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ABÊTIFIER, verbe transitif.

Publié le 27/09/2015

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ABÊTIR, verbe transitif.  

A.—  Emploi transitif.  Rendre bête, de manière à faire subir une diminution des facultés humaines les plus nobles : 

Ø 1. —  Descendu chez René. L'ai surpris au lit, narcotisé et abêti de son indigne vapeur de tabac. A trente-six degrés au-dessous du zéro de son intelligence ordinaire.

JULES BARBEY D'AUREVILLY, Deuxième memorandum,  1839, page 243. 

Ø 2. L'isolement grandissait l'esprit de Gavarni; la société de la femme bête le rapetisse, le diminue, l'abêtit.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  janvier 1863, page 1211. 

Ø 3. L'étonnement de se voir attaché, la vue de tout ce monde qui le regardait, l'ahurissaient, l'abêtissaient davantage. Comme il ne parlait et n'entendait que le patois, il ne put deviner ce que voulait le gendarme. Il levait vers lui sa face épaisse, faisait effort;...

ÉMILE ZOLA, La Fortune des Rougon,  1871, page 308. 

Ø 4.... c'était Madame Voblat, un gabion de suif, une bombance de chairs mal retenue par les douves d'un corset, un tendron abêti et béat qui riait et tâchait de se tenir la taille à propos de tout, pour un miaulement de chat, pour un vol de mouche;...

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Les Soeurs Vatard,  1879, page 16. 

Ø 5. Il est déjà moins bête depuis qu'il n'est plus malheureux. Le malheur abêtit, je le sais bien.

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Crime de Sylvestre Bonnard,  1881, page 495. 

Ø 6. Le collège ne me valait rien décidément, et encore moins les pensums; tout cela, qui m'avait pris trop tard et à rebours, me diminuait, m'éteignait, m'abêtissait. Même au point de vue du frottement avec mes pareils, le but qu'on avait cru atteindre était manqué aussi complètement que possible.

JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, Le Roman d'un enfant,  1890, page 211. 

Ø 7. —  Le peuple, fit des Hermies, en versant de l'eau dans la cafetière, au lieu de l'améliorer, les siècles l'avarient, le prostrent, l'abêtissent! Rappelez-vous le siège, la commune, les engouements irraisonnés, les haines tumultuaires et sans cause, toute la démence d'une populace mal nourrie, trop désaltérée et en armes!

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Là-bas,  1891, page 231. 

Ø 8. Aveuglés, abêtis par de bas intérêts, les prétendus continuateurs de notre révolution n'ont abouti qu'à recommencer avec plus de vulgarité les dirigeants de l'ancien régime, dont les fautes inexpiables nous jetèrent dans la frénésie des révoltes passées.

GEORGES CLEMENCEAU, L'iniquité,  1899, page 344. 

Ø 9. La même discipline qu'on impose aux petits grimauds d'école devient pénible et humiliante quand des jeunes gens de dix-sept à dix-huit ans y sont soumis. L'uniformité des exercices les rend insipides. L'esprit en est abêti.

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Vie en fleur,  1922, page 428. 

Ø 10. Froide, elle veut m'émasculer, par jalousie. Engourdie, elle veut m'engourdir. Ensuite ce sont les magasins, les achats de choses inutiles, c'est le cinéma, le théâtre, n'importe quoi pourvu que ce soit idiot, car il ne s'agit que de m'abêtir ici, comme de m'émasculer là.

HENRI DE MONTHERLANT, Les Lépreuses,  1939, page 1410. 

Ø 11. Je ne dis pas que la mariage abêtit. Il rend les gens à leur vie intérieure.

MARYSE CHOISY, Qu'est-ce que la psychanalyse?,  1950, page 90. 

Remarque : 1. Abêtir est associé à des termes synonymiques directs tels que : ahurir (exemple 3), éteindre (exemple 6), ou, et fréquemment, à des synonymes par métaphore comme avarier (exemple 7), émasculer (exemple 10). Il s'associe en outre à rapetisser (exemple 2), diminuer (exemple 2, 6) (l'idée d'esprit ou d'intelligence est généralement implicite), ou à un antonyme (améliorer, exemple 7). 2. Contrairement aux indications de certains dictionnaires, les exemples où abêtir est en construction absolue semblent plutôt se ranger sous l'emploi A : confer le malheur abêtit (exemple 5 et 11). 3. Le participe passé exprime la forme passive du verbe ou le résultat de l'action de « rendre bête » (exemple 4); il est généralement suivi du complément d'agent; dans l'exemple 4, en l'absence de complément, il exprime l'état pur et simple. On le trouve aux côtés de participe passés ou d'épithètes dépréciatifs : aveuglé (exemple 8), insipide (exemple 9), narcotisé (exemple 1). 

B.—  Emploi pronominal.  Devenir bête : 

Ø 12. Le coeur cessait de battre, la tête se vidait, le moribond s'abêtissait.

ÉMILE ZOLA, Nouveaux contes à Ninon,  1874, page 98. 

