Définition: BRUTAL, -ALE, -AUX, adjectif et substantif. I.— [En parlant d'une personne] A.— Adjectif. 1. Qui est bestial, qui rapproche l'homme de la brute. Un penchant brutal (Dictionnaire de l'Académie Française 1835, 1878, Nouveau Larousse illustré); des appétits brutaux (Dictionnaire de l'Académie Française 1835-1932, Dictionnaire général de la langue française (ADOLPHE HATZFELD, ARSÈNE DARMESTETER), Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française (Paul Robert)); sommeil brutal (MAURICE BARRÈS, Au service de l'Allemagne, 1905, page 146) : Ø 1.... mais, à les voir suivre en aveugles, et comme des barques emmenées à la dérive, le courant de leurs instincts brutaux et de leurs passions désordonnées, on pouvait, sans être un prophète, deviner et prédire la fin qui les attendait presque tous. AUGUSTIN THIERRY, Récits des temps mérovingiens, tome 2, 1840, page 60. 2. Par extension. [En parlant du caractère] Qui manque de souplesse, de douceur : Ø 2. M. Rodolphe Boulanger avait trente-quatre ans; il était de tempérament brutal et d'intelligence perspicace, ayant d'ailleurs beaucoup fréquenté les femmes, et s'y connaissant bien. GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, tome 1, 1857, page 149. — [En parlant du comportement] Rude, violent : Ø 3.... Lazare s'était seulement dégoûté des affaires, de même qu'il s'était dégoûté de la musique, de la médecine, de l'industrie; et, sur ce sujet, il éclata en paroles brutales,... ÉMILE ZOLA, La Joie de vivre, 1884, page 1052. — [En parlant d'une attitude morale, d'une qualité ou d'un sentiment] Droit, direct mais ostensible et sans ménagement. Valeur brutale (Dictionnaire de l'Académie Française 1798-1932, Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845); passion brutale (Dictionnaire de l'Académie Française 1798-1932, Dictionnaire universel de la langue française (LOUIS-NICOLAS BESCHERELLE) 1845, Dictionnaire général de la langue française (Adolphe Hatzfeld, Arsène Darmesteter), Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française (Paul Robert)) : Ø 4.... vous êtes brutal à force de franchise. JEAN-FRANÇOIS COLLIN D'HARLEVILLE, Le Vieux célibataire, 1792, II, 5, page 41. B.— Substantif. C'est un brutal, un franc brutal (Dictionnaire de l'Académie française. 1798-1932) : Ø 5.... le malheur des relations humaines fait que les brutaux prennent toujours la courtoisie pour de la faiblesse. JEAN-BALTHASAR MALLARD, COMTE DE LA VARENDE, Le Maréchal de Tourville et son temps, 1943, page 117. II.— [En parlant d'un inanimé] A.— Adjectif. 1. [Inanimé concret] a) Qui n'était pas prévisible, soudain : Ø 6.... un coup de sonnette brutal retentit à la porte. EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Madame Gervaisais, 1869, page 292. b) Qui surprend par sa soudaine violence. Un vent brutal (JEAN GIONO, Le Chant du monde, 1934, page 244 ); une pluie épaisse et brutale (JEAN-BALTHASAR MALLARD, COMTE DE LA VARENDE, Le Troisième jour, 1947, page 243 ); une série de bruits brutaux (GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, La Maison de Claudine, 1922, page 79) : Ø 7. Au delà de ces premières collines ravinées, qui me rappellent l'entrée du désert par Boghari, une seconde chaîne irrégulière, dentelée, fort en désordre. Sa couleur violâtre appuie la couleur ardente du premier plan et ménage un accord de toute délicatesse entre ce jaune brutal et le ciel bleu. EUGÈNE FROMENTIN, Voyage en Égypte, 1869, page 60. Ø 8. On me précipita dans la gorge un liquide violent dont l'alcool brutal me surprit au point que j'étranglai... PAUL VIALAR, La Mort est un commencement, La Hautemort, 1951, page 171. — Par analogie. Qui impose un effort sans ménagement. Un escalier brutal (JEAN THARAUD, JÉRÔME THARAUD, Marrakech ou les Seigneurs de l'Atlas, 1920, page 89 ). 2. [Inanimé abstrait] a) Brusque, imprévisible. Transformations brutales (PIERRE SCHAEFFER, À la recherche d'une musique concrète, 1952, page 191 ). b) Au figuré. — Qui est plein de force et sans nuances, brut, vigoureux. Une opposition brutale, un réalisme, un fait brutal : Ø 9.... il est bon que quelqu'un consente à se perdre pour demeurer ferme à des principes dont il a la conviction, et qui tiennent à ce qu'il y a de noble dans notre nature : ces dupes sont les contradicteurs nécessaires du fait brutal,... FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 4, 1848, page 151. — Domaine artistique. · Péjoratif. Grossier, rapide. L'exécution de cette toile est brutale et sommaire (JULES-ANTOINE CASTAGNARY, Salons, 1892, page 337 ). · Sans mièvrerie, puissant : Ø 10. Ah! cette peinture, de quelle haine jalouse elle l'exécrait! Ce n'était plus son ancienne révolte de petite bourgeoise peignant l'aquarelle, contre cet art libre, superbe et brutal. ÉMILE ZOLA, L'Œuvre, 1886, page 259. B.— Substantif, vieux et familier. Le brutal. Le canon. Aller à la gueule du brutal (HONORÉ DE BALZAC, Les Illusions perdues, 1843, page 260) : Ø 11. À ce moment, un boulet donna dans la ligne de saules, qu'il prit de biais, et Fabrice eut le curieux spectacle de toutes ces petites branches volant de côté et d'autre comme rasées par un coup de faux. — Tiens, voilà le brutal qui s'avance, lui dit le soldat en prenant ses vingt francs. HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, La Chartreuse de Parme, 1839, page 40. — Argot. Vin ordinaire (Dictionnaire de l'argot moderne (GÉO SANDRY, MARCEL CARRÈRE)), eau-de-vie (Dictionnaire historique des argots français (GASTON ESNAULT)). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 2 102. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 1 300, b) 2 746; XXe. siècle : a) 4 813, b) 3 463. DÉRIVÉS : 1. Brutalisme, substantif masculin. École littéraire ayant pour particularité un réalisme brutal (Paul Bourget, Physiologie de l'amour moderne, 1890, page 182). 2. Brutaliste, adjectif et substantif. Qui a trait au brutalisme. J'ai dans les moelles tous les thèmes (...) brutalistes et autres de l'intellectuel artiste affranchi (MARCEL AYMÉ, Travelingue, 1941, page 133 ).
