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Définition: AVENIR2, substantif masculin.

Publié le 01/11/2015

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Définition: AVENIR2, substantif masculin. A.— Temps à venir : Ø 1. Il y a trois manières principales de considérer l'existence, c'est de la regarder comme passée, comme présente, ou comme à venir. Les idées de passé et d'avenir ne sont que des idées relatives à l'idée de présent. C'est donc le présent qu'il faut d'abord déterminer. Or, dans la durée comme dans l'espace, on ne peut déterminer un point que par ses relations avec un point connu : il faut donc attacher l'idée de présent à une époque connue, pour distribuer autour d'elle le passé et l'avenir. ANTOINE-LOUIS-CLAUDE DESTUTT DE TRACY. Élémens d'idéologie, 2. Grammaire, 1803, page 202. Ø 2. L'art peut produire des milliers de Théocrite et de Virgile, mais la nature seule crée des milliers de paysages nouveaux (...). L'art nous ramène en arrière dans un passé qui n'est plus; la nature marche avec nous en avant, et nous porte vers un avenir qui vient à nous. Laissons-nous donc aller comme elle au cours du temps : cherchons nos jouissances dans les eaux, les prés, les bois, les cieux, et dans les révolutions que les saisons et les siècles y amènent. JACQUES-HENRI BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, page 127. Ø 3. Si le temps est semblable à une rivière, il coule du passé vers le présent et l'avenir. Le présent est la conséquence du passé et l'avenir la conséquence du présent. Cette célèbre métaphore est en réalité très confuse. (...). Quand je dis qu'avant-hier le glacier a produit l'eau qui passe à présent, je sous-entends un témoin assujetti à une certaine place dans le monde et je compare ses vues successives (...). (...) dès que j'introduis l'observateur, qu'il suive le cours du ruisseau ou que, du bord de la rivière, il en constate le passage, les rapports du temps se renversent. Dans le second cas, les masses d'eau déjà écoulées ne vont pas vers l'avenir, elles sombrent dans le passé; l'à-venir est du côté de la source et le temps ne vient pas du passé. Ce n'est pas le passé qui pousse le présent ni le présent qui pousse le futur dans l'être; l'avenir n'est pas préparé derrière l'observateur, il se prémédite au-devant de lui, comme l'orage à l'horizon. Si l'observateur, placé dans une barque, suit le fil de l'eau, on peut bien dire qu'il descend avec le courant vers son avenir, mais l'avenir, ce sont les paysages nouveaux qui l'attendent à l'estuaire, et le cours du temps, ce n'est plus le ruisseau lui-même : c'est le déroulement des paysages pour l'observateur en mouvement. Le temps n'est donc pas un processus réel, une succession effective que je me bornerais à enregistrer. Il naît de mon rapport avec les choses. Dans les choses mêmes, l'avenir et le passé sont dans une sorte de préexistence et de survivance éternelles; l'eau qui passera demain est en ce moment à sa source, l'eau qui vient de passer est maintenant un peu plus bas, dans la vallée. Ce qui est passé ou futur pour moi est présent dans le monde. On dit souvent que, dans les choses mêmes, l'avenir n'est pas encore, le passé n'est plus, et le présent, à la rigueur, n'est qu'une limite, de sorte que le temps s'effondre. MAURICE MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception, 1945, pages 470-471. SYNTAXE : Avenir éloigné, immédiat, prochain, proche, rapproché; sens de l'avenir. — Locution. À l'avenir : Ø 4. Ma volonté bien réfléchie est que cette communauté continue de vivre aussi simplement que par le passé. Les couvents ont été épargnés jusqu'à présent, rien ne prouve qu'ils ne le soient pas à l'avenir. Au surplus, quoi qu'il arrive, ne comptons jamais que sur cette espèce de courage que Dieu dispense au jour le jour, et comme sou par sou. GEORGES BERNANOS, Dialogues des carmélites, 1948, 4e. tableau, 1, page 1652. PARADIGMES. a) (Quasi-)synonymes : à partir d'aujourd'hui, désormais, dorénavant b) (Quasi-)antonymes autrefois, jamais, naguère. — Par extension. Avenir éternel ou absolument avenir : Ø 5. Le sentiment de l'infini est le véritable attribut de l'âme : tout ce qui est beau dans tous les genres excite en nous l'espoir et le désir d'un avenir éternel et d'une existence sublime; on ne peut entendre ni le vent dans la forêt, ni les accords délicieux des voix humaines; on ne peut éprouver l'enchantement