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ABRÉGÉ, -ÉE, participe passé, adjectif, locution adverbiale et substantif.

Publié le 27/09/2015

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ABRÉGÉ, -ÉE, participe passé, adjectif, locution adverbiale et substantif.  

A.—  Participe passé de abréger. 

B.—  Emploi adjectival et adverbe. 

1. [En parlant de lieux ou d'espaces de temps n'ayant pas la dimension souhaitée]  Diminué, rapetissé : 

Ø 1. Les miroirs par les jours abrégés des décembres,

Songent —  telles des eaux captives —  dans les chambres,

Et leur mélancolie a pour causes lointaines

Tant de visages doux fanés dans ces fontaines

Qui s'y voyaient naguère, embellis du sourire!

GEORGES RODENBACH, Le Règne du silence,  1891, page 191. 

Ø 2. C'est ainsi que le citoyen Remacle, concierge-tailleur, nichait dans un entresol fort abrégé en hauteur comme en largeur, où on le voyait par la porte vitrée, les jambes croisées sur son établi et la nuque au plancher, cousant un uniforme de garde national...

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Les Dieux ont soif,  1912, page 10. 

2. [En parlant de formes d'expression écrite ou orale]  Dense, ramassé : 

Ø 3. Que les règles des élections, que les formes des délibérations soient aussi simples, aussi abrégées qu'il est possible... 

MAXIMILIEN DE ROBESPIERRE, Discours, Sur la constitution,  1793, page 507. 

Ø 4. Ils ignoraient l'usage de ces instruments, de ces leviers qui centuplent les forces de la pensée en les ménageant; ils n'avaient pas trouvé l'art de renfermer dans des formules abrégées les résultats des plus longues déductions...

MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, De l'Influence de l'habitude sur la faculté de penser,  1803, page 190. 

Ø 5. D'après ces considérations que l'on a pu trouver longues, quoiqu'elles soient bien sommaires, et peut-être précisément parce qu'elles sont trop abrégées, je crois que l'on peut représenter l'Ouvrage dont il s'agit par le tableau suivant

ANTOINE-LOUIS-CLAUDE DESTUTT DE TRACY. Élémens d'idéologie, 3. Logique, 1805, page 519. 

3. Locution adverbiale. En abrégé..  En peu de mots : 

Ø 6. La mort de Mme.  Talma m'avait jeté dans un tel abattement qu'à dater de ce jour mon journal où j'avais retracé tous les détails de sa maladie et jugé quelquefois sévèrement son caractère me devint insupportable; cependant, ne voulant pas l'interrompre complètement, j'imaginai de ne l'écrire que fort en abrégé et en grande partie en chiffres.

BENJAMIN HENRI CONSTANT DE REBECQUE, Journaux intimes,  mai 1805, page 246. 

Ø 7. Voilà, très en abrégé, et peut-être encore trop longuement, un specimen de ma polémique dans mes brochures et dans le Journal des débats : on y retrouve tous les principes que l'on proclame aujourd'hui.

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 3, 1848, page 272. 

Ø 8. Et j'ai connu (...)

Les rendez-vous donnés au coin des carrefours;

(...)

Et les aveux furtifs que l'on est obligé,

Parce qu'on se sent vu, de faire en abrégé.

JEAN RICHEPIN, Les Caresses,  1877, page 287. 

Remarque : DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE LA LANGUE FRANÇAISE  (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845, DICTIONNAIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE  (ÉMILE LITTRÉ), signalent en outre par abrégé avec le même sens. 

C.—  Emploi comme substantif. 

1. Représentation en raccourci : 

—   [Du Monde] :

Ø 9. Étudiez (...)

(...) surtout les degrés (...)

Par qui l'instinct changeant de l'échelle vivante

Ou s'élève vers l'homme, ou descend vers la plante.

(...)

Que d'un lieu préparé l'étroite enceinte assemble

Les trois règnes rivaux, étonnés d'être ensemble.

Que chacun ait ici ses tiroirs, ses cartons;

Que, divisés par classe, et rangés par cantons,

Ils offrent de plaisir une source féconde,

L'extrait de la nature et l'abrégé du monde.

