Définition: AUTEUR, substantif masculin. I.— Celui ou celle qui est la cause première ou principale d'une chose. Synonymes : créateur, instigateur, inventeur, responsable. A.— [Le complément de nom, lorsqu'il existe, désigne généralement une personne ou une collectivité] Créateur, fondateur (d'une famille, d'une race). 1. Dieu, principe de toute chose. Auteur de la nature, de la vie, de toute(s) chose(s); auteur divin, souverain, suprême : Ø 1. Quelle sera donc la fin des oeuvres universelles de Dieu? Sachez que l'immensité de ses moyens est la simplicité même. Ce vaste océan céleste, la nature entière, tous les univers des esprits et des mondes, ne sont qu'un moyen simple aux yeux du souverain auteur des êtres... LOUIS-CLAUDE DE SAINT-MARTIN, L'Homme de désir, 1790, page 287. — Rare, vieux. [Désignant un inanimé abstrait] Origine, source intellectuelle ou morale : Ø 2. Maintenant, si vous résumez l'histoire entière de l'esprit religieux, vous verrez que dans son principe il n'a eu pour auteur que les sensations et les besoins de l'homme; que l'idée de Dieu n'a eu pour type et modèle que celle des puissances physiques, des êtres matériels agissant en bien ou en mal... CONSTANTIN-FRANÇOIS CHASSBOEUF, COMTE DE VOLNEY, Les Ruines ou Méditations sur les révolutions des empires, 1791, page 313. 2. Littéraire. Les auteurs de nos jours, l'auteur de nos jours. Nos parents, chacun de nos parents. — Par ironie : Ø 3. Un jour, mon père lui flanqua une gifle parce qu'il s'était risqué à faire des observations sur sa conduite, le nombre de femmes qu'il amenait, etc. C'est qu'il ne plaisantait pas là-dessus, l'auteur de mes jours! PAUL LÉAUTAUD, In memoriam, 1905, page 194. — Absolument, dans le même sens, mais avec une nuance très familier : Ø 4.... vous pensez bien que si ce n'était pas son père, il y avait longtemps qu'elle lui aurait collé son billet de retour pour le poussier des invalos de la Publique! Mais quoi! on est bien forcé de garder les convenances, de subvenir à ses auteurs quand on n'est pas des enfants de chiens et surtout quand on est dans le commerce. Oh! la famille! Malheur de malheur! Et il y en a qui disent qu'il y a un bon Dieu! LÉON BLOY, Histoires désobligeantes, Paris, Georges Crès et Cie, 1914 [1894] , page 21. — Par analogie, vieilli. Les auteurs d'un peuple, d'une race. Ses fondateurs. Remarque : Attesté dans Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle (Pierre Larousse), Dictionnaire de l'Académie Française 1878, Nouveau Larousse illustré, Dictionnaire de l'Académie Française 1932, DICTIONNAIRE GÉNÉRAL DE LA LANGUE FRANÇAISE AU CANADA (LOUIS-ALEXANDRE BÉLISLE) 1957, DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE QUILLET 1965. 3. DROIT CIVIL. Celui ou celle qui tient d'une autre personne (dite ayant-cause) un droit, un privilège, une obligation : Ø 5. On lui disputait la possession de cette terre; il fit appeler ses auteurs en garantie. Dictionnaire de la langue française (ÉMILE LITTRÉ) 1873. B.— Inventeur, initiateur ou responsable d'une chose. 1. Celui qui est à l'origine d'une invention, d'une découverte, d'une nouveauté. Auteur d'une découverte : Ø 6. Le Conseil de la République fut, comme nous l'avons déjà montré, le fruit des réflexions supplémentaires qui furent imposées aux auteurs de la Constitution par le rejet du premier projet. Un grand nombre d'entre eux n'en acceptèrent la création qu'à contrecoeur, et les pouvoirs qu'ils lui accordèrent furent restreints. DAVID-WILLIAM-SHUCKBURGH LIDDERDALE, Le Parlement français, 1954, page 72. 2. Celui à qui l'on attribue la responsabilité originelle de certains propos, de certains actes. a) Personne ayant prononcé la première, certaines paroles ou rapporté certains propos. — Citer son auteur. Citer sa source. b) Spécialement. DROIT. — DROIT CIVIL. Personne responsable d'un acte au nom de laquelle un procureur (" représentant en justice ") agit : Ø 7. Tout ce que fait le procureur est censé fait par l'auteur lui-même. Dictionnaire de l'Académie française, Compléments. 