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AFFAMANT, -ANTE, participe présent et adjectif.

Publié le 06/10/2015

Extrait du document

AFFAMEMENT, substantif masculin. AFFAMATION, substantif féminin.  

A.—  1. Action d'affamer. 

2. État de personnes affamées. 

a) [Avec un complément prépositionnel de + substantif désignant les victimes de l'action] :

Ø 1.... mais l'affamement de millions de chômeurs vaut la moisson des mitrailleuses. Le bourgeois se sent à l'abri; jusqu'à quand?...

ANDRÉ GIDE, Journal,  1932, page 1132. 

Ø 2.... il eût été, à mon avis, beaucoup plus simple 1o.  de fermer tous les tripots; 2o.  de récupérer les fonds secrets de la S.G... 3o.  de dégorger tous les André et Zographos des milliards de la cagnotte, et d'éviter ainsi l'affamement des milliers et des milliers de pauvres gens...

LÉON DAUDET, La Police politique,  1934, page 108. 

b) Emploi absolu : 

Ø 3. Ce blocus est en théorie une mesure de guerre contre l'Allemagne : en pratique, c'est la France qui risque d'en pâtir le plus... Ou bien va-t-on faire fléchir, d'une manière ou d'une autre, la volonté d'affamement de l'Angleterre?

L'Œuvre.  5 mars 1941. 

Remarque : Dans cet exemple, de l'Angleterre dépend de volonté. 

B.—    Au figuré.  [Avec généralement un complément prépositionnel de + substantif exprimant l'objet du désir]  Désir passionné, engouement : 

Ø 4.... cet affamement de lectures romanesques qui tient le peuple de Paris.

ALPHONSE DAUDET. Jack, tome 2,  1876, page 278. 

Ø 5. Jamais ne s'est montré si bien en un événement si triste l'affamement de publicité qu'a le Parisien du XIXe.  siècle!

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  mai 1887, page 679. 

Ø 6. Et il constate avec Bauër l'affamement que dans ce moment le Théâtre-français aurait de pièces gaies, de pièces vaudevillières, de pièces convoitées par Féraudy et la majorité du Comité,...

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  avril 1894, page 557. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 3. 

AFFAMANT, -ANTE, participe présent et adjectif.  

A.—  Participe présent de affamer* 

B.—  Adjectif. 

1. Propre à déclencher le mécanisme de la faim, ou à exciter l\\'appétit. Régime affamant, médication affamante (Grand dictionnaire universel du XIXe.  siècle (Pierre Larousse)) : 

Ø 1. On n\\'arrive à la vraie guerre que parce qu\\'elle est moins dangereuse, moins affamante, moins meurtrière, moins détestable que les hypocrites guerres de la paix.

PIERRE MILLE, Barnavaux et quelques femmes...,  1908, page 311. 

Ø 2. Car c\\'était dans ce restaurant que Bloch et ses amis étaient venus longtemps, ivres d\\'un jeûne aussi affamant que le jeûne rituel, lequel du moins n\\'a lieu qu\\'une fois par an,...

MARCEL PROUST, À la recherche du temps perdu, Le Côté de Guermantes, tome 2, 1921, page 400. 

2. Au figuré.  [En parlant de sentiments ou de plaisirs]  Qui soulève des désirs toujours plus grands, qui rend insatiable. Une ambition affamante (Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle (Pierre Larousse), Nouveau Larousse illustré, Larousse du XXe.  siècle en six volumes) : 

Ø 3. Aimer tout ce qui nous avertit de notre insatiable grandeur; préférer le moins au plus et les privations rassasiantes aux plaisirs affamants; nous complaire dans le sentiment de notre manque, c\\'est pénible, sans doute, mais salutaire.

MAURICE BLONDEL, L\\'Action, Essai d\\'une critique de la vie,  1893, pages 382-383. 

Ø 4. Je me rappelle bien qu\\'aussitôt après la lecture du désespéré, comprenant que ce livre n\\'était qu\\'une déchirante autobiographie, il vous parut dérisoire de ne m\\'offrir que d\\'économiques et affamantes congratulations sur mon grand art de souffrir pour l\\'amusement des amateurs.