ABBÉ JACQUES DELILLE, L'Homme des champs ou les Géorgiques françaises,  1800, page 117. 

Ø 10. Les écrivains mystiques dont j'ai parlé dans les chapitres précédents voient dans l'homme l'abrégé du monde, et dans le monde l'emblème des dogmes du christianisme.

GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, De l'Allemagne, tome 5, 1810, page 159. 

Ø 11. Parlez-moi d'un jardin anglais; là, rien ne se ressemble; là, tout est surprise : des vallons, des montagnes, des lacs, des rivières, voilà ce que vous trouvez dans les grands comme dans les petits. Un jardin anglais est un abrégé de la nature, une miniature de l'univers.

VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, tome 5, 1814, page 252. 

Ø 12.... lorsque (...) le dernier voile se lève et laisse contempler la Trinité divine, on aperçoit, dans ses profondeurs le Verbe éternel uni à la nature humaine. Celle-ci n'est donc plus seulement, comme disaient les anciens, un microcosme, un abrégé de l'univers : elle remplit l'univers même, elle le dépasse, et se perd dans l'infini.

FRÉDÉRIC OZANAM, Essai sur la philosophie de Dante,  1838, page 268. 

Ø 13.... aussi y a-t-il, dans ce foyer de l'idée née de l'action, une concentration de tous les rayons épars et comme un abrégé du réel entier.

MAURICE BLONDEL, L'Action, Essai d'une critique de la vie,  1893, page 291. 

Ø 14.... Salomon, dont il est écrit qu'il avait attentivement considéré la nature de tous les arbres, s'écrie quand il voit se dresser sur le Golgotha cette espèce nouvelle : Qu'il soit béni ce bois par qui se fait justice! Il est l'abrégé de toute la création, il est l'entrecroisement bienheureux de la nature avec la grâce, il prend ses racines au plus profond de l'aride et le branchage spirituel qui vient se greffer sur ce tronc atrocement raccourci répand de tous les côtés, le rafraîchissement et la vie.

PAUL CLAUDEL, Un Poète regarde la Croix,  1938, page 136. 

Ø 15. Ces livres, manuels à la mode, étaient, dans les provinces, des sortes d'encyclopédies du temps, des « abrégés du monde », bien utiles à un autodidacte, mais de pensée assez fade, et parfois médiocre.

JEAN GUÉHENNO, Jean-Jacques, En marge des \"Confessions\", préface 1948, page 93. 

—   [D'une action complexe] :

Ø 16.... si vous voulez vous rendre compte de la souveraine beauté que dégage une profession monastique, ce n'est pas celle de l'oblature qu'il faudrait voir; elle n'est qu'un abrégé, qu'un raccourci, qu'une dilution homoeopathique de celle des moines...

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, L'Oblat, tome 2, 1903, page 26. 

Remarque : On trouve généralement associés à abrégé des termes comme univers, monde, nature, création,... Abrégé est en effet fréquemment explicité par des appositions paradigmatiques telles que extrait (de la nature) (exemple 9), miniature (de l'univers) (exemple 11), microcosme (exemple 12), que la locution abrégé du monde (exemple 15) résume toutes. Les exemples 10 et 12 font allusion à une expression proverbiale calquée sur le mot d'origine grecque microcosme (\" petit univers \") citée dans tous les dictionnaires; confer Dictionnaire de l'Académie Française 1798 : \" On dit, pour exprimer l'excellence de l'homme qu'il est un abrégé des merveilles de l'univers. C'est un monde en abrégé \". La réduction quantitative qu'implique l'abrégé entraîne quelquefois une valorisation qualitative : un abrégé est aussi une concentration (exemple 13) ou un entrecroisement bienheureux (exemple 14) d'éléments épars; atteignant l'essentiel, il devient une devise (exemple 18), un code (exemple 25), un emblème (exemple 10), tend au symbole (exemple 19). La nuance péjorative (exemple 16) est exceptionnelle. 

