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22 Louis XIV en majesté Mazarin meurt dans la nuit du 9 mars 1661.

Publié le 06/01/2014

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22 Louis XIV en majesté Mazarin meurt dans la nuit du 9 mars 1661. Le 10 au matin, le roi fait tenir son conseil pour lui dire qu'il entend désormais gouverner lui-même. Il précise peu après la ligne qui sera la sienne. Elle tient dans sa célèbre réponse à une question que lui pose l'archevêque chargé des problèmes du clergé, qu'il croise : « Votre majesté m'avait ordonné de m'adresser à Monsieur le Cardinal pour toutes les affaires. Le voilà mort ; à qui veut-elle que je m'adresse ? », demande l'ecclésiastique. Et Louis : « À moi. » Lui, gouverner ! Certains n'en reviennent pas. La reine mère, à la nouvelle, « rit ». La plupart parient pour une foucade. Allons, Louis, l'ami des plaisirs, l'homme des fêtes, des bals, le beau jeune homme ami des femmes et des danses, se perdre dans la lecture des tristes mémoires tendus par d'ennuyeux ministres ? Il s'en lassera ! Tous se trompent. Le jeune homme n'a pas vingt-trois ans. Jusqu'à sa mort, cinquante-quatre ans plus tard, il n'y aura, pour commander, d'autre prince que lui. Sa réponse à l'archevêque sera la loi et les prophètes, l'origine et la fin de toute action entreprise dans son royaume : Moi. Louis XIV, le monarque dans le sens étymologique du mot, celui qui gouverne seul. Désormais il n'y aura plus de ministre omnipotent, comme le furent Richelieu ou Mazarin, ni même de surintendant des Finances contrôlant toutes les caisses, comme ce Nicolas Fouquet qui lui faisait de l'ombre - trop riche, trop puissant, trop brillant - et qu'il envoie en prison quelques mois à peine après son arrivée au pouvoir. Il n'y aura plus que des secrétaires d'État chargés de l'« aider de leurs conseils » et devant lui rendre quotidiennement compte de tout, jusqu'à, dit-on, la simple délivrance d'un passeport. Ils ne seront plus choisis chez les grands, chez les princes, dans le haut clergé ou - surtout pas - dans la famille royale. Ils viendront tous de la bourgeoisie, de la petite magistrature, de l'humble noblesse : le roi seul les aura fait monter, c'est la meilleure garantie pour qu'ils soient fidèles. Le roi décide de la paix, le roi décide de la guerre. Le roi pousse l'Église de France à être plus gallicane, pour la rendre moins soumise à l'autorité du pape. Le roi renforce le système des intendants envoyés dans tout le royaume pour en contrôler l'administration. Le roi décide aussi, immédiatement, d'user de son instrument de pouvoir préféré : la mise en scène de sa propre majesté. « Les peuples se plaisent au spectacle, écrira-t-il dans ses Mémoires. Par là nous tenons leur esprit et leur coeur. » Repères - 1661-1715 : règne sans partage de Louis XIV - 1665 : Colbert (1619-1683), déjà au service de Mazarin, contrôleur général des Finances - 1682 : installation de Louis XIV et de la Cour à Versailles ; « Déclaration des quatre articles » rédigée par Bossuet pour défendre le gallicanisme « L'État, c'est moi » Il est, nous disent les chroniqueurs, d'une politesse exquise. On ne le voit jamais croiser une dame sans soulever son chapeau, ou faire au moins le geste de se lever si quelque autre entre dans une pièce. Il est aussi secret, dissimule ses sentiments, répond « je verrai » pour ne s'engager sur rien sans réfléchir et, en toute occasion, tient ses nerfs. Un jour, raconte Seignobos, que son ministre Louvois se mettait en rage devant lui parce qu'il n'avait pas obtenu la faveur qu'il convoitait, le roi jeta sa canne par la fenêtre pour ne pas avoir à la lui casser sur le dos. Il est l'homme du contrôle de soi, comme il entend contrôler le reste. Il tient le pays tout entier par l'intermédiaire de ses intendants, et si les nobles ont, comme ils l'ont toujours eu, le titre de gouverneur de telle ou telle province, ils doivent exercer leur charge là où sont désormais les nobles : à la Cour. C'est la place où il leur faut travailler comme tous les autres à la seule tâche qui vaille désormais, l'édification de la gloire du roi. Comment ne pas en convenir, ce règne a quelque chose de fascinant. Si Louis XIV est toujours, avec Napoléon, le souverain français le plus connu au monde, c'est aussi à cause de ce tour de force : combien d'autres hommes peuvent se vanter d'avoir su ainsi plier un monde à leur désir, d'avoir à ce point aveuglé une époque qu'ils ont réussi à