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ACHEVÉ, -ÉE, participe passé, adjectif et substantif masculin.

Publié le 01/10/2015

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ACHEVÉ, -ÉE, participe passé, adjectif et substantif masculin.  

I.—  Participe passé de achever* 

—  Littéraire (Être) achevé de, suivi d'un infinitif de forme active, mais de valeur passive ou pronominale : 

Ø 1. En 1670, et avant que le recueil de vers chrétiens et autres, qu'il avait confié à La Fontaine, fût même achevé d'imprimer, les escapades de Brienne recommencèrent.

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 4, 1859, page 416. 

Ø 2. Le même soir, comme le duc, achevé de déshabiller, se faisait, selon son habitude, brosser les pieds par Arcangeli (seule fonction qui demeurât à ce grand-vizir déchu), le comte d'Œls apporta un billet, tout frais arrivé des Tuileries.

ÉLÉMIR BOURGES, Le Crépuscule des dieux,  1884, page 168. 

Ø 3. Son amour, maintenant stabilisé, achevé de construire, édifice central de la totale transformation de son âme, il le retrouvait sous les formes qu'il avait encore à cette date, frêle, neuf et dévorant, tel qu'il le combattait au milieu de ses premières joies, et tel aussi qu'il l'avait laissé au passage dans les petits salons déserts.

JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 2, 1933, page 167. 

—  Exception, l'infinitif est à la forme passive : 

Ø 4. Il [le bâtiment] n'était pas achevé d'être bâti, et l'on voyait le ciel à travers les lambourdes de la toiture.

GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, tome 1, 1857, page 116. 

Remarque : Ce tour, jugé tout à fait incorrect par E. Martin (confer bibliographie.) et qui devient de plus en plus usuel selon BRUNOT Pensée 1953, apparaît 11 fois dans la documentation, dans divers textes des XIXe.  et XXe.  siècle (dont une seule occurrence pour le XXe.  siècle, exemple 3), notamment dans l'expression (être) achevé d'imprimer (= \" dont l'impression est terminée \", DICTIONNAIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE  (ÉMILE LITTRÉ)) en parlant d'un ouvrage. Chez certains éditeurs fidèles à la tradition, l'expression achevé d'imprimer continue de figurer en fin de volume, suivie de la mention : sur les presses de... et le plus souvent de la date; elle est fréquemment concurrencée par des expressions moins archaïsantes. Confer infra sous III. 

II.—  Emploi adjectival. 

A.—  Qui a atteint son terme voulu ou naturel. 

1. [En parlant d'une chose concrète ou abstraite] :

Ø 5. D'avoir quitté l'école quelques jours, nous la voyons mieux en la retrouvant : achevée, parachevée, léchée, blanche, la mairie au milieu, flanquée des deux écoles, garçons et filles, la grande cour dont on a respecté les cèdres, heureusement,...

GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Claudine à l'école,  1900, page 241. 

Ø 6. Elle reprit sa même pose, et il voulut la peindre encore, comme une fois déjà, en plus grand seulement, et en plus achevé.

CHARLES-FERDINAND RAMUZ, Aimé Pache, peintre vaudois,  1911, page 195. 

Ø 7. Christine pensa que son chagrin à elle ne pouvait plus augmenter. Il était achevé, total, parfait. Au contraire celui de son frère serait toujours en train de varier.

JOSEPH MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, tome 2, 1933, page 396. 

2. [En parlant d'une personne] :

Ø 8. L'acte se présente à son esprit, net, parfait, viable, comme un enfant achevé émerge enfin des douleurs de la mère.

HENRI DE MONTHERLANT, Le Songe,  1922, page 170. 

—  Au figuré, ironiquement.  Qui a atteint le sommet de son ambition : 

Ø 9. Pas un avenir ne songeait à se greffer sur ce vieillard solitaire. Pas une ambition en herbe ne faisait la folie de verdir à son ombre. Ses chanoines et ses grands vicaires étaient de bons vieux hommes, un peu peuple comme lui, murés comme lui dans ce diocèse sans issue sur le cardinalat, et qui ressemblaient à leur évêque, avec cette différence qu'eux étaient finis, et que lui était achevé.

VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 1, 1862, page 68. 

3. Emplois techniques. 

a) MANÈGE.  

—   Se dit d'un cheval parfaitement dressé, qui a passé par tous les degrés de l'école. On dit un cheval commencé, un cheval acheminé, un cheval achevé (confer Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845). 

—   \" Se dit aussi d'un cheval beau et bien proportionné. Cheval achevé \". (Le dictionnaire universel (ÉMILE LA CHÂTRE) tome 1 1865). 