2. Ouvrage présentant en (bon) raccourci ce que l'on sait du monde, d'une religion, d'un domaine précis du savoir ou de la technique : 

Ø 17. Quant à ceux qui n'ont pas acquis la grande édition, ils auront dans cet abrégé un extrait des principes du nouveau système d'explications, et un tableau assez détaillé des découvertes auxquelles il a conduit...

CHARLES-FRANÇOIS DUPUIS, Abrégé de l'origine de tous les cultes, préface, page VI. 

Ø 18. «... tout ce qu'il y a sur la terre de réglé dépend de l'une ou de l'autre de ces volontés ». Idée vaste, mais incomplète, et qui ne rend pas l'étendue et la profondeur de ce passage de saint Paul qui est l'abrégé et comme la devise du christianisme : Instaurare omnia in Christo quae in coelis et quae in terra sunt.

LOUIS-GABRIEL A. DE BONALD, Législation primitive considérée dans les derniers temps par les seules ténèbres de la raison, tome 2, 1802, page 191. 

Ø 19.... les piliers de la nef, par leur volume et leur gravité, reculent jusqu'à l'abbaye carlovingienne de Saint-Germain-des-Prés. On croirait qu'il y a six siècles entre cette porte et ces piliers. Il n'est pas jusqu'aux hermétiques qui ne trouvent dans les symboles du grand portail un abrégé satisfaisant de leur science, dont l'église de Saint-Jacques-de-la-Boucherie était un hiéroglyphe si complet.

VICTOR HUGO, Notre-Dame de Paris,  1832, page 132. 

Ø 20. Le recueil des moralités qui commence à Confucius est un abrégé, des principes des religions. Il en faudrait faire un résumé et quatre pages suffiraient à ce que sait le monde.

ALFRED DE VIGNY, Le Journal d'un poète,  1834, page 1013. 

Ø 21. Un courrier impromptu passant à la Croix pour Albi me fait penser à notre député qui, nous as-tu dit, se chargera volontiers de nos lettres. Celle-ci sera courte, un abrégé, un rien que je trace au galop en attendant Délern, notre messager.

EUGÉNIE DE GUÉRIN, Lettres,  1834, page 63. 

Ø 22. On ne peut guère juger de son genre de talent oratoire (si le mot est applicable à M. Singlin) d'après les cinq ou six volumes d'Instructions chrétiennes qu'on a publiées sous son nom : on n'y trouve que la substance réduite et l'abrégé des sermons que n'eurent peut-être jamais rien de plus particulièrement saillant...

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 1, 1840, page 472. 

Ø 23. C'est cette conversation qu'il s'agit de retrouver et de faire revivre; et on le peut en quelque sorte, si l'on use bien des pensées nombreuses qui sont encore la parole vibrante de Pascal, si on les classe avec suite et qu'on les ramène dans l'aperçu qu'on a du plan général : on aura alors tout un abrégé lumineux. Et ce n'est pas là une reconstruction conjecturale, c'est une restauration approximative.

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 3, 1848, page 348. 

Ø 24. Notre père avait une grande pitié des hommes. Il ne les croyait pas très raisonnables; leurs erreurs, quand elles n'étaient point cruelles, l'amusaient et le faisaient sourire. La croyance en Putois l'intéressait comme un abrégé et un compendium de toutes les croyances humaines.

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Crainquebille, Putois, Riquet,  1904, page 75. 

Ø 25.... l'homme retrouve les signes de l'homme et l'abrégé de l'ancien savoir, et le code aussi de l'esclavage humain, propre à ces contrées.

ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos,  1927, page 740. 

Ø 26.... il reste justement un bréviaire de l'esprit, un abrégé savant de la doctrine chrétienne, une oeuvre de théoricien et de philosophe. Dans les classes de philosophie, les élèves d'ailleurs travaillent sur les textes d'Aristote...

ROBERT BRASILLACH, Pierre Corneille,  1938, page 29. 

Remarque : On notera que abrégé est associé à compendium (exemple 24) ou bréviaire (exemple 26) et tend à devenir leur synonyme généralement appréciatif; valeur légèrement péjorative dans l'exemple 21. 

