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Âge l'étaient.

Publié le 06/01/2014

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Âge l'étaient. Et le moyen de ne pas l'être ? On les chassait par la force de partout ! On a compris la logique, c'est la vieille loi du proverbe : qui veut noyer son chien l'accuse de la rage. Une autre face de l'histoire du judaïsme d'Europe La force et l'intérêt de notre ami Rachi et de son vignoble est de nous rappeler qu'il existe un autre visage du judaïsme médiéval. L'histoire en est précaire, au regard de ce qui suivit, et Rachi en est un symbole parfait, lui qui vécut à une période de basculement. Il est l'exact contemporain des massacres liés à la première croisade, et il en a été meurtri personnellement : il connaît bien les Juifs rhénans, c'est chez eux qu'il a fait ses études théologiques. Seulement son existence même nous rappelle qu'il y a une autre façon de raconter les choses. « On ne peut résumer l'histoire du peuple juif à la persécution », écrit fort justement Esther Benbassa, historienne du judaïsme français qui en a écrit la meilleure synthèse2. Il connut au long des siècles des moments de répit, des moments heureux, des périodes florissantes. L'histoire même de la persécution ne vient-elle pas nous dire qu'il y en eut, auparavant, ou à côté, une autre ? Si le concile de Latran veut distinguer les Juifs, les obliger à se mettre à part, c'est bien que jusqu'alors rien ne permettait de les reconnaître et que, dans bien des endroits, Juifs et chrétiens vivaient ensemble. Si, à un moment donné, on leur autorise seulement l'usure (ou ailleurs le commerce de vieux vêtements, ou le commerce de chevaux), c'est bien que jusque-là les Juifs pratiquaient tous les métiers possibles, etc. Des Juifs ont vécu sur le territoire qui est aujourd'hui la France depuis la colonisation romaine, à peu près, et comme tous les citoyens romains ils circulaient dans l'Empire. Depuis le haut Moyen Âge, on trouve des Juifs dans les professions les plus diverses : maraîchers, médecins, meuniers, viticulteurs. Certains, appelés les radanites - peut-être, selon certaines étymologies, parce qu'ils voyagent sur le Rhône -, font le commerce avec l'Orient, comme leurs rivaux, les « Syriens », c'est-à-dire des Byzantins. Quand il veut entrer en contact avec le puissant calife Haroun al-Rachid, Charlemagne lui envoie à Bagdad un ambassadeur juif, Isaac, qui reviendra de son long périple avec l'incroyable cadeau du roi d'Orient au maître de l'Occident : un éléphant blanc. À Aix-la-Chapelle, il fera grande sensation. On a parlé des persécutions du temps de Dagobert, le Mérovingien. Seulement, à ce qu'on peut savoir, l'époque carolingienne qui lui succède reste un moment plutôt heureux de l'histoire du judaïsme européen. L'empereur était d'une brutalité inouïe quand il s'agissait de convertir les païens, mais il était ouvert aux gens du Livre. À Narbonne, des siècles plus tard, comme le font à la même époque les seigneurs chrétiens du lieu, les Juifs diront de leurs terres que c'est Charlemagne lui-même qui les leur avait léguées. Le fait est légendaire pour les uns comme pour les autres, mais la légende est significative. Le propre confesseur de Louis le Débonnaire, le fils de Charlemagne, un certain Bodo, se convertit au judaïsme et part en Espagne. Imagine-t-on à l'époque moderne le confesseur de Louis XIII ou de Louis XIV se convertir à la religion de Moïse ? Les rapports intellectuels entre les deux grandes religions ne sont pas toujours aussi tendus qu'on pourrait le croire. Au xiie siècle encore, explique le médiéviste Dominique Barthélemy3, quand il veut traduire les psaumes de David, Étienne Harding, abbé de Cîteaux, fait appel à des savants juifs qui savent l'hébreux. Les Juifs participent à la vie économique du pays, et aussi à son élan intellectuel. Notre rabbin de Troyes y a sa part plus qu'un autre. Le Talmud de Babylone, c'est-à-dire la codification écrite vers le ve siècle de ce qui était auparavant une loi orale transmise de maître à disciple, arrive en Occident vers le xie siècle. Rachi le lit, l'étudie, l'explique, en