Définition: AVARIÉ, -ÉE, participe passé et adjectif. I.— Participe passé de avarier* II.— Adjectif. A.— MARINE. [En parlant d'un navire ou de sa cargaison] Endommagé par suite d'une avarie : Ø 1.... la lutte a partout cessé entre Français et Alliés. Elle a coûté cher. Du côté français, 3 000 hommes ont été tués ou blessés. Quant aux navires, sont coulés ou irrémédiablement avariés : le croiseur Primauguet, les contre-torpilleurs : Albatros, Épervier, Milan, 7 torpilleurs, 10 sous-marins,... CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1956, page 45. — Par extension. [En parlant d'autres moyens de transport, en particulier l'avion] L'avion avarié (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Pilote de guerre, 1942, page 335 ). B.— Langue courante. 1. [S'appliquant à des objet] a) [En parlant d'instruments, de matériaux, de machines] Cassé, détérioré : Ø 2.... des ustensiles baroques, des matras et des cornues, des lampes avariées, des bouteilles en vidange, des mortiers et des bassins, traînaient avec du charbon, sous une couche de poussière, dans tous les coins. GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, L'Oblat, tome 1, 1903, page 92. b) Usuel [En parlant de marchandises et spécialement de produits comestibles] Abîmé, gâté. Café, sucre avarié (Dictionnaire de l'Académie Française) : Ø 3. Un marchand qui vend un oeuf gâté, une viande avariée, un litre de lait sophistiqué, est tout simplement traité comme un empoisonneur qu'il est. JULES VERNE, Les Cinq cents millions de la Bégum, 1879, page 162. Ø 4. On recherchera comme une qualité très précieuse, la fraîcheur des aliments : légumes, viandes, poissons, oeufs, etc. Il n'est pas avantageux, et souvent il est dangereux, d'acheter à vil prix des denrées plus ou moins avariées, dont une très faible partie sera comestible. RAYMOND LALANNE, L'Alimentation humaine, 1942, page 98. Ø 5. Une affiche administrative était fixée au tableau noir réservé aux annonces officielles des ventes publiques. Une vente était annoncée pour la fin du mois. Il n'y avait plus de temps à perdre. Dans une longue énumération de marchandises hétéroclites, avariées ou en souffrance, l'affiche mentionnait dix caisses de livres. Mes livres. BLAISE CENDRARS, Bourlinguer, 1948, page 74. 2. Par métaphore. [S'appliquant à des personnes, à des parties du corps humain] Malade, blessé : Ø 6. Au moment où entrent dans mon cabinet de travail Geffroy et Frantz Jourdain, arrive Jean Lorrain, débarqué à six heures du matin de Luchon, les mains couvertes d'emplâtres, par suite de piqûres de moustiques dans un sang, je crains bien, très avarié. EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, 1894, page 631. — Spécialement, populaire. Atteint de la syphilis : Ø 7. Il est des mots que l'on aime à répéter. Il en est d'autres que l'on craint. L'on évite (en temps de paix) le mot guerre : l'on dit plutôt défense nationale. Le mot dévaluation : l'on dit alignement monétaire. (...) L'on dit avarié plutôt que syphilitique, et spécifique plutôt qu'avarié. JEAN PAULHAN, Les Fleurs de Tarbes, 1941, page 134. Remarque : L'adjectif peut être substantivé dans ce cas (confer le titre de la pièce de Brieux [1905] : Les Avariés). — Régionalisme (Canada) a) Blessé, affaibli par la maladie. b) Qui perd la tête, qui devient fou. « Depuis qu'il a eu les fièvres, il est quasiment avarié » (Société du Parler français au Canada. 1930). 3. Au figuré, littéraire. [En parlant d'inanimés abstraits] Compromis, dégradé : Ø 8.... après un moment de stupéfaction, Mme. de Chamery ajouta : — Et qui donc a pu épouser cette malheureuse enfant? — Un homme dont l'honneur était avarié, répondit Fabien. Monsieur le baron de Chamery-Chameroy. PIERRE-ALEXIS, VICOMTE PONSON DU TERRAIL, Rocambole, les drames de Paris, tome 4, Les Exploits de Rocambole, 1859, page 95. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 65. Forme dérivée du verbe "avarier" avarier AVARIER, verbe transitif. I.— Emploi transitif. Causer une avarie à quelque chose et par suite endommager. Un coup de vent avaria sa mâture, l'eau avait avarié ses provisions (Dictionnaire de l'Académie Française) : Ø 1. — Et puis, ajouta le marin, si le document avait plusieurs années de date, si depuis plusieurs années il était enfermé dans cette bouteille, il eût été avarié par l'humidité. Or, il n'en était rien, et il se trouvait dans un parfait état de conservation. JULES VERNE, L'Île mystérieuse, 1874, page 370. Ø 2. Des Allemands isolés sont abattus, des grenades éclatent sous les pas des occupants, des charges de plastic avarient les véhicules. CHARLES DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1956, page 252. — Par métaphore et au figuré. [Le complément désigne une personne ou une collectivité] Attaquer, dégrader : Ø 3. — Le peuple, fit Des Hermies, en versant de l'eau dans la cafetière, au lieu de l'améliorer, les siècles l'avarient, le prostrent, l'abêtissent! GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, Là-bas, tome 2, 1891, page 231. II.— Emploi pronominal. [En parlant d'objets consommables] " Se détériorer, se gâter " (Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle (Pierre Larousse)) : Ø 4. Notre biscuit s'est un peu avarié; mais notre grain, nos farines, notre vin, etc. se sont conservés au-delà de nos espérances, et n'ont pas peu contribué à nous maintenir en bonne santé. Voyage de la Pérouse autour du monde (MILET DE MUREAU) tome 4, 1797, page 154. Ø 5. Lors même que le fourrage paraît sec après le fanage et la rentrée, il contient encore beaucoup d'humidité qui ne tarde pas à se dégager lorsque la chaleur s'élève du milieu du tas. La fermentation, qui se produit alors, marche d'autant plus vite que la masse du foin est plus grande et que, par suite, l'humidité a plus de peine à sortir. Dans de pareilles circonstances, le fourrage noircit, moisit, prend une saveur désagréable, et peut même s'avarier complètement;... CH. DURAND, Les Grandes industries minérales en Lorraine, 1893, page 31. — Au figuré. [En parlant de sentiment] S'altérer, se dégrader : Ø 6. Quelque chose manque à son coeur [de l'abbé Fervet] , qui a des élans de sensibilité généreuse et de tendresse vraie, mais qui s'est comme avarié dans les luttes avec l'esprit. AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Mademoiselle de la Quintinie, 1863, page 231. Ø 7.... les Radicaux trouvent bon d'imaginer qu'il y a trois ans j'étais un parfait patriote avec lequel on pouvait frayer; mais que, depuis, mon patriotisme s'est avarié. JEAN JAURÈS, Le Guêpier marocain (1906-08), 1914, page 195.