3. Emploi technique.  MUSIQUE.  

a) Dans l'orgue : 

Ø 27. Abrégé, Registres, Boutons. Dans les orgues, l'abrégé est un mécanisme qui transmet le mouvement des claviers aux soupapes des sommiers respectifs.

Dictionnaire général de l'art musical (PAUL ROUGNON)  1935, page 211. 

b) Partie de la mécanique utilisée dans les beffrois avec carillon. 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 356. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 941, b) 436; XXe.  siècle : a) 332, b) 276. 

 

Forme dérivée du verbe \"abréger\"

 abréger

ABRÉGER, verbe transitif.  

Rendre plus court. 

A.—  [Le complément (ou le sujet dans l'emploi pronominal) désigne la longueur d'un parcours, la durée d'un procès...] :

Ø 1. La nécessité de nos conversations du soir et du matin, qui pourraient m'être agréables, si je me sentais le maître de les abréger à mon gré, mais que Biondetta se montre trop décidée à prolonger, que je le veuille ou non, cette nécessité suffit quelquefois pour me disposer mal pour toute la journée.

BENJAMIN HENRI CONSTANT DE REBECQUE, Journaux intimes,  1804, page 109. 

Ø 2.... j'avais pour règle, afin d'abréger mon propre travail, de ne m'arrêter sur aucun des objets dictés à d'autres, sachant qu'ils demeuraient assurés.

EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 2, 1823, page 316. 

Ø 3. Si ces arbitres, qui feraient toujours l'office d'un jury d'équité, étaient payés proportionnellement à la somme disputée, et sans égard à la durée de l'instruction, ils seraient intéressés à simplifier, à abréger les procès, pour épargner leurs temps et leurs peines, et à juger équitablement pour avoir de l'occupation.

JEAN-BAPTISTE SAY, Traité d'économie politique,  1832, page 501. 

Ø 4. Tels sont mes rêves. C'est toujours la raison humaine se débattant contre la douleur et l'impuissance. Un semblable sommeil abrège la vie au lieu de la prolonger. Il dépense une énorme énergie. Le travail de la pensée, plus désordonné, plus fantasque dans les songes, est aussi plus violent et plus rude.

AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Lélia,  1833, page 128. 

Ø 5.... quand nous nous remémorons le passé, c'est-à-dire une série de faits accomplis, nous l'abrégeons toujours, sans altérer cependant la nature de l'événement qui nous intéresse. C'est que nous le connaissons déjà;...

HENRI BERGSON, Essai sur les données immédiates de la conscience,  1889, page 154. 

Ø 6. La chambre fait silence et jongle avec ces bulles.

Or le miroir cruel les attire. Voici

qu'elles virent dans l'air vers la clarté du piège,

croyant l'espace libre en ce cadre transi

dont le leurre recule un chemin qui s'abrège.

GEORGES RODENBACH, Le Règne du silence,  1891, page 20. 

Ø 7. Elle ne voyait que le chemin, des peupliers, des saules : à dix mètres en avant, elle ne distinguait plus rien. Elle marchait, mais elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle risquait sans cesse de s'égarer, d'augmenter la distance au lieu de l'abréger. Elle ne connaissait que très mal le chemin.

HENRI PETIOT, DIT DANIEL-ROPS, Mort, où est ta victoire?,  1934, page 44. 

Remarque : Les termes mis en série avec abréger exprimant l'idée de suppression partielle ou totale sont très nombreux : diminuer, restreindre, réduire, ... Suivant la nature du contexte, le verbe se colore d'une nuance dépréciative ou valorisante; dans ce dernier cas il est presque synonyme de simplifier, épargner (exemple 3). 3 exemple choisis parmi un grand nombre offrent des groupes antonymes où abréger s'oppose à prolonger (exemple 1, 4), s'arrêter sur (exemple 2). Dans l'exemple 1, l'emploi du verbe avec le substantif d'action conversation montre le lien entre l'acception A et l'acception B. 