lui faire croire qu'ils en étaient la seule source de lumière ? On en a parlé déjà, cet éclat est si fort qu'il nous fait considérer de manière trompeuse les souverains qui l'ont précédé. Louis XIV incarne tellement l'idée de roi dans la mémoire commune qu'on en vient à penser que les Saint Louis, les Philippe le Bel, ou même les François Ier ou les Henri IV étaient aussi omnipotents, aussi centraux, bref aussi absolus que lui. Quelle erreur ! Sur tous ces plans, il est sans pareil. Il n'a pas tout inventé. L'étiquette qui règle jusque dans le détail la vie quotidienne de la monarchie a été mise au point, on s'en souvient, à la cour de Bourgogne du duc Philippe le Bon, le père de Charles le Téméraire. Elle est arrivée en France via les Habsbourg d'Espagne. La Cour, on l'a vu également, s'est développée sous François Ier. La construction de la majesté royale, cette aura censée entourer le souverain partout où il se trouve, doit beaucoup à Henri III. Le droit divin, enfin, le précède. Il est supposé, dans la mythologie mise en place par les Capétiens, remonter au baptême de Clovis. Il a, en réalité, été lentement élaboré au cours du Moyen Âge. Ce sont les juristes de Charles V qui l'ont théorisé : en pleine guerre de Cent Ans, alors que le trône était constamment menacé par le cousin anglais, il était prudent de mettre Dieu de son côté. Depuis bien plus longtemps (c'est attesté depuis Saint Louis), on reconnaît aux souverains, dès le lendemain du sacre, les pouvoirs quasi miraculeux que cette onction du Ciel leur a conférés : celui de guérir les écrouelles, une forme de tuberculose donnant d'affreux ganglions au cou. Tous les rois, que ce pouvoir fait appeler des rois thaumaturges (littéralement : opérateurs de miracles), se plient, lors des grandes fêtes religieuses, à de longues cérémonies durant lesquelles ils imposent les mains sur des centaines, parfois des milliers de malades en prononçant la formule consacrée : « Le roi te touche, Dieu te guérit. » Louis XIV concentre, cristallise tout cela d'une façon extraordinaire. Les historiens affirment qu'il n'a jamais prononcé la phrase qu'on lui prête : « L'État, c'est moi. » Quelle importance ? Toute sa politique l'incarne. Toutes ses actions sont conduites au nom de la raison d'État, et lui seul en connaît les mystères. Il n'est secondé par personne dans cette tâche et dans aucun dossier. Il accepte, par grandeur d'âme, d'« être aidé des conseils » de ceux à qui il les demande, nuance. Et qui oserait s'opposer à ses volontés ? Elles sont celles de Dieu lui-même, dont il est le lieutenant sur Terre. Bossuet (1627-1704), évêque de Meaux, précepteur du dauphin et idéologue en chef du régime, se charge de donner sa sainte bénédiction à toutes ces conceptions : « Dieu a mis dans les princes quelque chose de divin », écrit-il dans un des livres qu'il publie pour bénir encore et encore ce maître dont on oserait écrire qu'il l'idolâtre, si l'idolâtrie n'était un horrible péché de païens. Que dire aussi de l'incroyable longévité de ce règne ! Louis est roi en 1643, prend le pouvoir effectif en 1661 et ne le cède qu'à sa mort, en 1715. Imaginons la même chose aux xxe et xxie siècles. Cela signifierait un enfant arrivé sur le trône sous Pétain, gouvernant à l'époque de De Gaulle et réglant toujours le moindre dossier, la moindre directive, après Sarkozy. Il y a de la prouesse dans tout cela et on peut comprendre qu'elle entraîne une certaine fascination. Comment ne pas voir aussi combien cette fascination aveugle ? Il se publie chaque année des quantités de livres sur le « Grand Siècle », comme on l'appelle. Ce sont presque toujours des livres de fans. À les parcourir, on a le sentiment que, trois siècles après sa mort, on ne s'autorise toujours à parler de Louis XIV que comme on en parlait de son vivant, pour en tisser de délirantes louanges. On force un peu le trait, bien sûr. Les grands historiens tranchent. L'excellent Pierre Goubert, par exemple, dont on ne saurait trop conseiller le livre le plus célèbre1, remarquable d'intelligence et d'érudition. Sa qualité première est précisément de tenir toujours, vis-à-vis de son sujet, une saine distance critique. N'ose-t-il pas, dès la préface qu'il écrit pour une nouvelle publication de son ouvrage, ce petit crime de lèse-majesté : « L'homme jeune avait de la séduction [...], le vieillard infiniment de dignité [...]