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AGUERRIR, verbe transitif.

Publié le 16/10/2015

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AGUERRIR, verbe transitif.  

Habituer à la guerre. 

A.—  Emploi transitif.  [En parlant de pers] 

1. Domaine militaire  Aguerrir quelqu'un. L'accoutumer à mener une vie de combattant, avec les fatigues et les dangers qu'elle entraîne : 

Ø 1. Il fallait remettre l'ordre en Italie. Il fallait substituer peu à peu aux légions indociles qui avaient vaincu à Philippes, une armée qui valut celle d'Antoine; la discipliner, l'aguerrir. Il fallait, sous les yeux de Sextus, maître de la mer, construire des vaisseaux, exercer des matelots.

JULES MICHELET, Histoire romaine, tome 2, 1831, page 308. 

Ø 2. Ce n'est point par la force qu'il convient de résister à la force, car la lutte aguerrit les combattants et le sort des batailles est douteux.

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Puits de Sainte-Claire,  1895, page 202. 

2. Par extension, au propre et au figuré.  Habituer à vivre de façon plus combative, plus dure, plus apte à supporter des épreuves : 

Ø 3. —  Prenez garde, monsieur; au luxe accoutumé,

Contre la pauvreté vous êtes désarmé,

Et l'assaut des besoins vous sera bien plus rude

Qu'aux hommes aguerris par la vieille habitude.

FRANÇOIS PONSARD, L'Honneur et l'argent,  1853, II, 6, page 40. 

Ø 4. J'aurais de la peine à vous expliquer comment une fantaisie aussi hardie pouvait naître dans un esprit que je vous ai montré d'abord si pusillanime; mais bien des épreuves m'avaient aguerri. 

EUGÈNE FROMENTIN, Dominique,  1863, page 194. 

Ø 5. La semaine suivante, Charles fut emporté par une fièvre typhoïde. Un soir, sa grand'mère lui avait relu le combat du Vengeur pour l'aguerrir; et le délire l'avait pris dans la nuit.

ÉMILE ZOLA, Le Capitaine Burle,  1883, page 60. 

Ø 6. —  Vous devrez obligatoirement jouer dehors, sauf s'il pleut.

—  Mais s'il fait très froid? hasarda mademoiselle.

—  Rien de meilleur pour les aguerrir, rétorqua Madame mère. Je suis pour une éducation forte.

HERVÉ BAZIN, Vipère au poing,  1948, page 47. 

—   [En parlant d'un attribut de la personne] :

Ø 7.... Courage! voici l'heure

Où l'âme se roidit au fond du corps qui pleure.

Regarde si ton arc, jeune homme, est bien tendu;

Jeune fille, aguerris ton regard éperdu!

LÉON DIERX, Poèmes et poésies, Souré-Ha, 1864, page 41. 

Ø 8. Peuple immonde, habitant de ce corps endurci,

Et nourri de son sang inerte. C'est ainsi

Que, gardant à jamais sa rigide attitude,

Il rêvait comme un dieu fait d'un bloc sec et rude.

Çanta, le sein ému d'une pieuse horreur,

Frémit; mais le jeune homme, aguerrissant son coeur,

Parla, plein de respect...

CHARLES-MARIE LECONTE DE LISLE, Poèmes antiques, Cunacépa, 1874, page 49. 

Ø 9. Et le combat durera, entrecoupé de trêves, jusqu'à ce que l'un des deux ait été terrassé. À vous, d'être plus forts et plus heureux que nous!... —  En attendant, fais du sport, si tu veux; aguerris tes muscles et ton coeur; et ne sois pas assez fou pour dilapider en niaiseries ta vigueur impatiente : tu es d'un temps (sois tranquille!) qui en trouvera l'emploi.

ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Nouvelle journée, 1912, page 1540. 

Ø 10. Mais en même temps, il faut se garder de leur être trop complaisant, aguerrir progressivement cette sensibilité délicate à un air plus vif et à des surprises sans désarroi. Qu'on ne fasse pas appel à « la volonté » de l'émotif, à « son énergie » : ces mots sont pour lui sans résonance, froids et cruels.

EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 243. 

—   [En parlant d'une personne ou d'un attribut d'une fonction de la personne]  Aguerrir + préposition. 

·    Aguerrir à : 

Ø 11. Quant au merveilleux romanesque, il faut se souvenir qu'alors on croyait aux enchantements, aux sortilèges, aux revenants, aux esprits, à la puissance des deux magies; on était même loin du temps où l'imagination cesserait d'être obsédée de ces fantômes : il fallait donc l'y accoutumer, l'y aguerrir, lui faire entendre et croire que ces périls surnaturels avaient eux-mêmes leur issue, et qu'aux puissances malfaisantes que pouvait évoquer le crime, le ciel en apposait de secourables pour l'innocence, de favorables à la vertu.

JEAN-FRANÇOIS MARMONTEL, Essai sur les romans,  1799, pages 300-301. 

·    Aguerrir contre. Prémunir contre un danger, protéger physiquement ou moralement contre des luttes éventuelles : 

Ø 12.... heureusement il vous a aguerris contre les prestiges de son éloquence...

Le Moniteur.  tome 2, 1789, page 358. 

Ø 13. Il fallait un chef habile pour commander l'expédition : La Pérouse fut choisi. Ses travaux et ses succès constans dans la marine militaire, l'avaient aguerri contre toute espèce de dangers, et le rendaient plus propre que personne à vivre la carrière pénible et périlleuse d'une longue navigation, sur des mers inconnues, et au milieu de contrées habitées par des peuples barbares.