B.—  [Le complément (ou le sujet dans l'emploi pronominal) désigne plus spécialement un discours parlé ou écrit, un chant,... (dans ce cas abréger s'emploie le plus souvent en construction absolue)] :

Ø 8. Dans mon premier plan je faisois reparoître cette femme célèbre. L'épisode qu'elle me fournissoit eût été aussi long que celui de Giaffar; j'ai mieux aimé le soustraire que le gâter en l'abrégeant

STÉPHANIE FÉLICITÉ DUCREST DE SAINT-AUBIN, COMTESSE DE GENLIS, Les Chevaliers du Cygne, tome 1, 1795, page XVI. 

Ø 9.... dans l'obligation d'abréger ce qu'il m'a confié, je mutile sans cesse, c'est-à-dire, je gâte.

EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 1, 1823, page 989. 

Ø 10. Il arrive souvent ainsi, en littérature, que des séries entières d'oeuvres antérieures, appartenant à une période finissante de la civilisation avec laquelle elles s'en vont disparaître elles-mêmes, se retrouvent soudainement dans une dernière oeuvre modifiée et supérieure, qui les abrège, les résume et en dispense.

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 1, 1840, page 153. 

Ø 11.... ces adultérations sont plus sensibles encore si vous écoutez, après l'office des Complies, le Salve Regina. Celui-là, on l'abrège de plus de moitié, on l'énerve, on le décolore, on l'ampute de ses neumes, on en fait un moignon de musique ignoble,...

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, En route,  1895, page 179. 

—  En emploi absolu.  Faire court, s'exprimer en peu de mots : 

Ø 12.... tu dois avouer ton escapade en France et ta présence, le 18 juin, dans les environs de Waterloo. Du reste abrège beaucoup, diminue cette aventure, avoue-la seulement pour qu'on ne puisse pas te reprocher de l'avoir cachée; tu étais si jeune alors!

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, La Chartreuse de Parme,  1839, page 11. 

Ø 13.... comment donc, chez un être aussi vibrant, aussi émotif qu'un poète, la continuité ou la répétition des apparences ne feraient-elles pas surgir une image obsédante qu'il tentera de reproduire, et bientôt, plus ou moins consciemment, d'abréger, d'épurer, de styliser, de symboliser?

ÉLIE FAURE, L'Esprit des formes,  1927, page 75. 

Ø 14. Le XVIIIe.  siècle (...) scinde, abrège, aboutit à la phrase « voltairienne », où se forgent la langue moderne et sa concision.

RENÉ HUYGHE, Dialogue avec le visible,  1955, page 43. 

Remarque : Abréger se range à côté des verbes comme (se) résumer, scinder (exemple 14) ou omettre, ou encore à côté de verbes employés métaphoriquement comme mutiler (exemple 9), amputer (exemple 11). Noter la constitution de séries synonymes avec corriger, affiner, ou épurer, styliser, symboliser (exemple 13); en construction absolue, avec supprimer, renoncer, etc. [L'association de abréger à des verbes comme diminuer, raccourcir, réduire, amoindrir et écourter permet de préciser quelques nuances. Diminuer s'applique à des domaines plus concrets] ; raccourcir s'applique au domaine de l'espace et spécialement en parlant de longueur, ce qui le distingue de réduire, spécifiquement employé en parlant du volume; amoindrir et écourter sous-entendent une diminution excessive portant sur la qualité plutôt que sur la quantité; abréger un discours signifie \" le raccourcir \" en le réduisant à ce qui est essentiel, significatif. Le contexte permet le cas échéant, d'ajouter à l'idée d'abrégement une part d'appréciation subjective de la durée, il s'agit de créer l'illusion de l'abrégement (exemple 5 et 6). Dictionnaire de l'Académie Française 1835 est, semble-t-il, le premier à signaler cet emploi : \" Abréger signifie quelquefois, faire paraître moins long. La conversation abrège le chemin (...) \". 

C.—  Emplois techniques. 

—  DROIT FÉODALITÉ.  Abréger un fief, en diminuer de propos délibéré les revenus (confer historique C 2). 

—  LINGUISTIQUE.  Abréger un mot, une syllabe, lui faire subir un abrégement de sa longueur (voir abrégement, abréviation). 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 515. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 1 269, b) 888; XXe.  siècle : a) 381, b) 399. 

 

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