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ALERTE1, adjectif.

Publié le 21/10/2015

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ALERTE2, substantif féminin et interjection.  

I.—  Substantif. 

A.—  Signal, généralement sonore, ou appel avertissant d'un danger imminent et engageant à prendre les dispositions nécessaires pour l'éviter. Synonyme : alarme :  

Ø 1. À leur approche, trahie au cliquetis de leurs sabres, des chiens de garde mis en défiance donnèrent bruyamment l'alerte.

GEORGES MOINAUX, DIT GEORGES COURTELINE, Le Train de 8 h 47,  1888, page 121. 

Remarque : Syntagmes sonnerie d'alerte (plus usuel sonnerie d'alarme), cri d'-, à la première -, en cas d'-, fausse -, donner l'- (donner l'alarme, alerter). 

—  En particulier. 

1. [En cas de maladie, de sinistre]  Appel à l'aide, doublé d'une demande d'intervention et d'assistance immédiates, adressé à la personne ou à l'organisme compétents (médecin, pompiers...) : 

Ø 2. Du temps où elle était en bois, New-York a conservé la phobie de l'incendie. Partout des escaliers de sûreté, des panneaux ignifugés, des dégagements, des sorties de secours; à chaque pas un poste d'alarme et des bouches à eau, grosses comme des canons de siège; les pompiers arrivent sur les lieux du sinistre quarante secondes après l'alerte. Aussitôt qu'on entend la plainte déchirante de leur sirène, suivie du glas de la cloche, tout s'interrompt et les pompes, aussi belles que le feu lui-même, passent, rapides comme la flamme.

PAUL MORAND, New-York,  1930, pages 214-215. 

2. [En cas de guerre] 

a) Signal prévenant une force militaire d'une attaque ennemie, lui imposant de prendre les mesures de sécurité voulues et de se tenir prête à intervenir : 

Ø 3. Debout à la première alerte, j'avais conduit plus d'une fois ma compagnie à l'émeute, et commandé même des bivouacs dans l'intérêt de l'ordre public.

LOUIS REYBAUD, Jérôme Paturot à la recherche d'une position sociale,  1842, page 220. 

Ø 4.... les compagnies, les bataillons et les escadrons se reformèrent et l'on attendit sous les armes. Cela prit bien deux heures de temps. Ce qui nous étonnait le plus, c'était de ne pas voir revenir l'arrière-garde. On regardait, on écoutait; les sentinelles avaient la consigne de donner l'alerte au premier mouvement. Les officiers délibéraient autour d'un feu de bivouac, en avant du village.

ÉMILE ERCKMANN ET ALEXANDRE CHATRIAN, DITS ERCKMANN-CHATRIAN, Histoire d'un paysan, tome 2, 1870, page 204. 

Remarque : DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE LA LANGUE FRANÇAISE  (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845 donne les précisions suivantes \" Alerte de sentinelle ou de poste. Alerte de service qui a lieu quand il survient dans le voisinage du poste quelque événement inattendu, et annoncée par les mots : à la garde ou aux armes, suivant les circonstances. Alerte du bon Dieu ou du Saint-Sacrement. Sorte d'alerte de poste. Alerte de prise d'armes. Voir alerte de poste. Alerte de tumulte ou de bruit. Sorte d'alerte de poste que la sentinelle transmet aux hommes du poste par le cri à la garde. Alerte d'incendie ou de feu. Alerte de poste que la sentinelle transmet par le cri au feu. Alerte de service. Alerte pour les soldats casernés. Les havresacs, dans ce cas, doivent toujours être fermés. La garnison est alors tenue en alerte. Alerte de caporal chef de poste. Alerte de service qui concerne le caporal de consigne, s'il y a plusieurs caporaux de garde au poste. Elle est donnée par les mots, hors de garde. \" 

b) Signal avertissant la population d'une attaque ennemie (bombardement aérien, approche de blindés...) et l'invitant à prendre les dispositions de défense passive prévues : 

Ø 5. Au second étage, parmi les sonneries des ambulances qui parcouraient la ville et le bruit incessant des camions, des miliciens, en service commandé, tentaient d'entraîner de force des vieillards, réfugiés sous leurs lits contre le bombardement, à demi fous, et qui ne voulaient pas lâcher les pieds de fer. Soudain, écho menaçant des ambulances, les sirènes d'alerte parcoururent la rue à toute vitesse : lâchant les lits, les vieillards coururent vers la porte de l'escalier qui menait à la cave, leur couverture sur le dos...

