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AHURISSANT, -ANTE, participe présent et adjectif.

Publié le 17/10/2015

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AHURISSANT, -ANTE, participe présent et adjectif.  

I.—  Participe présent de ahurir* 

II.—  Emploi adjectival, familier. 

A.—  [Généralement en parlant d'une personne ou d'une collectivité humaine ou d'un attribut de personne]  Qui ahurit. 

1. Absolument. 

a) Qui surprend par son côté extraordinaire, inattendu : 

Ø 1. Bade, septembre. « Une ville étonnante, une ville étourdissante, une ville ahurissante, une ville avec des rues, des auberges, du monde, une ville qui a l'air d'une ville et qui n'en est pas une, une ville enchantée par le hasard, une ville impossible, une ville bâtie sur pilotis sur un potose qui change de lit à chaque seconde, une ville remuée comme un sac de loto, une ville sonore comme une foire de la fortune...

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Charles Demailly,  1860, page 101. 

Ø 2. Auguste paraît, et son père se met à parler, avec une volubilité extraordinaire, une langue ahurissante qui ne ressemble à rien de ce que j'ai entendu chanter par grand-père en italien. Et, à ma stupéfaction grandissante, grand-père se met, lui aussi, à parler cette langue, non pas aussi vite peut-être, mais avec une grande facilité.

SIBYLLE-GABRIELLE-MARIE-ANTOINETTE DE RIQUETTI DE MIRABEAU, COMTESSE DE MARTEL DE JANVILLE, DITE GYP, Souvenirs d'une petite fille, tome 1, 1927, page 116. 

Ø 3. À la cour comme à la ville, il n'était question que de ce bougre ahurissant [Rabelais] qui préférait les bouteilles aux femmes...

LÉON DAUDET, Les Universaux,  1935, page 133. 

Remarque : Synonymes : étonnant, étourdissant, stupéfiant, surprenant. 

b) Qui effare, hébète par son côté absurde : 

Ø 4. Je menais donc la vie de mes hommes, cette vie ahurissante, où l'on mange, où l'on dort quand on peut, où l'on est surmené, où l'on boit beaucoup d'alcool pour ne pas sentir la déperdition de ses forces, où l'on se dépense intégralement, où l'on est tellement abruti que l'on n'arrive pas à penser.

BLAISE CENDRARS, Les Confessions de Dan Yack,  1929, page 237. 

Ø 5.... les quelques pas qu'il [l'ivre-mort] avait pu parcourir en titubant sur le pont avant de retomber assis contre la cuve étaient cauchemaresques, dans un monde monté d'un cran, machiné, où les velléités sont les ficelles du grand-guignol, la barque transportée dans une mise en scène truquée, les voiles battantes, et le grand éclairage nocturne comme celui du théâtre aussi mensonger et trouble que les paroles préméditées que l'ahurissant personnage prononce d'une voix éraillée : —  Iebi, iebi, me faisait-il. Viens ici, viens ici que je te tue, iebi...

BLAISE CENDRARS, Bourlinguer,  1948, page 222. 

Remarque : 1. Synonymes : abrutissant, confondant, déconcertant, déroutant, effarant, renversant, troublant 2. La démarcation entre cet emploi et l'emploi B 1 est parfois délicate. 

2. Rare.  [Suivi d'un complément] 

a) Ahurissant de + substantif Stupéfiant à force de : 

Ø 6. Les premières manifestations de l'impassibilité visuelle de Degas, de cet homme dont les plus ardents défenseurs ne peuvent éviter de dire qu'il y voyait avec une acuité d'objectif photographique, paraissent aujourd'hui, ahurissantes de platitude, d'une puérilité tatillonne et illustrative, ressortissant parfaitement à l'esthétique de la carte postale.

ANDRÉ LHOTE, Peinture d'abord,  1942, page 146. 

b) Il est ahurissant que. Il est très étonnant, quasi impossible que : 

Ø 7. Quelque cent mètres, et nous sommes sortis d'Italie pour trouver, dans un cirque immense, une série d'escaliers extraordinaires, où il est ahurissant que notre cavalerie puisse se tenir debout.

MAURICE BARRÈS, Une Enquête aux pays du Levant,  1923, page 91. 