de l'éloquence ou de la poésie; enfin surtout, enfin on ne peut aimer avec innocence, avec profondeur, sans être pénétré de religion et d'immortalité. GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, De l'Allemagne, tome 5, 1810, page 13. Ø 6. Il me semble que dans cet avenir lointain d'une autre vie, ceux-là seront les plus heureux qui n'auront pas eu dans leur durée un seul moment qu'ils ne puissent se rappeler avec plaisir. Là haut, comme ici-bas, nos souvenirs seront une part importante de nos biens et de nos maux. Le ciel est pour ceux qui y pensent. JOSEPH JOUBERT, Pensées, tome 1, 1824, page 106. Ø 7. Si les hommes, pris un à un, croient, à leur su ou à leur insu, à une vie future, c'est qu'il y a une vie future, parce qu'il n'y a pas d'effet sans cause, parce qu'il est absurde de dire que l'homme passe ses jours à craindre ou à espérer au delà de la tombe un avenir qui n'existe pas; bizarre animal qui aurait la connaissance de la mort, qui posséderait un sentiment dont la rapidité et l'étendue embrassent tous les siècles et tous les mondes, et qui ne serait doué de cette extension de temps et d'espace que pour s'enfermer à jamais dans un trou de six pieds de long! FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 1, 1848, page 615. B.— Par métonymie (généralement par rapport à une personne ou à un groupe de personnes) 1. Ce qui sera plus tard, les événements futurs. a) [L'avenir en tant qu'objet de connaissance] — [Divine] : Ø 8. La doctrine catholique range parmi les attributs divins la prescience, c'est-à-dire la connaissance anticipée et infaillible de l'avenir, même de l'avenir qui dépend des volontés libres. Or, comment Dieu peut-il prévoir ce dernier genre d'avenir, sinon parce qu'il est le maître de nos actes et qu'il les dirige comme il lui plaît? Comment sait-il infailliblement ce que je ferai demain, sinon parce qu'il l'a décrété, et qu'il possède dans sa toute-puissance la certitude de nos déterminations? PÈRE HENRI-DOMINIQUE LACORDAIRE, Conférence de Notre-Dame, 1848, page 190. Ø 9. — (...) Examine la religion dès sa naissance et dis si elle ne débute pas par un dogme absurde? Voici un Dieu, infiniment parfait, infiniment bon, un Dieu qui n'ignore ni le passé, ni le présent, ni l'avenir, il savait donc qu'Ève pécherait; alors, de deux choses l'une : ou il n'est pas bon puisqu'il l'a soumise à cette épreuve, en connaissant qu'elle n'était pas de force à la subir; ou bien alors, il n'était pas certain de sa défaite; auquel cas, il n'est pas omniscient, il n'est pas parfait. Durtal ne répondait pas (...). — Pourtant, se dit-il, (...) il est enfantin de s'occuper du futur lorsqu'il s'agit de Dieu; nous le jugeons avec notre misérable entendement et il n'y a pour lui, ni présent, ni passé, ni avenir; il les voit tous, dans la lumière incréée, au même instant Pour lui, la distance ne se figure pas et l'espace est nul. Les jadis, les maintenant et les demain ne sont qu'un. GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, En route, tome 2, 1895, pages 175-176. Ø 10. Tout le passé lui était présent. Tout le présent lui était présent. Tout l'avenir, tout le futur lui était présent. Toute l'éternité lui était présente. Ensemble et séparément. Il voyait tout d'avance et tout en même temps. Il voyait tout après. Il voyait tout avant CHARLES PÉGUY, Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc, 1910, page 126. Remarque : " On dit de Dieu seul : L'avenir lui est présent, est présent devant lui, pour dire, que Dieu connoît, prévoit tout ce qui arrivera " (Dictionnaire de l'Académie Française 1798-1932, DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE LA LANGUE FRANÇAISE (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845). — [Magique, pseudo-scientifique, scientifique] : Ø 11.... l'instinct de la divination a tourmenté tous les âges et tous les peuples, surtout les peuples primitifs; la divination a donc dû ou pourrait donc peut-être exister; mais c'est une langue dont l'homme aura perdu le clef en sortant de cet état supérieur, de cet éden dont tous les peuples ont une confuse tradition : alors, sans doute, la nature parlait plus haut et plus clair à son esprit; l'homme concevait la relation cachée de tous les faits naturels, et leur enchaînement pouvait le conduire à la perception de vérités ou d'événements futurs, car le présent est toujours le germe générateur et infaillible de