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ABSORBÉ, -ÉE, participe passé et adjectif. Définition.

Publié le 28/09/2015

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ABSORBÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.  

I.—  Qui est ou a été bu (confer absorber, sémantique I) : 

Ø 1. Les quantités de chaleur, alternativement absorbées ou restituées par un corps qui passe de l'état solide ou liquide à l'état liquide ou gazeux, ou réciproquement, ont aussi une signification mécanique :...

CHARLES RENOUVIER, Essais de critique générale, 3e.  essai, 1864, page 61. 

Ø 2. J'avais plus de plaisir les soirs où un navire absorbé et fluidifié par l'horizon apparaissait tellement de la même couleur que lui, ainsi que dans une toile impressionniste, qu'il semblait aussi de la même matière,...

MARCEL PROUST, À la recherche du temps perdu, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, page 805. 

Ø 3.... car il ne faut peut-être qu'un regard, qu'une larme, pour que tout l'immonde d'une vie humaine soit recouvert, absorbé, consumé dans l'éternel amour.

FRANÇOIS MAURIAC, Journal 1, 1934, page 59. 

Ø 4. Et maintenant tu es mêlée, absorbée dans cet océan de substance spirituelle!

MAURICE DE GUÉRIN, Journal intime ou le Cahier vert,  1935, page 227. 

Ø 5. Et les chiens comprenaient, s'élançaient, disparaissaient en quatre bonds, fondus, absorbés dans les ténèbres et la pluie.

MAXENCE VAN DER MEERSCH, L'Empreinte du dieu,  1936, page 64. 

Ø 6. À contempler la nuit, je ne vois rien, n'aime rien. Je demeure immobile, figé, absorbé en elle.

GEORGES BATAILLE, L'Expérience intérieure,  1943, page 192. 

II.—  Figuré.  Qui a l'esprit tout entier occupé ou profondément attentif à quelque chose (confer absorber, sémantique II et III) : 

Ø 7. Nous ne parlions plus; absorbés, plongés dans le dernier degré de consternation et de faiblesse, nous marchions lentement vers ce que nous croyions être le nord-est, lorsque M. Herman tout-à-coup s'écria :

—  « Nous ne sommes pas loin d'une plantation; nous sommes sauvés... »

MICHEL-GUILLAUME-JEAN, DIT SAINT-JOHN DE CRÈVECOEUR, Voyage dans la Haute Pensylvanie et dans l'État de New-York, tome 2, 1801, page 53. 

Ø 8. Pendant qu'il parloit, Richard observoit Malek Adhel, assis à la même place où il venoit de voir sa soeur un moment auparavant Pâle, immobile comme elle, absorbé de même par une seule idée qui l'empêchoit de voir et d'entendre, et frappé d'une ressemblance si marquée, il ne put s'empêcher de s'écrier : « Non, je ne vis jamais un pareil amour! »

SOPHIE COTTIN, Mathilde, tome 2, 1805, page 197. 

Ø 9.... tu ne connais pas ce supplice singulier d'appliquer violemment son imagination à mille choses différentes et indifférentes quand notre être tout entier est invinciblement absorbé dans un seul souvenir et dans une seule pensée.

VICTOR HUGO, Lettres à la fiancée,  1822, page 193. 

Ø 10. Brisé par la douleur, absorbé dans un état quasi cataleptique, il ne cessait de contempler la figure fascinatrice de Pons, dont les lignes s'épuraient par l'effet du repos absolu de la mort.

HONORÉ DE BALZAC, Le Cousin Pons,  1848, page 277. 

Ø 11. Nous restâmes là longtemps sans parler, accablés, énervés, vaincus, absorbés peut-être dans le regret de notre action, effrayés de ses conséquences et désespérés de notre faiblesse.

MAXIME DU CAMP, Mémoires d'un suicidé,  1853, page 78. 

Ø 12. Pendant une heure, la jeune fille demeura repliée sur elle-même et absorbée en son rêve.

PIERRE-ALEXIS, VICOMTE PONSON DU TERRAIL, Rocambole, les drames de Paris, les drames de Paris, tome 1, L'Héritage mystérieux, 1859, page 353. 

Ø 13. Jean Valjean posa son coude sur la pomme du chevet du lit et son front sur sa main, et se mit à contempler Fantine immobile et étendue. Il demeura ainsi, absorbé, muet, et ne songeant évidemment plus à aucune chose de cette vie.

VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 1, 1862, page 355. 

Ø 14. La mort de son fils lui avait donné un grand coup sur la tête, et elle était tombée comme assommée. Elle demeurait des heures entières, tranquille et inerte, absorbée au fond du néant de son désespoir;...

ÉMILE ZOLA, Thérèse Raquin,  1867, page 89. 

Ø 15. Il me paraît absorbé, perdu par la politique!

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1872, page 23. 

Ø 16. C'était une passion de son corps, un ravissement du satin de sa peau et de la ligne souple de sa taille, qui la tenait sérieuse, attentive, absorbée dans un amour d'elle-même.

ÉMILE ZOLA, Nana,  1880, page 1269. 