Ø 13.... il [Adolphe] était menuisier, en même temps que puddleur, ayant appris plusieurs métiers, comme tous les jeunes gens de son âge, pour ne pas s'abêtir dans une spécialité étroite.

ÉMILE ZOLA, Travail, tome 2, 1901, page 219. 

Ø 14. Si je pouvais, je m'abêtirais encore, jusqu'à ne pouvoir que t'aimer, t'aimer sans pensée, sans ces crises de fine souffrance que ton dédain [de Minne] , ou ta seule dissimulation sont si puissants à m'infliger...

GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, L'Ingénue libertine,  1909, page 234. 

Ø 15. Heureux? Si tu l'étais, ce serait une honte! Toi! Non, mon petit, non, je ne peux pas croire que tu te plaises à croupir là-dedans. Tu te dégrades, tu t'abêtis; ça n'a que trop duré.

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, Le Pénitencier, 1922, page 715. 

Ø 16.... lisant un livre sur Port-Royal, elle avait été frappée par un mot de Nicole, suggérant que l'obéissance aussi peut être un piège du démon. En acceptant de se diminuer, de s'abêtir, ne contrariait-elle pas la volonté de Dieu?

SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée,  1958, page 274. 

Remarque : 1. Comme dans l'emploi actif, s'abêtir est en série avec des synonymes tels que se dégrader (exemple 15) ou se diminuer (exemple 16). 2. Les dictionnaires signalent un emploi absolu, synonyme de l'emploi pronominal, absent de la documentation. 

 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 102. 

ABÊTIFIER, verbe transitif.  

Familier. Abêtifier quelqu'un. Le rendre progressivement comme bête, abruti, par paresse des facultés intellectuelles due au milieu ambiant : 

Ø ... que si cette lettre encore te semble terne et mal venue, vois-y seulement les effets de la cure dont le premier bienfait est d'abêtifier. Impossible a fortiori de travailler; à peine peut-on lire; j'ai découvert un piano dans une villa voisine délaissée; je passe devant lui la plus part (sic) des heures que l'an passé je consacrais à l'ennui.

ANDRÉ GIDE, P. VALÉRY, Correspondance, Lettre de André Gide à Paul Valéry, octobre 1900, page 375. 

Remarque : Il s'agit d'un néologisme d'auteur. 

ABÊTISSANT, -ANTE, adjectif.  

Qui rend bête (confer abêtir, A) : 

Ø 1. Par moments, la vie de mes idées me paraît s'en aller de moi, se disperser dans ce qui m'entoure, se fondre dans je ne sais quelle abêtissante contemplation... Je me demande si ce n'est pas ce pays d'ici, ce lac avec son eau immobile, cette terre avec sa muette sérénité, ce ciel et l'opiniâtre splendeur de son impassible bleu...

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Madame Gervaisais,  1869, page 148. 

Ø 2. Tous ces jours-ci, pris d'une espèce de rage intérieure contre mon pays, contre ce gouvernement, je m'enferme, je me claustre dans mon jardin, tâchant de tuer ma pensée, mes souvenirs, mes appréhensions de l'avenir dans un travail abêtissant,...

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  février 1871, page 737. 

Ø 3.... tout, au collège, me rendait l'étude odieuse et la vie insupportable. Je n'ai jamais pu m'accoutumer au système abêtissant des récompenses et des punitions qui abaisse les caractères et fausse les jugements. J'ai toujours considéré que créer l'émulation, c'est exciter les enfants les uns contre les autres;...

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Vie en fleur,  1922, page 412. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 11. 

 

Forme dérivée du verbe \"abêtir\"

 abêtir

ABÊTIR, verbe transitif.  

A.—  Emploi transitif.  Rendre bête, de manière à faire subir une diminution des facultés humaines les plus nobles : 

Ø 1. —  Descendu chez René. L'ai surpris au lit, narcotisé et abêti de son indigne vapeur de tabac. A trente-six degrés au-dessous du zéro de son intelligence ordinaire.

JULES BARBEY D'AUREVILLY, Deuxième memorandum,  1839, page 243. 

Ø 2. L'isolement grandissait l'esprit de Gavarni; la société de la femme bête le rapetisse, le diminue, l'abêtit.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  janvier 1863, page 1211. 

Ø 3. L'étonnement de se voir attaché, la vue de tout ce monde qui le regardait, l'ahurissaient, l'abêtissaient davantage. Comme il ne parlait et n'entendait que le patois, il ne put deviner ce que voulait le gendarme. Il levait vers lui sa face épaisse, faisait effort;...

ÉMILE ZOLA, La Fortune des Rougon,  1871, page 308. 

Ø 4.... c'était Madame Voblat, un gabion de suif, une bombance de chairs mal retenue par les douves d'un corset, un tendron abêti et béat qui riait et tâchait de se tenir la taille à propos de tout, pour un miaulement de chat, pour un vol de mouche;...

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Les Soeurs Vatard,  1879, page 16. 

Ø 5. Il est déjà moins bête depuis qu'il n'est plus malheureux. Le malheur abêtit, je le sais bien.