LÉON BLOY, Journal,  1899, page 371. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 10. 

 

Forme dérivée du verbe \\\"affamer\\\"

 affamer

AFFAMER, verbe transitif.  

A.—  Emploi transitif. 

1. Au propre. 

a) [Le sujet est un animé, l\\'objet un animé ou un collectif]  Ôter les vivres, faire souffrir de la faim par la privation de nourriture. Affamer un peuple, une armée, une nation : 

Ø 1. Alors le Vercingétorix déclare aux siens qu\\'il n\\'y a point de salut s\\'ils ne parviennent à affamer l\\'armée romaine;...

JULES MICHELET, Histoire romaine, tome 2, 1831, page 246. 

Ø 2. Ils veulent, disent-ils, affamer le peuple de Paris, en le privant de travail;...

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Lucien Leuwen, tome 1, 1836, page 71. 

Ø 3. Cyrus Smith ne pourrait évidemment pas résister à cinquante bandits, armés de toutes pièces, qui, soit en pénétrant de vive force dans Granite-House, soit en y affamant les assiégés, auraient raison d\\'eux.

JULES VERNE, L\\'Île mystérieuse,  1847, page 434. 

Ø 4. Que nous ayons affaire ou non à une espèce de renards qui se laisseront affamer et crever de faim dans leur terrier, il reste que leur imagination, les ressources de leur esprit ne sont pas à la mesure de ce qui est;...

FRANÇOIS MAURIAC, Journal 3, 1940, page 282. 

—  Affamer à mort. Laisser mourir de faim : 

Ø 5.... on les parquait [les hommes et les femmes] dans des hôpitaux où systématiquement on les affamait à mort.

SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins,  1954, page 297. 

b) [Le sujet est un inanimé, généralement en parlant de l\\'air ou de toute cause extérieure agissant sur l\\'organisme]  Causer, exciter la faim, l\\'appétit : 

Ø 6.... le grand air salin les avait affamés [Jeanne et le vicomte] ...

GUY DE MAUPASSANT, Une Vie,  1883, page 36. 

2. Par extension.  Affaiblir, atténuer un effet par une quelconque privation : 

Ø 7. La diète affame la maladie; mais elle affame bien plus encore la vitalité.

FRANÇOIS-VINCENT RASPAIL (Larousse 19e. ). 

—  Affamer une écriture. La rendre plus déliée, plus maigre. 

—  Vieux. Affamer un habit, un ameublement. Épargner trop d\\'étoffe. 

Remarque : Dictionnaire de l\\'Académie Française 1798 qui enregistre le sens précise : \\\" En ce sens son usage le plus ordinaire est au participe. \\\" 

3. Sens technique. 

a) ARBORICULTURE, HORTICULTURE.  

—  Affamer une plante, un arbre. Les priver d\\'une partie de leur nourriture pour arrêter un plus grand développement du bois nuisible aux fleurs et aux fruits. 

—   [En parlant d\\'un bourgeon, d\\'une plante...]  Épuiser, effriter : 

Ø 8. On dit : Ce bourgeon affame cette partie de l\\'arbre... Il se dit parfois des plantes épuisantes, de celles dont les racines enlèvent promptement au sol dans lequel elles sont placées les principes assimilables. Dans ce cas affamer est synonyme d\\'effriter.

ÉLIE-ABEL CARRIÈRE, Encyclopédie horticole,  1862, page 10. 

b) ARCHITECTURE.  

Ø 9. Affamer. —  Terminer brusquement une moulure par une section oblique, plane ou courbe.

JULES ADELINE, Lexique des termes d\\'art,  1884. 

c) CONSTRUCTION.  

—   \\\" Affaiblir une pièce de bois, un bloc de pierre en le dégrossissant trop. \\\" (Dictionnaire général de la langue française (ADOLPHE HATZFELD, ARSÈNE DARMESTETER)). 

