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35 Assis seul dans un box au fond du Black Iron Burger Shop de la 5e Rue Est, Perrini essuya les dernières traces de hamburger et de rondelles d'oignon frites sur ses lèvres et étira paresseusement les bras.

Publié le 06/01/2014

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35 Assis seul dans un box au fond du Black Iron Burger Shop de la 5e Rue Est, Perrini essuya les dernières traces de hamburger et de rondelles d'oignon frites sur ses lèvres et étira paresseusement les bras. Pour un travail en free-lance, celui-là était d'une facilité presque embarrassante. C'était rare, surtout après le boulot de l'année précédente pour Guerra, au départ une simple collecte d'informations, qui s'était transformée en élimination du réseau local d'un cartel mexicain particulièrement agressif tentant de s'implanter en force dans la ville. Au départ, Perrini avait hésité à fermer de lui-même l'une de ses sources d'approvisionnement en liquide les plus juteuses, sous la forme d'enveloppes bourrées à craquer de biftons, mais le cartel qui avait embauché Guerra avait été si content de la façon dont les choses avaient tourné qu'il avait gratifié Perrini d'une prime importante - sur laquelle Guerra avait toutefois prélevé au passage une commission de vingt pour cent. Cela suffirait quand même pour payer les études de Nate, son fils aîné, et dans une bonne université. Perrini n'avait pris aucun risque avec les retombées potentielles. Une semaine après que tous les dirigeants du nouveau cartel installés à New York eurent été envoyés à la prison de Rikers, Perrini s'était arrangé pour que celui qui lui avait brièvement servi de contact soit mortellement blessé d'un coup de couteau par un jeune lieutenant en pleine ascension de la bande afro-américaine en place dans le South Bronx, un service favorisé par un vieil ami du 41e District. Les autorités avaient conclu qu'une insulte à caractère racial était la cause du meurtre et n'avaient établi aucun lien avec une guerre de territoire entre gangs mexicains. Perrini avait gagné sur tous les tableaux puisque les boss de la nouvelle bande, récemment victorieuse, se montraient plus que généreux en cash et en marchandise. D'ailleurs, Perrini avait un sachet de vingt grammes de leur meilleure cocaïne non coupée dans la poche gauche de son pantalon en ce moment même. Il fit signe à la serveuse de lui apporter un autre milk-shake à la vanille et regarda Lina Ruiu entrer dans le restaurant. Elle regarda nerveusement autour d'elle pour s'assurer qu'il n'y avait dans la salle personne d'autre qu'elle connaissait puis s'approcha du box et s'assit en face de l'inspecteur. Comme le Black Iron n'était qu'à deux rues du poste de police, tomber sur quelqu'un qu'elle ou lui connaissait était un risque réel. La seule fois où c'était arrivé, Perrini avait calmement répondu au sourire grivois que lui avait adressé un inspecteur de la Crim qu'il ne connaissait que pour l'avoir croisé dans les couloirs. Tant mieux si ce type pensait qu'il s'envoyait une secrétaire. Bien que la coke commençât à la marquer, Lina était extrêmement séduisante dans le genre Sicilienne à la peau mate et aux cheveux auburn, et Perrini savait que le code de conduite tacite entre policiers mâles empêcherait que sa femme soit mise au courant. -- Tu veux manger quelque chose ? proposa-t-il en souriant à la jeune femme, comme si elle était sa nièce favorite ou sa soeur bien-aimée, pas une civile qui gagnait péniblement le tiers de son salaire d'inspecteur. -- Non. Juste un Sprite light. Elle posa son sac ouvert sur le tabouret voisin du sien. Perrini passa la commande à la serveuse puis, sans quitter Lina des yeux et sans cesser de sourire, il tira nonchalamment le sachet de cocaïne de sa poche, passa le bras sous la