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ESPÉRANCE, substantif féminin.

Publié le 17/02/2004

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ESPÉRANCE, substantif féminin.  

A.—  PHILOSOPHIE, PSYCHOLOGIE.  

1. Disposition de l'âme qui porte l'homme à considérer dans l'avenir un bien important qu'il désire et qu'il croit pouvoir se réaliser. L'espérance est le désir joint à un jugement (ANTOINE-LOUIS-CLAUDE DESTUTT DE TRACY. Élémens d'idéologie, 1. Idéologie proprement dite, 1801, page 237 ). Cette belle espérance, qui consiste à croire sans preuve, à adorer ce qu'on ignore et à attendre avec ferveur ce qu'on ne sait pas du tout (GUSTAVE FLAUBERT, La Tentation de Saint Antoine,  1849, page 344 ). Et l'espérance n'espère pas l'espérance, mais d'heureux lendemains (VLADIMIR JANKÉLÉVITCH, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,  1957, page 240) : 

Ø 1.... je leur demandai « quelle différence il y a entre le désir et l'espérance? «

Massieu. « Le désir est un arbre en feuilles, l'espérance un arbre en fleurs, la jouissance un arbre en fruits.«

Leclerc. « Le désir est une inclination du coeur, l'espérance une confiance de l'esprit. «

VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée-d'Antin, tome 3, 1813, page 266. 

Ø 2. Au-dessus de l'attente est l'espérance, plus généreuse que l'attente, parce qu'elle renonce à la détermination des espoirs immédiats et des calculs inquiets pour offrir une large confiance inconditionnelle à un avenir accepté comme foncièrement bon. Elle implique un acte de foi métaphysique dans la qualité et dans la signification du temps, et, par lui, un désarmement intérieur, un abandon apaisant et actif.

EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 315. 

2. Spécialement. 

a) RELIGION CHRÉTIENNE.  Vertu surnaturelle par laquelle les croyants attendent de Dieu, avec confiance, sa grâce en ce monde et la gloire éternelle dans l'autre : 

Ø 3. De l'Espérance et de la Charité.

L'espérance, seconde vertu théologale, a presque la même force que la foi; le désir est le père de la puissance; quiconque désire fortement, obtient. Cherchez, a dit J. C., et vous trouverez; frappez, et l'on vous ouvrira. (...) Le désir ou l'espérance, est le génie. Il a cette virilité qui enfante, et cette soif qui ne s'éteint jamais.

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Le Génie du christianisme, tome 1, 1803, page 88. 

Ø 4. À nous, catholiques, suffit l'espérance. Nous tenons les « promesses «; nous sommes sûrs qu'elles auront leur effet, si nous n'y mettons pas d'obstacles; sûrs qu'il dépend de nous de les voir réalisées en notre personne, avec le secours de la grâce, qui ne manquera jamais. Mais au janséniste, aussi longtemps qu'il n'a pas reçu de « signe «, l'espérance chrétienne est plus que difficile, puisqu'il ne sait pas si Jésus-Christ est mort pour lui, ou non; s'il aura la grâce, ou non; si les commandements lui seront possibles, ou impossibles.

ABBÉ HENRI BREMOND, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, tome 4, 1920, page 373. 

—  Acte d'espérance. Prière exprimant cette attitude de l'âme envers Dieu. Faire un acte d'espérance (confer Charles Péguy, Le Porche du mystère de la deuxième vertu,  1911, page 175 ). 

—  Couleur de l'espérance. La couleur verte. Des fiches vertes, couleur de l'espérance (ÉMILE ZOLA, L'Argent,  1891, page 383 ). 

—  Par métonymie.  ICONOGRAPHIE.  Jeune femme tenant généralement un étendard ou, de nos jours, une ancre. On voit dans l'intérieur de la chapelle la Foi, l'Espérance et la Charité qui consolent saint Antoine et le caressent de la main, comme un petit enfant (GUSTAVE FLAUBERT, La Tentation de Saint Antoine,  1849 page 329 ). 

b) Par allusion. 

—  LITTÉRATURE (confer L'Enfer de Dante) : 

Ø 5. « Je n'aime point, disait M., ces femmes impeccables, au-dessus de toute faiblesse. Il me semble que je vois sur leur porte le vers du Dante sur la porte de l'enfer :

Lasciate ogni speranza, voi che intrate.

Vous qui entrez ici, laissez toute espérance. «

C'est la devise des damnés.

