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Fig. 37. - Détail des peintures sur une paroi de

Publié le 06/01/2014

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Fig. 37. - Détail des peintures sur une paroi de hutte.   Les rapports de la Commission Rondon indiquent même qu'à l'époque des premiers contacts les indigènes se montraient si irrités de la présence des fumeurs qu'ils leur arrachaient cigares et cigarettes. Pourtant, à la différence des Parintintin, les Tupi-Kawahib possèdent un terme pour le tabac : tabak, c'est-à-dire le même que le nôtre, dérivé des anciens parlers indigènes des Antilles et vraisemblablement d'origine carib. Un relais éventuel peut être trouvé dans les dialectes du Guaporé qui possèdent le même terme, soit qu'ils l'aient emprunté à l'espagnol (le portugais dit : fumo), soit que les cultures du Guaporé représentent la pointe la plus avancée en direction sud-ouest d'une vieille civilisation antillo-guyanaise (comme tant d'indices le suggèrent), qui aurait aussi laissé les traces de son passage dans la basse vallée du Xingu. Il faut ajouter que les Nambikwara sont des fumeurs de cigarette invétérés tandis que les autres voisins des upi-Kawahib : Kepkiriwat et Mundé, prisent le tabac au moyen de tubes insufflateurs. Ainsi, la présence, au coeur du résil, d'un groupe de tribus sans tabac pose une énigme, surtout si on considère que les anciens Tupi faisaient grand sage de ce produit.   Fig. 38. - Autre détail des mêmes peintures.   À défaut de pétun, nous allions être accueillis dans le village par ce que les voyageurs du XVIe siècle appelaient un ahouin - kahui, disent les Tupi-Kawahib - c'est-à-dire une beuverie de chicha de ce maïs dont les indigènes cultivaient plusieurs variétés dans les brûlis ouverts à la lisière du village. Les anciens auteurs ont décrit les marmites aussi hautes que des hommes où se préparait le liquide, et le rôle dévolu aux vierges de la tribu qui y crachaient une abondante salive pour provoquer la fermentation. Les marmites des Tupi-Kawahib étaient-elles trop petites ou le village manquait-il d'autres vierges ? On amena les trois petites filles, et on les fit expectorer dans la décoction de grains pilés. Comme l'exquise boisson, à la fois nourrissante et rafraîchissante, fut consommée le soir même, la fermentation n'était guère avancée. La visite des jardins permit de noter - autour de la grande cage de bois précédemment occupée par l'aigle et encore jonchée d'ossements - des arachides, des haricots, divers piments, des petites ignames, des patates douces, du manioc et du maïs. Les indigènes complétaient ces ressources par la collecte des produits sauvages. Ils exploitent ainsi une graminée de la forêt dont ils attachent plusieurs tiges par le sommet, de façon que les graines tombées s'accumulent en petits tas. Ces graines sont chauffées sur une platine de poterie jusqu'à ce qu'elles éclatent à la façon du pop corn dont elles rappellent le goût. Pendant que le cahouin traversait son cycle compliqué de mélanges et d'ébullitions, brassé par les femmes au moyen de louches en demi-calebasses, je profitais des dernières heures du jour pour examiner les Indiens. À part le fourreau de coton, les femmes portaient des bandelettes, étroitement serrées autour des poignets et des chevilles, et des colliers de dents de tapir ou de plaquettes d'os de cervidé. Leur visage était tatoué au suc bleu-noir du genipa : sur les joues, une épaisse ligne oblique, allant du lobe de l'oreille jusqu'à la commissure des lèvres marquée de quatre petits traits verticaux et, sur le menton, quatre lignes horizontales superposées, chacune agrémentée par-dessous d'une frange de stries. Les cheveux, généralement courts, étaient fréquemment peignés avec un démêloir ou un instrument plus fin, fait de bâtonnets de bois assemblés avec du fil de coton. Les hommes avaient pour seul vêtement l'étui pénien conique auquel il a été fait allusion plus haut. Justement, un indigène était en train d'en confectionner un. Les deux côtés d'une feuille fraîche de pacova furent arrachés de la ervure centrale et débarrassés du rebord extérieur coriace, puis pliés en deux dans le sens de la longueur. En imbriquant es deux pièces (d'environ sept centimètres sur trente centimètres) l'une dans l'autre, de façon que les pliures se joignent angle droit, on obtient une sorte d'équerre faite de deux épaisseurs de feuille pour les côtés, et de quatre au sommet ù les deux bandes s'entrecroisent ; cette partie est alors rabattue sur elle-même selon sa diagonale et les deux bras oupés et jetés, si bien que l'ouvrier n'a plus entre les mains qu'un petit triangle isocèle formé de huit épaisseurs ; celui-ci st arrondi autour du pouce, d'avant en arrière, les sommets de deux angles inférieurs sont sectionnés et les bords latéraux cousus à l'aide d'une aiguille de bois et de fil végétal. L'objet est prêt ; il n'y a plus qu'à le mettre en place, en étirant le prépuce à travers l'ouverture pour que l'étui ne risque pas de tomber et que la tension de la peau maintienne le membre relevé. Tous les hommes portent cet accessoire et, si l'un d'eux a perdu le sien, il s'empresse de serrer l'extrémité étirée de son prépuce sous la cordelette qui lui ceint les reins. Les habitations étaient presque vides. On y remarquait les hamacs en ficelle de coton ; quelques marmites de terre et une bassine pour faire sécher au feu la pulpe de maïs et de manioc ; des récipients en calebasse ; des mortiers et des pilons de bois ; des râpes à manioc en bois incrusté d'épines ; des tamis de vannerie ; des burins en dent de