table, aussi haute que le comptoir, et laissa tomber le sachet dans le sac de Lina. Il avait pour principe de toujours faire le premier pas dans une transaction. Perrini faisait volontiers confiance à l'autre partie et entendait le lui montrer, à charge pour ladite autre partie de comprendre qu'il ne trouverait pas du tout drôle qu'elle cherche à le baiser. Lina prit son rouge à lèvres d'un geste bien rôdé qui lui permit en même temps de glisser la coke dans une poche latérale de son sac, où elle ne pourrait être vue par un client passant près d'eux. La serveuse apporta les boissons tandis que Lina se passait du rouge sur ses lèvres pâles. Elle remit le tube dans son sac, y prit une feuille de papier pliée en quatre qu'elle ouvrit sur la table devant elle. -- « Hazel Lustig, née le 18 juillet 1947, lut-elle. Soeur d'Eileen Chaykin, née Lustig. Jamais mariée. Pas d'enfant. Pas de mandat fédéral. Pas d'infractions au code de la route. Paie ses impôts. Diplôme de vétérinaire en 1971. En 1985, ouvre sa propre clinique dans le New Jersey et se spécialise dans les chevaux de course. Revend l'affaire en 1998 et se retire dans le comté de Cochise, Arizona, où elle possède cent cinquante hectares et s'occupe d'une quarantaine d'anciens chevaux de course. Le ranch n'est pas ouvert au public. Deux comptes en banque, tous deux créditeurs, dont un bien garni... » Lina fit glisser la feuille vers Perrini. -- Numéro de téléphone ? demanda-t-il après avoir avalé la moitié de son milk-shake d'une longue gorgée. -- Le fixe est inscrit. Elle n'a pas de portable. J'ai vérifié la qualité de la réception dans la région, comme tu e l'avais demandé. Ça passe mal. Les gens du coin et la presse en font tout un foin, mais apparemment les compagnies de téléphone s'en fichent. Elle but un peu de son Sprite tandis que Perrini parcourait la feuille. -- Autre chose ? demanda-t-elle. Il replia la feuille et la glissa dans une poche. -- Pas pour le moment, mais ça pourrait changer. Je te contacterai. Comme d'hab. -- Une chose qu'il faut que tu saches. Ils suppriment tous les comptes non utilisés du Fichier des echerches criminelles. Je vais devoir créer un nom d'utilisateur bidon. -- Tant que tu me tiens en dehors de ce que tu fais, je m'en cogne, répliqua Perrini en lui lançant un regard glacial. L'instant d'après, le sourire avec lequel il l'avait accueillie avait réapparu. -- Il faut que je retourne au boulot. J'ai une montagne de choses à faire. Elle prit son sac et se leva. -- Profite du petit cadeau, dit Perrini en indiquant le sac. Y en a encore plein, là d'où ça vient. Il lui adressa un clin d'oeil, attrapa son verre et le vida. Quand il le reposa, Lina avait déjà franchi la porte. Vingt minutes plus tard, Perrini était de nouveau dans sa voiture, de l'autre côté de Tompkins Square. Après avoir envisagé diverses possibilités, il opta pour une méthode qui faisait généralement des merveilles : flatter la vanité naturelle de la cible, même si c'était une vanité au deuxième degré. Il défit l'emballage d'un nouveau portable à carte prépayée et composa le numéro de Hazel Lustig. Elle répondit à la cinquième sonnerie. -- Allô ? -- Bonjour. Hazel Lustig ? -- Oui. Qui êtes-vous ? -- Je suis Daniel Shelton, de la Historical Novel Society. D'après l'agence littéraire Friedstein & ellingham, Mme Chaykin serait chez vous en ce moment ? Il avait pris le risque de parier que Chaykin avait laissé le numéro de téléphone de sa tante à son agent, et i son séjour là-bas devait durer un mois, et si la réception des portables était mauvaise, il y avait de bonnes hances pour qu'il ne se soit pas trompé. -- Elle n'est pas là en ce moment. Je peux lui transmettre un message ? Le ton était défensif. Protecteur. Trop tard pour changer de tactique. -- Oh, quel dommage... Nous venons de recevoir un