fait des commentaires que l'on considère toujours d'une grande clarté et d'une admirable concision. L'homme était un bon pédagogue. Son idée était qu'il faut toujours donner au peuple la vérité d'un texte en le rendant limpide. Après sa mort, ses petits-fils puis leurs successeurs continueront son oeuvre en ajoutant des commentaires à ses commentaires, ce qui leur vaut leur nom de Tossafistes (ceux qui ajoutent). Ce travail est essentiel à l'histoire religieuse, évidemment. Il éclaire également la langue française en général : Rachi parle en langue d'oïl - le futur français - et le transcrit en caractères hébraïques, ce qui donne des renseignements précieux sur la façon dont on le prononçait. Il concerne aussi la mémoire commune de notre pays et de notre continent. Elle est si souvent tronquée. On l'a vu encore avec les diverses polémiques qui ont suivi l'idée d'affirmer, dans les textes fondateurs de l'Union, les « racines chrétiennes de l'Europe ». L'Europe, comme la France, a des racines chrétiennes, pourquoi le nier ? Mais elle en a d'autres, certaines plus récentes, certaines bien plus anciennes. Le judaïsme en est une. À un moment donné de son histoire, le christianisme a tout fait pour l'éradiquer. Est-ce une raison pour l'oublier ? 1 « Points », Le Seuil, 1991. 2 Histoire des Juifs de France, « Points », Le Seuil, 1997. 3 Nouvelle Histoire de la France médiévale. L'Ordre seigneurial, « Points », Le Seuil, 1990. 11 L'Église au Moyen Âge Comment ne pas en parler ? Haute et droite comme la Croix, vaste comme une cathédrale, l'Église est l'élément central du Moyen Âge européen, sa colonne vertébrale. Dans quel chapitre jusqu'ici ne l'avons-nous pas évoquée ? Il reste alors, sur le continent, quelques irréductibles à la foi du Christ : des communautés juives qui se rassemblent là où on les laisse en paix, on vient de le voir ; les musulmans d'Al Andalus, leurs royaumes d'Espagne ; et des païens très à l'est - la Lituanie est le dernier pays d'Europe à demeurer fidèle aux dieux anciens, et le sera jusqu'au tournant du xive et du xve siècle. L'immense majorité des âmes est chrétienne ; les champs et les villes demeurent à l'ombre des clochers ; du baptême à la mort, chaque moment, chaque geste de la vie est imprégné de christianisme. Bien sûr, il faut parler de l'Église, mais comment ? Cela n'est pas si simple. Il y a beaucoup de sujets d'histoire qui divisent. Peu qui amènent autant d'idées préconçues. Repères - 910 : fondation de l'ordre de Cluny, restauration de la Règle de saint Benoît - 1115 : fondation de l'abbaye de Clairvaux par saint Bernard - 1208 : « croisade des albigeois » prêchée par le pape pour en finir avec l'hérésie cathare - 1244 : prise de la forteresse de Montségur, dernier refuge cathare - 1378-1417 : « Grand schisme d'Occident », la chrétienté déchirée entre deux papes, l'un à Rome, l'autre à Avignon Se reconnaît-on de la tradition laïque et l'on suivra les chemins ouverts jadis par Voltaire ou, un siècle plus tard, par Michelet. On ne retiendra du christianisme médiéval que sa légende noire et on sortira de l'armoire du temps la sinistre panoplie qui l'accompagne : moines fanatiques dont le visage cruel se perd dans l'ombre de la capuche ; prêtres perfides n'aimant brandir le crucifix que devant les gibets ; geôles humides et chaînes rouillées des inquisiteurs ; innocents livrés à la torture, esprits libres frappés d'interdit, livres jetés dans les bûchers. C'est une façon de considérer les choses. Elle n'est pas sans fondement. À partir du xiie siècle, l'obsession du catholicisme, c'est la lutte contre les hérésies, c'est-à-dire toutes les façons de s'échapper du dogme tel qu'il est édicté par Rome. Les hommes en trouvent beaucoup. Tant d'âmes pures rejettent l'Église telle qu'elle leur apparaît alors, grasse, corrompue, si loin du message originel. Vers 1170, par exemple, Pierre Valdo ou Valdès, un riche marchand de Lyon, écoeuré par la corruption du clergé, rêve d'un retour à l'Évangile. Il donne tous ses biens, prêche la pauvreté et ose une pratique alors inouïe : il fait traduire le Nouveau Testament en