B.—  [En parlant de la conduite d'une personne, d'un fait, d'un événement] 

1. Extraordinaire, qui défie l'imagination : 

Ø 8.... chaque réflexe se verra représenté par le langage, qui les comprend tous, à l'aide d'un qualificatif particulier. Il y aura des termes (...) « sensoriels et nerveux », comme voyant, chantant, hallucinant, vertigineux, affolant, désorientant (...) horripilant, ébouriffant, ahurissant...

MAURICE GRIVEAU, Les Éléments du beau,  1892, page 42. 

Ø 9.... Dans votre dernière lettre si violente où vous ne vous accusez de rien, je remarque particulièrement le reproche de « sottise », reproche absolument confondant, ahurissant et abrutissant de la part d'un artiste incontestable qui, depuis environ dix-huit mois, s'est laissé mettre dedans par le plus bas, le plus puant, le plus imbécile des mufles contemporains.

LÉON BLOY, Journal,  1900, page 387. 

Ø 10.... « For in the very torrent, tempest, and as I may say whirlwind of your passion, you must acquire and beget a temperance that may give it smoothness », disait Hamlet. Et quelle ahurissante façon de se tuer en se frappant d'une métaphore... c'est à douter, à présent, si je ne me surfaisais pas d'abord la beauté, qui me parut si grande, de la première partie du drame. Je veux la relire aussitôt.

ANDRÉ GIDE, Journal,  1942, page 141. 

Ø 11.... La scène se passe au cinéma. Un spectateur se penche vers une dame assise au rang précédent. Chose ahurissante : le fauteuil voisin de la dame est occupé par un ours. Celui-ci s'absente quelques instants, à l'entr'acte. Le spectateur en profite : « excusez-moi, dois-je croire mes yeux? c'est un ours qui vous accompagne? —  Mais parfaitement, monsieur, c'est un ours. —  Et le film l'intéresse? —  Il me le fera savoir tout à l'heure. Tout ce que je peux vous dire, c'est que le roman lui avait beaucoup plu. »

ANDRÉ GIDE, Ainsi soit-il, ou Les Jeux sont faits,  1951, page 1188. 

2. Péjoratif, familier.  Absurde, révoltant : 

Ø 12.... et non plus, il va sans dire, qu'avec notre vieille chatte, qui pourtant l'excitait autant qu'une chienne, et qui, de son côté, le provoquait et poursuivait tout comme s'il eût été un chat. On n'imagine pas plus absurde et plus ahurissant manège; Toby s'exténuait auprès d'elle, après elle, durant des heures et des journées.

ANDRÉ GIDE, Journal,  1917, page 613. 

Ø 13. En blaguant Dieu, la vertu, l'honneur (...) il [l'homme français] épiait dans nos yeux une certaine flamme. Il n'y voyait trop souvent qu'une tristesse lâche qui déjà consent (...) —  et, par-dessus tout, Seigneur! l'affreuse, la puérile, l'ahurissante finasserie des bons journaux —  cinq minutes de bonne lecture — ...

GEORGES BERNANOS, La Grande peur des Bien-Pensants,  1931, page 149. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 37. 

 

Forme dérivée du verbe \"ahurir\"

 ahurir

AHURIR, verbe transitif.  

Provoquer une réaction très vive (de nature physique et morale) d'étonnement, de trouble, d'abêtissement. 

I.—  Emploi transitif.  [Souvent à la voix passive]  Ahurir quelqu'un (de, par, sous, etc.). Confer aussi ahuri II A 2. 

A.—  [L'idée de surprise domine]  Jeter dans la stupéfaction, frapper d'étonnement : 

Ø 1. D'ailleurs, madame Josserand continuait, ahurissait son gendre par des déclarations extraordinaires... 

ÉMILE ZOLA, Pot-Bouille,  1882, page 231. 

Ø 2. Christophe fit de nouvelles démarches chez des marchands de musique : elles ne servirent à rien. Il trouvait les Français peu accueillants; et leur agitation désordonnée l'ahurissait. Il avait l'impression d'une société anarchique, dirigée par une bureaucratie rogue et despotique.

ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, La Foire sur la place, 1908, page 669. 

Ø 3. Je m'étais enfoncée dans une telle solitude que par moments je devenais tout à fait étrangère au monde et il m'ahurissait par son étrangeté; les objets n'avaient plus de sens, ni les visages, ni moi-même : comme je ne reconnaissais rien, il était tentant d'imaginer que j'avais atteint l'inconnu.

SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée,  1958, page 265. 