Remarque : Dans ce dernier sens, l'expression cheval achevé pourrait aussi être rangée infra sous B (idée de perfection). 

b) MATHÉMATIQUES.  Droite achevée. \" Droite portant l'ensemble des nombres réels complété par les symboles +¥ et -¥, avec l'indication des opérations qui peuvent être légitimement effectuées sur ces symboles. \" (Grand Larousse encyclopédique en dix volumes Supplément). 

4. Régional : 

Ø 10. Achever, Achover (Lg.) [= Le Longeron, nom de lieu] , verbe ancien Casser complètement. Ex. : Il y avait trop lourd de poires, la branche est achovée.

Glossaire étymologique et historique des patois et des parlers de l'Anjou (ANATOLE-JOSEPH VERRIER, RENÉ ONILLION)  tome 1 1908. 

B.—  [En bonne et en mauvaise part]  Qui est accompli, parfait dans son genre : 

1. [En parlant d'une chose concrète ou abstraite] :

Ø 11.... une prétention insupportable et une outrecuidance achevée.

PROSPER MÉRIMÉE, Lettres à Monsieur Panizzi, tome 2, 1870, page 116. 

Ø 12. C'est sous les Antonins que le statut des provinces romaines atteint son organisation la plus robuste et que le droit revêt le caractère du monument civil le plus solide de l'Antiquité. Or, c'est sous les Antonins que les plus achevées et les plus imposantes constructions de Rome surgissent un peu partout, masses augustes, courbes continues, murailles géantes, matière dense, poids verticaux permettant des légèretés et des audaces de structure que seul le fer a pu depuis atteindre, ordre imposé par la formule intransigeante du légiste et de l'ingénieur.

ÉLIE FAURE, L'Esprit des formes,  1927, page 45. 

2. [En parlant d'une personne] :

Ø 13. Admire le dernier vers, qui est d'un Casimir Delavigne achevé :

Et Midas aujourd'hui juge encore Apollon. (Midas eut des oreilles d'âne pour avoir préféré Pan à Apollon.)

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1853, page 122. 

Remarque : 1. Quelques syntagmes fréquemment attestés dans différents textes des XIXe.  et XXe.  siècle : type(s) achevé(s) (Maurice Barrès, Mes cahiers, tome 10, 1913, page 243); modèle achevé (Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, page 462; aussi dans les dictionnaires); comique achevé (Élie Faure, L'Esprit des formes, 1927, page 215). 2. C'est dans ce sens seul qu'apparaît une synonymie absolue entre achevé et fini, lorsque les deux adjectifs, pris en mauvaise part qualifient une personne : un coquin achevé, fini. 

III.—  Substantif masculin. 

A.—   [En parlant d'un inanimé] 

1. Ce qui est mené à son terme : 

Ø 14. Ce qui est par soi et non fait s'offre en effet à la pensée comme le type même de l'immobile et de l'achevé.

ÉTIENNE GILSON, L'Esprit de la philosophie médiévale, tome 1, 1931, page 58. 

2. Perfection d'une oeuvre, notamment littéraire, dans le genre auquel elle appartient (confer achèvement C) : 

Ø 15.... nous avons manqué, sans doute, de grand souffle, d'audace (...) mais nous avons possédé, je crois, le sens de l'exquis et de l'achevé.

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Vie littéraire, tome 2, 1890, page 204. 

B.—  IMPRIMERIE.  Achevé d'imprimer. Texte légal placé à la fin d'un volume et qui comporte le nom et l'adresse de l'imprimeur, la date de la fin du tirage, le nom des artistes et techniciens ayant collaboré à l'exécution de l'ouvrage, le numéro et la date du dépôt légal : 

Ø 16. La justification est un prétexte; on pourrait la mettre aussi avec l'achevé d'imprimer.

PAUL CLAUDEL, ANDRÉ GIDE, Correspondance, lettre de Paul Claudel à André Gide, 27 mai 1911, page 175. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 2 477. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 3 353, b) 3 223; XXe.  siècle : a) 2 869, b) 4 220. 

 

Forme dérivée du verbe \"achever\"

 achever

ACHEVER, verbe transitif.  

I.—  Emploi transitif. 