1842. Remarque : Attesté dans Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842, DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE LA LANGUE FRANÇAISE (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845, Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle (Pierre Larousse), Nouveau Larousse illustré. — DROIT CONSTITUTIONNEL. Auteur juridique. Celui qui est responsable devant la loi d'un acte juridique dont il se porte garant, même s'il n'en est pas l'initiateur : Ø 8. Le Président de la République se voit retirer nombre d'attributions qu'il n'exerçait plus que nominalement : désignation des ministres, nomination à tous les emplois, exercice du pouvoir réglementaire, etc... Cependant, il demeure l'auteur juridique de certains actes particulièrement solennels, encore qu'il n'ait pas un pouvoir réel de décision à leur égard. GEORGES VEDEL, Manuel élémentaire de droit constitutionnel, 1949, page 517. C.— [Généralement construit avec un complément de nom] Celui qui est à l'origine d'une chose, bonne ou mauvaise. 1. Sans valeur péjorative, rare. L'auteur d'un bienfait : Ø 9. Ah! c'est moi qui suis l'auteur de ta joie, comme je suis l'auteur de tes jours. Les pères doivent toujours donner pour être heureux. Donner toujours, c'est ce qui fait qu'on est père. HONORÉ DE BALZAC, Le Père Goriot, 1835, page 235. 2. Péjoratif. Celui qui s'est rendu coupable d'un méfait, d'un acte répréhensible au regard de la morale ou de la loi. a) Langue courante. L'auteur d'un accident, d'un malheur, d'un crime, etc. : Ø 10. Et il concluait alors que les véritables auteurs, les seuls vrais et grands responsables de cette sanglante catastrophe, étaient, au dehors, précisément les auteurs, les fauteurs, les excitateurs des assassinats tramés contre le Premier Consul. EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 2, 1823, page 384. b) DROIT PÉNAL. Personne ayant commis une infraction (auteur matériel) ou incité quelqu'un à la commettre (auteur moral) : Ø 11. JEANNETTE [à Mme. Gervaise] . — (...) Complice, complice, c'est comme auteur. Nous en sommes les complices, nous en sommes les auteurs. Complice, complice, c'est autant dire auteur. (...). CHARLES PÉGUY, Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc, 1910, page 57. Remarque : 1. Attesté dans Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle (Pierre Larousse), VOCABULAIRE JURIDIQUE (HENRI CAPITANT), 1936, Grand Larousse encyclopédique en dix volumes 2. Dans ce sens, auteur peut être synonyme de complice (confer exemple 11), appelé aussi co-auteur : " les co-auteurs ou complices des crimes ou délits commis par ces personnes " (GEORGES VEDEL, Manuel élémentaire de droit constitutionnel, 1949, page 290). · Auteur principal. " Celui qui, ayant des complices, a participé directement et matériellement à l'exécution d'une des circonstances constitutives de la nature de l'infraction " (Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle (Pierre Larousse)) : Ø 12. — L'auteur du crime — je veux dire l'auteur principal — est un habitant de Mégère, fit-il en donnant à son visage une expression vague et distraite. GEORGES BERNANOS, Un crime, 1935, page 769. II.— Domaine des arts, des sciences et des lettres. Celui ou celle qui, par occasion ou par profession, écrit un ouvrage ou produit une oeuvre de caractère artistique. A.— [Généralement construit avec un complément de nom désignant un ouvrage ou le titre d'une oeuvre] Celui ou celle qui a composé une oeuvre de littérature, de sciences ou d'art (musique, peinture, sculpture...). L'auteur du Génie du Christianisme, un auteur de films : Ø 13. Le professeur Arrighi, auteur d'un traité d'agriculture, était le plus aimable des sages. ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Le Lys rouge, 1894, page 272. B.