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AHURIR, verbe transitif.

Publié le 17/10/2015

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AHURIR, verbe transitif.  

Provoquer une réaction très vive (de nature physique et morale) d'étonnement, de trouble, d'abêtissement. 

I.—  Emploi transitif.  [Souvent à la voix passive]  Ahurir quelqu'un (de, par, sous, etc.). Confer aussi ahuri II A 2. 

A.—  [L'idée de surprise domine]  Jeter dans la stupéfaction, frapper d'étonnement : 

Ø 1. D'ailleurs, madame Josserand continuait, ahurissait son gendre par des déclarations extraordinaires... 

ÉMILE ZOLA, Pot-Bouille,  1882, page 231. 

Ø 2. Christophe fit de nouvelles démarches chez des marchands de musique : elles ne servirent à rien. Il trouvait les Français peu accueillants; et leur agitation désordonnée l'ahurissait. Il avait l'impression d'une société anarchique, dirigée par une bureaucratie rogue et despotique.

ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Foire sur la place, 1908, page 669. 

Ø 3. Je m'étais enfoncée dans une telle solitude que par moments je devenais tout à fait étrangère au monde et il m'ahurissait par son étrangeté; les objets n'avaient plus de sens, ni les visages, ni moi-même : comme je ne reconnaissais rien, il était tentant d'imaginer que j'avais atteint l'inconnu.

SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée,  1958, page 265. 

Remarque : Synonymes : abasourdir, ébahir, éberluer, étonner, interdire, interloquer, stupéfier, surprendre. 

B.—  [L'idée de trouble, de désordre psychique domine]  Faire perdre la tête : 

Ø 4. Quelques minutes avaient suffi pour poudrer à blanc, sous la toile palpitante de la charrette, Isabelle, Sérafine et Léonarde, quoiqu'elles se fussent réfugiées tout au fond et abritées d'un rempart de paquets. Ahuri par les flagellations de la neige et du vent, le cheval n'avançait plus qu'à grand'peine. Il soufflait, ses flancs battaient, et ses sabots glissaient à chaque pas.

THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse,  1863, page 143. 

Ø 5. Il [Anatole] madrigalisait avec la femme, l'ahurissait, l'étourdissait... 

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Manette Salomon,  1867, page 366. 

Ø 6. Il y aurait de quoi me conduire à Charenton si je n'avais pas la tête forte. D'ailleurs, c'est mon but (secret) : ahurir tellement le lecteur qu'il en devienne fou. Mais mon but ne sera pas atteint, par la raison que le lecteur ne me lira pas; il se sera endormi dès le commencement.

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1878, page 175. 

Ø 7. Jeté près de Froeschwiller (...) il [le soldat de la ligne] avait vu des lueurs rouges filer dans des bouquets de fumée blanche, et il avait baissé la tête, tremblant, ahuri par la canonnade, effaré par le sifflet des balles.

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Les Soirées de Médan, Sac au dos, 1880, page 132. 

Ø 8.... attribuer enfin au suspect de Vincennes l'organisation et la mise en train d'une secte qu'il n'aura peut-être néanmoins ni prévue ni voulue d'aucune manière et dont le développement, s'il avait pu prophétiquement le connaître, ne l'aurait peut-être pas moins ahuri que désolé. À ce pauvre cerveau si peu cohérent, on fait couver de vastes desseins, à ces épaules que nous avons vues si chancelantes, on fait porter un long siècle de manoeuvres tenaces.

ABBÉ HENRI BREMOND, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, tome 4, 1920, page 69. 

Remarque : Synonymes : confondre, déconcerter, décontenancer, démonter, dérouter, désemparer, désorienter, effarer, étourdir, méduser, pétrifier, troubler. Antonymes : rasséréner, rassurer, tranquilliser. 

C.—  Péjoratif.  Rendre stupide, hébéter : 

Ø 9. L'étonnement de se voir attaché, la vue de tout ce monde qui le regardait, l'ahurissaient, l'abêtissaient davantage. Comme il ne parlait et n'entendait que le patois, il ne put deviner ce que voulait le gendarme. Il levait vers lui sa face épaisse, faisait effort...

ÉMILE ZOLA, La Fortune des Rougon,  1871, page 308. 

II.—  Emploi pronominal, rare. 

A.—  S'étonner, se troubler : 

Ø 10. Il n'était pas encore bien éveillé. Les paroles de Lisa retentissaient, comme s'il eût déjà entendu les fortes bottes des gendarmes, à la porte de la chambre. Il la regardait, coiffée, serrée dans son corset, sur son pied de toilette habituel, et il s'ahurissait davantage, à la trouver si correcte dans cette circonstance dramatique.

ÉMILE ZOLA, Le Ventre de Paris,  1873, page 756. 

B.—  Perdre contenance, s'affoler : 

Ø 11. Contre toute attente, le bourreau-des-faubourgs, bien moins endommagé qu'il n'en avait l'air, se porta si brusquement en avant, que le mâle de la Grésigne, étourdi de cette attaque impétueuse, si contraire aux pratiques habituelles de l'escobard, oscilla sur ses orteils, la clavicule à demi-rompue par ce choc à poings fermés plutôt qu'à mains ouvertes, s'ahurit et manqua de choir en arrière, à la grande ire des rustres, qui s'écrièrent d'une voix unanime, en le gourmandant :

—  Tu n'as donc plus de sève?

LÉON CLADEL, Ompdrailles, le tombeau des lutteurs,  1879, page 289. 

C.—  S'abrutir, devenir stupide : 

Ø 12.... sachant (...) assez d'escrime, quelque peu de calcul et d'histoire —  très peu, crainte de s'ahurir —  et toutes les danses connues.

GEORGES D'ESPARBÈS, La Grogne,  1905, page 18. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 51. 

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