ÉVACUER, verbe transitif.

ÉVACUER, verbe transitif.  

A.—  [Le complément désigne une chose qui est expulsée ou rejetée] 

1. [Le complément désigne des excréments, des substances nocives accumulées dans une partie de l'organisme; par métonymie les effets ou manifestations de ces substances nocives]  Expulser, rejeter, par les voies naturelles ou par intervention chirurgicale. Évacuer un hématome; évacuer des matières. Les vieux botanistes du seizième siècle les appréciaient [certaines hellébores] , disant qu'elles évacuaient le flegme et la colère (GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, L'Oblat, tome 1, 1903, page 274 ). Le fameux grain de sable qui s'était mis dans l'uretère de Cromwell en serait aujourd'hui promptement évacué (PAUL VALÉRY, Variété V,  1944, page 45 ). La vessie qui, à chaque miction, évacuait à peine quelques gouttes d'urine (JEAN GUÉHENNO, Jean-Jacques, Roman et vérité, 1950, page 44 ). 

Remarque : La documentation atteste des emplois pronominaux à sens passif. Les matériaux de la pierre s'évacuent en sable léger, à mesure qu'ils se rassemblent dans la vessie (PIERRE CABANIS, Rapports du physique et du moral de l'homme, tome 1, 1808, page 251). Le sang continuait de couler par la bouche, en filaments poisseux... J'entendais que sa poitrine s'évacuait par la gorge (OCTAVE MIRBEAU, Le Journal d'une femme de chambre, 1900, page 151). 

—  emploi absolu. Évacuer, évacuer par (le) bas. Déféquer. L'envie d'évacuer et l'envie d'uriner doit communiquer à l'anus et à l'urètre une turgescence amoureuse qui doit donner envie du mâle (JULES MICHELET, Journal,  1858, page 390 ). 

2. Par analogie.  Faire écouler, sortir. Évacuer les eaux de pluie. Ouverte en grand à l'atterrissage, la soupape sert à évacuer le gaz du ballon (LOUIS MARCHIS, Leçons sur la navigation aérienne,  1904, page 77 ). Le liquide filtré [par le filtre « l'Universel «] est recueilli au centre [du cylindre vertical] et évacué sous l'influence de la pression centripète (RAYMOND BRUNET. Le Matériel vinicole et les soins à donner au vin 1925, page 448 ). 

Remarque : La documentation atteste un emploi pronominal En ménageant une rigole sur le côté de la galerie, l'eau peut s'écouler et s'évacuer d'elle-même (JEAN CAHEN, EDMOND BRUET, Carrières, plâtrières, ardoisières, 1926, page 133). 

B.—  [Le complément désigne un lieu] 

1. Abandonner, quitter par ordre de l'autorité, de la force publique, ou en raison d'une nécessité quelconque. Évacuer la place, la salle. Je suis obligé judiciairement à quitter un appartement que j'ai à Chaillot, et à évacuer les lieux sous trois jours (HONORÉ DE BALZAC, Correspondance,  1839, page 590 ). On évacuait la ville. Des paysans passaient, avec leurs cochons et leurs chèvres (ANDRÉ MALRAUX, L'Espoir,  1937, page 620) : 

Ø 1. Il eut un geste de désespoir, il donna l'ordre d'évacuer la fosse tout de suite. Ce fut une sortie lugubre d'enterrement, un abandon muet, avec des coups d'oeil en arrière sur ces grands corps de briques, vides et encore debout, que rien désormais ne pouvait sauver.

ÉMILE ZOLA, Germinal,  1885, page 1543. 

—  Emploi factitif. Faire évacuer la salle. Les huissiers faisaient évacuer les tribunes publiques (EUGÈNE MELCHIOR, VICOMTE DE VOGÜÉ, Les Morts qui parlent,  1899, page 374 ). Le Préfet avait fait évacuer le péristyle (ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, page 390 ). 