Voyage de la Pérouse autour du monde (MILET DE MUREAU)  tome 1, 1797, page XXXI. 

·    Plus rare. Aguerrir pour. Confer aguerri, exemple 15. 

B.—  Emploi pronominal. 

1. [En parlant de pers]  Se plier aux exigences de la vie militaire, en s'habituant peu à peu au combat et au danger. 

a) Emploi absolu : 

Ø 14.... les Français se sont aguerris, l'entrée des troupes étrangères sur leur territoire a exaspéré les esprits, et le Gouvernement a mis à profit ce ressentiment pour trouver des défenseurs.

GABRIEL SÉNAC DE MEILHAN, L'Émigré,  1797, page 1692. 

Ø 15. Il parla de la nouvelle armée qui se formait sur la Loire, et dont les débuts, du côté d'Arthenay, n'avaient pas été très heureux : elle allait s'aguerrir, elle marcherait au secours de Paris.

ÉMILE ZOLA, La Débâcle,  1892, page 508. 

Ø 16. Lucifer, dès qu'il vit son armée au point de ne plus s'accroître ni s'aguerrir davantage, la dirigea précipitamment sur l'ennemi...

ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, La Révolte des anges,  1914, page 193. 

b) S'aguerrir + préposition. S'aguerrir à : 

Ø 17. Madame Le Maître aimait plus tendrement qu'aucun autre de ses fils M. de Séricourt, homme bien aimable en effet, doux, délicat, qui s'était aguerri vaillamment au métier des armes, et que ses dangers même rendaient plus précieux au coeur maternel.

CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Port-Royal, tome 1, 1840, page 405. 

2. Par extension, au propre et au figuré.  S'accoutumer aux périls et aux fatigues de toute nature, s'endurcir à un mal physique ou à une épreuve morale. 

a) Emploi absolu : 

Ø 18. Pourtant Plaisir craignait si peu et dominait tellement ceux auxquels il avait affaire, leur arrachant sous le nez les féveroles et autres tubercules sucrés qu'ils trouvent dans nos terres, que je travaillais à m'aguerrir auprès de lui.

AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Histoire de ma vie, tome 3, 1855, pages 21-22. 

Ø 19. Chasse plus émouvante, plus dangereuse que l'autre. Fouetté par les outrages des adversaires, exalté par les dévouements qu'il suscitait chez ses fidèles, le candidat novice s'aguerrit, se mit à aimer cette vie de surmenage physique et mental. 

EUGÈNE MELCHIOR, VICOMTE DE VOGÜÉ, Les Morts qui parlent,  1899, page 101. 

Ø 20. « —  Vous allez prendre froid, lui ai-je dit. Vraiment vous ne voulez-pas que nous rallumions votre feu?... Allons-y.

—  Non... il faut s'aguerrir.

—  Quoi! C'est du stoïcisme?

—  Un peu. C'est parce que j'avais la gorge délicate que je n'ai jamais voulu porter de foulard. J'ai toujours lutté contre moi-même.

ANDRÉ GIDE, Les Faux-monnayeurs,  1925, page 1026. 

—  Par extension.  S'enhardir; devenir arrogant : 

Ø 21. Rougon évita de répondre. Il parut plier les épaules. Puis, il revint de nouveau à la charge, contre Delestang seul. Pendant quelques minutes encore, la discussion continua entre eux, par phrases brèves. Le bel homme s'aguerrissait, devenait mordant Alors, peu à peu, Rougon se souleva. Il entendait pour la première fois son pouvoir craquer sous lui.

ÉMILE ZOLA, Son Excellence Eugène Rougon,  1876, page 287. 

—   [Le sujet est exceptionnellement un inanimé, désignant un mal]  Se consolider; se fortifier : 

Ø 22. Quand un remède ne produisait pas l'effet attendu, il [le Dr Vivier] passait à un autre, cherchant avant tout à décrocher le mal en une fois, sans lui laisser le temps de s'aguerrir. 

LÉON DAUDET, Salons et journaux,  1917, page 220. 

b) S'aguerrir + préposition. S'aguerrir à : 

Ø 23. Regarder l'injustice avec un oeil stoïque,

Se faire aux passe-droits, aux affronts s'aguerrir...

AMÉDÉE POMMIER, Océanides et fantaisies,  1839, page 186. 

Ø 24.... je ne sais pourquoi la pensée de la mort m'apparaît toujours comme très prochaine. Mais je m'y suis aguerri... 

ERNEST RENAN, Lettre à Monsieur Cognat,  1845, page 403. 

Ø 25. « Nous allons donc faire de toi un maître d'étude... En commençant, on ne te mettra pas dans une grande baraque... Je vais t'envoyer dans un collège communal... Là tu feras ton apprentissage d'homme, tu t'aguerriras au métier... »

ALPHONSE DAUDET, Le Petit Chose,  1868, page 47. 

Remarque : Un exemple de s'aguerrir dans, où la préposition introduit un complément de moyen : 

Ø 26. C'est dans l'histoire que peuvent s'aguerrir des trop susceptibles pour se mêler d'abord aux spectacles de la vie. Celle-ci, en devenant la mort, leur semble s'épurer; du moins, elle se dépouille : simplifiée et fixée, elle fait un plus facile objet d'étude.

MAURICE BARRÈS, L'Appel au soldat,  1900, page 18. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 27. 

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