EXHALER, verbe transitif.

EXHALER, verbe transitif.  

A.—  [Le sujet désigne généralement une chose] 

Émettre, dégager (des odeurs, des vapeurs, etc.). Ces fleurs exhalent une douce odeur (Dictionnaire de l'Académie française. ). Il marchait [l'animal] au milieu de la fumée qu'exhalaient ses flancs et ses naseaux (THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse,  1863, page 140 ). Les épais brouillards qu'exhalent les canaux dormants et les polders (JULES MICHELET, Sur les chemins de l'Europe,  1874, page 365) : 

Ø 1. Quand Sénac était « au noir », sa chambre exhalait jusque dans le corridor une abominable odeur de pharmacie.

GEORGES DUHAMEL, Le Désert de Bièvres,  1937, page 134. 

·    Emploi pronominal passif. La brume qui s'exhalait du marécage (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Lélia,  1839, page 444 ). Il s'exhalait là-dedans cette terrible odeur de pipe, de vin, de bière, d'eau-de-vie, particulière à ces endroits (LOUIS-ÉMILE-EDMOND DURANTY, Le Malheur d'Henriette Gérard,  1860, page 129 ). 

Vieilli  \" Se dissiper par l'évaporation. L'esprit-de-vin s'exhale. Ces liqueurs s'exhalent aisément. Cette liqueur s'est toute exhalée. L'eau de ce marais s'exhale en vapeurs malignes \" (Dictionnaire de l'Académie Française). 

·    Au figuré : 

Ø 2. La vie sentait bon; toute cette nature exhalait la candeur, le secours, l'assistance, la paternité, la caresse, l'aurore.

VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 2, 1862, page 466. 

—  Par analogie.  Laisser s'échapper, émettre (un son, en particulier provenant d'un instrument de musique, une chaleur, une fraîcheur). Un poêle de fonte exhalait une température écoeurante (GUSTAVE FLAUBERT, L'Éducation sentimentale, tome 1, 1869, page 251 ). Le long hululement pénétrant qu'exhale la sirène d'un bateau en détresse sur la mer (HENRI BARBUSSE, Le Feu,  1916, page 233 ). Elle avait le même sentiment que si, au milieu du désert, elle avait exhalé d'un instrument divin une musique perdue (HENRI DE MONTHERLANT, Le Songe,  1922, page 34) : 

Ø 3. Ce pays-là, plein de sources et de nappes, exhalait une fraîcheur humide qui détendait après l'âpre brûlure des chemins.

JEAN-BALTHASAR MALLARD, COMTE DE LA VARENDE, La Dernière fête,  1953, page 245. 

·    Emploi pronominal passif. Dans la chaleur qui s'exhalait de la terre, le landau roulait pesamment (ÉMILE ZOLA, Le Docteur Pascal,  1893, page 74 ). Un chant de piano s'exhalait d'une fenêtre entr'ouverte dans les hauteurs (GEORGES DUHAMEL, Le Jardin des bêtes sauvages,  1934, page 17) : 

Ø 4. Les bengalis...

Et les verts colibris et les perroquets bleus,

... sur les figuiers superbes,

Passaient, sifflaient, chantaient. Au sein des grandes herbes

Un murmure joyeux s'exhalait des halliers...

CHARLES-MARIE LECONTE DE LISLE, Poèmes antiques,  1874, page 55. 

—  Par extension.  Laisser échapper par un orifice quelque chose de volatil ou de liquide. Les soupiraux des calorifères béants exhalaient un air lourd (GUSTAVE FLAUBERT, L'Éducation sentimentale, tome 1, 1869, page 26 ). 

·    Emploi pronominal passif : 

Ø 5. L'eau qui s'exhalait des soupiraux [du cratère du volcan] était parfaitement pure et nullement acide, comme je m'en suis assuré au goût et par quelques expériences.

Voyage de la Pérouse autour du monde (MILET DE MUREAU)  tome 4, 1797, page 2. 