. L'homme mûr, ivre d'encens, cassant, vaniteux, souvent sot, m'a toujours paru assez insupportable. » Il avait prévenu quelques lignes auparavant : « Peut-être à tort, mais sincèrement, j'ai toujours pensé que le travail de l'historien ne se ramenait pas à l'exaltation des gloires nationales. » Quel dommage que dans la littérature historique, et surtout dans sa variante populaire, tant d'autres ne l'entendent pas ! Que de flatteries ! Que d'extases ! Avec eux, on a le sentiment qu'on ne peut visiter le règne de Louis XIV que comme on visite Versailles, en se sentant obligé de lancer des oh ! et des ah ! admiratifs devant chaque marche, chaque escalier, chaque statue. Allons ! Nous sommes en république, non ? On a quand même le droit de trouver Versailles un peu trop doré, un peu trop pompeux, et pour tout dire souvent lourdingue sans se faire traiter de mauvais Français. Essayons donc la même chose avec le Grand Roi ou, pour l'instant, avec le système politique qu'il a mis en place. (Nous étudierons les aspects culturels ou militaires dans les chapitres suivants.) Il ne s'agit pas, à ce propos, de sombrer dans un délire de dénigrement. À quoi cela servirait-il ? L'absolutisme a coulé depuis si longtemps. Il s'agit simplement de ne pas oublier que cette façon de gouverner a aussi bien des défauts et quelques aspects franchement ridicules. Reprenons en guise d'exemple trois traits déjà évoqués. Les grands serviteurs Louis XIV, donc, ne veut à son conseil ni évêque ni prince du sang mais de fidèles et loyaux ministres issus d'en bas, qu'il a fait monter jusqu'à lui. Les historiens du xixe siècle ont voulu faire de ceux-là l'incarnation de la nouvelle classe montante, la bourgeoisie, et le modèle des bons serviteurs entièrement dévoués à leur roi et à leur pays. À leur roi, c'est sûr. Qui oserait, alors, ne pas l'être ? À leur pays, cela mérite nuance. Parmi ces noms que tout le monde connaît (quelle ville ne les célèbre pas avec une rue, une place ou un boulevard ?), certains sont dignes de leur postérité. Ainsi Vauban (1633-1707), ingénieur, homme de guerre. Il est célèbre pour les fortifications qu'il a fait construire tout le long des frontières du royaume, cette « ceinture de fer » qui le protège, depuis Gravelines ou Bergues, au nord, jusqu'à Saint-Jean-Pied-de-Port, dans les Pyrénées, ou Antibes, sur la Côte d'Azur. L'homme était un grand bâtisseur, la plupart de ces constructions, avec leur fameux « plan en étoile » conçu pour résister aux boulets, sont encore là, trois cents ans plus tard, pour en témoigner. On sait moins qu'il fut aussi un des esprits les plus éclairés de son siècle : il sera l'un des seuls, dans l'entourage du roi, à oser une parole pour contrer les persécutions dont seront victimes les protestants. Il est un des rares à être accablé par la grande misère du peuple, et surtout à chercher les moyens de la réduire. Cela le conduit sur la voie d'un projet révolutionnaire : un impôt qui serait payé par tous. L'idée deviendra un des serpents de mer de l'Ancien Régime, et sera proche d'aboutir parfois. En attendant, le livre où il l'a présentée est mis au pilon. L'autre grand nom, Colbert (1619-1683), est plus ambigu. Fils d'un marchand de drap de Reims - mais aussi d'une famille fort bien placée dans le négoce -, il a commencé sa carrière dans l'entourage de Mazarin. Dès sa prise de pouvoir, le roi fait du petit conseiller d'État le fer de lance de la politique financière et économique du pays. Obstiné et méthodique, celui-ci veut faire de la France, vieille terre agricole, une nation de manufactures, de marchands, de marins. Il développe de grandes fabriques comme celles des Gobelins - pour les meubles -, de Saint-Gobain - pour les glaces. Il impose des normes qui doivent garantir une même qualité des produits d'un bout à l'autre du royaume et des droits de douane qui les protègent de la concurrence étrangère. Il pense que, pour être riche, un pays doit vendre plus qu'il n'achète, car seul l'argent donne la richesse : on appelle cette théorie, dont il est partisan, le « mercantilisme ». On donne plus souvent à son action le nom de « colbertisme ». Il recouvre cette idée qu'une économie nationale est plus forte si elle est encadrée, protégée par l'État. Pourquoi pas ? La doctrine a souvent été critiquée par les ultras-libéraux, mais elle a fait ses preuves à certains moments de notre histoire. Le problème est qu'elle donne de notre homme une image de grand commis de l'État, une sorte de commissaire au Plan des années 1950, intègre et loyal, dévoué corps