ANDRÉ MALRAUX, L'Espoir,  1937, page 728. 

Remarque : Syntagmes signal d'alerte, système d'-, alerte aérienne, —  aux gaz, —  aux blindés. 

—  Par extension.  [La notion de danger s'atténue jusqu'à disparaître]  Signal indiquant que survient un phénomène dont il y a lieu de s'inquiéter : 

Ø 6. La journée, malgré son grand soleil, fut terrible encore. Il y eut deux alertes, deux appels de clairon, qui firent courir Jean devant le hangar, où les distributions étaient censées avoir lieu. Mais, les deux fois, il ne reçut que des coups de coude, dans la bousculade. Les Prussiens, si remarquablement organisés, continuaient à montrer une incurie brutale à l'égard de l'armée vaincue.

ÉMILE ZOLA, La Débâcle,  1892, pages 455-456. 

Ø 7. «... C'est là que couche le surveillant Vous voyez : il place son lit bien au milieu, à égale distance des parois; il voit tout, entend tout, et ne risque rien. D'ailleurs, il a sa sonnerie d'alerte dont les fils passent sous le plancher. »

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, Le Pénitencier, 1922, page 685. 

B.—  État de défense face à un danger, à une situation critique; durée de cet état : 

Ø 8. Pendant l'alerte, protégés dans leurs réduits, les locataires échangeaient des politesses guillerettes. Certaines dames en peignoir, dernières venues, se pressaient avec élégance et mesure vers cette voûte odorante dont le boucher et la bouchère leur faisaient les honneurs...

LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Voyage au bout de la nuit,  1932, page 105. 

·    En alerte. Sur ses gardes, sur le qui-vive, sur la défensive, prêt ou occupé à parer au danger : 

Ø 9.... il leur semblait, à le voir, si sourd, si muet, avec ses yeux troubles, qu'il devait méditer quelque farouche sournoiserie, un guet-apens, où il les tiendrait en sa puissance. Aussi, pendant le premier mois, ne se virent-ils qu'avec mille précautions, toujours en alerte.

ÉMILE ZOLA, La Bête humaine,  1890, page 187. 

Ø 10. Il faut concevoir d'abord ce troupeau de muscles, différents de forme et de puissance, et attachés sur une carcasse articulée. Chaque muscle est comme un animal qui, dans l'état de repos et d'énergie accumulée, se met en alerte, c'est-à-dire se contracte, pour les moindres causes, et toujours de la même façon, passant de la forme fuselée à la forme arrondie, comme le fait autant qu'il le peut tout vivant en péril.

ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Système des beaux-arts,  1920, pages 25-26. 

Ø 11. Tirez quatre mille coups de canons par nuit sur un secteur de deux kilomètres, simplement pour tenir l'ennemi en alerte; un coup de canon coûte quatre-vingts francs; faites le compte.

ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos,  1921, page 272. 

Ø 12.... avant de dormir soi-même, il faut faire dormir ses pensées. Mais cela ne va pas bien, car vouloir endormir une pensée, c'est penser; et penser c'est s'éveiller. Toute pensée nous met en alerte; et cela est naturel dans un univers qui n'a rien promis.

ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos,  1927, page 747. 

·    État d'alerte. État d'une troupe ou d'une population prêtes à prendre les dispositions prévues en cas d'alerte. Par extension.  [En parlant d'un individu] :

Ø 13. Les hommes soumis à la revue d'appel avaient vite remarqué qu'on n'y voyait pas Alain. Échappant aux vexations, aux humiliations, à la crainte perpétuelle d'une déportation, que causait aux hommes l'autorité allemande, Alain en était jalousé. On ne recherchait pas si cette tranquillité n'était pas compensée par d'incessantes transes, un état d'alerte qui durait depuis le mois d'octobre.

MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14,  1935, page 50. 

C.—  Menace précise et soudaine d'une situation critique et alarmante; émotion, inquiétude ressenties en présence de cette menace : 

Ø 14.... on entendit retentir une violente fusillade. Valerio mit brusquement la main sur la bride du cheval de sa femme et l'arrêta court. Le Shemsiyèh, par un mouvement qui lui fit honneur, tira son sabre et se jeta devant Lucie pour la couvrir de son corps; le poète mit l'épée à la main, en invoquant saint Georges et Redjèb se coucha par terre en criant qu'il était mort. L'alerte fut vive; il y avait de quoi. Mais aussitôt on entendit de toutes parts, sur les deux flancs des montagnes :

—  N'ayez pas peur! On n'en veut pas à vous! Allez-vous-en! On ne tire pas sur vous! Et la fusillade fut suspendue un instant..