Ø 17.... sur l'herbe des îles, les yeux au fond de ses yeux, il restait en extase des journées, absorbé par elle, vidé de son coeur et de son sang.

ÉMILE ZOLA, L'Œuvre,  1886, page 161. 

Ø 18. Dans la chambre la plus incommode du premier étage, celle où il gèle en hiver, où l'on rôtit en été, papa s'enferme farouchement, absorbé, aveuglé et sourd aux bruits du monde, pour... ah! voilà vous n'avez pas lu parce qu'il ne sera jamais terminé, son grand travail sur la malacologie du Fresnois,...

GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Claudine à l'école,  1900, page 38. 

Ø 19. « C'était un spectacle frappant de le voir dans son laboratoire, pensif, triste, absorbé, ne se permettant pas une distraction, pas un sourire... »

MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 10, janvier -avril 1914, page 257. 

Ø 20. À la vérité, elle les prosterne, elle aussi, devant la majesté divine, mais sans les accabler, mais, pour les redresser aussitôt, oublieux d'eux-mêmes, ravis, absorbés par l'être divin, encore plus admirable que terrible.

ABBÉ HENRI BREMOND, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, tome 3, 1921, page 124. 

Ø 21. Le sujet, absorbé dans sa prière, totalement insensible aux choses du monde extérieur, se serait élevé doucement à plusieurs pieds au-dessus du sol.

ALEXIS CARREL, L'Homme cet inconnu,  1935, page 173. 

Remarque : 2 attitudes se dessinent dans l'emploi figuré révélant 2 moments de la vie psychologique; l'être est : —  soit tourné vers l'extérieur, occupé par un intérêt immédiat (l'intérêt du moment) (confer exemple 15 et 17); —  soit totalement centré sur soi, dans un effort d'attention volontaire de concentration, cherchant par exemple la solution d'un problème scientifique (confer exemple 18 et 19); —  ou au contraire replié sur soi par la douleur, provoquée le plus souvent par un événement extérieur dramatique (mort...) (confer exemple 10 et 14); —  l'attitude mystique de contemplation est le seul contexte où l'on ne trouve pas de coloration affective négative (confer exemple 20 et 21). Absorbé évoque donc les attitudes essentielles d'un être, tourné vers soi, dominé par la douleur ou la tristesse, indifférent au monde extérieur, présentant comme conséquence de cet état d'esprit une attitude extérieure caractéristique (état immobile, sourd, muet, cataleptique). 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 384. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 1 088, b) 2 119; XXe.  siècle : a) 2 332, b) 1 803. 

 

Forme dérivée du verbe \"absorber\"

 absorber

ABSORBER, verbe transitif.  

I.—  Emploi transitif. 

A.—  Sens physique. 

1. BIOLOGIE et.  langue commune.  [Le sujet désigne un organisme vivant : substance notamment fluide biologiquement assimilable]  Faire pénétrer quelque chose en soi en vue de l'assimiler : 

Ø 1. Par exemple, pour ce qui concerne la nutrition, les végétaux, qui sont attachés au sol, absorbent immédiatement par leurs racines les parties nutritives des fluides qui l'imbibent...

GEORGES CUVIER, Leçons d'anatomie comparée, tome 1, 1805, page 12. 

Ø 2. Le sang absorbe d'autant plus d'oxygène qu'il est plus noir et d'autant moins qu'il est plus rouge.

CLAUDE BERNARD, , Cahier de notes (1850-1860),  1860, page 130. 

Ø 3. Sur toute la surface des arbres tombait maintenant un voile d'eau fine que la forêt épaisse absorbait sans bruit, comme une énorme éponge.

ALBERT CAMUS, L'Exil et le royaume,  1957, page 1661. 

Remarque : La biologie tend par nature à préciser le sens du verbe : \" Une première condition indispensable à la vie d'un organisme est un apport de substances énergétiques. Cet apport est représenté par les aliments, qui, lors de la digestion, sont transformés en substances assimilables par les cellules et sont absorbés, c'est-à-dire passent dans le sang \".  (Encyclopédie Larousse tome 2 1968, page 781). 

—  En particulier dans la langue commune.  [L'objet désigne une boisson]  Boire jusqu'au bout : 

Ø 4.... le père Roland leva son verre (...) le but par petits coups (...), le coeur plein (...) de regrets, dès qu'il eut absorbé la dernière goutte.

GUY DE MAUPASSANT, Pierre et Jean,  1888, page 335. 

2. [Le sujet désigne une source de chaleur ou de lumière agissant sur un liquide ou la lumière d'un corps désignés par l'objet]  Faire disparaître quelque chose comme par assimilation progressive : 

Ø 5. L'esprit sévère de l'édifice vient surtout de la pierre dont il est construit, un granit grisâtre qui fait des arêtes sèches et absorbe la lumière sans la refléter.

ALBERT T'SERSTEVENS, L'Itinéraire espagnol,  1933, page 222. 

Remarque : Pour le sens précis pris par absorber en optique et dans diverses technologies, confer absorption, absorbant, absorbeur. 

