Devoir de Philosophie

ABSENTER (S'), verbe pronominal.

Publié le 28/09/2015

Extrait du document

ABSENTER (S'), verbe pronominal.  

Se rendre absent. 

I.—  Sens propre. 

A.—  [Idée de simple non-présence] 

1. S'absenter de. 

a) [Le sujet est une personne] 

—   [+ indication de lieu et de temps] :

Ø 1.... mais il s'engagea à travailler pour dix et, qui plus est, on put parler devant lui en toute sûreté. Ce secours permit à Leuwen de s'absenter quelquefois un quart d'heure du bureau.

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Lucien Leuwen, tome 2, 1836, page 416. 

Ø 2. Archi-impossible, complètement impossible, d'être jeudi à Baden, ni de m'absenter de Paris pendant une journée, d'ici un grand mois.

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1856, page 132. 

Ø 3. Or, hier soir samedi, la dame Coralie s'est absentée de son domicile, selon son habitude hebdomadaire, pour n'y revenir que le lendemain matin.

PIERRE-ALEXIS, VICOMTE PONSON DU TERRAIL, Rocambole, les drames de Paris, les drames de Paris, tome 4, Les Exploits de Rocambole, les drames de Paris, 1859, page 271. 

—   [+ nom de personne] :

Ø 4.... le voyage se ferait dans des conditions bien inconfortables. De plus, je ne veux pas m'absenter trop loin de mon pauvre domestique qui reste seul à Croisset, à se débattre au milieu des prussiens.

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1871, page 195. 

b) [Le sujet désigne une activité, une fonction humaine] 

—   [+ indication de lieu ou de chose] :

Ø 5. Cela prouve seulement qu'il n'y a que misère et confusion sous le calme apparent des vastes états; que la politique, dans la véritable acception de ce mot, s'est absentée de notre terre, où la diplomatie, où l'administration financière font des pays florissants pour les poèmes, et gagnent des victoires pour les gazettes.

ÉTIENNE PIVERT DE SENANCOUR, Obermann, tome 1, 1840, page 194. 

Ø 6. L'âme doit s'absenter de tout ce qui convient à son naturel, qui est le sensible et le raisonnable. Ce n'est qu'à cette condition qu'elle pourra être conduite à très haute contemplation.

PAUL VALÉRY, Variété V,  1944, page 166. 

2. Emploi absolu. 

a) [Avec indication de la durée ou du moment de l'absence] :

Ø 7. Ce fut seulement lorsque ces demoiselles eurent pris place à table, et après le premier verre vidé, qu'il demanda la permission de s'absenter quelques instants pour aller chercher un convive, et qu'il se dirigea vers la maison qu'habitait Eugène; il le trouva, comme d'ordinaire, à son travail, seul, entouré de ses livres.

ALFRED DE MUSSET, Mimi Pinson, profil de Grisette,  1845, page 222. 

Ø 8.... mais je m'absenterais un mois ou six mois au lieu de huit jours que cela ne ferait de vide proprement dans aucune destinée.

HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal intime,  7 avril 1866, page 231. 

Ø 9. Pour les fêtes, Catherine dut s'absenter : encore la famille. Puis elle partit avec son frère aux sports d'hivere il n'y avait pas moyen d'y échapper; après tout, elle habitait chez lui, elle ne pouvait toujours tout lui refuser.

ELSA TRIOLET, Le Premier accroc coûte deux cents francs, 1945, page 168. 

b) [Sans indication du temps de l'absence] :

Ø 10. Or, si vous venez à penser au peu de mémoire de Monsieur de Mortsauf, aux peines que vous m'avez vue prendre pour l'obliger à s'occuper de ses affaires, vous comprendrez la lourdeur de mon fardeau, l'impossibilité de la déposer un moment. Si je m'absentais, nous serions ruinés.

HONORÉ DE BALZAC, Le Lys dans la vallée,  1836, page 89. 

B.—  [Avec en outre une idée de non-participation, d'abstention] 

—   Emploi prépositionnel (de) ou absolu : 

Ø 11. Octave s'était absenté de la bataille, malade de corps, ou plutôt de courage. Ce jour-là, disait-il dans ses mémoires, un dieu m'avait averti en songe de veiller sur moi. Il fut impitoyable pour les vaincus.

JULES MICHELET, Histoire romaine, tome 2, 1831, page 302. 

Ø 12. Enfin, il n'avait pas participé à la bataille du Macar; et il s'était absenté tout exprès pour fuir l'obligation de combattre le suffète.

GUSTAVE FLAUBERT, Salammbô, tome 2, 1863, page 51. 

Ø 13. Je ne trouvai pas naturel que, dans une nuit où il devait y avoir des coups de fusil échangés, un si brave jeune homme se fût absenté.

JOSEPH ARTHUR COMTE DE GOBINEAU, Nouvelles asiatiques, Les Amants de Kandahar, 1876, page 259. 

II.—  Au figuré.  Devenir inattentif à son entourage ou à soi-même (confer absent II). 

1. Emploi absolu : 

Ø 14. Il devenait menaçant, terrible; puis, brusquement, porta à ses lèvres le crucifix d'un chapelet et s'absenta dans une rapide prière.

ANDRÉ GIDE, Les Caves du Vatican,  1914, page 755. 

2. S'absenter de + pronom personnel réfléchi : 

Ø 15. Il faut prendre au sérieux la signification radicale de l'hésitation; je me fais à partir de l'existence informe de ma subjectivité même. Dans l'hésitation je ne suis ni une absence de conscience —  comme si je pouvais m'absenter de moi-même et laisser la scène vacante pour un autre mode d'existence que l'existence comme volonté — , ni une conscience triomphante —  comme si le temps était un simulacre, un temps pour rire.

PAUL RICOEUR, Philosophie de la volonté,  1949, page 134. 

Remarque générale : On s'absente en donnant l'une ou plusieurs de ces indications : le lieu d'où l'on est absent, le temps de l'absence, la justification de l'absence (volontiers considérée comme une anomalie) : on est obligé, forcé de s'absenter, et l'absence requiert permission, possibilité ou autorisation. Absenter est rare s'il renvoie à l'emploi figuré de l'adjectif, si le sujet du verbe est autre qu'une personne, si le complément de s'absenter est une personne. 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 266. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 248, b) 602; XXe.  siècle : a) 409, b) 348. 

Liens utiles