JOSEPH ARTHUR COMTE DE GOBINEAU, Nouvelles asiatiques, La Vie de voyage, 1876, page 329. 

Ø 15.... en se quittant, ils s'embrassèrent, très bons amis, si bien qu'à partir de ce jour, elle le prit pour confident et conseil, tâchant de le voir à la moindre alerte, ne risquant rien sans son approbation.

ÉMILE ZOLA, La Terre,  1887, page 311. 

Ø 16.... avant-hier, notre Véronique retombait malade, nous donnant à craindre la même fièvre qui faillit la tuer en février, en ce terrible février où le genre humain parut nous abandonner. Je me hâte d'ajouter que c'était une fausse alerte et que la chère petite va déjà beaucoup mieux. Je ne parle pas de quelques autres tourments dont le récit emplirait environ quatre-vingts pages d'un texte serré.

LÉON BLOY, Journal,  1895, page 188. 

Ø 17.... l'aube se levait, quand l'automobile que nous avions frétée à Berlin et qui avait l'autorisation de traverser les lignes révolutionnaires, le citoyen Siegfried von Kleist étant invité à faire partie du nouveau Sénat, nous déposa dans Munich. Des agents vêtus de l'ancien uniforme nous poursuivirent dès notre entrée et nous donnèrent une alerte, mais ils en voulaient à nos phares encore allumés et il fallut leur payer contre reçu vingt-quatre marks...

JEAN GIRAUDOUX, Siegfried et le Limousin,  1922, page 239. 

Ø 18. Dans les masses françaises, surtout dans les masses rurales, l'accusation portée contre le gouvernement conservateur d'être un danger pour la paix produisit un effet immense. Le parti républicain, conduit par Gambetta, délaissa sa tradition belliqueuse, comme Thiers, dès 1871, le lui avait conseillé. Ce fut contre les conservateurs qu'il retourna l'accusation d'être le parti de la guerre. Et pourtant l'alerte de 1875 sera suivie de bien d'autres alertes, depuis l'affaire Schnaebelé jusqu'à 1914. On ne tardera pas à voir que l'Allemagne en veut à la France elle-même, et non à ses gouvernements, de même qu'elle avait montré en 1870 que ce n'était pas l'empire qu'elle attaquait.

JACQUES BAINVILLE, Histoire de France, tome 2, 1924, pages 234-235. 

Ø 19. —  « Je te le répète : il n'y aura pas de guerre!... Seulement, l'alerte sera peut-être chaude, et j'espère que, cette fois, les peuples auront compris l'avertissement... Nous recauserons de tout ça, un jour, si tu veux... Maintenant, je te laisse... Au revoir. »

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, page 309. 

Ø 20. Dès mon retour, une assez grave alerte m'a mis au lit avec d'inquiétantes oscillations de température. Un nouveau traitement, des soins énergiques, semblent avoir encore une fois enrayé la progression du mal.

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, Épilogue, 1940, page 909. 

—  Par extension.  [En parlant surtout d'un individu]  État d'appréhension d'un danger réel ou imaginaire : 

Ø 21. Et ce même besoin profond de ne point être rassurés, sur les autres, sur eux-mêmes, tant qu'ils n'éprouvent pas ce bon sentiment d'infécondité. Ce désarroi perpétuel, cette anxiété, cette mortelle inquiétude, cette alerte perpétuelle, cette constante épouvante qu'il n'y ait, qu'il ne vienne quelque part de la fécondité, qu'il ne se fasse, qu'il ne vienne, qu'il ne se fonde, qu'il ne naisse quelque vie, quelque race, quelque oeuvre.

CHARLES PÉGUY, L'Argent,  1913, page 1111. 

—   [Les notions de menace et d'inquiétude peuvent s'estomper ou même disparaître totalement]  État d'éveil, de tension : 

Ø 22. Ce prêtre s'était évidemment tracé un plan; Durtal ne le pénétrait pas encore en son entier, mais il devait constater que ce régime de temporisation et que cette alerte de pensées toujours ramenées vers Dieu par des visites quotidiennes dans les églises, agissaient à la longue sur lui et lui malaxaient peu à peu l'âme.