— [Sans complément de nom, absolument ou suivi d'un adjectif déterminant l'origine, le genre, la qualité de l'auteur] 1. LITTÉRATURE. a) Celui ou celle dont la profession est d'écrire des romans, des pièces de théâtre, des oeuvres d'imagination en vers ou en prose. Synonymes : écrivain, romancier, dramaturge : Ø 14. Du logographe à l'avocat d'aujourd'hui, il y a exactement la distance de l'auteur dramatique au comédien. L'auteur dramatique crée des personnages, s'efface en eux, leur donne sa place de vivant. Le comédien fait son personnage, vit de lui, tire sa gloire de lui. ALBERT THIBAUDET, Réflexions sur la littérature, 1936, page 53. SYNTAXE : Auteur ancien, contemporain; auteur grec, latin; auteur anonyme, présumé, apocryphe; auteur comique, dramatique, profane, religieux, tragique; auteur célèbre, favori, inconnu, à succès; grand auteur; aspirant auteur, femme auteur. — En particulier. · Auteur halieutique. " Écrivain spécialisé dont les ouvrages ont pour sujet la pêche, l'aquiculture, la pisciculture " (Dictionnaire de la pêche (MICHEL POLLET) 1970) : Ø 15. Les auteurs halieutiques qui font autorité sont ou ont été (...) le Dr Barbellion, F. Biguet, L. de Boisset, T. Burnand... Dictionnaire de la pêche (MICHEL POLLET) 1970. · Auteur radiophonique. " Auteur d'une pièce composée pour la radio " (Dictionnaire des arts du spectacle (CÉCILE GITEAU) 1970); (Confer également Annuaire de la radio, 1933, page 123). · Argot. Auteur beurrier (ou à beurrière). " Mauvais auteur dont les ouvrages n'ont de débit que chez les épiciers et les fruitiers " (Jean-François Rolland, Dictionnaire du mauvais langage, 1813, page 14). Remarque : Attesté dans DICTIONNAIRE DE LA LANGUE VERTE (HECTOR FRANCE) 1907. — [En association avec un autre nom désignant une profession proche de celle d'écrivain, avec ou sans trait d'union] Écrivain exerçant un métier parallèle. Auteur éditeur, auteur-interprète, auteur-libraire. · Co-auteur. Écrivain ayant collaboré avec un autre à la même oeuvre littéraire. Le droit d'auteur est indivis entre les co-auteurs (La civilisation écrite (sous la direction de Julien Cain) 1939, page 1610 ). b) Par extension, absolument. Celui dont les ouvrages font autorité dans une branche définie des lettres, des sciences ou de la médecine : Ø 16. — (...) Heureusement il [le médecin] n'avait pas lu les auteurs et n'était qu'un médecin de campagne [dit le malade au docteur] . CHARLES PÉGUY, De la Grippe I, 1900, page 10. c) Par métonymie. L'oeuvre d'un auteur ou l'un de ses ouvrages. Lire, citer, commenter un auteur; posséder à fond ses auteurs (Dictionnaire de l'Académie Française) : Ø 17. J'ai lu dans un vieil auteur chinois que, vers l'an 570 avant l'ère vulgaire, Cem-Su, disciple de Confucius, avait établi dans l'un des faubourgs de Pékin un hospice d'un genre tout particulier, dans lequel était admise toute personne atteinte de quelque grave maladie morale dont elle voulait guérir. VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, tome 2, 1812, page 367. 2. Autres domaines. a) CINÉMA. néologisme. Réalisateur, metteur en scène et, par extension, adaptateur, scénariste (d'après Le lexique français du cinéma des origines à 1930 (JEAN GIRAUD) 1956) : Ø 18. Les auteurs et les oeuvres. — Il nous faudrait plus d'auteurs — des auteurs de films. Y en a-t-il en 1935? Et comment définir l'auteur? Les uns affirment que l'éditeur est le véritable auteur; beaucoup disent que c'est le metteur en scène; d'autres prétendent que c'est l'inventeur du sujet. Aucun n'a raison ni tort. Tout, au cinéma, est cas d'espèce. Pourtant, parmi les films des dernières années, les meilleurs, ceux qui portent le plus la marque personnelle de leurs auteurs, sont les oeuvres de metteurs en scène qui inventèrent eux-mêmes leurs scénarios et n'eurent pas à dépendre étroitement de la contrainte commerciale. Arts et littérature dans la société contemporaine (direction Pierre Abraham) 1936, page 3403. b) MUSIQUE. Celui qui écrit des oeuvres musicales, compositeur. L'auteur de la Suite d'un bal masqué (ÉTIENNE-JEAN DELÉCLUZE, Journal, 1826, page 339 ). C.