2. En particulier.  domaine militaire [Le sujet désigne des soldats, des civils]  Abandonner, quitter (une place, une position) sous la pression de l'ennemi ou non. Évacuer un territoire. Sous cette double action, les Allemands évacuaient, (...) une large bande de terrain entre Guise sur l'Oise et Crécy-sur-Serre (MARÉCHAL FERDINAND FOCH, Mémoires pour servir à l'histoire de la guerre de 1914-1918, tome 2, 1929, page 244 ). Les bois bombardés devenaient (...) impossibles à tenir et impossibles à secourir. Impossibles même à évacuer (LOUIS FARIGOULE, DIT JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté,  1938, page 16) : 

Ø 2. Il fallait évacuer Vouziers dès la pointe du jour, de façon à être en marche vers Le Chêne, avant d'avoir été attaqué; et, immédiatement, le camp s'emplit d'une animation extraordinaire, les clairons sonnaient, des ordres se croisaient; tandis que, déjà, les bagages et le convoi d'administration partaient en avant..

ÉMILE ZOLA, La Débâcle,  1892, page 111. 

—  emploi absolu. Elle s'est arrangée pour évacuer. Ils sont en France, maintenant (MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, page 247 ). Ils évacuaient. Aucun refuge n'était plus disponible. Aucune route n'était plus praticable. Ils évacuaient quand même (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Pilote de guerre, 1942, page 317 ). 

Remarque : La documentation atteste quelques emplois avec un complément désignant un objet ou un matériel au sens de « faire partir, faire quitter (un lieu) « (confer C 2). Le conseil de défense avait décidé d'évacuer sur Damas les trésors (MAURICE BARRÈS, Un Jardin sur l'Oronte, 1922, page 114). Il avait l'énorme matériel de la place de Verdun à évacuer (JULES ROMAINS, Hommes bonne volume, 1938, page 103). 

C.—  [Le complément désigne une personne ou un groupe de personnes] 

1. Faire partir d'un lieu dangereux ou interdit par l'autorité. Évacuer les habitants d'une ville. La police, pour calmer l'effervescence, avait dû évacuer en hâte les femmes et les enfants (JULIEN GRACQ, Le Rivage des Syrtes,  1951, page 350) : 

Ø 3. Je survole donc des routes noires de l'interminable sirop qui n'en finit plus de couler. On évacue, dit-on, les populations. Ce n'est déjà plus vrai. Elles s'évacuent d'elles-mêmes. Il est une contagion démente dans cet exode. Car où vont-ils, ces vagabonds? Ils se mettent en marche vers le sud...

ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Pilote de guerre,  1942, page 316. 

Remarque : La documentation atteste a) Un emploi pronominal (confer exemple 3). b) Un emploi factitif. Les garçons de cabine et les grooms (...) agitant leur sonnette pour faire évacuer les visiteurs (BLAISE CENDRARS, Bourlinguer, 1948, page 45). 

2. En particulier.  domaine militaire [En temps de guerre]  Envoyer vers l'arrière des personnels blessés ou malades. Des ambulances (...) qui vous évacuent des 7 000 malades par jour (HENRI BARBUSSE, Le Feu,  1916, page 110 ). Il vit la détresse du malheureux Tarkington et l'envoya à l'ambulance où l'on décida de l'évacuer en Angleterre (ÉMILE HERZOG, DIT ANDRÉ MAUROIS, Les Silences du colonel Bramble,  1918, page 104 ). 

D.—  Au figuré ou par métaphore. dans le domaine de la vie intellectuelle ou morale.  Éliminer, faire disparaître. Certains (...) ne stérilisent pas moins d'énergie en évacuant de la conscience contemporaine le sens viril de la faute (EMMANUEL MOUNIER, Traité du caractère,  1946, page 706 ). 

Remarque : 1. La documentation atteste l'adjectif évacuable. Qui peut (doit) être évacué, que l'on peut évacuer. Un abri facilement évacuable. Emploi substantival. Il y a cette question des évacuables. La mairie (...) va-t-elle (...) l'aider [l'ennemi] à expulser nos enfants et nos vieux (...)? Monsieur le maire, donnerez-vous cette liste d'évacuables? (Maxence Van der Meersch, Invasion 14, 1935, page 31). 2. La plupart des dictionnaires généraux du XIXe.  siècle (dont Dictionnaire de l'Académie Française 1798-1878), ainsi que Larousse du XXe. siècle en six volumes, Dictionnaire encyclopédique Quillet 1965 et Grand Larousse de la langue française en six volumes enregistrent évacuatif, ive, adjectif, vieux. Qui fait évacuer. Drogue évacuative (Dictionnaire de l'Académie Française 1798). 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 266. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 184, b) 230; XXe.  siècle : a) 254, b) 697.