A.—  [Le complément d'objet est généralement un nom d'être inanimé] 

1. Mener à sa fin naturelle ou voulue une chose commencée; compléter. 

a) Usuel : 

Ø 1. Quant à sa conversation [de Montesquiou] , sauf un peu de maniérisme dans l'expression, elle est pleine d'observations aiguës, de remarques délicates, d'aperçus originaux, de trouvailles de jolies phrases et que souvent il termine, il achève, par des sourires de l'oeil, par des gestes nerveux du bout des doigts : une conversation où un analyste prévenu contre l'homme pourrait seulement, à la rigueur, découvrir, dans la concentration un peu mystérieuse du parler, un rien de la conversation d'un fou qui a été une intelligence, alors qu'un moment abandonné de sa folie, il dit des choses raisonnables.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  juillet 1891, page 117. 

Ø 2. Je le sens, voici, pour moi, s'approcher l'heure des grands événements. Cette heure, je l'ai longuement attendue. Quarante ans! Et je n'ai rien fait, j'entends rien achevé, rien consommé.

GEORGES DUHAMEL, Journal de Salavin,  1927, page 10. 

Ø 3. Il y a chez E.-A... une grandeur d'âme qui tient à sa race et la prison achève et couronne en elle une longue tradition de courage.

JULIEN GREEN, Journal,  1941, page 169. 

Ø 4. Ainsi on peut obtenir des phénomènes où le mobile n'apparaît que pris dans le mouvement. Se mouvoir n'est pas pour lui passer tour à tour par une série indéfinie de positions, il n'est donné que commençant, poursuivant ou achevant son mouvement.

MAURICE MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception, 1945, page 312. 

—  Par métonymie, familier.  [L'objet est une personne considérée sous l'angle d'un de ses aspects] :

Ø 5. Le peintre m'achèvera aujourd'hui (= achèvera mon portrait).

FRANÇOIS RAYMOND, Dictionnaire général de la langue française, Paris, Pitois-Levrault et Cie, tome 1, 3e.  édition, 1840. 

Ø 6. ÉLECTRE. —  (...) Prends de moi ta vie, Oreste, et non de ta mère!

ORESTE. —  Pourquoi la hais-tu?... Écoute!

ÉLECTRE. —  Qu'as-tu? Tu me repousses? Voilà bien l'ingratitude des fils. Vous les [= leur formation] achevez à peine, et ils se dégagent, et ils s'évadent.

JEAN GIRAUDOUX, Électre,  1937, I, 8, page 88. 

—  Emploi absolu : 

Ø 7. Nous préparons toujours et n'achevons jamais.

HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal intime,  28 novembre 1866, page 527. 

Remarque : 1. Si dans beaucoup de cas achever, finir et terminer, qui sont tous les trois perfectifs, peuvent s'employer l'un pour l'autre, ils présentent pourtant entre eux certaines nuances sémantiques. Terminer (exemple 1) signifie « mettre un terme à une chose en arrêtant son cours ou son mouvement ». Finir (une chose) signifie « mener une chose jusqu'à son terme, de telle sorte qu'elle soit complète, mais non forcément parfaite ». Achever ajoute à l'idée de « mener à terme » l'idée positive de conformité à un modèle (confer achevé, exemple 9); il se rapporte à l'ouvrage à exécuter ou exécuté, non au sujet qui l'exécute. Consommer (exemple 2) implique l'idée d'un accomplissement définitif, irrévocable; il appartient plutôt au style noble. 2. Syntagmes fréquents : achever sa toilette, - le repas, - ses études, etc. 

—  Achever de, suivi de l'infinitif.  Mener à sa fin, compléter l'action de : 

Ø 8. Ces deux beaux animaux retenaient leur haleine,

Tremblant de réveiller l'enfant expiatoire,

Et les touffes de buis semés de marjolaine,

Achevaient d'embaumer ce premier oratoire.

CHARLES PÉGUY, Ève,  1913, page 832. 

Remarque : Avec une construction archaïque de l'objet pronominal : l'achever de... = achever de le ... : 

Ø 9. Après cette première journée de ministère, la misanthropie de Lucien était de cette forme : il ne songeait pas aux hommes quand il ne les voyait pas, mais leur présence un peu prolongée lui était importune et bientôt insupportable. Pour l'achever de peindre, il trouva, en rentrant à la maison, son père d'une gaieté parfaite.

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Lucien Leuwen, tome 2, 1836, page 297. 

b) Spécialement.  [Le complément désigne des paroles en train de se prononcer]  Finir de dire : 

Ø 10. —  La république! s'écria Laure; il n'y aura donc plus de cour?

—  C'est impossible! répéta la marquise. Rassurez-vous, ma fille. Vous êtes fou, Gaston. La république! Y pensez-vous, mon fils? La France en a tâté et sait trop ce qu'elle vaut. Comme elle achevait ces mots, la porte du salon s'ouvrit, et M. Levrault parut, soutenant de son bras la marche chancelante de l'ouvrier blessé qu'il avait recueilli, et suivi d'une douzaine d'hommes armés qui l'avaient escorté jusqu'à son hôtel.

