour se rappeler le parfum de ces friandises. La boîte ne contenait rien sinon un petit sachet en plastique. Elle le porta devant ses yeux, l'agita et finit par l'ouvrir. Il renfermait quelques grammes d'une fine poudre blanche. Jane eut un hoquet de stupeur et reposa le sachet dans la boîte d'une main tremblante. Au même instant, elle entendit claquer la porte d'entrée. Marion était de retour. * Au premier étage des bureaux de la DRPJ de Versailles, le commandant Morel faisait le point avec son équipe. Une carte de la région était épinglée sur l'un des murs. Des punaises de couleur désignaient les domiciles des disparues de l'Essonne et l'endroit où l'on avait retrouvé les corps. La brigade scientifique l'avait passé au peigne fin durant les dernières quarante-huit heures. Toc toc... Le commissaire, qui venait de frapper à la vitre, fit signe à Morel de le rejoindre. -- Je viens d'avoir le parquet. -- Il était temps, répondit Morel, on nous met déjà des bâtons dans les roues... -- Ne t'en préoccupe pas, j'en fais mon affaire, c'est un dossier compliqué à gérer. J'ai insisté auprès du procureur pour que l'instruction ne laisse rien fuiter. Pas question d'affoler les gens. Morel leva les yeux au ciel. Il ne se faisait pas d'illusions : ils avaient affaire à un tueur en série, un maniaque, et les journalistes ne lâcheraient pas ce fromage. -- On va les avoir sur le dos, compte dessus. Sinon, on a fait tourner les logiciels pour croiser les dossiers criminels. On cherche, on cherche... -- Tu auras du renfort. Il faut le coincer absolument. -- Qu'on m'envoie le collègue de Guyancourt. C'est un ancien infiltré, il a des informateurs partout. J'en aurai besoin. -- C'est bon, mais je veux un rapport journalier. Si ce tueur récidive, ça va être le barnum au ministère. Alors, du nerf ! Le commandant Morel retourna dans le bureau et rendit compte de cette conversation à son équipe. Elle serait renforcée mais on exigeait des résultats. Le téléphone sonna. -- Morel à l'appareil, j'écoute. -- Nauleau, médecin légiste. J'ai terminé l'examen, je voulais vous informer de mes conclusions. -- Allez-y, je mets le haut-parleur, je suis avec mes gars. Le commandant demanda le silence. -- Une quinzaine de jours séparent les décès de la première et de la seconde victime. Le processus de décomposition ne me permet pas d'être aussi affirmatif dans les deux cas, mais la cause de la mort semble identique : tout laisse à penser qu'elles ont subi les mêmes sévices. -- Je m'en doutais. Continuez. -- Les lésions osseuses et les écrasements viscéraux montrent que l'on s'est acharné sur les corps au fur et à mesure de leur enfouissement. Pour y parvenir, votre client devait être sacrément costaud. -- On a donc la certitude qu'il s'agit d'un homme, dit le commandant. -- À 99 %. Et d'un homme adulte. Les traces de strangulation en attestent. Et il devait porter des gants, des microfibres poreuses sont présentes sur l'épiderme des victimes. -- Quelle matière ? -- Des analyses sont en cours. Par ailleurs, l'assassin possède des connaissances anatomiques. La seconde victime a très probablement été réanimée après une première asphyxie ayant provoqué une syncope. On a exercé des pressions manuelles suffisantes, et de face, ce qui est assez rare, pour l'étouffer, puis on l'a ventilée. Des lésions sur le thorax indiquent même qu'on a procédé à un massage cardiaque. -- Autrement dit, ce salaud n'a rendu la vie à sa victime que pour lui donner la mort une seconde fois. Jamais vu un truc aussi abject ! -- J'ajoute, commandant, que ces deux femmes n'avaient pas la même morphologie, et que leur agresseur en a tenu compte dans son mode opératoire. Les larynx ont subi des pressions et des torsions adaptées au squelette et à la masse graisseuse de chacune d'elles. Après avoir raccroché, Morel pressa son front de l'index, entre des sourcils qu'il avait drus et taillait régulièrement aux ciseaux. Le légiste confirmait ses craintes : l'assassin n'en était pas à son coup d'essai et il recommencerait. Une course contre la montre s'engageait. 