DÉPOSSÉDER, verbe transitif.

DÉPOSSÉDER, verbe transitif.  

A.—  Priver un(e) (groupe de) personne(s) de la possession d'un bien matériel ou d'une valeur sociale qui lui appartient de droit. 

Déposséder quelqu'un de quelque chose (Quasi-)synonyme : dessaisir. Ma répugnance à déposséder de son commandement l'un des chefs les plus estimés de l'armée (MARÉCHAL JOSEPH JOFFRE, Mémoires, tome 1, 1931, page 371) : 

Ø 1. Il semblait exclu de cette pièce, dépossédé de sa plume, de ses livres, privé de ses gestes, exilé sur son divan, où, d'ailleurs, il paraissait heureux.

JACQUES CHARDONNE, Femmes,  1961, page 23. 

—  Emploi pronominal réfléchi. Après l'avoir [son vieux père] amené (...) à se déposséder, on a payé ses bienfaits de la plus noire ingratitude (JULES SANDEAU, Mademoiselle de la Seiglière,  1848, page 126 ). 

—  Spécialement.  DROIT.  Restituer à l'acquéreur ou au donataire dépossédé les frais et loyaux coûts de son contrat (Code civil des Français (ou Code Napoléon) 1804, article 2188, page 399 ). 

—  Par extension.  [À propos d'une situation sociale importante]  Évincer, chasser. Prince, roi dépossédé. L'angoisse agonisante de Roland, ou la détresse d'un Lear dépossédé, nous émeut dans sa rareté (ANDRÉ GIDE, Journal,  1940, page 60) : 

Ø 2. Déchu de sa royauté spirituelle, Dingley connut quelque chose de la mélancolie que promènent dans Londres, sous des redingotes indécentes, les monarques dépossédés de l'Orient;...

JEAN THARAUD, JÉRÔME THARAUD, Dingley, l'illustre écrivain,  1906, page 148. 

—  Par analogie. Le fer (...) a remplacé la pierre partout où la pierre avait autrefois dépossédé le bois, pour les charpentes et les voûtes (LOUIS HOURTICQ, Histoire générale de l'art, La France, 1914, page 389 ). 

B.—  Dépouiller de la possession d'un bien humain ou moral ou d'une valeur spirituelle. Le sang de Madeleine et non plus le mien circulait dans mon coeur entièrement dépossédé par l'amour (EUGÈNE FROMENTIN, Dominique,  1863, page 238 ). 

1. Domaine religion  Jésus, s'offrant, commençant à nous déposséder de nous-mêmes, nous devons nous perdre (...) Nous devons être (et par lui) tout changés en lui, consommés et abîmés en lui (ABBÉ HENRI BREMOND, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, tome 3, 1921, page 377 ). 

2. Domaine psychique. [À propos des facultés mentales d'une personne]  Je serais devenu fou (...) Cela m'a dépossédé. —  O les épouvantables spectres! (VICTOR HUGO, Le Dernier jour d'un condamné,  1829, page 66 ). Quand nous sommes très-malades, vous savez quelle détresse c'est que l'âme dépossédée qui se débat dans une confusion sans limites! (PAUL CLAUDEL, Tête d'or,  1890, 2e.  partie, page 69 ). 

Remarque : On rencontre dans la documentation a) L'emploi adjectival du participe passé dépossédé, ée au sens de \" pauvre, dépourvu \". Elle se sentait sans force, anéantie, pauvre, dépossédée (Anna de Noailles, La Nouvelle espérance, 1903, page 293). b) La variante dépossessionné, ée. Aussi les antichambres sont-elles pleines de princes allemands dépossessionnés (Paul Morand, New York, 1930, page 219). c) Un emploi substantival de dépossédé, ée au sens de \" personne dépossédée \". L'inconstance du coeur est (...) le propre de l'homme; mais il se la réserve, et, quand une femme lui dispute la palme sur ce terrain, il crie comme un dépossédé (Feuillet, Camors, 1867, page 200). 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 254. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 303, b) 182; XXe.  siècle : a) 345, b) 514.