Définition du terme: ANTIPODE, adjectif et substantif. I.— Vieux, littéraire, emploi adjectif et substantif. A.— Emploi adjectival. [En parlant d'un lieu] Situé en un point diamétralement opposé à un autre point de la surface du globe : Ø 1. Les pays qui sont sur des parallèles à l'équateur, à égal éloignement de ce cercle et aux extrémités d'un même diamètre, les uns au midi, les autres au nord, enfin qui ont le même méridien et qui sont sous ce méridien à la distance les uns des autres de 180o, c'est-à-dire de la moitié du méridien, ces pays sont antipodes. Dictionnaire universel des Sciences, des Lettres etd es Arts (MARIE-NICOLAS BOUILLET) 1859. · Antipode à : Ø 2. Dans la projection de la sphère céleste que traçaient les prêtres astronomes, le zodiaque et les constellations disposés circulairement, présentaient leurs moitiés en opposition diamétrale : l'hémisphère d'hiver, antipode à celui d'été, lui était adverse, contraire, opposé. Par la métaphore perpétuelle, ces mots passèrent au sens moral; et les anges, les génies adverses, devinrent des révoltés, des ennemis. CONSTANTIN-FRANÇOIS CHASSBOEUF, COMTE DE VOLNEY, Les Ruines ou Méditations sur les révolutions des empires, 1791, pages 252-253. B.— Emploi comme substantif. Personne qui occupe un de ces points. Antipode(s) de quelqu'un. Ce sont nos antipodes (Dictionnaire de l'Académie française. 1835-1932). — Par métaphore. Antipode de quelqu'un ou de quelque chose Cet homme est l'antipode du bon sens (Dictionnaire de l'Académie française. 1878) : Ø 3. Il avait une figure ronde et blafarde, fort marquée de petite vérole, et de petits yeux bleus fort vifs, mais avec des bords attaqués, éraillés par cette cruelle maladie. Tout cela était complété par un petit air pédant et de mauvaise humeur; marchant mal et comme avec des jambes tortes, toute sa vie l'antipode de l'élégance et par malheur cherchant l'élégance, et avec cela un esprit tout divin. HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Vie de Henry Brulard, tome 2, 1836, pages 322-323. Ø 4. Mon éloignement pour quelqu'un ne va pas diminuant; plus je le connais, moins je sympathise avec lui; plus je l'écoute, moins je le goûte; plus je l'approche, moins il m'attire. C'est mon antipode, et nos têtes comme nos pieds vont en sens contraire. HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL, Journal intime, 1866, page 234. Remarque : Attesté dans les dictionnaires généraux du XIXe et du XXe. siècle. II.— Emploi comme substantif. A.— ASTRONOMIE, GÉOGRAPHIE. usuel. [Généralement au pluriel] " Points de la surface terrestre diamétralement opposés l'un à l'autre. Par déformation, point de la surface terrestre diamétralement opposé à un point donné de cette surface. " (Dictionnaire des sciences (E.B. UVAROV, D.R. CHAPMAN) 1956). · Les antipodes de : Ø 5. Les autres, et c'est le plus grand nombre parmi les modernes, ont divisé leurs longitudes en orientales et en occidentales : or, la différence entre les méridiens des observatoires d'Europe étant la même pour les méridiens de leurs antipodes, il s'est trouvé par cette division à l'est et à l'ouest, qu'une longitude était, comme dans notre hémisphère, occidentale pour l'un, lorsqu'elle était orientale pour l'autre. De là il est résulté des erreurs, qu'on éviterait en comptant uniformément les longitudes jusqu'à 360 degrés, et en convenant de partir par l'occident. Voyage de la Pérouse autour du monde (MILET DE MUREAU) tome 1, 1797, page XXVI. · (Être situé) aux antipodes de : Ø 6. On est voisin d'une côte à une autre; étranger, pour peu qu'une forêt vous sépare! L'Angleterre confine à l'Australie, tandis que l'Égypte, par exemple, semble être à des millions de lieues du Sénégal, et Pékin aux antipodes de Saint-Pétersbourg! JULES VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, tome 2, 1868, page 27. Remarque : 1. Attesté dans les dictionnaires généraux du XIXe et du XXe. siècle 2. Par hyperbole, aux antipodes (de) peut s'employer pour désigner des lieux très éloignés l'un de l'autre : Ø 7. Mon cher Hugo, je suis allé chez vous, ce matin, aux antipodes de mon domicile, et j'ai eu le chagrin de ne pas vous trouver quoique j'eusse pris l'heure sacramentale et connue de votre déjeuner... HONORÉ DE BALZAC, Correspondance, 1845, page 780. B.— Par extension. BOTANIQUE, CHIMIE. 1. BOTANIQUE. au féminin pluriel. Cellules unicléées, qui dans le sac embryonnaire des angiospermes se trouvent à l'opposé de l'oosphère. Remarque : 1. Attesté en outre dans le Dictionnaire des dictionnaires (sous la direction de Paul Guérin) 1892, Grand Larousse encyclopédique en dix volumes, Botanique, 1960, pages 767-768 (encyclopédie de la Pléiade) et Encyclopédie française, La vie,... tome 2, 1960. 2. " On dit aussi, adjectivement, cellules antipodes. " (Dictionnaire encyclopédique Quillet 1965). 2. CHIMIE. Antipodes optiques. " Substances isomères dont les formules développées dans un plan ou dans l'espace, ne sont pas superposables l'une à l'autre, mais sont symétriques l'une de l'autre par rapport à un plan. " (Dictionnaire de chimie (LÉON-MAURICE GRANDERVE) 1962). Synonyme : énantiomorphe (Dictionnaire de la chimie et de ses applications (CLÉMENT DUVAL, RAYMONDE DUVAL, ROGER DOLIQUE) 1959). C.— Au figuré, familier. 1. Chose concrète ou abstraite, diamétralement opposée à une autre par sa nature, sa fonction, etc. (Être) l'antipode de quelque chose : Ø 8. Son [la jouissance de l'esprit hors de tout dévouement] vrai nom me paraît l'esthétisme, chose tout autre que l'intellectualisme, voire son antipode, encore que toute création intellectuelle commence par un stade artistique,... JULIEN BENDA, La France byzantine ou le Triomphe de la littérature pure. 1945, page 286. 2. (Être) aux antipodes de quelque chose Être à l'opposé de : Ø 9. L'imagination grossière du Moyen Âge a placé Satan dans un royaume de flammes et de cris. Satan règne aux antipodes de l'être. Il est le seigneur de ce qui n'est pas. Il garde le néant. Il est, en vérité, le gardien de la paix d'Ambert. LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Copains, 1913, pages 200-201. Ø 10. On assiste, avec Feuerbach, à la naissance d'un terrible optimisme que nous voyons encore à l'oeuvre aujourd'hui, et qui semble aux antipodes du désespoir nihiliste. Mais ce n'est qu'une apparence. ALBERT CAMUS, L'Homme révolté, 1951, page 184. Remarque : Emploi enregistré dans la plupart des dictionnaires généraux du XIXe et du XXe. siècle. DÉRIVÉS : Antipodal, -ale, -aux, attesté comme terme d'astronomie depuis 1752 (Trévoux). -. Qui est situé ou relatif aux antipodes. Méridien antipodal (Dictionnaire de l'Académie Française, Compléments 1842), régions antipodales (Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle (Pierre Larousse)), points antipodaux (Grand Larousse encyclopédique en dix volumes). Confer antipodique A, suffixe -al*. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 151.