article sur son dernier livre, très élogieux. Le critique vraiment adoré ce roman. Alors, j'ai pensé que ce serait formidable de l'accompagner d'une interview, d'un etit article sur elle, mais j'ai beaucoup de retard dans mon travail, il y a pas mal de personnes en vacances ici t la date limite de remise des textes approche à grands pas. Vous savez quand elle sera de retour ? On ourrait faire ça par téléphone, ou même par e-mail... La tante resta un instant silencieuse avant de répondre : -- Je ne suis pas vraiment sûre qu'elle ait le temps en ce moment, elle... elle doit s'occuper de problèmes amiliaux. Le ton s'était adouci depuis la mention de la critique louangeuse. Apparemment, jouer sur la vanité par rocuration marchait presque aussi bien que des éloges directs. -- Je suis vraiment désolé. Nous sommes tous ici de grands admirateurs de ses livres. J'espère que ce 'est rien de grave. Hazel ne mordit pas à l'hameçon : -- Non, rien de grave, merci. Laissez-moi votre numéro, je transmettrai votre message. Perrini donna le numéro de son nouveau portable à carte prépayée ainsi qu'une adresse e-mail qu'il avait réée dans sa voiture en digérant le double hamburger de son dernier en-cas. Puis il remercia poliment la tante t mit fin à la communication. Mme Chaykin se faisait désirer. Et bien que Perrini prît plaisir à faire sauter à travers son cerceau les emmes de soixante ans - sa mère exceptée, qui semblait savoir toujours exactement ce qu'il pensait -, le oment était clairement venu de procéder à une approche plus directe. Il réfléchit à ce que cette femme lui avait dit : Tess Chaykin avait des « problèmes familiaux », elle lui « ransmettrait le message ». Cela signifiait sans doute que Chaykin avait quitté le coin. Il se rappela que le ompagnon de la romancière était à San Diego et se demanda si ce n'était pas lui, le problème familial dont elle evait s'occuper. L'ennui, c'était que Guerra ne s'intéressait pas aux probabilités. Il exigeait des faits. Perrini n'avait pas le hoix, il allait devoir céder une part plus grosse de ses honoraires qu'il ne l'aurait souhaité à une tierce ersonne, option qu'il évitait autant qu'il le pouvait, non seulement à cause de la perte financière que cela mpliquait mais aussi parce qu'il n'aimait pas recourir à des gens qu'il ne connaissait pas pour leur demander de ommettre un délit susceptible de leur valoir des problèmes au niveau fédéral s'ils étaient découverts. Il prit son téléphone et appela Lina. Elle répondit immédiatement. -- J'ai besoin de localiser un portable. Le grand jeu. -- Aïe. Lina connaissait les risques, elle aussi. -- J'en ai vraiment besoin. Je t'envoie le numéro par texto. -- D'accord, marmonna-t-elle à contrecoeur. Perrini connaissait la routine. Il faudrait à Lina entre trente minutes et cinq heures pour le rappeler avec une ocalisation. Plusieurs variables entraient en jeu : la marque et le modèle du portable de Chaykin, le nom de son pérateur, la couverture de l'endroit où elle se trouvait, le nombre de tours-relais dans la région. Côté positif, Lina avait plus d'un tour dans son sac. Grâce à son habileté à utiliser les données dont elle disposait, onjuguée aux contacts qu'elle entretenait chez trois des grands opérateurs de téléphonie mobile, elle n'avait amais échoué à lui fournir une localisation précise sur les numéros qu'il lui communiquait. Perrini décida de s'accorder un petit somme avant de retourner au poste. A la fin de la journée, il y aurait de bonnes chances pour qu'il sache exactement où se trouvait Tess Chaykin, et Guerra le saurait aussi. Ce que le Mexicain déciderait alors de faire ne le concernait pas, mais Perrini était à peu près sûr, vu le genre de clients pour lesquels Guerra travaillait généralement, que les beaux jours de Tess Chaykin étaient probablement derrière elle.