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, En route, tome 1, 1895, page 136. 

Ø 23. Et lui qui à Paris, quand une femme de la nuit l'accostait, répondait par une insolence, la plus blessante qui lui vînt aux lèvres, il développe ici pour la première fois son génie familier et peloteur. Il va, les yeux clignotants par l'alerte de son esprit, le visage radieux d'impureté, souple et fureteur comme une petite hyène.

HENRI DE MONTHERLANT, Les Bestiaires,  1926, pages 442-443. 

—  PSYCHOLOGIE.  \" État de l'organisme animal où s'exprime une anticipation, une attente de la situation à venir. L'état d'alerte accompagne presque toujours l'annonce ou l'émission d'une consigne, d'un pré-stimulus. \" (Vocabulaire de la psychologie (HENRI PIÉRON), 1963) : 

Ø 24. La vie de l'anxieux est une perpétuelle et douloureuse alerte. Enfant, il est la proie des peurs nocturnes; timide, craintif, impressionnable à l'excès, il redoute la solitude comme il redoute la société.

EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 233. 

II.—  Interjection.  Sert à avertir d'un danger imminent, appelle à se tenir sur ses gardes, prêt à intervenir : 

Ø 25. «... —  Gavache! s'écria le brigand, est-ce pour un pet de ta mule que j'arme cette carabine? Alerte! Alerte! une trompette! Voici les dragons jaunes. »

LOUIS BERTRAND, DIT ALOYSIUS BERTRAND, Gaspard de la nuit,  1841, page 174. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 377. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 184, b) 452; XXe.  siècle : a) 614, b) 838. 

 

Forme dérivée du verbe \"alerter\"

 alerter

ALERTER, verbe transitif.  

A.—  Emploi transitif. 

1. [Le complément désigne une personne ou un collectif]  Alerter quelqu'un. L'avertir d'un danger, d'une situation critique ou, par extension, d'un phénomène anormal, d'une difficulté quelconque, pour que soient éventuellement prises des mesures de vigilance, d'aide ou d'intervention : 

Ø 1. Et, le jour même où il revenait, pantelant, à Paris, c'était pour trouver la maison bouleversée : son frère, parti depuis la veille; son père déchaîné, têtu, ayant alerté la police, vociférant : « Il est allé se tuer! », sans qu'on pût tirer de lui autre chose. Le drame de famille s'était greffé à vif sur le drame d'amour.

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Sorellina, 1928, page 1166. 

Ø 2. Quand vous aurez fini aux Bois Bourrus, pourquoi ne passeriez-vous pas la nuit au Mort-Homme? Vous trouverez bien un P. C. de brigade où vous abriter. J'aimerais assez que vous soyez là-bas cette nuit. S'il arrivait quoi que ce soit, vous m'alerteriez aussitôt, en me donnant votre impression. S'il n'arrive rien, rentrez demain matin.

LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, Verdun, 1938, page 256. 

Ø 3. La bataille était perdue. Jean-Jacques prétendit en appeler au public. Il s'enferma dans son galetas, développa son projet, en fit tout un livre dont il paya seul le privilège et qu'il donna à l'éditeur à « moitié-profit ». En même temps il alertait tout ce qu'il pouvait connaître à Paris.

JEAN GUÉHENNO, Jean-Jacques, tome 1, En marge des \"Confessions\", 1948, page 162. 

Ø 4. Sur le plan intérieur américain, les techniciens entreprirent durant les derniers mois de l'année 1945 un énorme effort pour alerter le public et lui exposer le problème atomique et ses dangers. 

BERTRAND GOLDSCHMIDT, L'Aventure atomique, ses aspects politiques et techniques,  1962, page 62. 

—  MILITAIRE.  Donner l'ordre à une formation militaire de se tenir prête à intervenir : 

Ø 5. Dans la soirée du 8 mai, toutes les divisions de cavalerie disponibles étaient alertées et tenues prêtes à se porter dans la zone de la 10e.  armée.

MARÉCHAL JOSEPH JOFFRE, Mémoires, tome 2, 1931, page 76. 

—  Au figuré : 

Ø 6. Elle feint de ramener distraitement son écharpe sur sa poitrine, mais Philippe sait très bien que ce geste est un geste de défense, que la diligente petite cervelle vient d'alerter chaque nerf, chaque fibre de ce corps délicat, qu'elle est désormais tout entière sur ses gardes. 