langue vulgaire pour que le peuple puisse le comprendre. Une telle folie est inacceptable : si le peuple lit le saint livre, à quoi serviront les prêtres ? Valdo est condamné, les membres de la fraternité qu'il a créée sont excommuniés et ses partisans, que l'on appelle d'après son nom les vaudois, ne peuvent survivre qu'en discrètes petites communautés, plus ou moins cachées en Suisse ou dans le Nord de l'Italie. Parfois, ces diables d'hérétiques sont autrement coriaces, il faut pour les réduire mobiliser des armées entières et massacrer pendant des décennies. On l'a compris sans doute, je parle des célèbres cathares. Leur doctrine emprunte au christianisme, mais elle est mâtinée du manichéisme venu de Perse et d'autres doctrines orientales. Elle pose une séparation absolue entre un Dieu bon qui est tout esprit, et la matière, qui est le mal dont il faut se détacher ; et rejette avec horreur le catholicisme et sa hiérarchie qui lui semblent le symbole de la dépravation. Venue de Bulgarie et des Balkans vers l'an 1000, elle prolifère deux cents ans plus tard dans les riches terres du comte de Toulouse. Pour en venir à bout, le pape, en 1208, ne prêche rien moins qu'une croisade. On l'appellera la « croisade des albigeois », la ville d'Albi étant considérée comme une des bases des hérétiques. Cette véritable guerre dure des décennies : en 1244, il faut mobiliser encore des forces exceptionnelles pour venir à bout de la forteresse de Montségur, dernier refuge cathare. Elle est sanglante, jalonnée d'horreurs, de massacres, et dominée par un mot que l'on prête à Arnaud Amaury, le légat pontifical. Devant Béziers qu'il s'apprête à mettre à sac, alors qu'on lui demande comment on saura distinguer les mauvais des bons chrétiens, le chef de la croisade aurait dit : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens. » On n'est pas sûr que la phrase ait jamais été prononcée, mais tous les laïques la connaissent : même fausse, elle résume parfaitement le fanatisme indiscutablement à l'oeuvre durant cette période. Les historiens sont d'accord aujourd'hui pour montrer que l'entreprise avait plus à voir avec la géopolitique qu'avec de réelles motivations spirituelles. Emmenée par les petits seigneurs du Nord, vassaux de Philippe Auguste, dont le cruel Simon de Montfort, la croisade permet surtout au roi de France de mettre la main sur le comté de Toulouse, traditionnellement allié à la Catalogne d'outre-Pyrénées. On ne peut toutefois oublier, pour ajouter encore un peu de noir à ce tableau déjà bien sombre, une des conséquences strictement religieuses de la répression anti-Cathares : pour éradiquer enfin les mauvaises croyances, la papauté décide au début du xiiie siècle de confier une justice à l'ordre nouveau des Dominicains. Tout pouvoir d'enquête lui est donné, sans contrôle, sans appel, dans le secret. Son seul nom fait frémir : l'Inquisition. Le temps des cathédrales Comment ne pas voir pourtant, sur l'autre mur de la mémoire collective, la grande et belle fresque que des gens non moins honorables ont su peindre sur le même sujet ? Les teintes en sont bien différentes. Plus de noir, plus de sang, mais le bleu de la robe de Marie et la douceur des reflets de l'Évangile. Voici la belle église médiévale dont rêva Péguy et tant d'autres avant et après lui. Elle aussi a sa vérité, tout aussi indiscutable que celle que nous venons d'évoquer. Avec la grande déchirure de la réforme protestante, à la Renaissance, arrivent le temps des guerres entre chrétiens. Par opposition, pour les coeurs pieux, les siècles médiévaux marquent donc l'âge d'or de la « chrétienté », ce moment béni où l'Europe entière communiait dans une même foi. C'est le temps des cathédrales, le temps où rayonnent les grands ordres monastiques, ces refuges du savoir et de la culture, où vont naître tant de saints. Il y a d'abord l'ordre de Cluny (fondé en 910), plus tard celui Cîteaux (on parle des cisterciens), toujours en Bourgogne, dont l'un des membres est un des personnages les plus célèbres du catholicisme médiéval : saint Bernard de Clairvaux (c'est le nom de l'abbaye fille de celle