et âme au bien public. Quel regrettable anachronisme ! Le commissaire au Plan n'a pas été inventé alors, l'intégrité non plus. Par bien des aspects, l'homme est un intrigant de la pire espèce. Il se fait valoir auprès de Louis XIV en organisant le procès contre Fouquet, le riche surintendant des Finances accusé des pires malversations. Ce n'était pas par amour de la justice (d'ailleurs nul ne sait trop ce qu'il a traficoté avec les pièces du dossier d'accusation), c'était pour se débarrasser d'un rival et pouvoir faire pareil à son tour. Il avait été à bonne école, il sortait de l'entourage de Mazarin, qui fut, selon l'historien André Zysberg2 « le plus grand voleur de toute l'histoire de la monarchie ». Le bon Colbert n'oubliera jamais les leçons apprises comme secrétaire trésorier du cardinal : il mourra fort riche. Il ne s'agit pas pour autant d'en faire le type même du fripon. Il s'agit juste de rappeler que dans ce régime, la notion de service public et ce qu'elle implique d'honnêteté personnelle n'existe pas. Le roi demande qu'on lui soit fidèle, à lui. Qu'on se serve au passage dans les caisses de l'État est considéré comme allant de soi. Que l'on place les siens l'est tout autant. Colbert n'aura de cesse de récompenser ses fidèles pour se constituer un clan d'obligés, de trouver des emplois à ses parents, et de marier ses filles le plus haut possible. On vante Louis XIV d'avoir su briser l'orgueil des grands en leur refusant l'accès au pouvoir qui leur revenait naguère de droit. N'exagérons pas pour autant le caractère démocratique de la manoeuvre. Louis XIV ne chasse une caste qui accaparait le pouvoir que pour la remplacer par une autre, tout aussi cupide, tout aussi affairée à s'y accrocher par tous les moyens. La mise en scène du moi Principal instrument du pouvoir louis-quatorzien, la mise en scène de soi suppose, par essence, une abolition totale des frontières entre le public et le privé. Le principe n'est pas nouveau. Dans un système comme la monarchie, qui repose sur le lien du sang, les histoires de mariage, par exemple, et tout ce qui va avec (les relations sexuelles du roi et de la reine, les accouchements de la reine, etc.), appartiennent au domaine public, puisque cela implique l'avenir de la dynastie. Cela est vrai depuis très longtemps. L'accessibilité du roi est un autre trait traditionnel chez les Capétiens : on a, pour le xvie siècle, des textes d'ambassadeurs étrangers stupéfaits de la facilité avec laquelle n'importe qui peut entrer dans le cabinet du roi, qui est obligé de parler fort bas pour éviter que l'on n'entende ses conversations. À l'inverse, le goût de l'isolement qu'ont les souverains espagnols, par exemple, choque les Français : si un roi de France agissait ainsi, lit-on chez les chroniqueurs, on le croirait mort. Louis XIV n'abolit rien de tout cela, au contraire. Comme à son habitude, il pousse le système jusqu'à sa caricature et en fait un principe de gouvernement. Il l'explique à son fils : « Les peuples sur qui nous régnons règlent d'ordinaire leur jugement sur ce qu'ils voient au dehors. » Donc il donne à voir. Sa vie amoureuse, bien sûr : nul n'ignore la succession des favorites, la Vallière, la Montespan, la Maintenon - et toutes les autres - et seuls quelques esprits étroits se scandalisent de ce fait plus rare : le premier, il légitime tous ses bâtards. Mais aussi le roi offre à « ses peuples » le spectacle de son quotidien. Du matin au soir, sa vie est réglée selon la fameuse étiquette, et se passe au su et au vu de tous ceux qui veulent, la Cour bien sûr, mais aussi le tout-venant du public. Non. Le « petit lever » échappe à cette loi. Il est réservé à la famille et aux médecins - ce qui fait déjà environ une vingtaine de personnes. Quelques instants plus tard, le roi, toujours dans son lit, dit à son valet d'appeler « la grande entrée », réservée à d'autres importants, et il pourra ainsi faire sa toilette (c'est-à-dire se frotter les mains sous un peu d'esprit-de-vin) et sa prière, devant quelques intimes, grands dignitaires, chambellans, premiers gentilshommes de la chambre, etc. - on doit tourner à la cinquantaine de personnes. Et ainsi de suite, en faisant grossir le nombre de spectateurs, pour le déjeuner, pour la messe, pour la promenade, etc., jusqu'au soir - jeux d'argent, spectacle, bals quelquefois -, jusqu'au coucher, avec la même litanie, le grand,
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« beaucoup àHenri III.