—   \\\" Diminuer une pièce de charpente dans un endroit où on veut pratiquer une mortaise, un trou de boulon. \\\" (Dictionnaire général de la langue française (ADOLPHE HATZFELD, ARSÈNE DARMESTETER)). 

d) PÊCHE.  \\\" Attirer, à l\\'aide d\\'un appât, le poisson à fleur d\\'eau, à l\\'endroit où le filet est tendu. \\\" (Grand dictionnaire universel du XIXe.  siècle (Pierre Larousse)). 

Remarque : Attesté dans Traité général des Eaux et Forêts - Chasses et pêches (Jacques-Joseph Baudrillart) 1827, Dictionnaire de l\\'Académie Française, Compléments 1842 et Dictionnaire universel de la langue française (Louis-Nicolas Bescherelle) 1845. Jacques-Joseph Baudrillart, opere citato, précise : \\\" On emploie la résure, rave ou rogue pour bouetter, affaner ou affamer les sardines, c\\'est-à-dire pour les engager à s\\'élever du fond de la mer et à donner dans les filets qui dérivent à fleur d\\'eau. \\\" 

4. Au figuré. 

a) Rendre avide de, donner des désirs à quelqu\\'un en le privant de biens corporels, spirituels ou intellectuels : 

Ø 10. Il faut aux femmes des couvents libres, asiles, ateliers temporaires, et que les couvents ne les affament plus.

JULES MICHELET, Le Peuple,  1846, page 355. 

Ø 11.... il la priva même, pour la mieux affamer, pour la mieux appauvrir, et faire plus dure sa privation, de la lecture des livres saints parmi les plus saints.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Madame Gervaisais,  1869, page 229. 

—  Affamer le coeur, l\\'esprit, l\\'intelligence : 

Ø 12. « Établirez-vous une oligarchie de vingt monopoleurs pour affamer nos esprits? »

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Essai sur la littérature anglaise, tome 2, 1836, page 27. 

·    Opposition paradigm : affamer-appauvrir, privation (confer exemple 11); affamer/altérer (Francis Jammes, Les Géorgiques chrétiennes, 1912, page 78); nourrir, affamer/grandir, ravaler (Émile Verhaeren, La Multiple splendeur, tome 1, 1906, page 111); mortifier/affamer (Henri Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, tome 4, 1920, page 566). 

b) Priver quelqu\\'un de tout moyen de travail intellectuel : 

Ø 13. Le malheureux prisonnier se vit enlever plumes, encre, livres; on voulait absolument l\\'affamer.

Le dictionnaire universel (ÉMILE LA CHÂTRE)  tome 1 1865. 

c) Familier. Affamer une table, les convives. Manger tout, ne rien laisser aux autres : 

Ø 14. C\\'est un homme capable d\\'affamer toute une table.

Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE)  1845. 

B.—  emploi absolu. 

1. Faire souffrir de la faim par la privation de vivres (confer A 1 a) : 

Ø 15. « Les Prussiens! » Ils n\\'en avaient jamais aperçu, mais ils les sentaient là depuis des mois, autour de Paris, ruinant la France, pillant, massacrant, affamant, invisibles et tout-puissants.

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, 1883, Deux amis, page 189. 

2. Causer, exciter la faim (confer A 1 b) : 

Ø 16. Un fort relent de friture, de stockfish, de saucisses chaudes bouillies, qu\\'on enveloppe dans un petit pain, de gaufres, de beignets, de mangeaille odorante, flottait et affamait davantage.

MAXENCE VAN DER MEERSCH, L\\'Empreinte du dieu,  1936, page 110. 

C.—  Emploi pronominal. S\\'affamer. 

1. Au propre. 

a) Être affamé. Souffrir de la faim : 

Ø 17. Donc, elle [l\\'araignée] s\\'affame pour se nourrir, elle s\\'épuise pour se refaire, elle se maigrit sur l\\'espoir incertain de s\\'engraisser.

JULES MICHELET, L\\'Insecte,  1857, page 202. 

Remarque : Attesté dans Larousse du xxe.  siècle en six volumes avec le même exemple cité en partie. 

—  S\\'affamer de : 

Ø 18. De même que ces gamines qui, sous le coup de la puberté, s\\'affament de mets altérés ou abjects, il en vint à rêver, à pratiquer les amours exceptionnelles, les joies déviées;...