de Cîteaux qu'il a fondée en Champagne, en 1115). Et si parfois l'institution se laisse gagner par le relâchement, si parfois son clergé, gros, gras, mal instruit et cupide en montre l'indignité, Dieu a la solution. Il envoie d'autres saints pour la régénérer, encore et toujours : au même moment, au tournant du xiie et du xiiie siècle, un petit frère d'Ombrie, obsédé par la douceur et la pauvreté, François d'Assise, et un Espagnol, Dominique, infatigable prêcheur, vont révolutionner l'histoire du monachisme en créant les premiers ordres mendiants, c'est-à-dire des communautés religieuses qui lancent leurs frères sur les routes et dans les villes pour y porter la bonne parole. Oui, on peut poser les choses ainsi, et passer longtemps à jouer au ping-pong avec ces deux versions de l'histoire. Elles ont chacune leur vertu. Elles ont aussi un gros défaut : elles bloquent tout. Repeinte en noir par les uns, en bleu par les autres, présentée comme le symbole de l'obscurité de l'esprit ou un idéal à jamais englouti, l'Église médiévale n'en devient pas moins dans ces deux versions un monolithe au sein duquel rien ne bouge. C'est dommage, car on s'empêche ainsi de voir ce qui la rend passionnante et dont on ne parle jamais : en réalité, elle n'a jamais cessé d'être secouée par des contradictions, des discussions, de grandes polémiques. Ne nous méprenons pas. La France des xiie, xiiie et xive siècles n'est pas une société démocratique où chacun peut défendre librement les positions qui sont les siennes. Les débats religieux se finissent le plus souvent par des interdits, des excommunications ou parfois des bûchers. Mais le fait qu'ils aient existé nous porte témoignage d'une vraie liberté que certains ne manquèrent pas de chercher à exercer. Pourtant, on ne l'associe jamais ni à l'Église ni au Moyen Âge. Tâchons donc de secouer ce préjugé avec les trois exemples qui suivent. Héloïse et Abélard Le premier nous projette au début du xiie siècle et tient en un nom, Pierre Abélard. La postérité a joué à cet homme-là un drôle de tour : son patronyme n'est plus connu que pour ce qui ne fut, au fond, qu'un sinistre faitdivers. Cette histoire-là est simple et atroce : Abélard est un clerc plein de fougue et d'idées nouvelles qui dispense ses cours de théologie à Paris. Il est aussi fait de chair. Il tombe fou amoureux d'une jeune femme de quinze ans sa cadette, dont le nom sonne aussi familièrement à nos oreilles quand on l'associe au sien : Héloïse, « la très sage Heloïs », que chantera le poète François Villon trois cents ans plus tard1. La belle a un tuteur, le chanoine Fulbert. L'imprudent accepte de prendre le beau clerc en pension chez lui, contre des leçons particulières données à la pupille. L'enseignement a ses mystères. Quelques semaines plus tard, la jeune fille tombe enceinte et s'enfuit avec son maître pour aller se marier en secret. Le chanoine est fou de rage, et peut-être de jalousie, l'histoire ne le dit pas clairement. Il ourdit contre le suborneur une vengeance abominable : par une sombre nuit, il envoie chez Abélard deux hommes de main chargés de le châtier par où il a péché. Ils le châtrent. Héloïse se fait nonne mais son amour ne se refroidira jamais : elle envoie à son pauvre époux des lettres brûlantes qui apparaissent aujourd'hui encore comme un sommet de l'amour charnel. Les réponses sont froides et distantes, le mari est affligé de « l'histoire de ses malheurs » (c'est le titre de ses Mémoires) et de cette honte qu'il n'arrivera jamais à surpasser. Cela peut s'entendre : près de neuf cents ans plus tard, on le connaît toujours pour cette amputation navrante et chacun a oublié ce qui l'avait rendu fameux en son temps. L'homme, un des maîtres théologiens de la jeune université de Paris, était un des plus beaux esprits de son siècle, et un des plus indépendants. Il enseignait des choses incroyables, par exemple que l'on peut juger des actes non seulement par eux-mêmes, mais encore en leur appliquant une morale de l'intention : quelle force a poussé tel homme à commettre pareille chose ? Ne peut-elle donner un autre sens au geste lui-même ?