JULES SANDEAU, Sacs et parchemins,  1851, page 45. 

—  Emploi absolu : 

Ø 11. Là, protégé contre le soleil par un buisson d'arbres-à-plumes, se trouvait un banc où M. Floches m'invita à m'asseoir. Puis tout à coup.

—  L'abbé Santal vous a-t-il dit que mon beau-frère est un peu...? Il n'acheva pas, mais se toucha le front de l'index. Je fus trop interloqué pour pouvoir trouver rien à répondre.

ANDRÉ GIDE, Isabelle,  1911, page 613. 

2. Rendre complète la représentation de quelqu'un ou de quelque chose : 

Ø 12. Ce sont là autant de traits qui achèvent Arnauld et qui le caractérisent au sein de Port-Royal. Homme de bien, il tenait à la bonne renommée sans tache comme à la conscience. Écrivain, il ne répudiait pas l'éloquence au service de la vérité. Chrétien, il ne se refusait pas les premiers mouvements de l'honnête homme, et les impulsions d'un honneur généreux.

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 5, 1859, page 310. 

Ø 13. Par moments, sous le regard des tableaux anciens réunis par Swann dans un arrangement de « collectionneur » qui achevait le caractère démodé, ancien, de cette scène, avec ce duc si « Restauration » et cette cocotte tellement « second Empire », dans un de ses peignoirs qu'il aimait, la dame en rose l'interrompait d'une jacasserie; il s'arrêtait net et plantait sur elle un regard féroce.

MARCEL PROUST, À la recherche du temps perdu, Le Temps retrouvé, 1922, page 1019. 

Remarque : Syntagmes fréquents : achever la ruine de quelqu'un (JULES MICHELET, Le Peuple, 1846, page 52). 

3. [Suivi d'un complément désignant un aliment]  Achever de manger, de boire : 

Ø 14. Jacques achevait son pain en trempant de grosses mies dans l'eau noire des lentilles.

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, Le Pénitencier, 1922, page 718. 

4. Emplois techniques (attestés dans les dictionnaires du XIXe.  siècle seulement : François Raymond, Dictionnaire général de la langue française, Paris, Pitois-Levrault et Cie, tome 1, 3e.  édition, 1840; Dictionnaire universel de la langue française (Louis-Nicolas Bescherelle) 1845; Dictionnaire de la langue française (Émile Littré); etc., où aucun exemple ni aucune citation ne les illustrent). 

—  MANÈGE.  Achever un cheval. Le dresser entièrement (Dictionnaire de la langue française (ÉMILE LITTRÉ)). 

—   [Terme de batteur d'or]  Finir d'étendre l'or ou l'argent sous le marteau (Confer acheveur B). 

—   [Terme de potier]  Se dit de ce qui reste à faire depuis que l'ouvrage est tourné jusqu'à ce qu'il soit fini (Confer achevage). 

—   Faire subir la dernière plongée aux chandelles à la baguette. 

5. Régionalisme (Confer achevé, exemple 10). 

B.—  [Le régime du verbe est indifféremment un nom d'être animé ou un nom d'être inanimé]  Mettre la dernière main pour perfectionner : 

Ø 15. Double tunique, devant seulement : la première en cheviotte avec bouillon de poult-de-soie et la seconde en poult-de-soie, avec bouillon de cheviotte; une frange de soie achèverait bien ces deux tuniques mais taillées beaucoup plus courtes.

STÉPHANE MALLARMÉ, La Dernière mode,  1874, page 748. 

C.—  [Le complément d'objet est un nom d'être animé] 

1. [L'être animé est un animal]  Porter un coup mortel à un animal déjà atteint physiquement; donner le coup de grâce : 

Ø 16. —  C'est par rapport au dîner de ce soir... Nous allons crever, voici trente-six heures que nous ne nous sommes rien mis dans le ventre... Alors, comme il y a là des chevaux, et que ce n'est pas mauvais, la viande des chevaux...

—  N'est-ce pas? caporal, vous en êtes, continua Loubet, parce que plus nous serons, mieux ça vaudra, avec une si grosse bête... Tenez! Il y en a un, là-bas, que nous guettons depuis une heure, ce grand rouge qui a l'air malade. Ce sera plus facile de l'achever. Et il montrait un cheval que la faim venait d'abattre, au bord d'un champ ravagé de betteraves.

ÉMILE ZOLA, La Débâcle,  1892, page 449. 

