Devoir de Philosophie

DÉCHARNER, verbe transitif.

Publié le 08/12/2015

Extrait du document

 

DÉCHARNER, verbe transitif.  

A.—  [Par référence à la chair dans son aspect essentiellement physique, en tant que composante prédominante du corps humain ou animal] 

1. [Le complément désigne une personne, un animal ou une partie de leur corps] 

a) Vieux.  Dépouiller les os de la chair qui les entoure. Décharner un cadavre. Des nuées de corbeaux (...) décharnèrent le corps couché dans cette bière, ne lui laissant que les os (PROSPER DE BARANTE, Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, tome 2, 1824, page 329 ). Boeufs, taureaux, vaches, moutons sont abattus par centaines, écorchés et décharnés (JULES VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, tome 1, 1868, page 193 ). L'instrument qui avait servi à décharner, puis à racler les os (RENÉ HUYGHE, Dialogue avec le visible,  1955, page 110 ). 

Remarque : On rencontre dans la documentation le substantif féminin décarnisation. Action, coutume de décharner un squelette, d'ôter les chairs, les parties les plus molles; résultat de cette action. Fin du deuil et deuxième enterrement correspondaient à la décarnisation du squelette (Cuisinier, Danse sacrée, 1951, page 82). 

b) Par exagération.  [Par référence à la chair considérée dans son aspect extérieur] 

—  Généralement à la forme pronominale avec sens passif.  Rendre, devenir extrêmement maigre; faire perdre aux chairs leur aspect florissant Le temps aux ongles durs décharne la beauté (HENRI DE RÉGNIER, Les Jeux rustiques et divins,  1897, page 131 ). Perdre le boire et le manger! (...) te décharner jusqu'aux os! (LOUIS-FERDINAND DESTOUCHES, DIT CÉLINE, Mort à crédit,  1936, page 690 ).  Confer aussi amaigrir, exemple 7. 

—   Faire paraître extrêmement maigre. Des corps blafards de suppliciés, que le dessin grossier décharnait affreusement (ÉMILE ZOLA, La Faute de l'Abbé Mouret,  1875, page 1471 ). Avec les yeux d'une tête de mort Que la lune encore décharne (PAUL VERLAINE, Œuvres complètes, tome 1, Jadis et naguère, 1884, page 367 ). La barbe du proscrit, à demi repoussée, le décharnait (JEAN-BALTHASAR MALLARD, COMTE DE LA VARENDE, L'Homme aux gants de toile,  1943, page 232 ). 

2. Par analogie.  [Le complément désigne un élément de la nature]  Dépouiller de la chair (confer chair I A 1 par analogie), de ce qui recouvre. (Quasi-)synonyme : dénuder. On regarde ces entassements de rocs gris (...) et l'on pense aux furieux courants, à la bataille des eaux qui ont raviné, décharné, disloqué les crêtes (HYPPOLYTE-ADOLPHE TAINE, Notes sur Paris,  1867, page 251 ). L'hiver décharne toutes choses, et les petits plants sont dévêtus (JOSEPH DE PESQUIDOUX, Chez nous,  1921, page 107 ). La chenille du pin avait mangé les aiguilles de toutes les pinèdes; elle avait même décharné les thuyas et les cyprès (JEAN GIONO, Le Hussard sur le toit,  1951, page 22 ). 

3. Au figuré.  [Le complément désigne le langage, les choses littéraires]  Dépouiller d'ornements, d'éléments superflus; ne pas donner d'ampleur; rendre pauvre, sec. Décharner une langue, un style. (Quasi-)synonymes : affaiblir, amoindrir. Tirer d'une donnée théâtrale un peu plus qu'elle n'est capable de rendre, non pas en l'enflant d'éloquence romantique, mais en la décharnant (GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, La Jumelle noire, 1938, page 114 ). 

B.—  [Par référence à la chair en tant qu'objet de consommation]  Spécialement.  FAUCONNERIE.  Décharner un leurre. Ôter le morceau de viande dont il est garni. 

Remarque : Attesté dans le Dictionnaire de l'Académie Française 1798, Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle (Pierre Larousse)-Grand Larousse de la langue française en six volumes, Dictionnaire de la langue française (Émile Littré), Dictionnaire général de la langue française (Adolphe Hatzfeld, Arsène Darmesteter), Dictionnaire des dictionnaires (sous la direction de Paul Guérin) 1892 et dans Traité général des Eaux et Forêts - Chasses et pêches (Jacques-Joseph Baudrillart) 1834. 

C.—  [Par référence à la chair dans ses interférences avec l'ordre spirituel et/ou moral; le complément désigne une personne, un trait humain]  Littéraire, péjoratif.  Détacher de la chair, du monde physique, de la nature humaine; faire perdre la sensibilité. Mon enfance l'a-t-elle avarement flétrie [ma nature] ? Ou bien originellement aride et pulvérulente, sans moelleux, a-t-elle (...) happé toute occasion de se décharner et de s'aigrir? (ALEXANDRE ARNOUX, Les Crimes innocents.  1952, page 109 ). Le sang, les haines décharnent le coeur lui-même; la longue revendication de la justice épuise l'amour qui pourtant lui a donné naissance (ALBERT CAMUS, L'Été,  1954, page 157) : 

Ø Sans les cieux maintenant qu'est-ce donc que la terre?

La terre! Ce n'est plus qu'un triste et mauvais lieu,

(...)

Où, mourant d'une faim qui n'est point assouvie,

L'homme a jauni sa face et décharné sa vie,

Où, vidant là son coeur, liberté, ciel, amour,

L'infâme a tout joué, tout perdu sans retour

AUGUSTE BARBIER, Ïambes et poèmes, Désolation, 1840, page 99. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 10. 

Liens utiles