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AGUICHER, verbe transitif.

Publié le 16/10/2015

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AGUICHER, verbe transitif.  

A.—  Emploi transitif. 

1. Vieux ou argot.  Exciter, agacer, irriter par des provocations répétées. 

a) [L'objet est une personne et plus rarement un animal (exemple 2)] :

Ø 1. [TORTILLARD :] promettez-moi que vous me laisserez aguicher le Maître d'école?... laissez-moi seulement le faire écumer.

EUGÈNE SUE, Les Mystères de Paris, tome 7, 1842-1843, page 105. 

Ø 2. Ils [les enfants du village] rampaient sournoisement pour aguicher Pouzzli [l'ourse] en lui jetant des poignées de poussière.

JEAN RICHEPIN, Miarka, la fille à l'ourse,  1883, page 23. 

Ø 3.... Ah! la bougresse de gamine, dont le sacré caractère était la seule cause de leurs embêtements! Chaque soir, quand elle se couchait, elle criait à Buteau :

—  C'est ma soeur, mais qu'elle ne recommence pas à m'aguicher, ou je te la flanque dehors!

ÉMILE ZOLA, La Terre,  1887, page 207. 

Ø 4. Pille! pille! hurla le berger, en aguichant ses chiens.

JEAN RICHEPIN, Cauchemars,  1892, page 71. 

b) [L'objet désigne un inanimé humain (besoin, sentiment)] :

Ø 5. [Le médecin :] Il faudrait lui faire comprendre [à cette mère que désole la folie d'amour de son fils] qu'elle aguiche la soif du petit, en l'empêchant de boire.

JEAN RICHEPIN, La Glu,  1881, page 216. 

Ø 6. [Ch. n'avait jamais entretenu sa femme de cette bienfaitrice] qu'à mots couverts, s'amusant un peu de l'en savoir jalouse et d'aguicher cette jalousie.

JEAN RICHEPIN, Flamboche,  1895, page 161. 

c) Aguicher quelqu'un ou quelque chose contre. Exciter, irriter contre : 

Ø 7. [Pendant qu'il me rossait pour te défendre,] ce qui est gentil de sa part, c'est que tu n'as pas aguiché cet enragé-là contre moi (...) quand je n'en voulais plus [étourdi de ses coups.]

EUGÈNE SUE, Les Mystères de Paris, tome 1, 1842-1843, page 17. 

Ø 8.... c'est elle surtout qui entretint les vilaines idées de Glende et qui aguicha sa jalousie contre M. Cattion-Bourdille.

JEAN RICHEPIN, Miarka, la fille à l'ourse,  1883, page 306. 

2. Intéresser quelqu'un, susciter la curiosité de quelqu'un par des procédés ostentatoires. 

a) Attirer, allécher. 

—   [Le sujet désigne une personne] :

Ø 9. —  Bien; mais alors les vicaires et les autres abbés titulaires, qu'est-ce qu'ils font, s'ils se déchargent ainsi de leurs tâches sur le dos des autres?

—  Ils font l'ouvrage élégant et facile, celui qui ne réclame aucune charité, aucun effort! Ils confessent les ouailles à falbalas, préparent au catéchisme les mômes propres, prêchent, jouent les rôles en vedette dans les cérémonies où, pour aguicher les fidèles, l'on déploie de théâtrales pompes!

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Là-bas, tome 2, 1891, page 60. 

—   [Le sujet peut être un inanimé] :

Ø 10. J'y gagne d'abord d'être à cinq journées de chameau dans le sud... Cet horizon-là commence à m'aguicher, depuis quelque temps... J'ai envie de savoir ce qu'il y a derrière ces échines violettes.

HENRI-RENÉ LENORMAND, Le Simoun,  1921, 3e.  tableau, page 20. 

—   [Le sujet reste implicite] :

Ø 11. Un des avantages des bibliothèques circulantes est qu'elles obligent à faire des livres solides et se lisant facilement, par conséquent beau papier et beaux caractères; les illustrations deviennent inutiles du moment où il ne s'agit plus d'aguicher un acheteur.

PAUL CLAUDEL, ANDRÉ GIDE, Correspondance, lettre de Paul Claudel à André Gide, 1899-1926, page 137. 

b) Spécialement, dans le langage de l'amour. 

—   [Le sujet désigne une personne, généralement une femme; le verbe est éventuellement accompagné d'un complément, introduit par les prépositions de ou avec, indiquant le moyen par lequel s'exerce l'aguicherie]  Attirer par des oeillades et, par extension, attirer par toutes sortes d'agaceries, chercher à séduire par des manières coquettes ou provocantes : 

Ø 12.... et elle a tout fait, je l'ai vue. Oui, oui, chaque soir, elle aguichait la petite, elle l'allumait pour le jeune homme, avec un tas d'affaires malpropres. Aussi vrai que cette lampe nous éclaire, c'est elle qui les a jetés l'un sur l'autre.

