DÉCANTER, verbe.

DÉCANTER, verbe.  

A.—  Emploi transitif. 

1. Décanter un liquide. Le séparer des matières qu'il contient en suspension et qui se déposent au fond du récipient. Ampoule à décanter (JEAN-JACQUES CHARTROU, Pétroles naturels et artificiels,  1931, page 140 ). On agita ce mélange, on le laissa reposer, puis on le décanta, et on obtint un liquide clair (JULES VERNE, L'Île mystérieuse,  1874, page 157 ). Le maître d'hôtel s'irritait parce qu'on avait oublié de décanter un vin (FRANÇOIS MAURIAC, Le Mystère Frontenac,  1933, page 131 ). 

—  Absolument.  Procéder à la décantation : 

Ø 1. Après avoir pilé de la substance nerveuse de mouton, dans de l'eau distillée, il avait dû décanter et filtrer. Et il venait d'obtenir une petite bouteille d'un liquide trouble, opalin, irisé de reflets bleuâtres...

ÉMILE ZOLA, Le Docteur Pascal,  1893, page 42. 

—  Spécialement. Décanter les argiles (confer Jean-Balthasar Mallard, comte de La Varende, Cavalier seul,  1956, page 173 ). Voir décantage (emploi A). 

2. Au figuré.  Clarifier, mettre de l'ordre (dans), dégager les éléments essentiels (de). Les souffrances d'amour (...) décantent nos sentiments (MAURICE BARRÈS, Le Jardin de Bérénice,  1891, page 109) : 

Ø 2. Le recul que me donnait maintenant mon voyage aux Syrtes me dotait d'une clairvoyance plus grande : le souvenir décantait à distance des impressions jusque-là sans cesse brassées et dissoutes dans ce tumulte du quotidien qui nous ramène à flot dans son agitation légère.

JULIEN GRACQ, Le Rivage des Syrtes,  1951, page 59. 

·    Emploi pronominal : 

Ø 3. Ce débat entre matérialismes et spiritualismes bâtards ne nous échauffe plus guère. Une vérité s'en est décantée : que de toutes parts l'homme est environné, enraciné.

EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 73. 

—  Par extension, rare.  Laisser se déposer. Romedios éclatait d'arôme dans la pièce tiède comme un vin chambré. Les derniers dîneurs, eux aussi, décantaient doucement un bonheur (PAUL MORAND, Ouvert la nuit,  1922, page 55 ). 

B.—  Emploi intransitif ou pronominal. 

1. [En parlant d'un liquide] 

a) Devenir plus limpide en laissant se déposer les impuretés. Avant de mettre le vin en bouteilles, on le laisse se décanter (DICTIONNAIRE DU FRANÇAIS VIVANT  (MAURICE DAVAU, MARCEL COHEN, MAURICE LALLEMAND)  1972). 

b) Par extension.  Se déposer. Le sang se décantait, se déposait (ALEXANDRE ARNOUX, Rhône, mon fleuve,  1944, page 46 ). 

2. Au figuré.  [En parlant d'une oeuvre, des idées, voire d'une personne]  Devenir meilleur, plus pur, éliminer certains éléments. Je veux aussi avoir le délai matériel pour que mon oeuvre décante avant que je la relise (PAUL CLAUDEL, Correspondance [avec André Gide] , 1899-1926, page 151) : 

Ø 4.... le progrès de l'écrivain s'affirme dans la mesure où cette oeuvre née de lui, (...) de livre en livre se décante, se purifie de l'accidentel.

FRANÇOIS MAURIAC, Journal 2,  1937, page 167. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 3