Remarque : Synonymes : abasourdir, ébahir, éberluer, étonner, interdire, interloquer, stupéfier, surprendre. 

B.—  [L'idée de trouble, de désordre psychique domine]  Faire perdre la tête : 

Ø 4. Quelques minutes avaient suffi pour poudrer à blanc, sous la toile palpitante de la charrette, Isabelle, Sérafine et Léonarde, quoiqu'elles se fussent réfugiées tout au fond et abritées d'un rempart de paquets. Ahuri par les flagellations de la neige et du vent, le cheval n'avançait plus qu'à grand'peine. Il soufflait, ses flancs battaient, et ses sabots glissaient à chaque pas.

THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse,  1863, page 143. 

Ø 5. Il [Anatole] madrigalisait avec la femme, l'ahurissait, l'étourdissait... 

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Manette Salomon,  1867, page 366. 

Ø 6. Il y aurait de quoi me conduire à Charenton si je n'avais pas la tête forte. D'ailleurs, c'est mon but (secret) : ahurir tellement le lecteur qu'il en devienne fou. Mais mon but ne sera pas atteint, par la raison que le lecteur ne me lira pas; il se sera endormi dès le commencement.

GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance,  1878, page 175. 

Ø 7. Jeté près de Froeschwiller (...) il [le soldat de la ligne] avait vu des lueurs rouges filer dans des bouquets de fumée blanche, et il avait baissé la tête, tremblant, ahuri par la canonnade, effaré par le sifflet des balles.

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Les Soirées de Médan, Sac au dos, 1880, page 132. 

Ø 8.... attribuer enfin au suspect de Vincennes l'organisation et la mise en train d'une secte qu'il n'aura peut-être néanmoins ni prévue ni voulue d'aucune manière et dont le développement, s'il avait pu prophétiquement le connaître, ne l'aurait peut-être pas moins ahuri que désolé. À ce pauvre cerveau si peu cohérent, on fait couver de vastes desseins, à ces épaules que nous avons vues si chancelantes, on fait porter un long siècle de manoeuvres tenaces.

ABBÉ HENRI BREMOND, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, tome 4, 1920, page 69. 

Remarque : Synonymes : confondre, déconcerter, décontenancer, démonter, dérouter, désemparer, désorienter, effarer, étourdir, méduser, pétrifier, troubler. Antonymes : rasséréner, rassurer, tranquilliser. 

C.—  Péjoratif.  Rendre stupide, hébéter : 

Ø 9. L'étonnement de se voir attaché, la vue de tout ce monde qui le regardait, l'ahurissaient, l'abêtissaient davantage. Comme il ne parlait et n'entendait que le patois, il ne put deviner ce que voulait le gendarme. Il levait vers lui sa face épaisse, faisait effort...

ÉMILE ZOLA, La Fortune des Rougon,  1871, page 308. 

II.—  Emploi pronominal, rare. 

A.—  S'étonner, se troubler : 

Ø 10. Il n'était pas encore bien éveillé. Les paroles de Lisa retentissaient, comme s'il eût déjà entendu les fortes bottes des gendarmes, à la porte de la chambre. Il la regardait, coiffée, serrée dans son corset, sur son pied de toilette habituel, et il s'ahurissait davantage, à la trouver si correcte dans cette circonstance dramatique.

ÉMILE ZOLA, Le Ventre de Paris,  1873, page 756. 

B.—  Perdre contenance, s'affoler : 

Ø 11. Contre toute attente, le bourreau-des-faubourgs, bien moins endommagé qu'il n'en avait l'air, se porta si brusquement en avant, que le mâle de la Grésigne, étourdi de cette attaque impétueuse, si contraire aux pratiques habituelles de l'escobard, oscilla sur ses orteils, la clavicule à demi-rompue par ce choc à poings fermés plutôt qu'à mains ouvertes, s'ahurit et manqua de choir en arrière, à la grande ire des rustres, qui s'écrièrent d'une voix unanime, en le gourmandant :

—  Tu n'as donc plus de sève?

LÉON CLADEL, Ompdrailles, le tombeau des lutteurs,  1879, page 289. 

C.—  S'abrutir, devenir stupide : 

Ø 12.... sachant (...) assez d'escrime, quelque peu de calcul et d'histoire —  très peu, crainte de s'ahurir —  et toutes les danses connues.

GEORGES D'ESPARBÈS, La Grogne,  1905, page 18. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 51. 

 

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