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, À Rebours,  1884, page 10. 

b) Rare.  Se laisser mourir de faim : 

Ø 19. Prenez garde, Monseigneur, car je crois que votre fils s\\'affame.

ALEXANDRE DUMAS (LA CHÂTRE TOME 1 ). 

2. Par extension.  Tomber dans la misère, le dénuement : 

Ø 20. Quelquefois le travailleur se trompera dans son calcul, ou bien, emporté par la passion, il sacrifiera un bien immédiat pour une jouissance prématurée, et après avoir sué le sang et l\\'eau, il s\\'affamera.

PIERRE-JOSEPH PROUDHON (Larousse 19e. ). 

3. Au figuré. 

a) [Le sujet est une personne]  Devenir plus avide : 

Ø 21. Saccard s\\'affamait, sentait ses désirs s\\'accroître, à voir ce ruissellement d\\'or qui lui glissait entre les mains.

ÉMILE ZOLA, La Curée,  1872, page 416. 

b) [Le sujet est un inanimé abstrait (personnifié)] :

Ø 22.... il savait, par expérience, que l\\'obscénité ne se tarit pas et que la luxure s\\'affame, à mesure qu\\'on l\\'alimente.

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, En route, tome 1, 1895, page 133. 

D.—  Emploi intransitif, rare.  Souffrir de la faim : 

Ø 23.... moi, je trafique, j\\'achète, je vends. Je suis utile. Par moi, les gens bouffent. Ceux de ta bande, ils affament.

MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14,  1935, page 320. 

Remarque : Résurgence littéraire d\\'un sens bien attesté en ancien français (confer Dictionnaire de l\\'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe.  siècle (Frédéric Godefroy) et Altfranzösisches Wörterbuch (Adolf Tobler, Erhard Lommatzsch)). 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 97. 

 

AFFAMÉ, -ÉE, part passé, adjectif et substantif.  

A.—  Participe passé de affamer* 

B.—  Emploi adjectival. 

1. Qui souffre de la faim, par absence ou privation de nourriture (confer affamer A 1) : 

Ø 1.... « La France est couverte de soldats et même d'étrangers; Paris est bloqué et affamé, les campagnes pillées et épuisées, les églises même saccagées;... »

PROSPER DE BARANTE, Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, tome 3, 1824, page 181. 

Ø 2. S'il n'avait pas fumé depuis longtemps, il me parut vraisemblable qu'il n'avait pas mangé depuis quarante-huit heures au moins. Il dévorait comme un loup affamé.

PROSPER MÉRIMÉE, Carmen,  1847, page 8. 

Ø 3. La grue est un oiseau constamment affamé, d'intelligence courte et de pied allongé.

FRANCIS JAMMES, Les Géorgiques chrétiennes,  1912, page 46. 

—   Proverbe. Ventre affamé n'a pas d'oreilles. Celui qui a faim n'écoute guère ce qu'on lui dit : 

Ø 4. Vous êtes aises comme des rats en paille; vous avez le dos au feu et le ventre à table; on vous prêche et vous n'écoutez pas; je le crois bien, ventre affamé n'a point d'oreilles; mais aussi rira bien qui rira le dernier.

RÉMY DE GOURMONT, Esthétique de la langue française,  1899, page 281. 

—   Variante. Ventre affamé n'a point de morale (Pierre-Joseph Proudhon, Qu'est-ce que la propriété?, 1840, page 188). 

2. Par extension. 

a) Vieux. Écriture affamée (\" déliée \"), habit affamé (\" où l'on a trop économisé l'étoffe \") : confer affamer A 2. 

b) Emplois techniques. 

—  CONSTRUCTION.  \" Se dit d'un bloc de pierre, de marbre ou de bois, qui, après l'ébauchage, n'a plus assez de matière pour qu'on puisse donner au travail fini les dimensions prévues. \" (Dictionnaire des termes employés dans la construction (PIERRE CHABAT) tome 1 1875). 

—  GÉOLOGIE, AGRONOMIE.  