Ledroit divin, enfin, leprécède.

Ilest supposé, danslamythologie miseenplace parles Capétiens, remonteraubaptême deClovis.

Ila, en réalité, étélentement élaboréaucours duMoyen Âge.Cesont les juristes deCharles V quil’ont théorisé : enpleine guerre deCent Ans,alors queletrône étaitconstamment menacé parlecousin anglais, ilétait prudent demettre Dieudeson côté.

Depuis bienpluslongtemps (c’estattesté depuis SaintLouis), onreconnaît auxsouverains, dèslelendemain dusacre, lespouvoirs quasimiraculeux que cette onction duCiel leur aconférés : celuideguérir lesécrouelles, uneforme detuberculose donnantd’affreux ganglions aucou.

Tous lesrois, quecepouvoir faitappeler desrois thaumaturges (littéralement : opérateurs de miracles), seplient, lorsdesgrandes fêtesreligieuses, àde longues cérémonies durantlesquelles ilsimposent les mains surdes centaines, parfoisdesmilliers demalades enprononçant laformule consacrée : « Leroite touche, Dieuteguérit. » Louis XIV concentre, cristallisetoutcelad’une façonextraordinaire.

Leshistoriens affirmentqu’iln’ajamais prononcé laphrase qu’onluiprête : « L’État, c’estmoi. » Quelle importance ? Toutesapolitique l’incarne.

Toutes ses actions sontconduites aunom delaraison d’État, etlui seul enconnaît lesmystères.

Iln’est secondé par personne danscette tâche etdans aucun dossier.

Ilaccepte, pargrandeur d’âme,d’« être aidédesconseils » de ceux àqui illes demande, nuance.Etqui oserait s’opposer àses volontés ? Ellessontcelles deDieu lui-même, dont il est lelieutenant surTerre.

Bossuet (1627-1704), évêquedeMeaux, précepteur dudauphin etidéologue enchef du régime, secharge dedonner sasainte bénédiction àtoutes cesconceptions : « Dieuamis dans lesprinces quelque chosededivin », écrit-ildansundes livres qu’ilpublie pourbénir encore etencore cemaître donton oserait écrirequ’ill’idolâtre, sil’idolâtrie n’étaitunhorrible péchédepaïens. Que direaussi del’incroyable longévitédecerègne ! Louisestroien1643, prend lepouvoir effectifen1661 etne le cède qu’àsamort, en1715.

