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DÉFIANT, -ANTE, participe présent et adjectif.

Publié le 12/12/2015

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DÉFIANT, -ANTE, participe présent et adjectif.  

I.—  Participe présent de défier2* 

II.—  Emploi adjectival.  [En parlant d'une personne]  Qui se défie; qui manifeste de la défiance. Synonyme : méfiant; antonyme : confiant. 

A.—  [Suivi d'un complément introduit par envers, devant, à l'égard de, de...] 

1. [Le complément désigne une personne]  Les houilleurs, très défiants devant les étrangers (ÉMILE ZOLA, Germinal,  1885, page 1252 ). 

—  En particulier. Défiant de soi. Qui manque de confiance en soi. L'une très sûre d'elle avait de l'attaque, mais ne tenait pas; l'autre, défiante de soi, hésitait dans les commencements mais persévérait (EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 556 ). 

2. [Le complément désigne une chose]  Toujours défiant devant les preuves d'imagination (ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos,  1913, page 153 ). C'est l'intrusion de ce goût morbide qui rend l'église très défiante des excès ascétiques (EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946page 705 ). 

B.—  En emploi absolu. 

1. Qui se défie (habituellement ou à l'occasion de ce qui est mentionné dans le contexte). Exigeants et défiants là-dessus, comme des peseurs d'or (ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos,  1921, page 233 ). Défiant comme un prince (HENRI DE MONTHERLANT, Pitié pour les femmes,  1936, page 1133) : 

Ø 1. —  « Ce Grey, paraît-il, est le type de l'Anglais consciencieux, un peu défiant, un peu timoré, pas très généreux, mais d'un grand loyalisme de pensée et d'action.

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, page 517. 

·    Emploi comme substantif, rare. La France a des poètes qui, (...) pour faire un défiant, prennent l'intrigue du Tartufe (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Histoire de la peinture en Italie, tome 2, 1817, page 156) : 

Ø 2. Dans les cellules à deux, les défiants se dépêchaient de clouer une couverture entre leur toile et leur camarade pour n'être pas chipés. 

EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Manette Salomon,  1867, page 57. 

—  Par extension.  [En parlant d'un attribut, d'une activité de la personne]  La pensée, par elle-même défiante et soupçonneuse (ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos,  1934, page 1225 ). Cette sensibilité au vrai défiante et délicate qui s'est développée en lui par le progrès de la science (PAUL NIZAN, Les Chiens de garde,  1932, page 103 ). Il a pris un caractère défiant (ALBERT CAMUS, La Chute,  1956, page 1476 ). 

2. [En parlant d'une expression, d'un comportement de la personne]  Qui manifeste de la défiance. Air, sourire, ton, visage, yeux défiant(s). Et pour toute gloire pouvoir serrer cinq cents mains défiantes dans les cafés? (PAUL VALÉRY, Correspondance [avec André Gide] , 1891, page 63 ). 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 358. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 578, b) 595; XXe.  siècle : a) 537, b) 387. 

 

Forme dérivée du verbe \"défier\"

 défier

DÉFIER1, verbe transitif.  

A.—  1. HISTOIRE.  

a) Terme de féodalité.  Signifier à (un suzerain) que l'on abandonne la foi jurée, que l'on devient son adversaire : 

Ø 1.... il s'excusait sur les alliances qu'il avait jurées : « Vous voulez me déshonorer, disait-il; je ne puis maintenant devenir l'ami du roi de France que j'ai défié, et l'ennemi du roi d'Angleterre qui a ma parole et mon sceau... etc. »

PROSPER DE BARANTE, Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, tome 1, 1821-24, page 393. 

b) Par extension.  Provoquer (quelqu'un) au combat. 

α ) Déclarer la guerre à (quelqu'un). Défier son ennemi; envoyer défier son ennemi par un héraut. Il [Darius] les [ses ennemis] envoya défier au combat par une vaine forfanterie (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Essai sur la littérature anglaise, tome 1, 1797, page 284 ). Voir un simple seigneur défier en son nom, un roi et lui faire la guerre (PROSPER DE BARANTE, Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, tome 2, 1821-24, page 322 ). 

β ) Provoquer (quelqu'un) à un combat singulier. Être défié en duel. Ah! poursuivit tout bas Andréa, tu m'a défié à la lutte, frère (PIERRE-ALEXIS, VICOMTE PONSON DU TERRAIL, Rocambole, les drames de Paris, tome 1, 1859, page 146 ). Lorsque deux guerriers crow prétendaient avoir droit à un même honneur, l'un défiait l'autre à une ordalie (ROBERT HARRY LOWIE, Manuel d'anthropologie culturelle,  1936, page 317 ). 

·    Par métonymie du sujet.  [le sujet désignant le moyen utilisé pour signifier la provocation] :

Ø 2.... et comme chevalier,

Comme pair, comme prince, en combat singulier,

Au jugement du ciel pour ses droits se confie :

Sur quoi, voici son gage, et ce gant vous défie!

CASIMIR DELAVIGNE, Louis XI,  1832, II, 11, page 76. 