·    Sol affamé. Qui ne retient pas l'eau, peu productif. 

·    Terre affamée. \" Qui a perdu ses substances fertilisantes, en particulier qui a été épuisée par des plantes adventices. \" (Dictionnaire des sols (GEORGES PLAISANCE, ANDRÉ CAILLEUX) 1958) : 

Ø 5. Le terrain maigre est « ganit », ce qui signifie affamé, tandis que le gras se contente de peu.

JOSEPH DE PESQUIDOUX, Le Livre de raison, tome 2, 1928, page 4. 

3. Au figuré et littéraire. 

a) Affamé de + substantif ou verbe à l'infinitif.  Passionnément avide de, animé du vif désir de. 

—   [Suivi d'un substantif, inanimé abstrait]  Affamé d'amour, de justice, de vérité : 

Ø 6. Pourquoi mon âme n'est-elle pas affamée de justice et de vérité comme mon corps de nourriture et mes sens divers des excitations accoutumées?

MARIE-FRANÇOISE-PIERRE GONCTHIER DE BIRAN, DIT MAINE DE BIRAN, Journal,  1820, page 277. 

Ø 7.... je lui ouvris mon coeur, gros d'affection; j'essayai de la toucher par l'éloquence d'une plaidoirie affamée d'amour, et dont les accents eussent remué les entrailles d'une marâtre.

HONORÉ DE BALZAC, Le Lys dans la vallée,  1836, page 20. 

Remarque : Syntagmes littéraire : affamé d'argent (ALBERT THIBAUDET, Réflexions sur la littérature, 1936, page 74); affamé de douleur (JULES MICHELET, Introduction à l'histoire universelle, 1831, page 419); affamé de vengeance (A. DUMAS Père, Le Comte de Monte-Cristo, tome 2, 1846, page 712). 

—   [Suivi d'un substantif désignant une personne, ou d'un pronom (personnel, indéfini)]  Affamé de soi, l'un de l'autre, etc. : 

Ø 8. Dès la première rencontre, il [Prada] voulut Benedetta. Celle-ci, il ne pouvait l'avoir comme maîtresse, elle n'était qu'à épouser; et il n'hésita pas un instant.. brusquement affamé de cette pure virginité...

ÉMILE ZOLA, Rome,  1896, page 39. 

Ø 9. Délivrez-le et délivrez-moi pour la vie éternelle que vous avez promise à tous ceux qui seraient affamés de vous.

LÉON BLOY, Journal,  1905, page 273. 

—   [Suivi d'un verbe infinitif]  Passionnément désireux d'accomplir ou de voir s'accomplir une action : 

Ø 10.... j'écrirai cette histoire-là quelque jour, car je suis affamé de me conter à moi-même —  tout ce que je fais c'est pour me faire plaisir — .

GUSTAVE FLAUBERT, Souvenirs, notes et pensées intimes,  1841, page 103. 

Ø 11. Au premier regard, elle comprit que je revenais à elle épuisé, affamé de la voir et le coeur intact.

EUGÈNE FROMENTIN, Dominique,  1863, page 203. 

Remarque : Syntagme littéraire : affamé de mourir (EDMOND ABOUT, Le Roi des montagnes, 1857, page 246). 

b) Absolument, généralement péjoratif.  Avide, cupide, insatiable. 

—   [Appliqué à une personne] :

Ø 12. À force de s'aimer cependant, de se le dire, de toujours fouiller d'une main prodigue dans les trésors de leur nature, ils étaient devenus d'une cupidité insatiable, et comme la vie humaine n'a pas de boissons pour toutes les soifs ni de mets rassasiants pour tous les appétits, altérés, affamés, ils se contemplaient avec douleur.

GUSTAVE FLAUBERT, La Première éducation sentimentale.  1845, pages 166-167. 

Ø 13. J'avais frappé à toutes les bourses royalistes; aucune ne s'ouvrit : on me conseilla de m'adresser à M. Laffitte et M. Laffitte m'avança dix mille francs que je jetai dans la gueule des créanciers les plus affamés.

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 4, 1848, pages 102-103. 