« — Tant quetume tiens endehors deceque tufais, jem’en cogne, répliqua Perrinienluilançant unregard glacial.

L’instant d’après,lesourire aveclequel ill’avait accueillie avaitréapparu. — Ilfaut que jeretourne auboulot.

J’aiune montagne dechoses àfaire. Elle pritson sacetse leva. — Profite dupetit cadeau, ditPerrini enindiquant lesac.

Yen aencore plein,làd’où çavient. Il lui adressa unclin d’œil, attrapa sonverre etlevida. Quand ille reposa, Linaavait déjàfranchi laporte. Vingt minutes plustard, Perrini étaitdenouveau danssavoiture, del’autre côtédeTompkins Square. Après avoirenvisagé diversespossibilités, ilopta pour uneméthode quifaisait généralement desmerveilles : flatter lavanité naturelle delacible, même sic’était unevanité audeuxième degré. Il défit l’emballage d’unnouveau portableàcarte prépayée etcomposa lenuméro deHazel Lustig. Elle répondit àla cinquième sonnerie. — Allô ? — Bonjour.

HazelLustig ? — Oui.

Quiêtes-vous ? — Je suis Daniel Shelton, delaHistorical NovelSociety.

D’aprèsl’agence littéraireFriedstein & Bellingham, MmeChaykin seraitchezvousencemoment ? Il avait prislerisque deparier queChaykin avaitlaissé lenuméro detéléphone desatante àson agent, et si son séjour là-bas devaitdurerunmois, etsila réception desportables étaitmauvaise, ily avait debonnes chances pourqu’ilnesesoit pas trompé. — Elle n’est paslàen cemoment.

Jepeux luitransmettre unmessage ? Le ton était défensif.

Protecteur.

Troptardpour changer detactique. — Oh, quel dommage… Nousvenons derecevoir unarticle surson dernier livre,trèsélogieux.

Lecritique a vraiment adoréceroman.

Alors,j’aipensé queceserait formidable del’accompagner d’uneinterview, d’un petit article surelle, mais j’aibeaucoup deretard dansmontravail, ily a pas maldepersonnes envacances ici et ladate limite deremise destextes approche àgrands pas.Vous savez quand ellesera deretour ?On pourrait faireçapar téléphone, oumême pare-mail… La tante restauninstant silencieuse avantderépondre : — Je ne suis pasvraiment sûrequ’elle aitletemps encemoment, elle…elledoit s’occuper deproblèmes familiaux.

Leton s’était adouci depuislamention delacritique louangeuse.

Apparemment, jouersurlavanité par procuration marchaitpresqueaussibienquedeséloges directs. — Je suis vraiment désolé.Noussommes tousicide grands admirateurs deses livres.

J’espère quece n’est riendegrave. Hazel nemordit pasàl’hameçon : — Non, riendegrave, merci.Laissez-moi votrenuméro, jetransmettrai votremessage. Perrini donnalenuméro deson nouveau portableàcarte prépayée ainsiqu’une adresse e-mailqu’ilavait créée danssavoiture endigérant ledouble hamburger deson dernier en-cas.

Puisilremercia polimentlatante et mit finàla communication. Mme Chaykin sefaisait désirer.

Etbien quePerrini prîtplaisir àfaire sauter àtravers soncerceau les femmes desoixante ans–sa mère exceptée, quisemblait savoirtoujours exactement cequ’il pensait –,le moment étaitclairement venudeprocéder àune approche plusdirecte. Il réfléchit àce que cette femme luiavait dit:Tess Chaykin avaitdes«problèmes familiaux»,elle lui« transmettrait lemessage ».Cela signifiait sansdoute queChaykin avaitquitté lecoin.

Ilse rappela quele compagnon delaromancière étaitàSan Diego etse demanda sice n’était paslui,leproblème familialdontelle devait s’occuper. L’ennui, c’étaitqueGuerra nes’intéressait pasauxprobabilités.

Ilexigeait desfaits.

Perrini n’avait pasle choix, ilallait devoir céderunepart plus grosse deses honoraires qu’ilnel’aurait souhaité àune tierce personne, optionqu’ilévitait autant qu’illepouvait, nonseulement àcause delaperte financière quecela impliquait maisaussi parce qu’iln’aimait pasrecourir àdes gens qu’ilneconnaissait paspour leurdemander de commettre undélit susceptible deleur valoir desproblèmes auniveau fédéral s’ilsétaient découverts. Il prit son téléphone etappela Lina.Ellerépondit immédiatement. — J’ai besoin delocaliser unportable.

Legrand jeu. — Aïe. Lina connaissait lesrisques, elleaussi. — J’en aivraiment besoin.Jet’envoie lenuméro partexto. — D’accord, marmonna-t-elle àcontrecœur. Perrini connaissait laroutine.

Ilfaudrait àLina entre trente minutes etcinq heures pourlerappeler avecune localisation.

Plusieursvariablesentraientenjeu :la marque etlemodèle duportable deChaykin, lenom deson opérateur, lacouverture del’endroit oùelle setrouvait, lenombre detours-relais danslarégion.

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