« 11 L’Église au Moyen Âge Comment nepas enparler ? Hauteetdroite comme laCroix, vastecomme unecathédrale, l’Égliseestl’élément central duMoyen Âgeeuropéen, sacolonne vertébrale.

Dansquelchapitre jusqu’icinel’avons-nous pasévoquée ? Il reste alors, surlecontinent, quelquesirréductibles àla foi duChrist : descommunautés juivesquiserassemblent là où onles laisse enpaix, onvient delevoir ; lesmusulmans d’AlAndalus, leursroyaumes d’Espagne ; etdes païens trèsàl’est –la Lituanie estledernier paysd’Europe àdemeurer fidèleauxdieux anciens, etlesera jusqu’au tournant duxive et du xve  siècle.

L’immense majoritédesâmes estchrétienne ; leschamps etles villes demeurent àl’ombre desclochers ; dubaptême àla mort, chaque moment, chaquegestedelavie est imprégné de christianisme.

Biensûr,ilfaut parler del’Église, maiscomment ? Celan’est passisimple.

Ilya beaucoup de sujets d’histoire quidivisent.

Peuquiamènent autantd’idées préconçues.

Repères – 910 : fondation del’ordre deCluny, restauration delaRègle desaint Benoît – 1115 : fondation del’abbaye deClairvaux parsaint Bernard – 1208 : « croisade desalbigeois » prêchéeparlepape pourenfinir avec l’hérésie cathare – 1244 : prisedelaforteresse deMontségur, dernierrefugecathare – 1378-1417 : « Grandschisme d’Occident », lachrétienté déchiréeentredeuxpapes, l’unàRome, l’autre àAvignon Se reconnaît-on delatradition laïqueetl’on suivra leschemins ouvertsjadisparVoltaire ou,unsiècle plustard, par Michelet.

Onneretiendra duchristianisme médiévalquesalégende noireeton sortira del’armoire dutemps la sinistre panoplie quil’accompagne : moinesfanatiques dontlevisage cruelseperd dans l’ombre delacapuche ; prêtres perfides n’aimant brandirlecrucifix quedevant lesgibets ; geôleshumides etchaînes rouillées des inquisiteurs ; innocentslivrésàla torture, espritslibresfrappés d’interdit, livresjetésdanslesbûchers.

C’estune façon deconsidérer leschoses.

Ellen’est passans fondement.

Àpartir duxiie  siècle, l’obsession ducatholicisme, c’est lalutte contre les hérésies , c’est-à-dire touteslesfaçons des’échapper dudogme telqu’il estédicté par Rome.

Leshommes entrouvent beaucoup.

Tantd’âmes puresrejettent l’Églisetellequ’elle leurapparaît alors, grasse, corrompue, siloin dumessage originel. Vers 1170, parexemple, PierreValdoouValdès, unriche marchand deLyon, écœuré parlacorruption duclergé, rêve d’un retour àl’Évangile.

Ildonne toussesbiens, prêche lapauvreté etose une pratique alorsinouïe : ilfait traduire leNouveau Testament enlangue vulgaire pourquelepeuple puisselecomprendre.

Unetelle folie est inacceptable : sile peuple litlesaint livre, àquoi serviront lesprêtres ? Valdoestcondamné, lesmembres dela fraternité qu’ilacréée sontexcommuniés etses partisans, quel’onappelle d’après sonnom les vaudois , ne peuvent survivrequ’endiscrètes petitescommunautés, plusoumoins cachées enSuisse oudans leNord del’Italie. Parfois, cesdiables d’hérétiques sontautrement coriaces,ilfaut pour lesréduire mobiliser desarmées entières et massacrer pendantdesdécennies.

Onl’acompris sansdoute, jeparle descélèbres cathares . Leur doctrine emprunte auchristianisme, maiselleestmâtinée dumanichéisme venudePerse etd’autres doctrines orientales. Elle pose uneséparation absolueentreunDieu bonquiesttout esprit, etlamatière, quiestlemal dont ilfaut se détacher ; etrejette avechorreur lecatholicisme etsa hiérarchie quiluisemblent lesymbole deladépravation. Venue deBulgarie etdes Balkans versl’an1000, elleprolifère deuxcents ansplus tard dans lesriches terres du comte deToulouse.

Pourenvenir àbout, lepape, en1208, neprêche rienmoins qu’une croisade.

Onl’appellera la « croisade desalbigeois », laville d’Albi étantconsidérée commeunedesbases deshérétiques.

Cettevéritable guerre duredesdécennies : en1244, ilfaut mobiliser encoredesforces exceptionnelles pourvenir àbout dela forteresse deMontségur, dernierrefugecathare.

Elleestsanglante, jalonnéed’horreurs, demassacres, et dominée parunmot quel’onprête àArnaud Amaury, lelégat pontifical.

DevantBéziersqu’ils’apprête àmettre à sac, alors qu’on luidemande comment onsaura distinguer lesmauvais desbons chrétiens, lechef delacroisade aurait dit :« Tuez-les tous,Dieureconnaîtra lessiens. » Onn’est passûrque laphrase aitjamais étéprononcée, mais tousleslaïques laconnaissent : mêmefausse, ellerésume parfaitement lefanatisme indiscutablement à l’œuvre durantcettepériode. Les historiens sontd’accord aujourd’hui pourmontrer quel’entreprise avaitplusàvoir avec lagéopolitique qu’avec deréelles motivations spirituelles.Emmenéeparlespetits seigneurs duNord, vassaux dePhilippe Auguste, dontlecruel Simon deMontfort, lacroisade permetsurtoutauroi deFrance demettre lamain surle comté deToulouse, traditionnellement alliéàla Catalogne d’outre-Pyrénées.

Onnepeut toutefois oublier,pour ajouter encoreunpeu denoir àce tableau déjàbien sombre, unedesconséquences strictementreligieusesdela. »

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