—   [Appliqué à un inanimé abstrait]  Amour affamé, passion affamée : 

Ø 14. Maintenant la vie était là, tout près de moi, et le temps n'était plus; et ce temps disparu mangeait ma vie. La passion affamée engloutissait mes heures, mes jours. J'aimais.

OSCAR VLADISLAS DE LUBICZ-MILOSZ, L'Amoureuse initiation,  1910, pages 63-64. 

C.—  Emploi comme substantif, familier ou littéraire. 

1. Celui, celle qui souffre de la faim : 

Ø 15. Ils sont de force à dire à un affamé : mangez donc! et n'oublient que de lui donner du pain.

HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal intime,  17 avril 1866, page 249. 

Ø 16.... et voici que je n'en puis plus et que je suis comme un affamé qui ne peut retenir ses larmes à la vue de la nourriture!

PAUL CLAUDEL, Partage de midi, 1re.  version, 1906, II, page 1026. 

2. Au figuré. 

a) Affamé de : 

Ø 17.... il faut de la pâture aux affamés de temps; quand on a dévoré cinquante ou soixante ans, on se couche en pleine fringale.

LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, La Vie unanime,  1908, page 244. 

Remarque : Syntagmes : affamés de vertu (E. ERNEST PSICHARI, Le Voyage du centurion, 1914, page 187); affamé d'infini (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 6, 1907-1908, page 64). 

b) Absolument.  Celui, celle qui éprouve des désirs ardents. Péjoratif.  Personne que la cupidité rend avide : 

Ø 18.... je ne vois pas pourquoi les prophètes seraient dispensés de donner leur chair pour nourriture à l'affamée immense et sombre, la nature.

VICTOR HUGO, La Légende des siècles, tome 6, 1883, page 185. 

Ø 19.... je la saisis dans mes deux bras et je me mis à l'embrasser, mais à l'embrasser, comme un affamé, comme un homme qui attend ça depuis longtemps.

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, La Patronne, 1884, page 699. 

Ø 20. Il éprouvait, à devoir se jeter dans cette mêlée, à être confondu avec la bande d'affamés, de cupides et d'ambitieux qui se ruaient à l'assaut des honneurs, une espèce d'écoeurement et de honte, comme s'il avait souillé sa soutane.

MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14,  1935, page 493. 

3. Argot des voleurs. L'affamée. La bouche : 

Ø 21. Affamée (l') : La bouche. Allusion à la faim ou à la femme hystérique affamée de baisers (Argot des voleurs) N [ouveau] .

CHARLES VIRMAÎTRE, Dictionnaire d'argot fin-de-siècle,  1894, page 4. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 818. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 877, b) 1 476; XXe.  siècle : a) 1 759, b) 880. 

 

Forme dérivée du verbe \"affamer\"

 affamer

AFFAMER, verbe transitif.  

A.—  Emploi transitif. 

1. Au propre. 

a) [Le sujet est un animé, l'objet un animé ou un collectif]  Ôter les vivres, faire souffrir de la faim par la privation de nourriture. Affamer un peuple, une armée, une nation : 

Ø 1. Alors le Vercingétorix déclare aux siens qu'il n'y a point de salut s'ils ne parviennent à affamer l'armée romaine;...

JULES MICHELET, Histoire romaine, tome 2, 1831, page 246. 

Ø 2. Ils veulent, disent-ils, affamer le peuple de Paris, en le privant de travail;...

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Lucien Leuwen, tome 1, 1836, page 71. 

Ø 3. Cyrus Smith ne pourrait évidemment pas résister à cinquante bandits, armés de toutes pièces, qui, soit en pénétrant de vive force dans Granite-House, soit en y affamant les assiégés, auraient raison d'eux.

JULES VERNE, L'Île mystérieuse,  1847, page 434. 

Ø 4. Que nous ayons affaire ou non à une espèce de renards qui se laisseront affamer et crever de faim dans leur terrier, il reste que leur imagination, les ressources de leur esprit ne sont pas à la mesure de ce qui est;...

FRANÇOIS MAURIAC, Journal 3, 1940, page 282. 