17 Le hall de l'aéroport de Roissy était bondé. Yvan ne s'attendait pas à une telle affluence dans le terminal 2 un premier jour de juin. Il renonça à tirer sa valise, elle ne roulait plus sur du béton mais sur des pieds. S'excuser à chaque seconde n'était pas la solution. Il prit sa Samsonite par la poignée et vit le moment où il devrait la porter sur le dos tant la foule était dense. Son comptoir d'embarquement était encore loin. Il faillit devenir brutal, chargeant de front avant de buter sur un chariot qui lui esquinta un genou. Restait la technique du parapente : prendre les courants ascensionnels, se laisser porter, et piquer droit devant au premier trou d'air. L'un d'eux manqua le projeter contre une paroi vitrée, de face et la bouche ouverte. Il reprit sa course. Devant lui, une hôtesse et deux agents de sécurité étaient en train de fermer l'accès à la zone de départ. Yvan leva les yeux vers l'écran de contrôle. Dans les temps, s'il comptait en secondes. -- Attendez ! Attendez, j'arrive ! Se faire enregistrer et bondir vers le portique. Encore essoufflé, il se déchaussa, vida ses poches et jeta la valise sur le tapis roulant. L'agent chargé du contrôle des bagages lui lança un regard mauvais. -- Je sais, je suis en retard, dit-il avec un sourire contrit. On le laissa passer. -- Monsieur Sauvage, Yvan, c'est bien ça ? demanda l'hôtesse. -- Oui... -- Vous pouvez embarquer. Yvan l'aurait embrassée. Le ciel était avec lui. Place 42 A. Il voyagerait avec le hublot d'un côté, un gamin hyperactif de l'autre... On ne peut pas non plus tout exiger de la Providence. Au moins, il avait eu son vol. Sir John Carols l'attendait à dix heures précises dans sa résidence londonienne de South Kensington. L'adresse la plus chic qui soit. Les riches du monde entier y avaient un pied-à-terre. Sir John avait fait appel à ses services car Yvan Sauvage lui avait été recommandé par Christie's et par Henry Dumont dont il louait partout les talents. Ce dernier l'avait introduit auprès du ministre de la Culture quand il avait désiré rajeunir son hôtel particulier de l'île Saint-Louis, un édifice du XVIIe siècle classé à l'Inventaire des monuments historiques. Autant dire une momie intouchable. D'où, forcément, des tas de tracas administratifs. La France n'aimait pas son époque. Mais Dumont avait de l'entregent. Il avait su obtenir à sir John toutes les autorisations nécessaires pour ses travaux de rénovation. En retour, celui-ci avait consenti à prêter un Cézanne et deux Courbet rarissimes pour une exposition organisée par le musée d'Orsay. Bref, une affaire réglée entre gentlemen. Yvan devait retrouver là-bas Trevor Gordon, un designer et décorateur d'intérieur en vogue, qui conduirait le chantier. Trevor Gordon avait le meilleur carnet d'adresses de la place, et il s'était bâti une réputation sur trois des cinq continents, les plus solvables. Il avait créé sa première agence vingt ans plus tôt, et fait sensation en tapissant de motifs aztèques et byzantins les murs des yuppies de Canary Wharf. Depuis, il avait signé les collections d'une grande chaîne de mobilier scandinave et trusté le marché de l'hôtellerie de luxe. Il lui arrivait de conseiller en personne certains clients fortunés et peu contrariants sur ses choix de créateur. Sir John entrait dans cette catégorie. Yvan amenait quant à lui son catalogue et son expertise. À bord du taxi, il vérifia la liste des dernières acquisitions de son client. Une liste éclectique qui ne le renseignait guère sur l'orientation de ses goûts. Il espérait y voir plus clair en visitant sa résidence. Le taxi longea l'imposante façade du Victoria and Albert Museum, avant de le déposer devant une demeure victorienne, avec chapiteau, colonnades et façade en brique. Un majordome, lui aussi d'époque, vint lui ouvrir et le guider vers le grand salon. -- Cher monsieur Sauvage, soyez le bienvenu. Sir John s'exprimait dans un français très british, correct dans sa grammaire mais chaotique dans ses intonations. Ce qui le rendait délicieux. Trevor Gordon se trouvait à son côté. -- Je crois que je n'ai pas à vous présenter, messieurs. Ils se connaissaient en effet de longue date. Yvan appréciait l'humour et la gentillesse de Gordon, qui était pourtant une star dans son métier. Ils se saluèrent avec chaleur. Sir John trépignait déjà, impatient de leur montrer son terrain de jeu. -- Suivez-moi, vous allez comprendre ce que j'attends de vous. Yvan et Trevor échangèrent un regard de connivence. Les bow-windows dispensaient la lumière idéale pour concevoir l'aménagement des pièces de réception. Leur hôte les fit presser le pas. La maison paraissait d'autant plus grande qu'elle avait été intégralement vidée de ses meubles et de ses décors. -- Si j'ai bonne mémoire, Helena Kerr, une excellente amie, avait décoré l'endroit voici une dizaine d'années, déclara Trevor. Et si je ne me trompe pas, elle avait la passion des antiquités chinoises... -- J'ai tout fait disparaître ! s'exclama sir John, visiblement ravi de cette initiative. Et pourquoi, me direz-vous ? Pour honorer votre talent. Rien à conserver, rien à négocier. Vous avez carte blanche. Il se tut un instant et prit un air malicieux. -- Sachez juste que cette maison est le cadeau de mariage que je réserve à ma fille. Je ne savais