— Langage technique et juridique du théâtre, de l'édition, etc. 1. Billets d'auteur. " Billets d'entrée que reçoivent les auteurs des pièces qu'on représente, et qu'ils donnent à leurs amis ou qu'ils cèdent à certains industriels qui en font trafic " (Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle (Pierre Larousse)) : Ø 19. — (...) À cinquante billets de faveur par soirée à chaque spectacle, tu trouveras deux cent cinquante billets par jour; si, l'un dans l'autre, ils valent quarante sous, Braulard paye cent vingt-cinq francs par jour aux auteurs et court la chance d'en gagner autant Ainsi, les seuls billets des auteurs lui procurent près de quatre mille francs par mois, au total quarante-huit mille francs par an. Suppose vingt mille francs de perte, car il ne peut pas toujours placer ses billets. — Pourquoi? — Ah! Les gens qui viennent payer leurs places au bureau passent concurremment avec les billets de faveur qui n'ont pas de places réservées. HONORÉ DE BALZAC, Les Illusions perdues, 1843, page 435. 2. À compte d'auteur (publier). En se chargeant des frais de publication d'un ouvrage : Ø 20. Il n'a pas besoin d'argent, mais il voudrait un peu de gloire. Il publie son livre à compte d'auteur, et il en donnera le plus possible d'exemplaires afin de n'être pas humilié parce qu'il en resterait chez l'éditeur. JULES RENARD, Journal, 1905, page 952. 3. Droit(s) d'auteur. a) Au singulier, rare. Disposition qu'a l'auteur d'accorder ou de refuser que l'une de ses oeuvres soit lue, représentée ou exécutée selon des conditions préalablement déterminées. Synonymes : propriété littéraire, propriété artistique. b) Généralement au pluriel. Redevance, variable avec chaque cas, perçue par un auteur ou par sa famille après sa mort chaque fois que l'une de ses oeuvres est reproduite, adaptée, représentée sur la scène ou à l'écran. Verser des droits d'auteur : Ø 21. La propriété littéraire. — Personne, bien entendu, ne songe à prendre la défense d'intérêts qu'il néglige lui-même. Aussi, le principe de la propriété littéraire est-il longtemps inconnu; aucune loi ne réglemente le droit d'auteur. Rome, qui fit le droit du monde méditerranéen, n'édicta aucune disposition légale consacrant la propriété littéraire et protégeant les écrivains. Notre droit coutumier non plus. Arts et littérature dans la société contemporaine (direction Pierre Abraham) 1936, page 8402. 4. Sociétés d'auteurs. a) Société des auteurs et compositeurs dramatiques. Société se chargeant de défendre (et éventuellement de percevoir) les droits d'auteur de ses membres à chaque représentation de l'une de leurs oeuvres, de leur venir en aide, grâce à un fonds de secours, etc. Se faire recevoir à, se faire admettre dans la société des auteurs-compositeurs. b) Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. Société chargée de percevoir les droits d'auteur des musiciens sur leurs oeuvres lorsqu'elles sont exécutées dans un lieu public. Remarque : 1. Comme il n'existe pas de forme féminine du mot auteur, on l'emploie indifféremment pour qualifier un homme ou une femme : il ou elle est l'auteur de ce livre. On parlera aussi de femme-auteur. L'exemple suivant est une résurgence isolée de l'ancienne langue qui employait le féminin autrice (confer aussi auteuresse, authoresse) : " Exemple de vocable de la liste précédente employé par une autrice : contemporaine (...). " (Le Français moderne, tome 3, 1935, page 71). 2. Auteur/ écrivain. " Auteur se dit de toute personne qui a mis au jour un ouvrage; écrivain ne se dit que par rapport au style. On peut être en même temps bon écrivain et mauvais auteur, c'est-à-dire écrire avec correction, avec élégance, et ne pas traiter le sujet solidement et à fond, ou n'avoir pas puisé dans les bonnes sources. On peut aussi être bon auteur sans être bon écrivain... " (DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE LA LANGUE FRANÇAISE (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE ) 1845). Confer aussi VALÉRY, Regards sur le monde actuel, 1931, page 186 : " Un auteur, même du plus grand talent, (...) n'est pas nécessairement un « écrivain ». "