GEORGES BERNANOS, Monsieur Ouine,  1943, page 1442. 

2. Faire pressentir un danger, une menace, une situation anormale : 

Ø 7. Fakhr Ed-Dîn, le généralissime égyptien, sortait du bain et se faisait teindre la barbe au henné quand les cris des fuyards l'alertèrent. Sans avoir le temps de revêtir son armure, il sauta sur un cheval et courut aux nouvelles. Des templiers arrivaient en trombe. Un coup de lance lui perça le flanc et il roula, mort, tandis que la chevauchée franque s'éloignait en direction de Mansoura.

RENÉ GROUSSET, L'Épopée des Croisades,  1939, page 356. 

—  En particulier. Alerter (un ennemi, un adversaire) : 

Ø 8. Le maquis de la forêt voisine ne serait mobilisé que pour faire la couverture et resterait sur la rive gauche. Deux fusils-mitrailleurs seraient suffisants pour protéger le retour des barques. —  Inutile de mobiliser de gros contingents, ce qui reviendrait à alerter l'ennemi qui dispose certainement de mouchards dans la région. Il suffit que la traversée de la Saône soit assurée aller et retour.

ROGER VAILLAND, Drôle de jeu,  1945, page 129. 

—  Par extension. Alerter quelqu'un (sur quelque chose, contre quelqu'un). Le mettre en garde contre quelque chose ou quelqu'un : 

Ø 9. L'idée d'une sexualité infantile est une idée récente. La mémoire n'en garde aucun souvenir, du moins pour les six ou huit premières années. Nous en rejetons même l'idée avec une certaine violence, ce qui pourrait attester un refoulement persistant Les fantaisies de goût peu sûr et de science incertaine qui ont pu se mêler ici aux faits assurés n'empêchent que la réalité n'en soit définitivement établie. Saint Augustin avait raison quand il nous alertait sur la présence latente, dans le « cher petit ange », de tous les instincts de la nature. Le cher petit ange, au surplus, n'en devient pas un monstre, mais un puer duplex au psychisme déjà délicat, qu'il faut garder de certaines menaces.

EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 141. 

Ø 10. —  C'est bien mon avis, dit Preston; et c'est celui auquel le State Department va certainement se ranger. Il sourit : « C'est pourquoi il me paraît inopportun d'alerter contre nous l'opinion française. »

SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins,  1954, page 126. 

3. [La notion de danger s'estompant au point de disparaître totalement]  Prévenir, informer : 

Ø 11. —  Docteur Jamar? Ici, Mansuy... oui... oui, je comprends... le Parquet sera ici vers onze heures... je crois qu'il vaut mieux ne pas vous déranger avant que je vous alerte, car ces messieurs peuvent fort bien arriver en retard... je vous téléphonerai et vous en aurez pour un instant à les rejoindre en auto...

GEORGES SIMENON, Les Vacances de Maigret,  1948, page 98. 

Remarque : L'idée de signal donné précipitamment subsiste avec celle de la nécessité d'une intervention rapide. 

—  Au figuré : 

Ø 12. Le désert, c'est moi. Je ne forme plus de salive, mais je ne forme plus, non plus, les images douces vers lesquelles j'aurais pu gémir. Le soleil a séché en moi la source des larmes. Et cependant, qu'ai-je aperçu? Un souffle d'espoir a passé sur moi comme une risée sur la mer. Quel est le signe qui vient d'alerter mon instinct avant de frapper ma conscience? Rien n'a changé, et cependant tout a changé. Cette nappe de sable, ces tertres et ces légères plaques de verdure ne composent plus un paysage, mais une scène. Une scène vide encore, mais toute préparée. Je regarde Prévot. Il est frappé du même étonnement que moi, mais il ne comprend pas non plus ce qu'il éprouve. Je vous jure qu'il va se passer quelque chose... je vous jure que le désert s'est animé.

ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Terre des hommes,  1939, page 240. 

B.—  Emploi pronominal, rare. 

