Devoir de Philosophie

ABONNER, verbe transitif.

Publié le 27/09/2015

Extrait du document

ABONNER, verbe transitif.  

Passer une convention (pour autrui ou pour soi) avec un organisme public ou privé pour bénéficier régulièrement de ses services ou de ses produits notamment culturels (journaux, périodiques, spectacles, concerts, conférences) ou techniques (téléphone, chemin de fer, entretien de machines, etc.) moyennant un prix global inférieur à la somme des prix au détail. 

A.—  Emploi transitif.  [L'objet direct désigne la personne physique ou morale bénéficiaire du service; l'objet indirect, introduit par la préposition à, désigne le service ou le produit] :

Ø 1.... je vous prie de m'abonner à un journal à l'aide duquel je puisse, chaque jour ou chaque semaine, me rapprocher un moment de Paris, et savoir au juste ce qui s'y passe.

VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin ou Observations sur les moeurs et les usages français au commencement du XIXe.  siècle, tome 2, 1812, page 348. 

Ø 2. Pendant mon absence, je voudrais un journal pour ma femme. Abonnez-moi vite aux Débats pour un an et faites vite adresser à M. Al. de Lamartine à Mâcon, Saône-et-Loire. Abonnez-moi aussi à la Revue des deux-mondes. Je vous rembourserai le tout en vous voyant

ALPHONSE DE LAMARTINE, Correspondance générale.  1833, page 346. 

Ø 3. Rassi, notre bourreau, prétend que le duc a été abonné en secret au Constitutionnel par l'intermédiaire de Ferrante Palla le poète, et cette calomnie a fait longtemps obstacle sérieux au consentement du prince.

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, La Chartreuse de Parme,  1839, page 104. 

Ø 4.... ce qu'il faut répandre chez toutes les familles de province qui ont, à Paris, des enfants, ou craignent, à cause de la liberté du dimanche, (...) c'est l'habitude heureuse de les abonner à ces représentations classiques et à leur conférence sérieuse ou spirituelle.

STÉPHANE MALLARMÉ, La Dernière mode,  1874, page 791. 

Ø 5. Il était abonné chez un éditeur de musique de Paris, qui lui adressait les nouveautés, et il envoyait de temps en temps à la haute société de la ville des petits billets ainsi tournés : « vous êtes prié d'assister, lundi soir, chez Maître Saval, notaire, à la première audition, à Vernon, du Saïs ».

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Une Soirée, 1883, page 1268. 

Ø 6. Allô allô mademoiselle

Je ne suis plus abonné au téléphone

Je me désabonne

GUILLAUME APOLLINAIRE, Les Mamelles de Tirésias,  1918, II, 5, page 907. 

Remarque : Mot technique, abonner est en opposition avec des constructions périphrastiques ou avec un antonyme (exemple 6) qui n'est qu'un de ses composés. La notion de régularité, propre à l'abonnement, est illustrée par l'exemple 2; celle de priorité sur les non-abonnés s'allie dans l'exemple 5 à celle de distinction sociale. La notion de secret et même de complicité qui se dégage de l'exemple 3 va à l'encontre du souci de l'abonné d'afficher un certain rang social; le sérieux de ce à quoi on s'abonne apparaît dans l'exemple 4, mais ces notions ne sont pas incluses dans le sémantisme du verbe. 

B.—  Emploi réfléchi.  [Même construction de l'objet indirect que pour l'emploi transitif] :

Ø 7. M. Dubreuil, (...) est un homme dont la connaissance dispense ceux qui le voient habituellement d'acheter l'almanach-royal et de s'abonner aux petites-affiches :...

VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin ou Observations sur les moeurs et les usages français au commencement du XIXe.  siècle, tome 3, 1813, page 203. 

Ø 8. Je ne sais à quelle époque remonte, dans cette capitale, l'origine du bureau de deuil, dont l'objet se bornait autrefois à l'annonce des décès et aux billets de faire part : on pouvait s'y abonner pour une somme très-modique, au moyen de laquelle on était instruit, à point nommé, de la mort d'une foule de gens dont le trépas seul révélait l'existence.

VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin ou Observations sur les moeurs et les usages français au commencement du XIXe.  siècle, tome 5, 1814, page 105. 

Ø 9. J'ai reçu aujourd'hui une lettre très aimable de Paul Fort, où il me prie de lui envoyer une liste de gens susceptibles de s'abonner à Vers et prose.