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Crime de Sylvestre Bonnard,  1881, page 495. 

Ø 6. Le collège ne me valait rien décidément, et encore moins les pensums; tout cela, qui m'avait pris trop tard et à rebours, me diminuait, m'éteignait, m'abêtissait. Même au point de vue du frottement avec mes pareils, le but qu'on avait cru atteindre était manqué aussi complètement que possible.

JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, Le Roman d'un enfant,  1890, page 211. 

Ø 7. —  Le peuple, fit des Hermies, en versant de l'eau dans la cafetière, au lieu de l'améliorer, les siècles l'avarient, le prostrent, l'abêtissent! Rappelez-vous le siège, la commune, les engouements irraisonnés, les haines tumultuaires et sans cause, toute la démence d'une populace mal nourrie, trop désaltérée et en armes!

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Là-bas,  1891, page 231. 

Ø 8. Aveuglés, abêtis par de bas intérêts, les prétendus continuateurs de notre révolution n'ont abouti qu'à recommencer avec plus de vulgarité les dirigeants de l'ancien régime, dont les fautes inexpiables nous jetèrent dans la frénésie des révoltes passées.

GEORGES CLEMENCEAU, L'iniquité,  1899, page 344. 

Ø 9. La même discipline qu'on impose aux petits grimauds d'école devient pénible et humiliante quand des jeunes gens de dix-sept à dix-huit ans y sont soumis. L'uniformité des exercices les rend insipides. L'esprit en est abêti.

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Vie en fleur,  1922, page 428. 

Ø 10. Froide, elle veut m'émasculer, par jalousie. Engourdie, elle veut m'engourdir. Ensuite ce sont les magasins, les achats de choses inutiles, c'est le cinéma, le théâtre, n'importe quoi pourvu que ce soit idiot, car il ne s'agit que de m'abêtir ici, comme de m'émasculer là.

HENRI DE MONTHERLANT, Les Lépreuses,  1939, page 1410. 

Ø 11. Je ne dis pas que la mariage abêtit. Il rend les gens à leur vie intérieure.

MARYSE CHOISY, Qu'est-ce que la psychanalyse?,  1950, page 90. 

Remarque : 1. Abêtir est associé à des termes synonymiques directs tels que : ahurir (exemple 3), éteindre (exemple 6), ou, et fréquemment, à des synonymes par métaphore comme avarier (exemple 7), émasculer (exemple 10). Il s'associe en outre à rapetisser (exemple 2), diminuer (exemple 2, 6) (l'idée d'esprit ou d'intelligence est généralement implicite), ou à un antonyme (améliorer, exemple 7). 2. Contrairement aux indications de certains dictionnaires, les exemples où abêtir est en construction absolue semblent plutôt se ranger sous l'emploi A : confer le malheur abêtit (exemple 5 et 11). 3. Le participe passé exprime la forme passive du verbe ou le résultat de l'action de « rendre bête » (exemple 4); il est généralement suivi du complément d'agent; dans l'exemple 4, en l'absence de complément, il exprime l'état pur et simple. On le trouve aux côtés de participe passés ou d'épithètes dépréciatifs : aveuglé (exemple 8), insipide (exemple 9), narcotisé (exemple 1). 

B.—  Emploi pronominal.  Devenir bête : 

Ø 12. Le coeur cessait de battre, la tête se vidait, le moribond s'abêtissait.

ÉMILE ZOLA, Nouveaux contes à Ninon,  1874, page 98. 

Ø 13.... il [Adolphe] était menuisier, en même temps que puddleur, ayant appris plusieurs métiers, comme tous les jeunes gens de son âge, pour ne pas s'abêtir dans une spécialité étroite.

ÉMILE ZOLA, Travail, tome 2, 1901, page 219. 

Ø 14. Si je pouvais, je m'abêtirais encore, jusqu'à ne pouvoir que t'aimer, t'aimer sans pensée, sans ces crises de fine souffrance que ton dédain [de Minne] , ou ta seule dissimulation sont si puissants à m'infliger...

GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, L'Ingénue libertine,  1909, page 234. 

Ø 15. Heureux? Si tu l'étais, ce serait une honte! Toi! Non, mon petit, non, je ne peux pas croire que tu te plaises à croupir là-dedans. Tu te dégrades, tu t'abêtis; ça n'a que trop duré.

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, Le Pénitencier, 1922, page 715. 

Ø 16.... lisant un livre sur Port-Royal, elle avait été frappée par un mot de Nicole, suggérant que l'obéissance aussi peut être un piège du démon. En acceptant de se diminuer, de s'abêtir, ne contrariait-elle pas la volonté de Dieu?

SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée,  1958, page 274. 

Remarque : 1. Comme dans l'emploi actif, s'abêtir est en série avec des synonymes tels que se dégrader (exemple 15) ou se diminuer (exemple 16). 2. Les dictionnaires signalent un emploi absolu, synonyme de l'emploi pronominal, absent de la documentation. 

 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 102. 

 

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