NICOLAS-SÉBASTIEN ROCH, DIT DE CHAMFORT, Caractères et anecdotes,  1794, page 172 

—  MYTHOLOGIE.   [La vérité] doit demeurer ensevelie dans le sein du sage, comme l'espérance au fond de la boîte de Pandore (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Essai sur la littérature anglaise, tome 2, 1797, page 268 ). 

c) Locutions. 

—  Contre toute espérance. Contre toute attente, alors que personne ne s'y attendait, ne l'espérait (confer Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française (PAUL ROBERT), Larousse de la langue française en six volumes). 

—  De grande/belle/haute/riche espérance (vieilli). Dont on espère beaucoup; qui donne dès maintenant une haute idée de ce que sera l'avenir. Jeune homme de la plus haute espérance (ABBÉ JACQUES DELILLE, L'Homme des champs ou les Géorgiques françaises,  1800, page XIX) : 

Ø 6. Ravi de posséder un poisson de pareille souche, le pasteur craignit que sa cuisinière ne fût pas en état d'apprêter un mets de si haute espérance...

JEAN-ANTELME BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût ou Méditations de gastronomie transcendante,  1825, page 329. 

—  En espérance (rare ou vieilli). Synonyme : en perspective (temporelle). Que de Colbert, que de Turgot en espérance, qui ne sont pas sortis des bureaux de la ferme générale (VICTOR-JOSEPH ÉTIENNE, DIT DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée-d'Antin, tome 2, 1812, page 124 ). Le mal qui n'était qu'en espérance, le voici en réalité (ÉTIENNE-JEAN DELÉCLUZE, Journal, 1825, page 93 ). Le paysan défriche un terrain de broussailles; le blé n'y pousse qu'en espérance (ÉMILE-AUGUSTE CHARTIER, DIT ALAIN, Propos,  1934, page 1203 ). 

B.—  [L'objet est généralement plus précis et dans un avenir plus ou moins proche] 

1. Sentiment qui porte spécialement sur l'obtention d'un objet déterminé, sur la réalisation de quelque chose dans un avenir plus ou moins proche; raison que l'on a d'espérer. Il avait peur que d'ici là le gouverneur ne changeât de résolution et qu'on n'enlevât le cadavre. Alors sa dernière espérance était perdue (ALEXANDRE DUMAS, Le Comte de Monte-Cristo,  1846, page 248 ). L'espérance de l'évasion prochaine le transfigure (PHILIPPE AUGUSTE MATHIAS DE VILLIERS DE L'ISLE-ADAM, Contes cruels,  1883, page 397) : 

Ø 7.... les premiers pêchers de plein vent, illuminés de neige rose, les premières quenouilles laiteuses qui brandissaient vers le ciel une fragile espérance de poires...

GEORGES DUHAMEL, Suzanne et les jeunes hommes,  1941, page 96. 

2. Spécialement. 

a) Locutions. 

—  Dans l'espérance de, que. Synonymes : en espérant que, dans l'attente de, que. Dans l'espérance que le lendemain seroit un jour favorable (MICHEL-GUILLAUME-JEAN, DIT SAINT-JOHN DE CRÈVECOEUR, Voyage dans la Haute Pensylvanie et dans l'état de New-York, tome 2, 1801, page 155 ). Dans l'espérance des sanctions hypothétiques qu'elle apporte (ÉLIE FAURE, L'Esprit des formes,  1927, page 271 ). Confer délicat exemple 7. 

—  Être sans espérance. 

·    [En parlant d'un malade]  Être condamné. M. Daigremont fut sans espérance le vingt-troisième jour après notre arrivée, et mourut le vingt-cinquième (Voyage de la Pérouse autour du monde (MILET DE MUREAU)  tome 2, 1797, page 360 ). Son fils est sans espérance et ce qu'on peut lui souhaiter de mieux, c'est une prompte mort (BENJAMIN HENRI CONSTANT DE REBECQUE, Journaux intimes,  1805, page 204 ). 

·    [En parlant de l'entourage d'un malade]  Ne plus espérer garder le malade en vie, confer Littré, Dictionnaire des dictionnaires (sous la direction de Paul Guérin) 1892. 

b) Espérance (mathématique) de vie. Estimation (variable selon l'âge, le sexe, le pays, etc.) du nombre d'années qu'un individu peut espérer vivre, obtenue à partir de statistiques de mortalité. Le pays qui a actuellement l'espérance de vie la plus élevée est la Norvège : 71 ans pour les hommes, 74 ans pour les femmes (JEAN-ALAIN LESOURD, CLAUDE GÉRARD, Histoire économique,  1966, page 490 ). La vie moyenne, ou espérance de vie à la naissance (Traité de sociologie (sous la direction de Georges Gurvitch)  1967, page 281 ). 

c) JEUX.  Jeu de l'espérance. Jeu de hasard aux dés. 