—  Affamer à mort. Laisser mourir de faim : 

Ø 5.... on les parquait [les hommes et les femmes] dans des hôpitaux où systématiquement on les affamait à mort.

SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins,  1954, page 297. 

b) [Le sujet est un inanimé, généralement en parlant de l'air ou de toute cause extérieure agissant sur l'organisme]  Causer, exciter la faim, l'appétit : 

Ø 6.... le grand air salin les avait affamés [Jeanne et le vicomte] ...

GUY DE MAUPASSANT, Une Vie,  1883, page 36. 

2. Par extension.  Affaiblir, atténuer un effet par une quelconque privation : 

Ø 7. La diète affame la maladie; mais elle affame bien plus encore la vitalité.

FRANÇOIS-VINCENT RASPAIL (Larousse 19e. ). 

—  Affamer une écriture. La rendre plus déliée, plus maigre. 

—  Vieux. Affamer un habit, un ameublement. Épargner trop d'étoffe. 

Remarque : Dictionnaire de l'Académie Française 1798 qui enregistre le sens précise : \" En ce sens son usage le plus ordinaire est au participe. \" 

3. Sens technique. 

a) ARBORICULTURE, HORTICULTURE.  

—  Affamer une plante, un arbre. Les priver d'une partie de leur nourriture pour arrêter un plus grand développement du bois nuisible aux fleurs et aux fruits. 

—   [En parlant d'un bourgeon, d'une plante...]  Épuiser, effriter : 

Ø 8. On dit : Ce bourgeon affame cette partie de l'arbre... Il se dit parfois des plantes épuisantes, de celles dont les racines enlèvent promptement au sol dans lequel elles sont placées les principes assimilables. Dans ce cas affamer est synonyme d'effriter.

ÉLIE-ABEL CARRIÈRE, Encyclopédie horticole,  1862, page 10. 

b) ARCHITECTURE.  

Ø 9. Affamer. —  Terminer brusquement une moulure par une section oblique, plane ou courbe.

JULES ADELINE, Lexique des termes d'art,  1884. 

c) CONSTRUCTION.  

—   \" Affaiblir une pièce de bois, un bloc de pierre en le dégrossissant trop. \" (Dictionnaire général de la langue française (ADOLPHE HATZFELD, ARSÈNE DARMESTETER)). 

—   \" Diminuer une pièce de charpente dans un endroit où on veut pratiquer une mortaise, un trou de boulon. \" (Dictionnaire général de la langue française (ADOLPHE HATZFELD, ARSÈNE DARMESTETER)). 

d) PÊCHE.  \" Attirer, à l'aide d'un appât, le poisson à fleur d'eau, à l'endroit où le filet est tendu. \" (Grand dictionnaire universel du XIXe.  siècle (Pierre Larousse)). 

Remarque : Attesté dans Traité général des Eaux et Forêts - Chasses et pêches (Jacques-Joseph Baudrillart) 1827, Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842 et Dictionnaire universel de la langue française (Louis-Nicolas Bescherelle) 1845. Jacques-Joseph Baudrillart, opere citato, précise : \" On emploie la résure, rave ou rogue pour bouetter, affaner ou affamer les sardines, c'est-à-dire pour les engager à s'élever du fond de la mer et à donner dans les filets qui dérivent à fleur d'eau. \" 

4. Au figuré. 

a) Rendre avide de, donner des désirs à quelqu'un en le privant de biens corporels, spirituels ou intellectuels : 

Ø 10. Il faut aux femmes des couvents libres, asiles, ateliers temporaires, et que les couvents ne les affament plus.

JULES MICHELET, Le Peuple,  1846, page 355. 

Ø 11.... il la priva même, pour la mieux affamer, pour la mieux appauvrir, et faire plus dure sa privation, de la lecture des livres saints parmi les plus saints.

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Madame Gervaisais,  1869, page 229. 

—  Affamer le coeur, l'esprit, l'intelligence : 

Ø 12. « Établirez-vous une oligarchie de vingt monopoleurs pour affamer nos esprits? »

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Essai sur la littérature anglaise, tome 2, 1836, page 27. 