l'avenir; il ne s'agit que de le voir et de le comprendre. ALPHONSE DE LAMARTINE, Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient (1832-1833) ou Note d'un voyageur, tome 1, 1835, page 191. Ø 12.... bornons-nous d'abord à considérer les phénomènes naturels où les causes et les effets s'enchaînent, de l'aveu de tout le monde, d'après une nécessité rigoureuse; alors il sera certainement vrai de dire que le présent est gros de l'avenir, et de tout l'avenir, en ce sens que toutes les phases subséquentes sont implicitement déterminées par la phase actuelle, sous l'action des lois permanentes ou des décrets éternels auxquels la nature obéit; mais on ne pourra pas dire sans restriction que le présent est de même gros du passé, car il y a eu dans le passé des phases dont l'état actuel n'offre plus de traces, (...); tandis que cela suffirait à une intelligence pourvue de facultés analogues à celles de l'homme, quoique plus puissantes, pour lire dans l'état actuel la série de tous les phénomènes futurs, ou du moins pour embrasser une portion de cette série d'autant plus grande que ses facultés iraient en se perfectionnant davantage. Ainsi, quelque bizarre que l'assertion puisse paraître au premier coup d'oeil, la raison est plus apte à connaître scientifiquement l'avenir que le passé. Les obstacles à la prévision théorique de l'avenir tiennent à l'imperfection actuelle de nos connaissances et de nos instruments scientifiques... AUGUSTIN COURNOT, Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique, 1851, page 447. Ø 13. Il peut arriver aussi que deux prophètes, sans se connaître, vous annoncent la même chose. Si cet accord ne vous trouble pas plus que votre intelligence ne le permettra, je vous admire. Pour mon compte, j'aime bien mieux ne pas penser à l'avenir, et ne prévoir que devant mes pieds. Non seulement je n'irai pas montrer au mage le dedans de ma main, mais, bien plus, je n'essaierai pas de lire l'avenir dans la nature des choses; car je ne crois pas que notre regard porte bien loin, si savants que nous puissions être. J'ai remarqué que tout ce qui arrive d'important à n'importe qui était imprévu et imprévisible. ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos, 1908, page 35. Ø 14. Deux jeunes filles de Baltimore vont consulter une voyante à Washington. La bonne dame leur fait le « grand jeu », mais ne prédit l'avenir qu'à l'une d'elles et non à l'autre. Cette dernière insiste. « Je n'ai rien à vous dire », fait la pythonisse, et comme la jeune fille renouvelle ses instances, elle lui remet un papier sur lequel elle a griffonné quelques mots. « Vous ne le lirez que lorsque vous serez de retour chez vous », dit-elle. Les demoiselles s'en vont. Sur le chemin de la gare, elles sont renversées par une voiture; l'une d'elles est tuée, et c'est celle-là même à qui ce papier a été remis. On le retrouve sur elle, on le déplie; il porte ces mots : « Vous n'avez pas d'avenir. » JULIEN GREEN, Journal, 1942, page 197. SYNTAXE : Avenir inconnu; deviner, dévoiler, entrevoir, interroger, montrer, pénétrer, présenter, regarder (vers) l'avenir. b) [L'avenir en tant qu'objet de calculs plus ou moins intéressés] : Ø 15. Huber est mort. Quelle douleur pour sa femme! Quelle destinée! Faire beaucoup de sottises pour s'unir à l'homme qu'on aime, lutter contre toute sa famille, éprouver au milieu même de la passion beaucoup de remords, errer longtemps sans fortune et sans asile, et au moment même où le sort semble se radoucir et promettre un avenir, de l'aisance et du repos, perdre le compagnon de sa vie, rester seule avec six enfants, sans amis, sans ressources, sans consolation! BENJAMIN HENRI CONSTANT DE REBECQUE, Journaux intimes, 1805, page 189. Ø 16. Les prétendants ne manquaient point. On disait que Maze lui-même, le beau Maze, le lion du bureau, tournait autour du père Cachelin avec une intention visible. Mais l'ancien sergent, un roublard qui avait roulé sous toutes les latitudes, voulait un garçon d'avenir, un garçon qui serait chef et qui reverserait de la considération sur lui, César, le vieux sous-off. GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 1, L'Héritage, 1884, page 469. Ø 17.... en seraient-ils réduits à écrire des poèmes? Ils sentaient bien que les pouvoirs publics et les familles conspiraient comme autrefois à les faire retomber dans de brillants avenirs, des carrières, des soucis d'avancement, d'argent, de