Imaginons lamême choseauxxxe et xxie  siècles.

Celasignifierait unenfant arrivé sur letrône sousPétain, gouvernant àl’époque deDe Gaulle etréglant toujours lemoindre dossier,lamoindre directive, aprèsSarkozy. Il ya de laprouesse danstoutcelaeton peut comprendre qu’elleentraîne unecertaine fascination.

Commentne pas voir aussi combien cettefascination aveugle ?Ilse publie chaque annéedesquantités delivres surle« Grand Siècle », commeonl’appelle.

Cesont presque toujours deslivres de fans . À les parcourir, onale sentiment que, trois siècles aprèssamort, onnes’autorise toujoursàparler deLouis XIV quecomme onenparlait deson vivant, pour entisser dedélirantes louanges.Onforce unpeu letrait, biensûr.Lesgrands historiens tranchent.

L’excellent Pierre Goubert, parexemple, dontonnesaurait tropconseiller lelivre leplus célèbre 1 , remarquable d’intelligence et d’érudition.

Saqualité première estprécisément detenir toujours, vis-à-visdeson sujet, unesaine distance critique.

N’ose-t-il pas,dèslapréface qu’ilécrit pour unenouvelle publication deson ouvrage, cepetit crime de lèse-majesté : « L’hommejeuneavaitdelaséduction […],levieillard infiniment dedignité […].L’homme mûr,ivre d’encens, cassant,vaniteux, souventsot,m’a toujours paruassez insupportable. » Ilavait prévenu quelques lignes auparavant : « Peut-êtreàtort, mais sincèrement, j’aitoujours penséqueletravail del’historien neseramenait pas àl’exaltation desgloires nationales. » Queldommage quedans lalittérature historique, etsurtout danssa variante populaire, tantd’autres nel’entendent pas !Quedeflatteries ! Qued’extases ! Aveceux,onale sentiment qu’onnepeut visiter lerègne deLouis XIV quecomme onvisite Versailles, ensesentant obligéde lancer desoh ! etdes ah ! admiratifs devantchaque marche, chaqueescalier, chaquestatue.Allons ! Nous sommes enrépublique, non ?Onaquand même ledroit detrouver Versailles unpeu trop doré, unpeu trop pompeux, etpour toutdiresouvent lourdingue sanssefaire traiter demauvais Français.

Essayons donclamême chose avecleGrand Roiou, pour l’instant, aveclesystème politique qu’ilamis enplace.

(Nousétudierons les aspects culturels oumilitaires dansleschapitres suivants.) Ilne s’agit pas,àce propos, desombrer dansundélire de dénigrement.

Àquoi celaservirait-il ? L’absolutisme acoulé depuis silongtemps.

Ils’agit simplement dene pas oublier quecette façon degouverner aaussi biendesdéfauts etquelques aspectsfranchement ridicules. Reprenons enguise d’exemple troistraits déjàévoqués.

Les grands serviteurs Louis XIV, donc,neveut àson conseil niévêque niprince dusang mais defidèles etloyaux ministres issusd’enbas, qu’il afait monter jusqu’àlui.Les historiens duxixe  siècle ontvoulu fairedeceux-là l’incarnation delanouvelle classe montante, labourgeoisie, etlemodèle desbons serviteurs entièrement dévouésàleur roietàleur pays.

À leur roi,c’est sûr.Quioserait, alors,nepas l’être ? Àleur pays, celamérite nuance. Parmi cesnoms quetout lemonde connaît (quellevilleneles célèbre pasavec unerue, uneplace ouun boulevard ?), certainssontdignes deleur postérité.

AinsiVauban (1633-1707), ingénieur,hommedeguerre.

Ilest célèbre pourlesfortifications qu’ilafait construire toutlelong desfrontières duroyaume, cette« ceinture defer » qui leprotège, depuisGravelines ouBergues, aunord, jusqu’à Saint-Jean-Pied-de-Port, danslesPyrénées, ou Antibes, surlaCôte d’Azur.

L’homme étaitungrand bâtisseur, laplupart deces constructions, avecleurfameux « plan enétoile » conçupourrésister auxboulets, sontencore là,trois cents ansplus tard, pourentémoigner.

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