1. Emploi pronominal réciproque.  [En parlant de sentinelles]  S'alerter l'une l'autre. Se maintenir mutuellement en alerte : 

Ø 13. La dissidence ajoutait au désert. Les nuits de Cap Juby, de quart d'heure en quart d'heure, étaient coupées comme par le gong d'une horloge : les sentinelles, de proche en proche, s'alertaient l'une l'autre par un grand cri réglementaire. Le fort espagnol de Cap Juby, perdu en dissidence, se gardait ainsi contre des menaces qui ne montraient point leur visage. Et nous, les passagers de ce vaisseau aveugle, nous écoutions l'appel s'enfler de proche en proche, et décrire sur nous des orbes d'oiseaux de mer.

ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Terre des hommes,  1939 page 187. 

2. Emploi pronominal réfléchi, figuré.  Se mettre en mouvement à la suite d'une alerte : 

Ø 14. Je n'étais qu'un moyen de le faire vivre, il était ma raison d'être, il m'avait délivré de moi. Qu'est-ce que je vais faire à présent? Surtout ne pas bouger, ne pas bouger... Ah! ce mouvement d'épaules, je n'ai pas pu le retenir... La chose, qui attendait, s'est alertée, elle a fondu sur moi, elle se coule en moi, j'en suis plein. —  Ce n'est rien : la chose, c'est moi. L'existence, libérée, dégagée, reflue sur moi. J'existe.

JEAN-PAUL SARTRE, La Nausée,  1938, page 128. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 53. 

 

ALERTE1, adjectif.  

A.—  Vieilli, très rare. 

1. \" Qui est vigilant, et qui se tient sur ses gardes \" (Dictionnaire de l'Académie Française). \" On ne le surprendra pas aisément, il est toujours alerte. \" (Dictionnaire de l'Académie Française) : 

Ø 1.... point de procès, dites-vous; détrompez-vous. Vous aurez procès, et si vous n'êtes pas très alerte et très adroit (qualités que vous avez, vous, mais qui manquent aux Belges, témoin Tarride), vous aurez saisie de l'édition peut-être entière.

VICTOR HUGO, Correspondance,  1853, page 154. 

Remarque : Également attesté dans DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE LA LANGUE FRANÇAISE  (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845, DICTIONNAIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE  (ÉMILE LITTRÉ), Dictionnaire de l'Académie Française 1878, Dictionnaire général de la langue française (Adolphe Hatzfeld, Arsène Darmesteter), Dictionnaire de l'Académie Française tome 1 1932, DICTIONNAIRE ALPHABÉTIQUE ET ANALOGIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE  (PAUL ROBERT) et DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE QUILLET 1965. 

2. \" (...) Habile à voir et prompt à saisir ce qui peut lui être utile, avantageux \" (Dictionnaire de l'Académie Française). \" Un homme plus alerte que lui avait obtenu la place. Il est alerte à saisir les occasions de gagner de l'argent. Il est fort alerte pour tout ce qui convient à ses intérêts. \" (Dictionnaire de l'Académie Française). 

Remarque : Attesté d'autre part dans DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE LA LANGUE FRANÇAISE  (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845 (\" se prend un peu en mauvaise part \"), Dictionnaire de l'Académie Française 1878 et DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE QUILLET 1965. 

B.—  Courant.  Éveillé, vif, agile. 

1. [En parlant d'une personne, de ses manifestations physiques] :

Ø 2. Teresa était, au contraire, vive, alerte et gaie, mais coquette à l'excès;...

ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Le Comte de Monte-Cristo, tome 1, 1846, page 435. 

2. Par analogie.  [En parlant de son esprit, de ses manifestations ou de ses produits] :

Ø 3. Dire que j'ai trouvé, pour mener à bien le sort de cette pièce, un appui auquel on peut se fier toujours, un dévouement patient et infatigable, une aide fraternelle et le secours d'une pensée vive, alerte, ingénieuse, féconde, toujours en éveil, n'est-ce pas dénoncer déjà mon cher ami Régnier, dont ce qu'on nomme désintéressement est la nature même?

THÉODORE DE BANVILLE, Gringoire, préface, 1866, page III. 

Ø 4. Ce qui ébaudit et déconcerte, c'est cette furieuse touffeur de femme tiède et d'essences débouchées qui jaillit de ces aquarelles si alertes et si libres; tout cela bouge et fume, l'on entend les propos qui s'échangent, le craquement étouffé des bottes sur les tapis, l'on reconnaît ces gens pour les avoir vus, partout où la gomme s'assemble, et ils sont saisis avec une telle justesse de posture qu'on n'imagine pas qu'ils puissent se tenir autrement au moment où l'artiste nous les présente.

GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, L'Art moderne,  1883, page 271. 

Ø 5. Il a publié il y a deux ans —  il est d'ailleurs beaucoup plus âgé que vous, naturellement, —  un ouvrage relatif au sentiment de l'infini sur la rive occidentale du lac Victoria-Nyanza et cette année un opuscule moins important, mais conduit d'une plume alerte, parfois même acérée, sur le fusil à répétition dans l'armée bulgare, qui l'ont mis tout à fait hors de pair.

MARCEL PROUST, À la recherche du temps perdu, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, page 453. 

 

 

Forme dérivée du verbe \"alerter\"

 alerter

ALERTER, verbe transitif.  

A.—  Emploi transitif. 

1. [Le complément désigne une personne ou un collectif]  Alerter quelqu'un. L'avertir d'un danger, d'une situation critique ou, par extension, d'un phénomène anormal, d'une difficulté quelconque, pour que soient éventuellement prises des mesures de vigilance, d'aide ou d'intervention : 

Ø 1. Et, le jour même où il revenait, pantelant, à Paris, c'était pour trouver la maison bouleversée : son frère, parti depuis la veille; son père déchaîné, têtu, ayant alerté la police, vociférant : « Il est allé se tuer! », sans qu'on pût tirer de lui autre chose. Le drame de famille s'était greffé à vif sur le drame d'amour.

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Sorellina, 1928, page 1166. 

Ø 2. Quand vous aurez fini aux Bois Bourrus, pourquoi ne passeriez-vous pas la nuit au Mort-Homme? Vous trouverez bien un P. C. de brigade où vous abriter. J'aimerais assez que vous soyez là-bas cette nuit. S'il arrivait quoi que ce soit, vous m'alerteriez aussitôt, en me donnant votre impression. S'il n'arrive rien, rentrez demain matin.

LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, Verdun, 1938, page 256. 

Ø 3. La bataille était perdue. Jean-Jacques prétendit en appeler au public. Il s'enferma dans son galetas, développa son projet, en fit tout un livre dont il paya seul le privilège et qu'il donna à l'éditeur à « moitié-profit ». En même temps il alertait tout ce qu'il pouvait connaître à Paris.

JEAN GUÉHENNO, Jean-Jacques, tome 1, En marge des \"Confessions\", 1948, page 162. 

Ø 4. Sur le plan intérieur américain, les techniciens entreprirent durant les derniers mois de l'année 1945 un énorme effort pour alerter le public et lui exposer le problème atomique et ses dangers. 

BERTRAND GOLDSCHMIDT, L'Aventure atomique, ses aspects politiques et techniques,  1962, page 62. 

—  MILITAIRE.  Donner l'ordre à une formation militaire de se tenir prête à intervenir : 

Ø 5. Dans la soirée du 8 mai, toutes les divisions de cavalerie disponibles étaient alertées et tenues prêtes à se porter dans la zone de la 10e.  armée.

MARÉCHAL JOSEPH JOFFRE, Mémoires, tome 2, 1931, page 76. 

—  Au figuré : 

Ø 6. Elle feint de ramener distraitement son écharpe sur sa poitrine, mais Philippe sait très bien que ce geste est un geste de défense, que la diligente petite cervelle vient d'alerter chaque nerf, chaque fibre de ce corps délicat, qu'elle est désormais tout entière sur ses gardes. 

GEORGES BERNANOS, Monsieur Ouine,  1943, page 1442. 

2. Faire pressentir un danger, une menace, une situation anormale : 

Ø 7. Fakhr Ed-Dîn, le généralissime égyptien, sortait du bain et se faisait teindre la barbe au henné quand les cris des fuyards l'alertèrent. Sans avoir le temps de revêtir son armure, il sauta sur un cheval et courut aux nouvelles. Des templiers arrivaient en trombe. Un coup de lance lui perça le flanc et il roula, mort, tandis que la chevauchée franque s'éloignait en direction de Mansoura.

RENÉ GROUSSET, L'Épopée des Croisades,  1939, page 356. 

—  En particulier. Alerter (un ennemi, un adversaire) : 

Ø 8. Le maquis de la forêt voisine ne serait mobilisé que pour faire la couverture et resterait sur la rive gauche. Deux fusils-mitrailleurs seraient suffisants pour protéger le retour des barques. —  Inutile de mobiliser de gros contingents, ce qui reviendrait à alerter l'ennemi qui dispose certainement de mouchards dans la région. Il suffit que la traversée de la Saône soit assurée aller et retour.