ÉMILE ZOLA, La Joie de vivre,  1884, page 956. 

Ø 13.... elle le trompait, quasi, avec chaque homme qu'elle regardait, tant il y avait dans ses prunelles d'instinctive provocation, de sensualité complice, brûlante comme braise. Et c'était Raboliot qu'elle aguichait ce soir. Lui s'en amusait un brin, troublé tout juste à fleur de poil, car il aimait bien Sandrine; troublé pourtant, comme les autres mâles.

MAURICE GENEVOIX, Raboliot,  1925, page 33. 

Ø 14. Ses yeux parcouraient les différents groupes épars dans l'étroite salle et, soudain, ils rencontrèrent ceux de sa voisine, dont le regard continuait de chercher le sien, avec cette impudence rusée des filles qui aguichent, d'un demi-sourire impur, l'amant de demain, tout en bavardant avec celui d'aujourd'hui.

PAUL BOURGET, Nos actes nous suivent,  1926, page 116. 

Ø 15. Elle n'avait pas nettement l'idée d'en agir ainsi, mais elle s'était mise à l'aguicher. Est-ce qu'on peut faire autrement, seule avec un homme quand la nuit tombe? Elle se fichait de ce petit brun, qui se caressait la brosse à dents, comme de son premier jupon, mais il faut bien passer le temps. Et puis, c'est irritant, quelqu'un qui vous résiste.

LOUIS ARAGON, Les Beaux quartiers,  1936, page 429. 

Ø 16. Elle se doute bien que je dois l'attendre quelque part sous le taillis et marche doucement, comme une qui n'est pas pressée et qui cherche à se faire désirer un peu, point trop, car les gars et, à plus forte raison, les messieurs aiment bien qu'on les aguiche, mais pas qu'on les agace.  

HERVÉ BAZIN, Vipère au poing,  1948, page 251. 

—   [Le sujet désigne un homme] :

Ø 17. «... Il appelle la femme de chambre (...) et comme il la trouve jolie, il le lui dit (...) très clairement, sous le nez de sa femme (...) il a raison, du reste, d'aguicher la petite femme de chambre, car elle est diablement jolie!... » (Scamp, Gil Blas).

Dictionnaire de la langue verte (HECTOR FRANCE)  1907. 

Remarque : 1. Attesté dans Larousse du xxe. siècle en six volumes, Larousse trois volumes en couleurs, DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE QUILLET 1965 comme mot familier 2. Les 2 emplois sont également attestés en argot (confer Grand dictionnaire universel du XIXe.  siècle (Pierre Larousse)) : 

Ø 18. Aguicher un sinve pour le dégringoler, attirer un imbécile pour le voler.

LUCIEN RIGAUD, Dictionnaire du jargon parisien, L'Argot ancien et moderne, 1878, page 6. 

Ø 19. Tu t'figur's que tu les aguiches

Pa'c' que t'as un' def [casquette] et des guiches [cheveux ou jambes] . (Blédort).

ARISTIDE BRUANT, Dictionnaire français-argot,  1905, page 17. 

3. Emplois particuliers. 

a) PÊCHE.  \" Manoeuvrer la ligne pour inciter le poisson à mordre. \" (Larousse). 

b) Régional : 

Ø 20. Aguicher. Guetter, surprendre par ruse.

PAUL MARTELLIÈRE, Glossaire du Vendômois,  1893, page 10. 

Ø 21. Aguicher. Regarder du coin de l'oeil.

GLOSSAIRE ÉTYMOLOGIQUE ET HISTORIQUE DES PATOIS ET DES PARLERS DE L'ANJOU  (ANATOLE-JOSEPH VERRIER, RENÉ ONILLION) TOME 1 1908, page 23. 

B.—  Emploi pronominal, rare. 

1. Familier.  Se quereller : 

Ø 22. [Vieux amis, le comte et le chevalier ne causaient] qu'en discutaillant (...) Quand le docteur arriva, le comte et le chevalier étaient déjà en train de s'aguicher à propos du jeune vicomte.

JEAN RICHEPIN, La Glu,  1881, page 22. 

2. S'exciter mutuellement par des coquetteries : 

Ø 23.... il cria : il faut pourtant que nous nous voyions; songez au mal que nous nous faisons, en nous aguichant ainsi dans l'ombre, songez au remède qui existe, ma pauvre amie, je vous en prie... et il indiquait un rendez-vous.

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Là-bas, tome 1, 1891, page 154. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 15. 

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