B.—  [Le sujet désigne généralement une personne] 

1. Laisser échapper de sa gorge, de sa bouche (un souffle, un soupir, un gémissement). La respiration devient lente, bruyante; la poitrine exhale un air froid. Ces préludes sont terribles (HENRI DE LATOUCHE, LOUIS-FRANÇOIS L'HÉRITIER. Dernières lettres de deux amans de Barcelone, 1821, page 100 ). L'enfant exhale une plainte faible (LÉON BLOY, La Femme pauvre,  1897, page 223 ). Elle [Camille] exhala un soupir furieux (GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, La Chatte,  1933, page 165 ). 

·    Emploi pronominal passif. Le gémissement qui s'exhalait sans arrêt de sa bouche entrouverte, cessa (GEORGES BERNANOS, Un Crime,  1935, 1re.  partie, II, page 755) : 

Ø 6. Trilby (...) se rapprochait plus timide de la fileuse endormie, et (...) rassuré par le souffle égal qui s'exhalait de ses lèvres à intervalles mesurés...

CHARLES NODIER, Trilby ou le lutin d'Argail,  1822, page 118. 

·    Exhaler son dernier soupir, souffle. Rendre l'âme, mourir : 

Ø 7.... quand elle [Félicité] exhala son dernier souffle, elle crut voir, dans les cieux entr'ouverts, un perroquet gigantesque, planant au-dessus de sa tête.

GUSTAVE FLAUBERT, Un Coeur simple,  1877, page 73. 

Littéraire. Exhaler son âme. Rendre l'âme, mourir. Les époux Floche avaient tous deux exhalé vers Dieu leur âme tremblante et douce, à quelques jours d'intervalle (ANDRÉ GIDE, Isabelle,  1911, page 659 ). 

2. Laisser échapper de sa bouche (des paroles, les manifestations d'un sentiment; généralement à caractère péjoratif). Exhaler sa rage, sa colère. Cachant ma tête dans mes mains, j'exhalai des sanglots désespérés (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Mauprat,  1837, page 127 ). J'exhale ma bile devant un gros aubergiste et un individu à basse mine d'instituteur (LÉON BLOY, Journal,  1902, page 112 ). Le cousin exhala sa fureur d'avoir sollicité l'affection d'une sotte (PAUL ADAM, L'Enfant d'Austerlitz,  1902, page 519 ). 

—  En particulier et rare.  Témoigner, indiquer. J'ai beaucoup entendu parler de vous, dit-elle avec un accent rude qui exhalait une âme commune (JACQUES CHARDONNE, L'Épithalame, 1921, page 221 ). 

—  Emploi pronominal passif. Quand sa rage se fut exhalée, il se prit à pleurer amèrement (AURORE DUPIN, BARONNE DUDEVANT, DITE GEORGE SAND, Le Compagnon du Tour de France,  1840, page 324 ). 

·    S'exhaler en, par. La rage du baron de Haut-Lieu n'ayant point d'issue, elle s'exhale par des gestes dont la foule ne saisit que le côté comique (LÉON GOZLAN, Le Notaire de Chantilly, 1836, page 147 ). La rage de toutes ses douleurs s'exhalait en injures contre les trois hommes (GUSTAVE FLAUBERT, Salammbô, tome 1, 1863, page 111 ). 

3. Au figuré.  Exprimer. Grande, jolie, son être exhalait maintenant une ardeur violente (HENRI BOSCO, Le Mas Théotime, 1945, page 25) : 

Ø 8. L'accent et le regard de la bonne femme exhalaient cette douce cordialité qui n'efface pas le chagrin, mais qui l'apaise, qui le berce et l'émousse.

HONORÉ DE BALZAC, La Peau de chagrin,  1831, page 135. 

Ø 9. Isolés dans l'amour ainsi qu'en un bois noir,

Nos deux coeurs, exhalant leur tendresse paisible,

Seront deux rossignols qui chantent dans le soir.

PAUL VERLAINE, Œuvres complètes, tome 1, La Bonne chanson, 1870, page 112. 

Remarque : On rencontre dans la documentation exhalé, ée, participe passé en emploi adjectival, littéraire  Qui a laissé échapper hors de soi une odeur. Comme on respire encor dans un vase exhalé L'odeur d'un doux parfum après qu'il a brûlé (ALPHONSE DE LAMARTINE, Harmonies poétiques et religieuses, 1830, page 385). 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 405. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 2 426, b) 2 523; XXe.  siècle : a) 2 557, b) 1 010.