ROGER VAILLAND, Drôle de jeu,  1945, page 129. 

—  Par extension. Alerter quelqu'un (sur quelque chose, contre quelqu'un). Le mettre en garde contre quelque chose ou quelqu'un : 

Ø 9. L'idée d'une sexualité infantile est une idée récente. La mémoire n'en garde aucun souvenir, du moins pour les six ou huit premières années. Nous en rejetons même l'idée avec une certaine violence, ce qui pourrait attester un refoulement persistant Les fantaisies de goût peu sûr et de science incertaine qui ont pu se mêler ici aux faits assurés n'empêchent que la réalité n'en soit définitivement établie. Saint Augustin avait raison quand il nous alertait sur la présence latente, dans le « cher petit ange », de tous les instincts de la nature. Le cher petit ange, au surplus, n'en devient pas un monstre, mais un puer duplex au psychisme déjà délicat, qu'il faut garder de certaines menaces.

EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 141. 

Ø 10. —  C'est bien mon avis, dit Preston; et c'est celui auquel le State Department va certainement se ranger. Il sourit : « C'est pourquoi il me paraît inopportun d'alerter contre nous l'opinion française. »

SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins,  1954, page 126. 

3. [La notion de danger s'estompant au point de disparaître totalement]  Prévenir, informer : 

Ø 11. —  Docteur Jamar? Ici, Mansuy... oui... oui, je comprends... le Parquet sera ici vers onze heures... je crois qu'il vaut mieux ne pas vous déranger avant que je vous alerte, car ces messieurs peuvent fort bien arriver en retard... je vous téléphonerai et vous en aurez pour un instant à les rejoindre en auto...

GEORGES SIMENON, Les Vacances de Maigret,  1948, page 98. 

Remarque : L'idée de signal donné précipitamment subsiste avec celle de la nécessité d'une intervention rapide. 

—  Au figuré : 

Ø 12. Le désert, c'est moi. Je ne forme plus de salive, mais je ne forme plus, non plus, les images douces vers lesquelles j'aurais pu gémir. Le soleil a séché en moi la source des larmes. Et cependant, qu'ai-je aperçu? Un souffle d'espoir a passé sur moi comme une risée sur la mer. Quel est le signe qui vient d'alerter mon instinct avant de frapper ma conscience? Rien n'a changé, et cependant tout a changé. Cette nappe de sable, ces tertres et ces légères plaques de verdure ne composent plus un paysage, mais une scène. Une scène vide encore, mais toute préparée. Je regarde Prévot. Il est frappé du même étonnement que moi, mais il ne comprend pas non plus ce qu'il éprouve. Je vous jure qu'il va se passer quelque chose... je vous jure que le désert s'est animé.

ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Terre des hommes,  1939, page 240. 

B.—  Emploi pronominal, rare. 

1. Emploi pronominal réciproque.  [En parlant de sentinelles]  S'alerter l'une l'autre. Se maintenir mutuellement en alerte : 

Ø 13. La dissidence ajoutait au désert. Les nuits de Cap Juby, de quart d'heure en quart d'heure, étaient coupées comme par le gong d'une horloge : les sentinelles, de proche en proche, s'alertaient l'une l'autre par un grand cri réglementaire. Le fort espagnol de Cap Juby, perdu en dissidence, se gardait ainsi contre des menaces qui ne montraient point leur visage. Et nous, les passagers de ce vaisseau aveugle, nous écoutions l'appel s'enfler de proche en proche, et décrire sur nous des orbes d'oiseaux de mer.

ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Terre des hommes,  1939 page 187. 

2. Emploi pronominal réfléchi, figuré.  Se mettre en mouvement à la suite d'une alerte : 

Ø 14. Je n'étais qu'un moyen de le faire vivre, il était ma raison d'être, il m'avait délivré de moi. Qu'est-ce que je vais faire à présent? Surtout ne pas bouger, ne pas bouger... Ah! ce mouvement d'épaules, je n'ai pas pu le retenir... La chose, qui attendait, s'est alertée, elle a fondu sur moi, elle se coule en moi, j'en suis plein. —  Ce n'est rien : la chose, c'est moi. L'existence, libérée, dégagée, reflue sur moi. J'existe.

JEAN-PAUL SARTRE, La Nausée,  1938, page 128. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 53. 

 

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