beaux mariages. Ces prétentions leur semblaient révoltantes, mais ils tremblaient de les voir confirmées par la mise en panne de l'histoire... PAUL NIZAN, La Conspiration, 1938, page 54. SYNTAXE : Bel, grand avenir; avenir sûr; plans, projet d'avenir; homme plein d'avenir; assurer, bâtir, compromettre, construire, décider (de), engager, fixer, garantir, s'occuper (de), préparer l'/son avenir. — PARADIGMES. (Quasi-)synonymes : avoir, bien, bien-être, confort, opulence, position, promotion, prospérité, réussite, richesse, situation, succès, vocation. c) [L'avenir en tant qu'objet d'espoir, de crainte, etc.] — [En parlant d'une personne] (Quasi-)synonyme : chance : Ø 18. Pour recevoir le présent comme il s'offre, et mépriser l'espoir ainsi que les craintes de l'avenir, il n'est qu'un moyen sûr, facile et simple, c'est d'éloigner de son idée cet avenir dont la pensée agite toujours, puisqu'elle est toujours incertaine. Pour n'avoir ni craintes ni désirs, il faut tout abandonner à l'événement comme à une sorte de nécessité, jouir ou souffrir selon qu'il arrive, et l'heure suivante dût-elle amener la mort, n'en pas user moins paisiblement de l'instant présent. Une âme ferme, habituée à des considérations élevées, peut parvenir à l'indifférence du sage sur ce que les hommes inquiets ou prévenus appellent des malheurs et des biens; mais quand il faut songer à cet avenir, comment n'en être pas inquiété? S'il faut le disposer, comment l'oublier? S'il faut arranger, projeter, conduire, comment n'avoir point de sollicitude? On doit prévoir les incidens, les obstacles, les succès; or les prévoir, c'est les craindre ou les espérer. Pour faire, il faut vouloir; et vouloir, c'est être dépendant ÉTIENNE PIVERT DE SENANCOUR, Obermann, tome 1, 1840, pages 183-184. Ø 19. L'étrange faiblesse d'esprit qui nous fait douter sans cesse que le bonheur de l'avenir puisse valoir le bonheur du passé est souvent notre seule cause de misère; nous nous attachons aux simulacres de nos deuils comme s'il convenait de prouver notre tristesse aux autres. Nous cherchons les souvenirs et les ruines, nous voudrions revivre le passé et souhaitons continuer encore des joies après qu'elles sont épuisées. Je hais toute tristesse et ne comprends pas que la confiance ou la beauté de l'avenir ne prévaille pas sur l'adoration du passé. ANDRÉ GIDE, Réflexions sur quelques points de littérature et de morale, 1897, pages 417-418. Ø 20.... mon esprit fut toujours ainsi fait que je ne mettais pas ma perspective devant moi, mais derrière. J'aime mieux un long passé qu'un long avenir, ou plutôt je n'ai jamais rêvé sur l'avenir. MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 2, 1899-1901, page 217. Ø 21.... la fonction la plus simple, la plus profonde, la plus générale de notre être (...) est de faire de l'avenir. Tout notre être, et non seulement notre esprit, n'est occupé que de ce qui sera, puisqu'il ne procède que par actes, plus ou moins prompts, plus ou moins complexes. Respirer, se nourrir, se mouvoir, c'est anticiper. Voir c'est prévoir. Toutes nos sensations, tous nos sentiments nous engagent dans ce qui n'est pas encore; et même nos souvenirs et nos regrets : penser qu'une chose a été, c'est définir un temps futur qui doit l'exclure. L'avenir se confond en chacun de nous avec l'acte même de vivre. (...). La vie, en somme, n'est que la conservation d'un avenir. Notre esprit, qui est vie, développe devant nous, selon toutes ses ressources de savoir, de logique et d'analogies, l'image toujours changeante du possible. Mais ce que nous savons le mieux et qui constitue la puissance de cette image, c'est ce que nous souhaitons et c'est ce que nous craignons. Notre avenir du moment est une invention de nos voeux, de nos besoins, de nos refus ou de nos répugnances, que nous tentons d'ajuster à la connaissance que nous avons de notre milieu et du monde qui nous entoure. Plus nous connaissons ce milieu, plus notre création perpétuelle de l'avenir, cette poésie intime qui se produit naturellement en tout homme venant en ce monde, se restreint, se réduit en se précisant (...). L'âge réel d'un homme pourrait se mesurer par l'exercice de la fonction-avenir de son esprit. PAUL VALÉRY, Variété IV, 1938, pages 191-192. Ø 22. Cette journée était pour lui une journée essentielle, une charnière; la porte retombait sur toute une tranche pénible de sa vie, s'ouvrait sur un avenir prestigieux, aux