Définition et usage du mot: BIAIS, BIAISE, substantif masculin et adjectif. I.— Substantif. A.— Direction, forme, position oblique. Le biais d'un mur : Ø 1. Partout où j'apercevais quelqu'un qui pût me reconnaître, je tournais court, prenais un biais, et je m'enfonçais à perte d'haleine dans les sentiers étroits coupant les blés verts,... EUGÈNE FROMENTIN, Dominique, 1863, page 76. — Par métaphore : Ø 2. J'ai remarqué maintes fois, mon ami, que les hommes d'action, les esprits fermes et résolus, même les plus ignorants, quand ils s'abattent sur les pures idées, y font des percées profondes; (...). Jetés à la rencontre dans la métaphysique, ils y chevauchent étrangement et la traversent par les biais les plus courts, par des sentiers audacieux et rapides. CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Volupté, tome 1, 1834, page 105. — En particulier. COUTURE. La diagonale d'un tissu par rapport à la direction des fils : Ø 3.... Rocambole (...) avait le bras libre, il enfonça son poignard dans le sac, et la toile, dont il trouva heureusement le biais, se fendit d'un bout à l'autre, et lui permit d'étendre d'abord les bras, puis de dégager ses jambes. PIERRE-ALEXIS, VICOMTE PONSON DU TERRAIL, Rocambole, les drames de Paris, tome 3, Le Club des valets de coeur, 1859, page 481. · De biais. Antonyme : de droit fil. B.— Au figuré. 1. Péjoratif. a) Déformation, travers : Ø 4. Je ne sais même plus si je fus bien avisé d'écrire que ces doctrines purent, à leur époque, être utiles à notre pays, tant le biais qu'elles donnent aux esprits peut devenir redoutable. ANDRÉ GIDE, Journal, 1934, page 1209. b) Détour, subterfuge. Recourir à des biais : Ø 5.... je voudrais bien trouver un biais, une espèce de subterfuge, une manière de faux-fuyant pour ne pas me brouiller avec lui,... ALEXANDRE DUMAS PÈRE, Halifax, 1842, I, 8, page 37. Ø 6. Cet homme courageux, qui possédait, par nature et par volonté, les vraies vertus d'un vrai soldat, détestait la perfidie, les compromis de conscience, tous les biais, toutes les lâchetés. Il avait senti que son devoir était de parler, de ne pas laisser accuser un innocent. PAUL BOURGET, Le Disciple, 1889, page 226. 2. Non péjoratif. a) Moyen de résoudre un problème, issue. Chercher, inventer, trouver un biais; une situation sans biais; prendre un biais (une bonne tournure). b) Côté, aspect, point de vue sous lequel une chose se présente : Ø 7. Mais de ce que les choses ont diverses qualités, l'âme plusieurs biais et inclinations, l'homme classique n'en sent que davantage la nécessité de ne point se livrer aux ténèbres de la conscience intérieure... HENRI MASSIS, Jugements, tome 2, 1924, page 49. c) Par le biais de. Sous l'aspect, du point de vue de. Aborder une étude par le biais de la linguistique, de la sociologie. C.— Locution adverbiale. De biais, en biais. Obliquement, de travers, en travers, de guingois : Ø 8.... elle faisait du plat de la main un petit geste en biais, net et péremptoire qui mettait la discussion au cran d'arrêt. ANDRÉ GIDE, Si le grain ne meurt, 1924, page 437. SYNTAXE : 1. (En parlant de personne). Marcher de biais. En crabe. Sauter de biais. De côté. S'asseoir, regarder, sourire de biais; prendre un chemin, traverser une place de biais. 2. (En parlant de choses). Enfoncer des pieux, des piquets en biais; un violent vent de biais; la pluie en biais. — Par métaphore : Ø 9.... les pseudo-agressivités de faiblesse, qui frappent de biais en refusant le combat et triomphent sans lutte en déconsidérant l'adversaire : manie de dénigrement, de l'injure à distance, de la récrimination interminable, et, à la pointe, manies morbides de la persécution, où le persécuteur s'affirme persécuté. EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère, 1946, page 561. Ø 10.... c'est justement parce que la positivité suprême est trop positive, trop brûlante et trop éblouissante, et parce que nul n'en supporte l'éclat, que nous l'exprimons de biais, obliquement et indirectement; nous nous la suggérerons ainsi à nous-mêmes par des allusions et des périphrases. VLADIMIR JANKÉLÉVITCH, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, 1957, page 68. — Spécialement. MANÈGE. Aller en biais. Se dit d'un cheval qui avance alternativement chaque épaule avant la croupe. Remarque : 1. Attesté dans les dictionnaires du XIXe. siècle 2. Confer contre-biais. II.— Adjectif. Qui est oblique par rapport à la direction principale. Arche, fenêtre, porte, voussure biaise : Ø 11. Je ne hais pas cette voûte en pendentif, à plan berlong et à coupes rondes; mais j'aurais préféré pourtant une voûte d'arête, biaise et également berlongue. VICTOR HUGO, Le Rhin, 1842, page 69. · Pont biais : Ø 12. Il suffit de se méfier au kilomètre 6 endroit de péril où la route enjambe le précipice par un pont biais... ALEXANDRE ARNOUX, Le Chiffre, 1926, page 10. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 501. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 114, b) 460; XXe. siècle : a) 756, b) 1 331. Forme dérivée du verbe "biaiser" biaiser BIAISER, verbe transitif. A.— Aller ou être de biais : Ø 1. Le jet d'eau laissé libre s'élève en ligne droite; gêné, comprimé, il biaise, il gauchit. ERNEST RENAN, L'Avenir de la science, 1890, page 59. Ø 2. Les paliers se succédaient toutes les dix marches, l'escalier hésitant, biaisant, s'y reprenant à trois fois avant de parvenir à l'étage. ANDRÉ GIDE, Les Caves du Vatican, 1914, page 781. — Prendre une voie, une direction oblique : Ø 3. À une heure, l'ascension fut reprise. Il fallut biaiser vers le sud-ouest et s'engager de nouveau dans des taillis assez épais. JULES VERNE, L'Ile mystérieuse, 1874, page 86. B.— Au figuré. Employer des moyens détournés, des subterfuges, user de finesse ou de ruse : Ø 4. Quand je vis qu'il biaisait, j'attaquai de front. — Vous savez bien que je ne suis jamais allé dans le Maroc, lui dis-je. Cette apostrophe directe parut le réveiller;... LOUIS REYBAUD, Jérôme Paturot à la recherche d'une position sociale, 1842, page 35. — Biaiser avec quelque chose. Biaiser avec les difficultés, avec sa conscience : Ø 5.... on ne biaise point avec la vie. On ne trompe point l'arbre : on le fait pousser comme on le dirige. Le reste n'est que vent de paroles. ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, page 566. — Sans biaiser. Sans gauchir, sans dévier. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 67.