HENRI, ALBAN FOURNIER, DIT ALAIN-FOURNIER, JACQUES RIVIÈRE, Correspondance, Lettre de Jacques Rivière à Alain-Fournier, avril 1906, page 49. 

—  Par extension.  L'objet auquel on s'abonne désigne l'alimentation assurée par une pension de famille : 

Ø 10. Généralement les pensionnaires externes ne s'abonnaient qu'au dîner, qui coûtait trente francs par mois.

HONORÉ DE BALZAC, Le Père Goriot,  1835, page 14. 

—  Emploi absolu : 

Ø 11. Je m'abonne, de nouveau, rue de Turenne et je loue les Mémoires de Suard par Garat.

JULES MICHELET, Journal,  1821, page 163. 

Ø 12. Je m'abonnerai sans doute pour deux ans : 14 francs. Mais comment vont-ils se soutenir la deuxième année, alors qu'ils ne recevront rien?

HENRI, ALBAN FOURNIER, DIT ALAIN-FOURNIER, JACQUES RIVIÈRE, Correspondance, Lettre de Alain-Fournier à Jacques Rivière, février 1907, page 52. 

—  Au figuré, et ironiquement.  S'habituer à : 

Ø 13.... il (le duc de Lévis) s'était abonné aux savates, parce que, disait-il, il avait une blessure au talon...

CÉLINE BUISSON DE LA VIGNE, VICOMTESSE DE CHATEAUBRIAND, Mémoires et lettres,  1847, page 74. 

Ø 14. Je m'abonnerais de très grand coeur à n'être pas nommé mais je n'aimerais pas qu'on me fermât la porte trop contumélieusement au nez.

PROSPER MÉRIMÉE, Lettres à la famille Delessert,  1870, page 12. 

Remarque : 1. De l'étude des sens anciens et actuels de abonner, il ressort une constante : l'idée d'une dépendance obligée ou consentie, morale ou de convention entre deux parties, l'une possédante mais plus passive, l'autre moins pourvue mais plus active. L'idée de dépendance a subi au cours des siècle des évolutions dues aux changements de la nature et du rôle des 2 parties. La dépendance de seigneur à vassal (féodalité) finit par se monnayer : les rapports institutionnels devenant des rapports de communication. D'autre part, la notion de contrainte juridique disparaît à mesure que le mot se charge de valeur technique. À la limite la partie autrefois dépendante est maintenant sollicitée et a pouvoir de choix (s'abonner à un journal, etc.). Cependant là où intervient la technique (téléphone, eau, électricité), celle-ci devenant la partie forte, elle oblige l'individu à s'abonner s'il veut jouir des avantages de sécurité, de réduction, de commodité, de priorité offerts en contrepartie d'une redevance régulière. Lorsque le choix est possible la langue opte pour l'expression prendre un abonnement; lorsqu'il y a quasi obligation c'est le verbe abonner qui s'impose. 2. L'exemple 8 présente l'abonnement sous un aspect ironique, qui consiste dans la particularité de ce à quoi on s'abonne (confer Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française (PAUL ROBERT)) \" S'abonner à la table de quelqu'un \"; et supar exemple 13 et 14. Les exemples 9 et 12 soulignent l'intérêt des abonnements pour le fournisseur du service (confer historique II B, Remarque : 1). 3. Le Nouveau glossaire génevois de Jean Humbert (1852) signale le sens de \" donner de l'argent pour \" (dérivé du sens féodal, confer historique II) :

15. Je m'abonnerais bien pour avoir un commis aussi intelligent et aussi sage que le vôtre. On s'abonnerait pour avoir, pendant huit jours, un aussi beau temps qu'aujourd'hui; (c'est-à-dire, on ferait volontiers quelques sacrifices, on donnerait de l'argent pour etc. 

Remarque : 4. L'exemple suivant de Chateaubriand (Correspondance générale, tome 4, 1848, page 272) :

16. ... combien de jours Cadix sera-t-il bloqué sans ouvrir ses portes Je m'abonne à cent jours.

est sans doute un archaïsme (confer historique I A 1) un peu familièrement pour « se fixer, comme limite ». 

Remarque : 5. Des syntagmes attendus tels que s'abonner sous telles conditions; s'abonner gratuitement ne figurent pas dans notre documentation. 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 69. 

Liens utiles