événements pressés, vagues et nombreux. Le destin venait de frapper un coup de gong. « Je n'aurai pas le temps de finir ». Personne n'avait le temps de finir. MAURICE DRUON, Les Grandes familles, tome 1, 1948, page 55. Ø 23. L'avenir est ambigu d'abord parce qu'il est à la fois certain et incertain. Ce qui est certain, c'est que le futur sera, qu'un avenir adviendra; mais quel il sera, voilà qui demeure enveloppé dans les brumes de l'incertitude. De toutes façons, le Pas-encore sera, plus tard un Maintenant; de toutes façons l'avenir sera présent et sera un Aujourd'hui, que nous soyons là pour le voir ou que nous n'y soyons pas; (...). (...) il y aura un futur, (...) mais on ne peut dire la chose à venir; on ne peut pas répondre à la question circonstancielle, celle qui interroge sur les modalités et suivant les catégories de l'interrogation; on ne peut dire ce qui sera. (...) les modalités de l'avenir représentent le domaine du peut-être, et désignent à l'homme l'horizon exaltant de l'espoir : ce qui sera dépend de notre liberté. Par opposition au prétérit, qui est univoque ou inambigu parce qu'il est « tout-fait » et déjà joué, le futur a toute l'indétermination du mystère... VLADIMIR JANKÉLÉVITCH, L'Aventure, l'ennui, le sérieux, Paris, éditions Montaigne, 1963, page 11. SYNTAXE : Heureux, meilleur, sombre avenir; inquiet de l'avenir; espérance, incertitude, inquiétude, menace, peur, pressentiment, promesse, souci de l'avenir; élan vers l'avenir; foi en l'avenir; craindre, croire (en), désespérer (de), douter (de), s'élancer (vers), envisager, espérer (de, en), imaginer, se préoccuper (de) l'avenir. · Exceptionnellement. [En parlant de la pensée humaine] Avenir intérieur : Ø 24.... comme il savait que la seule grande absence qu'elle faisait était tous les ans celle d'août et septembre, il avait le loisir plusieurs mois d'avance d'en dissoudre l'idée amère dans tout le temps à venir qu'il portait en lui par anticipation et qui, composé de jours homogènes aux jours actuels, circulait transparent et froid en son esprit où il entretenait la tristesse, mais sans lui causer de trop vives souffrances. Mais cet avenir intérieur, ce fleuve incolore et libre, voici qu'une seule parole d'Odette venait l'atteindre jusqu'en Swann et, comme un morceau de glace, l'immobilisait, durcissait sa fluidité, le faisait geler tout entier... MARCEL PROUST, Du Côté de chez Swann, 1913, page 355. Remarque : Voir également MAURICE DE GUÉRIN, Correspondance, 1837, page 270. — [En parlant d'un peuple, d'une nation, etc.] : Ø 25.... il n'y a, dans le monde, pas d'autre volonté que cette force qui pousse tout à la vie, à une vie de plus en plus développée et supérieure. (...) Je crois que l'avenir de l'humanité est dans le progrès de la raison par la science. Je crois que la poursuite de la vérité par la science est l'idéal divin que l'homme doit se proposer. ÉMILE ZOLA, Le Docteur Pascal, 1893, page 46. Ø 26.... du sort des hommes il est en mon pouvoir de faire un aliment pour ma sérénité. Sache-le donc, toute création vraie n'est point préjugé sur l'avenir, poursuite de chimère et utopie, mais visage nouveau lu dans le présent lequel est réserve de matériaux en vrac reçus en héritage, et dont il ne s'agit pour toi ni de te réjouir ni de te plaindre, car simplement comme toi, ils sont, ayant pris naissance. L'avenir, laisse-le donc comme l'arbre dérouler un à un ses branchages. De présent en présent l'arbre aura grandi et entrera révolu dans sa mort. Ne t'inquiète point pour mon empire. Depuis qu'ils ont reconnu ce visage dans le disparate des choses, les hommes, depuis que j'ai fait oeuvre de sculpteur dans la pierre, j'ai donné, dans la majesté de ma création, un coup de barre à leur destinée. Et dès lors ils iront de victoire en victoire, et dès lors mes chanteurs auront quelque chose à chanter, puisque au lieu de glorifier des dieux morts ils célébreront simplement la vie. ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, page 650. SYNTAXE : Avenir national; tourné vers l'avenir; l'avenir de la civilisation, du monde, du pays. 2. Ceux qui vivront plus tard, les générations futures. a) [En tant que continuateurs de la famille, de la race humaine, etc.] : Ø 27. Si nous, génération présente, avons, du moins par notre silence, consenti à grever les revenus de nos neveux, nos neveux ne jugeront-ils pas convenable de secouer ce fardeau, s'ils viennent à s'apercevoir qu'il n'a servi en rien à leur bonheur, ni à leur gloire? L'avenir peut se croire fondé à demander des comptes au présent. Les représentans futurs d'une nation reprocheront peut-être à leurs prédécesseurs de ne l'avoir pas bien représentée. JEAN-BAPTISTE SAY, Traité d'économie politique, 1832, page 553. Ø 28.... un Delanoë, un Dufour, offrent leur vie dans la tranchée, pour leur pays. (...) c'est le présent s'immolant à l'avenir, et l'on ne voit pas de quel droit l'avenir, qui n'est pas encore, réclamerait ce privilège, s'il n'y avait pas un ordre impératif donné par la conscience, laquelle en reçoit la révélation d'ailleurs. PAUL BOURGET, Le Sens de la mort, 1915, pages 324-325. Ø 29. — (...) Vous parlez toujours d'avenir, de famille et de race : de vous continuer. Qu'est-ce donc se continuer? sinon se prolonger, se survivre dans les siens, aux mêmes lieux, par les mêmes moyens, pour les mêmes buts? Où mieux assurer cette survie que sur le bien paternel? JOSEPH DE PESQUIDOUX, Le Livre de raison, 1932, page 128. PARADIGMES. (Quasi-)synonymes : descendance, enfant, fils, lignée, progéniture, succession. b) [En tant que porteurs d'un jugement favorable ou défavorable sur l'époque actuelle] Aux yeux de l'avenir : Ø 30.... comme nous lui disions qu'il n'y avait pour nous qu'un public, non celui si bas et si ravalé du moment, mais le public de l'avenir, il nous fit avec un haussement d'épaules : « Est-ce qu'il y a un avenir, une postérité?... On se figure ça! » blasphéma le journaliste, touchant à chaque article le viager de la gloire et ne la voulant pas plus longue pour les autres, pour les non-récompensés de leur vivant et les livres méconnus qui espèrent leur paye de la postérité. EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, 1869, page 500. Ø 31. Un demi-succès, des suffrages épars n'avaient pas encore réussi à imposer largement son renom d'écrivain et de poète. Il s'en consolait aisément. Mais cela accentuait en lui cette impression, à la fois ennoblissante et attristante, de travailler pour l'avenir, pour les hommes qui viendraient après lui et lui rendraient une tardive justice. Sort douloureux et grand, qu'il acceptait sans amertume. MAXENCE VAN DER MEERSCH, L'Empreinte du dieu, 1936, page 134. PARADIGMES. (Quasi-)synonymes : célébrité, crédit, notoriété, renommée, réputation. — En particulier. Religion, science, etc. de l'avenir (d'avenir). Qui seront appréciées, pratiquées par les hommes futurs : Ø 32.... la médecine expérimentale ne pourra venir qu'après la médecine d'observation, en s'appuyant sur elle. Cela répond aux critiques de certaines personnes qui n'ayant pas lu ou n'ayant pas compris mon Introduction à l'étude de la médecine expérimentale ont prétendu que, sous prétexte de fonder une médecine de l'avenir, je voulais supprimer la médecine contemporaine ou la médecine ancienne. Je ne veux ni ne peux rien supprimer. Je dis seulement : il y a une médecine expérimentale qui sera la médecine de l'avenir, parce qu'elle viendra la dernière, comme la plus parfaite, mais elle s'appuie nécessairement sur les états évolutifs antérieurs de la science, autrement elle n'aurait pas de base. CLAUDE BERNARD, Principes de médecine expérimentale, 1878, page 101. Ø 33.... qu'un jour vienne où l'humanité n'aura plus besoin de croire à l'immortalité, quelles angoisses la destruction prématurée de cette foi consolante n'aura pas causées aux infortunés sacrifiés au destin durant notre âge de douleur. Dans la constitution définitive de l'humanité, la science sera le bonheur; mais, dans l'état imparfait que nous traversons, il peut être dangereux de savoir trop tôt. Ma conviction intime est que la religion de l'avenir sera le pur humanisme, c'est-à-dire le culte de tout ce qui est de l'homme, la vie entière sanctifiée et élevée à une valeur morale. ERNEST RENAN, L'Avenir de la science, 1890, page 101. Remarque générale : 1. Avenir prend fréquemment une valeur affective mais il s'emploie rarement par comparaison ou métaphoriquement : les quelques images auxquelles il se prête sont généralement celles de l'eau (exemple 3, 24), de l'horizon (exemple 3, 23) ou de la porte (exemple 22). 2. La forme plurielle avenirs, très rare, apparaît surtout en B 1 b. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 9 566. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 15 024, b) 14 170; XXe. siècle : a) 11 117, b) 13 584.

