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Fig. 29. - Schéma illustrant la structure sociale apparente et

Publié le 06/01/2014

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Fig. 29. - Schéma illustrant la structure sociale apparente et réelle du village bororo.   Au moraliste, la société bororo administre une leçon : qu'il écoute ses informateurs indigènes : ils lui décriront, comme ls l'ont fait pour moi, ce ballet où deux moitiés de village s'astreignent à vivre et à respirer l'une par l'autre ; échangeant les femmes, les biens et les services dans un fervent souci de réciprocité ; mariant leurs enfants entre eux, enterrant mutuellement leurs morts, se garantissant l'une à l'autre que la vie est éternelle, le monde secourable et la société juste. our attester ces vérités et s'entretenir dans ces convictions, leurs sages ont élaboré une cosmologie grandiose ; ils l'ont nscrite dans le plan de leurs villages et dans la distribution des habitations. Les contradictions auxquelles ils se eurtaient, ils les ont prises et reprises, n'acceptant jamais une opposition que pour la nier au profit d'une autre, coupant t tranchant les groupes, les associant et les affrontant, faisant de toute leur vie sociale et spirituelle un blason où la ymétrie et l'asymétrie se font équilibre, comme les savants dessins dont une belle Caduveo, plus obscurément torturée ar le même souci, balafre son visage. Mais que reste-t-il de tout cela, que subsiste-t-il des moitiés, des contre-moitiés, es clans, des sous-clans, devant cette constatation que semblent nous imposer les observations récentes ? Dans une ociété compliquée comme à plaisir, chaque clan est réparti en trois groupes : supérieur, moyen et inférieur, et paressus toutes les réglementations plane celle qui oblige un supérieur d'une moitié à épouser un supérieur de l'autre, un oyen, un moyen et un inférieur, un inférieur ; c'est-à-dire que, sous le déguisement des institutions fraternelles, le illage bororo revient en dernière analyse à trois groupes, qui se marient toujours entre eux. Trois sociétés qui, sans le avoir, resteront à jamais distinctes et isolées, emprisonnée chacune dans une superbe dissimulée même à ses yeux par es institutions mensongères, de sorte que chacune est la victime inconsciente d'artifices auxquels elle ne peut plus écouvrir un objet. Les Bororo ont eu beau épanouir leur système dans une prosopopée fallacieuse, pas plus que d'autres ls ne sont parvenus à démentir cette vérité ; la représentation qu'une société se fait du rapport entre les vivants et les orts se réduit à un effort pour cacher, embellir ou justifier, sur le plan de la pensée religieuse, les relations réelles qui révalent entre les vivants. SEPTIÈME PARTIE NAMBIKWARA XXIV LE MONDE PERDU Une expédition ethnographique dans le Brésil central se prépare au carrefour Réaumur-Sébastopol. On y trouve éunis les grossistes en articles de couture et de mode ; c'est là qu'on peut espérer découvrir les produits propres à atisfaire le goût difficile des Indiens. Un an après la visite aux Bororo, toutes les conditions requises pour faire de moi un ethnographe avaient été emplies ; bénédiction de Lévy-Bruhl, Mauss et Rivet, rétroactivement accordée ; exposition de mes collections dans une alerie du faubourg Saint-Honoré ; conférences et articles. Grâce à Henri Laugier qui présidait à la jeune destinée du ervice de la Recherche scientifique, j'obtins des fonds suffisants pour une plus vaste entreprise. Il fallait d'abord 'équiper ; trois mois d'intimité avec les indigènes m'avaient renseigné sur leurs exigences, étonnamment semblables 'un bout à l'autre du continent sud-américain. Dans un quartier de Paris qui m'était resté aussi inconnu que l'Amazone, je me livrais donc à d'étranges exercices ous l'oeil d'importateurs tchécoslovaques. Ignorant tout de leur commerce, je manquais de termes techniques pour réciser mes besoins. Je pouvais seulement appliquer les critères indigènes. Je m'employais à sélectionner les plus petites armi les perles à broder dites « rocaille » dont les lourds écheveaux remplissaient les casiers. J'essayais de les croquer our contrôler leur résistance ; je les suçais afin de vérifier si elles étaient colorées dans la masse et ne risquaient pas de éteindre au premier bain de rivière ; je variais l'importance de mes lots en dosant les