2. Moderne. Défier quelqu'un à + substantif ou infinitif.  Provoquer (quelqu'un) à se mesurer à soi comme adversaire, à un duel, à un jeu, à une compétition. Défier quelqu'un à la paume, aux échecs, à boire, à qui boira le plus (Dictionnaire de l'Académie française.  1835-1932).  Mulrady, qui eût défié à la boxe Tom Sayers lui-même (JULES VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, tome 1, 1868, page 88 ). Des toreros à cheval défiaient des taureaux furieux (SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins,  1954, page 87 ). En 1651, le prince d'Harcourt (et son cheval) défièrent le duc de Joyeuse (Jeux et sports (sous la direction de Roger Caillois) 1968, page 468 ). 

—  Emploi pronominal réciproque. Ils sortirent du salon en adversaires qui se sont défiés (JOSÉPHIN PÉLADAN, Le Vice suprême, 1884, page 115 ). 

B.—  Usuel.  Affronter quelqu'un ou quelque chose. 

1. [L'objet désigne une forme du pouvoir ou une force naturelle ou spirituelle] 

a) [Le sujet désigne une personne]  Mettre en cause, s'opposer ouvertement à (un pouvoir, une autorité, une institution). Synonymes : affronter, braver, contester. Défier les juges (PAUL VERLAINE, Œuvres complètes, tome 1, Jadis et naguère, 1884, page 385 ). Mais Ricarda, se mettant à rire d'une façon sauvage comme s'il défiait le diable lancé à ses trousses, courut vers le promontoire (JEAN-GEORGES SOULÈS, DIT RAYMOND ABELLIO, Heureux les,  1946, page 399 ). Je défiais allégrement les convenances et l'autorité (SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée,  1958, page 270 ). 

—   Par métonymie du sujet.  [le sujet désignant un courant de pensée, une institution, etc.]  Dans sa source vive, le romantisme défie d'abord la loi morale et divine (ALBERT CAMUS, L'Homme révolté, 1951, page 71 ). 

—  emploi absolu. Le révolté défie plus qu'il ne nie (ALBERT CAMUS, L'Homme révolté, 1951 page 41 ). 

b) [Le sujet désigne une chose] 

—   [Chose concrète; le complément d'objet désigne une loi, un phénomène]  Ces cabanes dont l'une, à louer, s'affirmait en double-bois, toute penchée, et défiant la perspective (LOUIS ARAGON, Les Beaux quartiers,  1936, page 335 ). 

—   [Chose faisant l'objet d'une activité humaine]  Le génie défie toute prévision (HENRI BERGSON, Les Deux sources de la morale et de la religion,  1932, page 56 ). Ces races, ces nations, ces états, dont l'enchevêtrement défie la sagacité des anatomistes et de l'ethnologie (PIERRE TEILHARD DE CHARDIN, Le Phénomène humain,  1955, page 195) : 

Ø 3. En y regardant d'un peu plus près, on trouverait sans doute que notre esprit est défié par tout ce qui naît, se reproduit et meurt sur la planète, parce qu'il est rigoureusement borné, dans sa représentation des choses, par la conscience qu'il a de ses moyens d'action extérieure, et du mode dont cette action procède de lui sans qu'il ait besoin d'en connaître le mécanisme.

PAUL VALÉRY, Variété V,  1944, page 28. 

Remarque : On rencontre dans la documentation a) L'adjectif défiant, ante, rare, homonyme du participe présent de défier (se)2.  Qui adresse, manifeste un défi. Elle [Gladie] me regardait avec une si défiante expression de triomphe (TOULET, Le Mariage de Don Quichotte, 1902, page 190). b) Défié, ée, participe passé et adjectif.  Qui est l'objet d'un défi. Et Dieu blasphémé tous les jours, défié, crucifié dans son église (PAUL VERLAINE, Œuvres posthumes, tome 2, Voyage en France par un Français, 1896, page 44). 

2. [L'objet désigne un danger physique ou moral] 

a) [Le sujet désigne une personne]  Ne pas craindre d'affronter quelque chose. Défier un danger; défier le sort, la mauvaise fortune. Synonyme : braver. Repoussant du pied le granit qui ne recula pas, j'ai défié la mort et la vengeance divine par une huée suprême (ISODORE DUCASSE, DIT COMTE DE LAUTRÉAMONT, Les Chants de Maldoror,  1869, page 217 ). Et j'ai connu des jeunes gens qui superbement défiaient la mort (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle,  1944, page 903 ). 

—   [Le sujet (nom de chose) désigne une expression, une attitude de l'homme]  Ce sourire folâtre qui défiait le malheur (JULES JANIN, L'Âne mort et la femme guillotinée,  1829, page 33 ). Le visage auguste des mères de famille dont la vie sans reproche défie les coups du Destin, mais qu'il a pris pour but de ses flèches (HONORÉ DE BALZAC, Modeste Mignon,  1844, page 15 ). 

b) [Le sujet désigne une chose concrète]  Résister à (une force capable de détruire : temps, etc.). Ce minaret peut aujourd'hui défier les âges (LOUIS REYBAUD, Jérôme Paturot à la recherche d'une position sociale, 1842, page 30 ). Ces mêmes murs de pierres sèches sans ciment qui défient les averses et les années (JEAN BRUNHES, La Géographie humaine,  1942, page 260 ). Elle [l'île de Sein] défiait les éléments, cette petite chose plate, ce récif maigre et venteux (HENRI QUEFFÉLEC, Un Recteur de l'île de Sein,  1944, page 52 ). 

