Définition du terme: CRUAUTÉ, substantif féminin. A.— Caractère de celui/celle/ce qui est cruel. 1. [Le complément désigne une personne ou un animal] Penchant à se montrer cruel, à faire souffrir autrui. Cruauté et volupté, sensations identiques, comme l'extrême chaud et l'extrême froid (CHARLES BAUDELAIRE, Mon Coeur mis à nu, 1867, page 648 ). La vie repose sur une somme de souffrance et de cruauté infinie; l'on ne peut vivre sans faire souffrir (ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, Le Buisson ardent, 1911, page 1411) : Ø 1. D'où peut venir cette étonnante contradiction entre la douceur avec laquelle ils traitent les prisonniers destinés au poteau, et la cruauté avec laquelle ils leur font endurer les tourmens de l'enfer? MICHEL-GUILLAUME-JEAN, DIT SAINT-JOHN DE CRÈVECOEUR, Voyage dans la Haute Pensylvanie et dans l'état de New-York, tome 2, 1801, page 221. Ø 2. Laissez-moi vous faire souffrir. J'aimerai en vous le mal que je vous fais. Ainsi je me retrouverai en vous, et vous aimerai. Vous m'avez donné pendant cinq ans le plaisir de ma résistance, donnez-moi maintenant celui de ma cruauté. HENRI DE MONTHERLANT, Pitié pour les femmes, 1936, page 1149. SYNTAXE : Cruauté affreuse, atroce, froide; horrible cruauté; excès de cruauté; avoir la cruauté de; pousser la cruauté jusqu'à. · Cruauté inconsciente. À un gosse, qui le torturait, la mère retire son moineau. (...) l'oiseau, qui supportait en silence la cruauté inconsciente du gosse, dans les mains de la mère aussitôt se met à crier (HENRI DE MONTHERLANT, La Petite Infante de Castille, 1929, page 592 ). · Cruauté raffinée. Sourire de cruauté raffinée (ÉMILE ZOLA, Son Excellence Eugène Rougon, 1876, page 321 ). · Voluptueuse cruauté. La méchanceté n'a probablement pas dans l'âme du méchant cette pure et voluptueuse cruauté qui nous fait si mal à imaginer (MARCEL PROUST, Le Côté de Guermantes 1, 1920, page 174 ). · Raffinement de cruauté. Les mécréants, par un raffinement de débauche et de cruauté, se plaisaient à violer les femmes devant les yeux de maris et des pères (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 4, 1904-06, page 252 ). — Par analogie. [Le complément désigne une entité plus ou moins personnifiée] S'il avait souffert, c'était par une cruauté du hasard (ÉMILE ZOLA, Madeleine Férat, 1868, page 183 ). Elle restait toute froide devant ce que sa passion de douze ans devinait des cruautés de l'existence (ÉMILE ZOLA, Une Page d'amour, 1878, page 1026 ). 2. [Le complément désigne une chose] Caractère de ce qui est cruel, de ce qui s'accompagne d'effets très pénibles. Synonymes : dureté, inhumanité, rigueur, sévérité : Ø 3....le monde du sommeil (sur le seuil duquel l'intelligence et la volonté momentanément paralysées ne pouvaient plus me disputer à la cruauté de mes impressions véritables) refléta, réfracta la douloureuse synthèse enfin reformée de la survivance et du néant, dans la profondeur organique et devenue translucide des viscères mystérieusement éclairés. MARCEL PROUST, Sodome et Gomorrhe, 1922, page 760. B.— Par métonymie, surtout au pluriel. Action cruelle. Les mêmes Polipison, Parthemius, Patroclus, qui conseillaient à Domitien des cruautés parce qu'ils le savaient cruel, parlent à Nerva de clémence parce qu'ils le savent clément (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Tableau historique et critique de la poésie et du théâtre français au XVIe. siècle, 1828, page 187) : Ø 4. Il n'y a plus de passions véritables au XIXe. siècle : c'est pour cela que l'on s'ennuie tant en France. On fait les plus grandes cruautés mais sans cruauté. — Tant pis! dit Julien; du moins, quand on fait des crimes, faut-il les faire avec plaisir :... HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Le Rouge et le Noir, 1830, page 293. — En particulier, domaine amoureux. Marque(s) d'indifférence à l'égard d'une personne qui aime (en particulier d'un homme). Avoir des cruautés. (Quasi-)synonymes : atrocité(s), barbarie(s), brutalité(s), horreur(s). Gageons que vous êtes triste à cause des cruautés de votre amoureuse lui dit-il (HENRI MURGER, Les Nuits hiver, 1861, page 190) : Ø 5. Quand il poussait un soupir, il semblait le tirer du fond de son âme, et il se plaignait des cruautés de son amante d'un ton si doux, si tendre, si soumis, si pénétré que toutes les femmes dans la salle se dépitaient contre cette méchante et barbare Sylvie, prétendant qu'à sa place elles n'auraient point été si sauvagement farouches que de réduire au désespoir, et peut-être au trépas, un berger d'un tel mérite. THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, page 234. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 213. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle a) 1 599, b) 1 349; XXe. siècle : a) 1 738, b) 2 025.