couleurs selon le canon indien : 'abord le blanc et le noir, à égalité ; ensuite le rouge ; loin derrière, le jaune ; et, par acquit de conscience, un peu de leu et de vert, qui seraient probablement dédaignés. Fabriquant à la main leurs propres perles, les Indiens leur prêtent une valeur d'autant plus élevée qu'elles sont plus etites, c'est-à-dire réclament plus de travail et d'habileté ; pour matière première ils utilisent la coque noire des noix de almier, la nacre laiteuse des coquillages de rivière, et recherchent l'effet dans une alternance des deux teintes. Comme ous les hommes, ils apprécient surtout ce qu'ils connaissent ; j'aurais donc du succès avec le blanc et le noir. Le jaune et e rouge forment souvent pour eux une seule catégorie linguistique en raison des variations de la teinture d'urucu qui, elon la qualité de graines et leur état de maturité, oscille entre le vermillon et le jaune-orangé ; le rouge garde pourtant 'avantage, par son chromatisme intense que certaines graines et plumes ont rendu familier. Quant au bleu et au vert, ces ouleurs froides se trouvent surtout illustrées à l'état naturel par des végétaux périssables ; double raison qui explique 'indifférence indigène et l'imprécision de leur vocabulaire correspondant à ces nuances : selon les langues, le bleu est ssimilé au noir ou au vert. Les aiguilles devaient être assez grosses pour admettre un fil robuste et pas trop non plus, en raison de la petitesse es perles qu'elles serviraient à enfiler. Quant au fil, je le voulais grand teint, rouge de préférence (les Indiens colorant le eur à l'urucu) et fortement retordu pour conserver un aspect artisanal. D'une façon générale, j'avais appris à me méfier e la pacotille : l'exemple des Bororo m'avait pénétré d'un profond respect pour les techniques indigènes. La vie sauvage oumet les objets à de rudes épreuves ; pour n'être pas discrédité auprès des primitifs - si paradoxal que cela paraisse - il e fallait les aciers les mieux trempés, la verroterie colorée dans la masse, et du fil que n'eût pas désavoué le sellier de la our d'Angleterre. Parfois, je tombais sur des commerçants qu'enthousiasmait cet exotisme adapté à leur savoir. Du côté du canal Saintartin, un fabricant d'hameçons me céda à bas prix toutes ses fins de série. Pendant un an, j'ai promené à travers la rousse plusieurs kilos d'hameçons dont personne ne voulait, car ils étaient trop petits pour les poissons dignes du êcheur amazonien. Je les ai finalement liquidés à la frontière bolivienne. Toutes ces marchandises doivent servir à une ouble fonction : cadeaux et matériel d'échange pour les Indiens, et moyen de s'assurer des vivres et des services dans es régions reculées où pénètrent rarement les commerçants. Ayant épuisé mes ressources en fin d'expédition, j'arrivai à agner quelques semaines de séjour en ouvrant boutique dans un hameau de chercheurs de caoutchouc. Les prostituées e l'endroit m'achetaient un collier contre deux oeufs, et non sans marchander. Je me proposais de passer une année entière dans la brousse et j'avais longuement hésité sur l'objectif. Sans pouvoir oupçonner que le résultat contrarierait mon dessein, plus soucieux de comprendre l'Amérique que d'approfondir la ature humaine en me fondant sur un cas particulier, j'avais décidé d'opérer une sorte de coupe à travers l'ethnographie et la géographie - brésilienne, en traversant la partie occidentale du plateau, de Cuiaba au Rio Madeira. Jusqu'à une poque récente, cette région était restée la moins connue du Brésil. Les explorateurs paulistes du XVIIIe siècle n'avaient uère dépassé Cuiaba, rebutés par la désolation du paysage et la sauvagerie des Indiens. Au début du XXe siècle, les 1 500 ilomètres qui séparent Cuiaba de l'Amazone étaient encore une terre interdite, à tel point que, pour aller de Cuiaba à anaus ou à Belem sur l'Amazone, le plus simple était de passer par Rio de Janeiro et de continuer vers le nord par la er et le fleuve pris à son estuaire. En 1907 seulement, le général (alors colonel) Candido Mariano da Silva Rondon ommença la pénétration ; celle-ci devait lui demander huit années, occupées à l'exploration et à la pose d'un fil élégraphique d'intérêt stratégique reliant pour la première fois, par Cuiaba, la capitale fédérale aux postes frontières du ord-ouest.

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