« n'est pas le pass? qui pousse le pr?sent ni le pr?sent qui pousse le futur dans l'?tre; l'avenir n'est pas pr?par? derri?re l'observateur, il se pr?m?dite au-devant de lui, comme l'orage ? l'horizon.

Si l'observateur, plac? dans une barque, suit le fil de l'eau, on peut bien dire qu'il descend avec le courant vers son avenir, mais l'avenir, ce sont les paysages nouveaux qui l'attendent ? l'estuaire, et le cours du temps, ce n'est plus le ruisseau lui-m?me?: c'est le d?roulement des paysages pour l'observateur en mouvement.

Le temps n'est donc pas un processus r?el, une succession effective que je me bornerais ? enregistrer.

Il na?t de mon rapport avec les choses.

Dans les choses m?mes, l'avenir et le pass? sont dans une sorte de pr?existence et de survivance ?ternelles; l'eau qui passera demain est en ce moment ? sa source, l'eau qui vient de passer est maintenant un peu plus bas, dans la vall?e.

Ce qui est pass? ou futur pour moi est pr?sent dans le monde.

On dit souvent que, dans les choses m?mes, l'avenir n'est pas encore, le pass? n'est plus, et le pr?sent, ? la rigueur, n'est qu'une limite, de sorte que le temps s'effondre. MAURICE MERLEAU-PONTY, Ph?nom?nologie de la perception, 1945, pages 470-471.

SYNTAXE?: Avenir ?loign?, imm?diat, prochain, proche, rapproch?; sens de l'avenir.

? Locution.

? l'avenir?: ? 4.

Ma volont? bien r?fl?chie est que cette communaut? continue de vivre aussi simplement que par le pass?. Les couvents ont ?t? ?pargn?s jusqu'? pr?sent, rien ne prouve qu'ils ne le soient pas ? l'avenir.

Au surplus, quoi qu'il arrive, ne comptons jamais que sur cette esp?ce de courage que Dieu dispense au jour le jour, et comme sou par sou. GEORGES BERNANOS, Dialogues des carm?lites, 1948, 4e.

tableau, 1, page 1652.

PARADIGMES.

a) (Quasi-)synonymes?: ? partir d'aujourd'hui, d?sormais, dor?navant b) (Quasi-)antonymes autrefois, jamais, nagu?re.

? Par extension.

Avenir ?ternel ou absolument avenir?: ? 5.

Le sentiment de l'infini est le v?ritable attribut de l'?me?: tout ce qui est beau dans tous les genres excite en nous l'espoir et le d?sir d'un avenir ?ternel et d'une existence sublime; on ne peut entendre ni le vent dans la for?t, ni les accords d?licieux des voix humaines; on ne peut ?prouver l'enchantement de l'?loquence ou de la po?sie; enfin surtout, enfin on ne peut aimer avec innocence, avec profondeur, sans ?tre p?n?tr? de religion et. »

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