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EXPIER, verbe transitif.

Publié le 04/02/2016

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EXPIER, verbe transitif.  

A.—  [Le complément désigne une action, un comportement considéré comme contraire au bien, à la morale] 

1.  [Le sujet désigne une personne] 

a) [Le sujet est l'agent de l'action désignée par le complément d'objet]  Réparer (une faute) en acceptant ou en subissant une peine imposée. Expier une faute, un forfait; faire expier ses fautes à quelqu'un. Meurs comme on doit mourir quand on expie un crime! (VICTOR HUGO, Ruy Blas,  1838, 5, 1, page 444 ). Quand elle le voyait torturé, expiant si durement son dédain de la femme, il lui semblait racheté de ses fautes (ÉMILE ZOLA, Au Bonheur des dames,  1883, page 748) : 

Ø 1. La peine est (...) restée pour nous ce qu'elle était pour nos pères. C'est encore un acte de vengeance, puisque c'est une expiation. Ce que nous vengeons, ce que le criminel expie, c'est l'outrage fait à la morale.

ÉMILE DURKHEIM, De la division du travail social.  1893, page 56. 

·    Emploi pronominal à sens passif. À leurs dépens, quelque jour, électeurs et élus apprendront que ces honteuses défaillances s'expient (GEORGES CLEMENCEAU, L'Iniquité,  1899, page 353 ). 

—   [Avec un complément prépositionnel indiquant la manière d'expier] 

·    [Avec par, dans ou sous + substantif]  Cette jeune femme expiait de grandes fautes par une vie ascétique (PIERRE-ALEXIS, VICOMTE PONSON DU TERRAIL, Rocambole, les drames de Paris, tome 2, 1859, page 76 ). Quelque ville des légendes expiant sa passion sous une pluie de feu (ÉMILE ZOLA, Une Page d'amour,  1878, page 911 ). Un purgatoire où l'on expie quelque faute de service dans des années d'ennui interminable (JULIEN GRACQ, Le Rivage des Syrtes,  1951, page 11 ).  Emploi pronominal à valeur passive. La morale pratique peut se réduire à ce précepte : tout excès et tout vice physiques aboutissent à des maladies et s'expient par plus de souffrance qu'on n'a eu de plaisir : de même toute perversité, tout crime de l'esprit préparent à l'âme des maladies qui torturent sans tuer! (JOSÉPHIN PÉLADAN, Le Vice suprême,  1884, page 198 ). 

·    [Suivi d'un gérondif]  Il résolut d'expier ses torts envers elle en travaillant à propager sa gloire (CHARLES, COMTE DE MONTALEMBERT, Histoire de Sainte Elisabeth de Hongrie, duchesse de Thuringe (1207-1231),  1836, page 293 ). 

—  Spécialement.  [Dans la religion chrétienne]  Réparer, se purifier de (notamment par la pénitence). Expier ses péchés. Fautes que sans lui ils auraient à expier après leur mort (MARCEL PROUST, À l'ombre des jeunes filles en fleurs,  1918, page 481 ). Il y a des pénitents de quatre ans, expiant, peut-on croire, une tartine de confiture dérobée (HENRI DE MONTHERLANT, Les Bestiaires,  1926, page 473 ). 

·    [Avec un complément prépositionnel]  Elle expie dans d'austères pratiques les tendres péchés de sa jeunesse (CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Tableau historique et critique de la poésie et du théâtre français au XVIe.  siècle,  1828, page 138 ). 

Remarque : La documentation atteste le participe présent en emploi adjectival. Je ne serais jamais plus expiant, plus contrit et plus acceptable aux pieds de Dieu (IDEM, Volupté, tome 2, 1834, page 196). Les temps, depuis la première apparition du Messie, se divisent (...) en deux périodes, la période du sauveur victimal et expiant, (...) et l'autre (...), la période du Christ (...) flamboyant dans la suradorable splendeur de sa personne (JORIS-KARL HUYSMANS, Là-bas, tome 2, 1891, page 197). 

·    Emploi pronominal à valeur passive. Le remords est, dit-on, l'enfer où tout s'expie (ANDRÉ CHÉNIER, Ïambes,  1794, page 272 ). 

—  Absolument. Il s'est même, dit-on, repenti; mais il n'a pas encore expié (EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 2, 1823, page 309 ). Jésus, (...) pardonne-moi (...). Je suis né dans un siècle impie, et j'ai beaucoup à expier (ALFRED DE MUSSET, La Confesssion d'un enfant du siècle,  1836, page 371 ). Les juges punissaient, les accusés expiaient (ALBERT CAMUS, La Chute,  1956, page 1487 ). 

b) [Le sujet n'est pas l'agent de l'action désignée par le complément d'objet]  Réparer la faute (de quelqu'un) en acceptant ou en subissant, à la place, la peine encourue. Cette innocente qui expiait volontairement le crime de l'égoïsme humain (ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, Les Amies, 1910, page 1228 ). Un foyer désuni dont elle expiait la discorde (MAXENCE VAN DER MEERSCH, Invasion 14,  1935, page 403) : 

Ø 2. On allait la prendre pour le bouc émissaire, lui faire expier la folie de tous, les crimes des autres affaires moins en vue, de ce pullulement d'entreprises louches, surchauffées de réclames, grandies comme des champignons monstrueux dans le terreau décomposé du règne.

ÉMILE ZOLA, L'Argent,  1891, page 338. 

2. [Le sujet désigne la manière d'expier]  Permettre de réparer (une faute); constituer la réparation d'une faute. Le martyre expie tout; le suicide n'expie rien; il aggrave (ERNEST RENAN, Drames philosophiques, Abbesse Jouarre, 1886, page 655 ). Oublier la faute en faveur du remords qui l'expie (GEORGES MOINAUX, DIT GEORGES COURTELINE, Le Gendarme sans pitié,  1899, 3, page 170 ). 

B.—  Par extension.  [Le complément désigne une action, un comportement transgressant une norme]  Subir le contre-coup fâcheux (d'un comportement). Expier une erreur, une imprudence. Une douleur nouvelle s'ouvrait dans son âme, comme pour expier de suite les plaisirs fugitifs de son imagination (GUSTAVE FLAUBERT, La Première éducation sentimentale,  1845, page 18 ). Il me semblait que j'expiais le malheur d'avoir été, depuis l'enfance, exagérément couvé, servi (FRANÇOIS MAURIAC, Le Noeud de vipères,  1932, page 33 ). 

—   [Avec un complément prépositionnel]  Le malheureux gastronome était obligé de se jeter sur un canapé, où il restait jusqu'au lendemain à expier dans de longues angoisses le court plaisir qu'il avait goûté (JEAN-ANTELME BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût ou Méditations de gastronomie transcendante, 1825, page 224 ). Expiait-elle les triomphes d'une jeunesse insolente au-devant de laquelle s'étaient rués les plaisirs par une vieillesse que fuyaient les passants? (HONORÉ DE BALZAC, Le Père Goriot,  1835, page 18 ). 

Remarque : La documentation atteste a) Le verbe suivi de la préposition de + infinitif Je répétais toujours, comme s'il me fallait expier d'être heureux (sentiment tout aussi païen que chrétien) : Que je meure! que je meure! (HENRI DE MONTHERLANT, La Petite Infante de Castille, 1929, page 638). b) Expiable, adjectif.  Qui peut être expié.  Antonyme : inexpiable.  J'ai paru haïr d'une expiable haine tout ce que tu professais (FRANÇOIS MAURIAC, opere citato, page 164). 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 537. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 1 204, b) 776; XXe.  siècle : a) 706, b) 411. 

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