Remarque : Attesté dans la plupart des dictionnaires généraux du XIXe.  siècle dont DICTIONNAIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE  (ÉMILE LITTRÉ ) et DICTIONNAIRE DES DICTIONNAIRES  (SOUS LA DIRECTION DE PAUL GUÉRIN) 1892 ainsi que dans Grand dictionnaire universel du XIXe. siècle (Pierre Larousse)-Grand Larousse encyclopédique. 

3. Au pluriel, littéraire, rare.  [Sara] prit un goût qui m'a mis au désespoir, en détruisant toutes mes espérances, en renversant tous mes projets (NICOLAS-EDME RESTIF, DIT RESTIF DE LA BRETONNE, Monsieur Nicolas,  1796, page 69 ). Nos espérances sur la Flandre (...) restaient donc ouvertes (JACQUES BAINVILLE, Histoire de France, tome 1, 1924, page 226 ). Sur le fils aîné reposaient toutes les grandes espérances du père (MARCEL AYMÉ, La Jument verte,  1933, page 38 ). 

—  Locutions. 

·    Dépasser les espérances, réussir au-delà de toute espérance (confer Philippe Auguste Mathias de Villiers de L'Isle-Adam, Correspondance,  1866, page 83 ).   Le résultat dépassa les espérances et, dès 1960, les États-Unis prenaient au Canada la première place pour la production [d'uranium] du monde occidental (BERTRAND GOLDSCHMIDT, L'Aventure atomique, ses aspects politiques et techniques,  1962, page 165 ). 

·    Donner des espérances. Donner des assurances, faire des promesses. Tout ce qu'il a obtenu, ce sont des promesses, ce qu'on appelle des espérances, mot qui m'a bien l'air d'être fait pour les dupes (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Correspondance,  1831, page 160 ). Les buveurs d'eau mirent leur habitation sens dessus dessous pour laisser une chambre libre au malade. Enfin le médecin commença à donner des espérances (HENRI MURGER, Scènes de la vie de jeunesse,  1851, page 220 ). 

C.—  Par métonymie. 

1. La personne ou la chose, objet de l'espérance. L'Espagne et le Portugal, ces deux grandes espérances de la cour pontificale (HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Rome, Naples et Florence, tome 2, 1817, page 341 ). Hélas! il n'a point vu sous des traits assassins Tomber son jeune fils, sa plus belle espérance (PIERRE-MARIE-FRANÇOIS-LOUIS BAOUR-LORMIAN, Ossian,  1827, page 250) : 

Ø 8. Six laboureurs de Fonteneilles avaient porté le corps jusqu'au seuil de cette demeure où il allait entrer, avant-dernier de son nom et dernière espérance de la race.

RENÉ BAZIN, Le Blé qui lève,  1907, page 356. 

2. Spécialement. 

a) MATHÉMATIQUES.  Espérance mathématique. \" Valeur moyenne théorique d'une variable aléatoire \" (Dictionnaire français de médecine et de biologie (ALEXANDRE MANUILA, LUDMILLA MANUILA, M. NICOLE, H. LAMBERT) tome 2 1971). Synonyme : moyenne arithmétique. La moyenne naturelle, l'espérance mathématique (Histoire générale des sciences (sous la direction de René Taton)  tome 3, volume 2, 1964, page 93 ). 

b) Au pluriel. 

·    Avoir des espérances. Être enceinte. Laura m'a confié qu'elle avait des espérances; mais chut!... elle préfère qu'on ne le sache pas encore (ANDRÉ GIDE, Les Faux-monnayeurs,  1925, page 1122 ). 

·    (Avoir des) espérances. (Avoir un) héritage en perspective. Monsieur diplômé, (...) recherche en vue mariage jeune personne (...) avec dot minimum 500 000 et espér. possible (HENRI DE MONTHERLANT, Les Jeunes filles,  1936, page 925) : 

Ø 9.... je fis remarquer à mon ami que d'excellentes gens emploient communément le mot « espérances « pour désigner la fortune qui doit leur échoir lorsqu'ils auront eu le malheur de devenir orphelins. « Cent mille francs de dot, sans compter les espérances... « Petite phrase coutumière et qui n'a pas l'air méchant, mais qui ouvre un jour, comme on dit, sur les bas-fonds humains.

FRANÇOIS MAURIAC, Journal 1,  1934, page 60. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 6 700. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 15 418, b) 9 311; XXe.  siècle : a) 7 534, b) 5 815. 

ESPÉRANCE, substantif féminin.  

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