—   [Le sujet désigne une personne]  Littéraire : 

Ø 4. Le général comte Ignatiev, qui avait été, à Paris, attaché militaire du tsar, puis, pendant longtemps, une des têtes de l'émigration, se trouvait parmi les convives, défiant les années, portant l'uniforme à ravir et prodiguant les grandes manières, mais gêné de son personnage.

CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre,  1959, page 64. 

Remarque : On rencontre dans des dictionnaires généraux ou spéciaux (Glossaire nautique (AUGUSTIN JAL) 1848, L'anglicisme et l'anglo-américanisme dans la langue française (Édouard Bonnafé)-Paris 1971 [1859] , Vocabulaire des termes de marine (Georges Soé, J. Dupont, O. Roussin) 1906), une acception maritime. Conjurer un danger au moyen d'une manoeuvre appropriée. Défier l'abordage, le bord, la lame, la terre. [À l'impératif, dans les commandements au timonier] Défie du vent, de l'arrière, de l'arrivée. 

3. [L'objet désigne un objet qui est matière à compétition]  Affronter pour soutenir la comparaison, pour rivaliser avec quelqu'un, quelque chose. 

a) Défier quelque chose. 

—   [Le sujet désigne un attribut de l'homme]  Et sur le sommet de la montagne, tes pas auroient défié l'élan le plus léger à la course (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Le Génie du christianisme, tome 2, 1803, page 267 ). Son érudition sur cette matière aurait défié celle de tous les Dorante et de tous les Clainville du monde (VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée-d'Antin, tome 4, 1813, page 166 ). Une sociétaire aux nobles mamelles et dont la voix défie le rapide du Havre (ALEXANDRE ARNOUX, Paris-sur-Seine,  1939, page 66 ). 

—   [Le sujet désigne une chose, l'attribut d'une chose]  Les merveilles de l'escalier [de l'hôtel Laginski] , blanc comme le bras d'une femme, défiaient celles de l'hôtel de Rothschild (HONORÉ DE BALZAC, La Fausse maîtresse,  1841, page 10 ). Ce dévergondage de décors contient en son faste éperdu une vérité considérable qui défie les délicatesses de la beauté et du goût par le spectacle de l'opulence républicaine (LOUISE DE VILMORIN, La Lettre dans un taxi,  1958, pages 132-133 ). 

b) Défier quelqu'un..  Inciter (quelqu'un) à faire une chose, tout en pariant qu'il n'osera pas la faire ou en sera incapable. Confer mettre au défi de + infinitif. 

α ) Défier quelqu'un de + infinitif. Personne ne savait son âge, et j'aurais bien défié de me le dire le plus fameux marchand d'esclaves (GUSTAVE FLAUBERT, La Première éducation sentimentale,  1845, page 26 ). Que de fois, (...) j'ai défié le monde entier de procurer à qui que ce soit des joies plus pures que celles que je trouvais dans l'exercice calme et désintéressé de ma pensée (ERNEST RENAN, L'Avenir de la science,  1890, page 450 ). Les partisans du quatre temps défient les réalisateurs du deux temps de construire une voiture rentable en cylindrée moyenne (CHARLES CHAPELAIN, Cours moderne de technique automobile,  1956, page 261) : 

Ø 5. Au point de vue intellectuel il s'agissait, il s'agit encore d'éprouver par tous les moyens et de faire reconnaître à tout prix le caractère factice des vieilles antinomies destinées hypocritement à prévenir toute agitation insolite de la part de l'homme, ne serait-ce qu'en lui donnant une idée indigente de ses moyens, qu'en le défiant d'échapper dans une mesure valable à la contrainte universelle.

ANDRÉ BRETON, Les Manifestes du Surréalisme, 2e.  Manifeste, 1930, page 91. 

·    Emploi absolu, proverbe. Il ne faut jamais défier un fou (de faire des folies). 

—  Vieux. Défier à quelqu'un de + infinitif. Je défie bien à un moineau de passer (ÉMILE ZOLA, La Faute de l'Abbé Mouret,  1875, page 1386 ). 

β ) Défier que + subjonctif. Si la simultanéité pouvait présenter un caractère inverse, ce dont je défie qu'on puisse indiquer un seul exemple réel (AUGUSTE COMTE, Cours de philosophie positive,tome 4, 1839-42, page 566 ). Quant à ces grimauds, je les défie seulement qu'ils s'élèvent jusqu'à la plate correction (LOUIS VEUILLOT, Les Odeurs de Paris,  1866, page 39 ). 

—   Parier. J'accepte que des vers merveilleux aient cette absurdité, je défie qu'elle les prive de leur pouvoir poétique (ABBÉ HENRI BREMOND, La Poésie pure.  1926, page 101 ). 

 

 

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