·    Opposition paradigm : affamer-appauvrir, privation (confer exemple 11); affamer/altérer (Francis Jammes, Les Géorgiques chrétiennes, 1912, page 78); nourrir, affamer/grandir, ravaler (Émile Verhaeren, La Multiple splendeur, tome 1, 1906, page 111); mortifier/affamer (Henri Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, tome 4, 1920, page 566). 

b) Priver quelqu'un de tout moyen de travail intellectuel : 

Ø 13. Le malheureux prisonnier se vit enlever plumes, encre, livres; on voulait absolument l'affamer.

Le dictionnaire universel (ÉMILE LA CHÂTRE)  tome 1 1865. 

c) Familier. Affamer une table, les convives. Manger tout, ne rien laisser aux autres : 

Ø 14. C'est un homme capable d'affamer toute une table.

Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE)  1845. 

B.—  emploi absolu. 

1. Faire souffrir de la faim par la privation de vivres (confer A 1 a) : 

Ø 15. « Les Prussiens! » Ils n'en avaient jamais aperçu, mais ils les sentaient là depuis des mois, autour de Paris, ruinant la France, pillant, massacrant, affamant, invisibles et tout-puissants.

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, 1883, Deux amis, page 189. 

2. Causer, exciter la faim (confer A 1 b) : 

Ø 16. Un fort relent de friture, de stockfish, de saucisses chaudes bouillies, qu'on enveloppe dans un petit pain, de gaufres, de beignets, de mangeaille odorante, flottait et affamait davantage.

MAXENCE VAN DER MEERSCH, L'Empreinte du dieu,  1936, page 110. 

C.—  Emploi pronominal. S'affamer. 

1. Au propre. 

a) Être affamé. Souffrir de la faim : 

Ø 17. Donc, elle [l'araignée] s'affame pour se nourrir, elle s'épuise pour se refaire, elle se maigrit sur l'espoir incertain de s'engraisser.

JULES MICHELET, L'Insecte,  1857, page 202. 

Remarque : Attesté dans Larousse du xxe.  siècle en six volumes avec le même exemple cité en partie. 

—  S'affamer de : 

Ø 18. De même que ces gamines qui, sous le coup de la puberté, s'affament de mets altérés ou abjects, il en vint à rêver, à pratiquer les amours exceptionnelles, les joies déviées;...

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, À Rebours,  1884, page 10. 

b) Rare.  Se laisser mourir de faim : 

Ø 19. Prenez garde, Monseigneur, car je crois que votre fils s'affame.

ALEXANDRE DUMAS (LA CHÂTRE TOME 1 ). 

2. Par extension.  Tomber dans la misère, le dénuement : 

Ø 20. Quelquefois le travailleur se trompera dans son calcul, ou bien, emporté par la passion, il sacrifiera un bien immédiat pour une jouissance prématurée, et après avoir sué le sang et l'eau, il s'affamera.

PIERRE-JOSEPH PROUDHON (Larousse 19e. ). 

3. Au figuré. 

a) [Le sujet est une personne]  Devenir plus avide : 

Ø 21. Saccard s'affamait, sentait ses désirs s'accroître, à voir ce ruissellement d'or qui lui glissait entre les mains.

ÉMILE ZOLA, La Curée,  1872, page 416. 

b) [Le sujet est un inanimé abstrait (personnifié)] :

Ø 22.... il savait, par expérience, que l'obscénité ne se tarit pas et que la luxure s'affame, à mesure qu'on l'alimente.

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, En route, tome 1, 1895, page 133. 

D.—  Emploi intransitif, rare.  Souffrir de la faim : 

Ø 23.... moi, je trafique, j'achète, je vends. Je suis utile. Par moi, les gens bouffent. Ceux de ta bande, ils affament.

MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14,  1935, page 320. 

Remarque : Résurgence littéraire d'un sens bien attesté en ancien français (confer Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe.  siècle (Frédéric Godefroy) et Altfranzösisches Wörterbuch (Adolf Tobler, Erhard Lommatzsch)). 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 97. 

 

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