« Le commandant demandalesilence. — Une quinzaine dejours séparent lesdécès delapremière etde laseconde victime.Leprocessus de décomposition neme permet pasd’être aussiaffirmatif danslesdeux cas,mais lacause delamort semble identique : toutlaisse àpenser qu’elles ontsubi lesmêmes sévices. — Je m’endoutais.

Continuez. — Les lésions osseuses etles écrasements viscérauxmontrentquel’ons’est acharné surlescorps au fur etàmesure deleur enfouissement.

Pouryparvenir, votreclient devait êtresacrément costaud. — On adonc lacertitude qu’ils’agit d’unhomme, ditlecommandant. — À 99 %.

Etd’un homme adulte.Lestraces destrangulation enattestent.

Etildevait porterdes gants, desmicrofibres poreusessontprésentes surl’épiderme desvictimes. — Quelle matière ? — Des analyses sontencours.

Parailleurs, l’assassin possèdedesconnaissances anatomiques. La seconde victimeatrès probablement étéréanimée aprèsunepremière asphyxie ayantprovoqué une syncope.

Onaexercé despressions manuelles suffisantes, etde face, cequi estassez rare,pour l’étouffer, puisonl’aventilée.

Deslésions surlethorax indiquent mêmequ’onaprocédé àun massage cardiaque.

— Autrement dit,cesalaud n’arendu lavie àsa victime quepour luidonner lamort uneseconde fois.

Jamais vuun truc aussi abject ! — J’ajoute, commandant, quecesdeux femmes n’avaient paslamême morphologie, etque leur agresseur enatenu compte danssonmode opératoire.

Leslarynx ontsubi despressions etdes torsions adaptées ausquelette etàla masse graisseuse dechacune d’elles. Après avoirraccroché, Morelpressa sonfront del’index, entredessourcils qu’ilavait drusettaillait régulièrement auxciseaux.

Lelégiste confirmait sescraintes : l’assassin n’enétaitpasàson coup d’essai et ilrecommencerait.

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