3. Emplois figurés.  [des sens physique 1 ou 2 ou parfois des 2 à la fois] : 

Ø 6. Et, comme le soleil aspire la rosée,

Dans ton sein, à jamais, absorbe ma pensée.

ALPHONSE DE LAMARTINE, Méditations poétiques, La Prière, 1820, page 162. 

Ø 7. Les affections de l'organisme quand elles sont nombreuses (...) attirent à elles presque toutes les forces de l'âme et la fixent ou l'absorbent dans le corps au point que la personnalité, la liberté peuvent disparaître entièrement et que l'homme se trouve comme réduit à l'état de l'animal.

MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal,  1822, page 367. 

Ø 8.... l'âme a besoin d'absorber les sentiments d'une autre âme, de se les assimiler pour les lui restituer plus riches.

HONORÉ DE BALZAC, Eugénie Grandet,  1834, page 227. 

Ø 9. Piquée par une mouche, la feuille est forcée de fournir une abondance de sève pour envelopper et nourrir son ennemi : image de la passion qui absorbe et dévore la meilleure substance de l'âme.

MAURICE BLONDEL, L'Action, Essai d'une critique de la vie, 1893, page 329. 

Ø 10. Jésus la traite en enfant gâtée (...); il l'appelle, l'attire, l'absorbe dans la lumière incréée, lui permet, par une avance d'hoirie, de connaître, vivante, les joies du ciel.

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, En route, tome  2, 1895, page 74. 

Ø 11. L'image ne veut pas se laisser mesurer. Elle a beau parler espace, elle change de grandeur. La moindre valeur l'étend, l'élève, la multiplie. Et le rêveur devient l'être de son image. Il absorbe tout l'espace de son image.

GASTON BACHELARD, La Poétique de l'espace,  1957, page 160. 

Remarque : Dans l'exemple 6 survit peut-être le sens ancien « engloutir ». Dans les exemples 7 et 10 apparaît la construction absorber dans, qu'on retrouvera dans l'emploi pronominal; on constate que la connotation mystique n'est pas la seule possible. 

B.—  Sens abstrait.  [Le sujet désigne une personne, ou une pensée, un sentiment, une sensation, etc.]  Occuper exclusivement et totalement l'attention ou l'activité d'un être : 

Ø 12. Au milieu des affaires, à la tête des troupes, en parcourant les camps, mon adorable Joséphine est seule dans mon coeur, occupe mon esprit, absorbe ma pensée.

NAPOLÉON 1ER, Lettres à Joséphine,  1796, page 21. 

Ø 13. Il y a des idées qui entrent en nous, nous rongent, nous tuent, nous rendent fou, quand nous ne savons pas leur résister. (...) Si nous avons le malheur de laisser une de ces pensées-là se glisser en nous, si nous ne nous apercevons pas dès le début (...) qu'elle revient sans cesse, s'installe, chasse toutes nos préoccupations ordinaires, absorbe toute notre attention et change l'optique de notre jugement, nous sommes perdus.

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, Divorce, 1888, page 1095. 

Ø 14. Tantôt, en effet, nous avons à faire effort pour apercevoir cette sensation, comme si elle se dérobait; tantôt au contraire elle nous envahit, s'impose à nous, et nous absorbe de telle manière que nous employons tout notre effort à nous en dégager, et à rester nous-mêmes.

HENRI BERGSON, Essai sur les données immédiates de la conscience,  1889, page 42. 

Remarque : 1. Dans tous les exemples apparaît une expression de l'idée de totalité (tout, tout entier) ou de celle d'exclusivité (seul). 2. L'exemple 14 montre comment le sens physique peut réapparaître sous le sens abstrait. 

II.—  Emploi pronominal. S'absorber dans (ou en) quelqu'un ou quelque chose.  [Le sujet désigne une personne ou une entité spirituelle; le complément désigne généralement une personne, plus rarement une attitude spirituelle]  Se laisser prendre par quelqu'un ou quelque chose au point de s'identifier avec lui : 

Ø 15.... que quand un homme, par un dégagement absolu de ses sens, s'absorbe dans la contemplation de lui-même, il parvient à y découvrir la divinité, et il la devient en effet...

CONSTANTIN-FRANÇOIS CHASSBOEUF, COMTE DE VOLNEY, Les Ruines ou Méditations sur les révolutions des empires,  1791, page 196. 

Ø 16. L'estime des autres pour celui qu'elle aime est pour beaucoup dans l'amour d'une femme, parce que dans son amant elle cherche un appui et un protecteur, parce qu'elle sent qu'elle s'identifie à lui, qu'elle ne devient plus qu'une partie de lui-même, et s'absorbe en lui, et n'aura plus d'autre considération que la sienne, d'autre bonheur que le sien.

ALPHONSE KARR, Sous les tilleuls,  1832, page 112. 

Ø 17. On dirait que dans la jouissance artistique, la conscience sort d'elle-même et s'absorbe dans un autre être.

ALEXIS CARREL, L'Homme cet inconnu,  1935, page 155. 

Remarque : Pour la construction, confer supra I A 3, remarque. 

 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 476. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 1 873, b) 1 738; XXe.  siècle : a) 2 459, b) 2 267. 

 

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