2. Par extension.  [En parlant de pers]  Syntagme fréquent : achever les blessés (Émile Erckmann et Alexandre Chatrian, dits Erckmann-Chatrian, Histoire d'un paysan, tome 3, 1870, page 196). 

—   [En parlant de choses] :

Ø 17. La comédie des Précieuses ridicules tua le genre (1659) : Boileau survenant l'acheva par les coups précis et bien dirigés dont il atteignit les fuyards.

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 5, 1859, page 324. 

Ø 18. Nous y aurions perdu, certes, le beau plaidoyer de Valéry qui l'eût accusé « de confondre l'exercice avec l'oeuvre », mais nous y aurions gagné des oeuvres moins achevées (au sens où l'on achève un blessé), mais vivantes et considérablement plus éloquentes.

ANDRÉ LHOTE, Peinture d'abord,  1942, page 144. 

—  Au figuré.  Mettre le comble à une situation critique : 

Ø 19. Une à une, les images épuisent sur nous leur dessin, puis, en plein désordre de la conscience, la raison vient qui nous achève. Autant que l'instinct même, la haute faculté dont nous sommes fiers a sa panique.

GEORGES BERNANOS, Sous le soleil de Satan,  1926, page 263. 

—  Familier.  Enivrer entièrement : 

Ø 20. Quelle belle soirée j'ai passée vendredi dans les coulisses du Cirque, en compagnie du coiffeur de ces dames! Frédérick Lemaître l'avait soûlé et Person l'avait achevé. Il était plus rouge que les boîtes de fard étalées sur la table de toilette, il ruisselait de cold-cream, de sueur et de vin.

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1856, page 108. 

II.—  Emploi pronominal. 

A.—  [Le sujet du verbe est un nom d'être inanimé ou animé] 

1. Conduire à sa fin une action commencée (confer supra I A 1 a). 

—  Pronominal réfléchi : 

Ø 21. Jésus mort répandait un rayonnement blême;

La mort, comme n'osant s'achever elle-même,

Laissait flotter, au trou morne et sanglant des yeux,

Le reste d'un regard tendre et mystérieux.

VICTOR HUGO, La Fin de Satan,  1885, page 877. 

—  Pronominal passif : 

Ø 22. C'est de ce chaste, de ce sauvage, que je voulais faire mon héritier. Je raconterai, par la suite, ce qui fut le deuil de ma vie. Car il ne suffit pas d'être, puis d'avoir été : il faut léguer et faire en sorte que l'on ne s'achève pas à soi-même, me répétait déjà mon grand-père.

ANDRÉ GIDE, Thésée,  1946, page 1418. 

2. Devenir complet (confer supra I A 1 a) : 

Ø 23. Deneulin (...) visita la fosse. Il était pâle, très calme (...) il s'arrêta devant le puits (...) regarda les câbles coupés (...) Puis, il descendit aux chaudières, marcha lentement devant les foyers éteints, béants et inondés (...) Allons! c'était bien fini, sa ruine s'achevait.

ÉMILE ZOLA, Germinal,  1885, page 1416. 

3. Arriver à la dernière perfection (confer supra I B) : 

Ø 24. La science s'achève par le style comme une plante par sa fleur.

HYPPOLYTE-ADOLPHE TAINE. Nouveau Larousse illustré. ). 

Remarque : Cette acception n'a été rencontrée que dans Nouveau Larousse illustré et Larousse du xxe.  siècle en six volumes. 

B.—  [Le sujet du verbe est un nom de personne] 

1. Se mettre dans une situation critique (confer supra I C 2) : 

Ø 25. —  Eh bien! nous y voilà encore, dit-il [le docteur Cazenove] . Je suis accouru pour vous serrer la main. Mais vous savez que je n'en ferai pas plus que cette enfant Mon cher, quand on a hérité de la goutte et qu'on a dépassé la cinquantaine, on doit en prendre le deuil. Ajoutez que vous vous êtes achevé avec un tas de drogues... Vous connaissez le seul remède : patience et flanelle!

ÉMILE ZOLA, La Joie de vivre,  1884, page 836. 

2. S'enivrer entièrement (confer supra I C 2) : 

Ø 26. Des soldats ouvrirent plusieurs fenêtres (...). Ils furent stupéfaits. Une certaine de camarades étaient là, en train de s'achever, soûls comme des grives, heureux, incapables de gestes, chahutant du képi dans un frémissement clair de baïonnettes.

LÉON HENNIQUE, Les Soirées de Médan, L'Affaire du Grand 7, 1880, page 251. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 6 797. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 8 521, b) 10 002 : XXe.  siècle : a) 10 969, b) 9 678. 

 

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