rongeur ; des useaux, quelques arcs longs d'environ 1,70m. Les flèches appartenaient à plusieurs types : soit à pointe de bambou - ancéolée pour la chasse, ou découpée en dents de scie pour la guerre - soit à pointes multiples, pour la pêche. Enfin, on otait quelques instruments de musique : flûtes de Pan à treize tuyaux et flageolets à quatre trous. À la nuit, le chef nous apporta en grande cérémonie le cahouin et un ragoût de haricots géants et de piments, qui mportait la bouche ; plat réconfortant après six mois passés au milieu des Nambikwara qui ignorent le sel et les iments, et dont le délicat palais exige même que les mets soient aspergés d'eau pour les refroidir avant consommation. ne petite calebasse contenait le sel indigène, eau brunâtre si amère que le chef, qui se contentait de nous regarder anger, tint à le goûter en notre présence pour nous rassurer, tant on aurait pu croire à quelque poison. Ce condiment se répare avec la cendre de bois du toari branco. Malgré la modestie du repas, la dignité avec laquelle il fut offert me rappelait que les anciens chefs tupi devaient tenir table ouverte, selon l'expression d'un voyageur. Détail plus saisissant encore, après une nuit passée dans un des hangars, je constatai que ma ceinture de cuir avait été rongée par les grillons. Jamais je n'avais subi les méfaits de ces insectes restés inaperçus dans toutes les tribus dont j'avais partagé l'existence : Kaingang, Caduveo, Bororo, Paressi, Nambikwara, Mundé. Et c'était chez les Tupi que j'étais destiné à vivre une mésaventure qu'avaient déjà connue Yves d'Evreux et Jean de Léry, quatre cents ans avant moi : « Et à fin aussi que, tout d'un fil, je descrive ces bestioles... n'étant pas plus grosses que nos grillets, mesmes sortans ainsi la nuict par troupes auprès du feu, si elles trouvent quelque chose elles ne faudront point le ronger. Mais principalement outre ce qu'elles se jettoyent de telle façon sur les collets et souliers de maroquins, que mangeans tout le dessus, ceux qui en avoyent, les trouvoyent le matin à leur lever tous blancs et effleurez... ». Comme les grillons (à la différence des termites et d'autres insectes destructeurs) se contentent de ronger la pellicule superficielle du cuir, c'est en effet « toute blanche et effleurée » que je retrouvai ma ceinture, témoin d'une association étrange et exclusive, plusieurs fois séculaire, entre une espèce d'insectes et un groupement humain. Sitôt le soleil levé, un de nos hommes partit en forêt pour abattre quelques palombes qui voletaient à la lisière. Peu de temps après, on entendit un coup de feu auquel nul ne prêta attention, mais bientôt un indigène accourut, livide et dans un état d'excitation intense : il essaya de nous expliquer quelque chose ; Abaitara n'était pas à portée pour servir d'interprète. Du côté de la forêt, cependant, on percevait de grands cris qui se rapprochaient, et bientôt l'homme traversa en courant les cultures, tenant dans la main gauche son avant-bras droit d'où pendait une extrémité en lambeaux : il s'était appuyé sur son fusil, et le coup était parti. Luis et moi délibérâmes sur ce qu'il fallait faire. Trois doigts étaient presque sectionnés, et la paume paraissait fracassée, il semblait que l'amputation s'imposât. Pourtant, nous n'avions pas le courage de l'entreprendre, et de laisser ainsi infirme ce compagnon que nous avions recruté avec son frère dans un petit village des environs de Cuiaba, dont nous nous sentions particulièrement responsables à cause de sa jeunesse, et auquel nous avaient attachés sa loyauté et sa finesse paysannes. Pour lui, dont le métier était de s'occuper de bêtes de somme et réclamait une grande habileté manuelle pour l'arrimage des charges sur le dos des mulets et des boeufs, l'amputation eût été une catastrophe. Non sans crainte, nous décidâmes de remettre approximativement les doigts en place, de faire un pansement avec les moyens dont nous disposions, et de prendre le chemin du retour ; aussitôt arrivés au campement, Luis conduirait le blessé à Urupa où se trouvait notre médecin, et si les indigènes voulaient bien se prêter à ce projet, je resterais avec eux, campé au bord de la rivière, en attendant que la galiote revînt me chercher quinze jours plus tard (il fallait trois jours pour descendre la rivière et une semaine environ pour la remonter). Terrifiés par un accident dont ils paraissaient craindre qu'il ne modifiât nos dispositions amicales, les Indiens acceptèrent tout ce qu'on leur proposa ; et, les devançant pendant qu'ils recommençaient leurs préparatifs, nous retournâmes en forêt. Le voyage s'effectua dans une atmosphère de cauchemar et peu de souvenirs en ont subsisté. Le blessé délira tout le long du chemin, marchant à si vive allure que nous ne parvenions pas à le suivre ; il avait pris la tête, en avant même du guide, sans éprouver la moindre hésitation sur un itinéraire qui semblait s'être refermé derrière nous. On parvint à le

« Fig. 38.– Autre détail desmêmes peintures.  À défaut depétun, nousallions êtreaccueillis danslevillage parceque lesvoyageurs duXVIesiècle appelaient un cahouin – kahui, disent lesTupi-Kawahib –c’est-à-dire unebeuverie dechicha decemaïs dont lesindigènes cultivaient plusieurs variétésdanslesbrûlis ouverts àla lisière duvillage.

Lesanciens auteurs ontdécrit lesmarmites aussihautes que deshommes oùsepréparait leliquide, etlerôle dévolu auxvierges delatribu quiycrachaient uneabondante salive pour provoquer lafermentation.

Lesmarmites desTupi-Kawahib étaient-ellestroppetites oulevillage manquait-il d’autres vierges ? Onamena lestrois petites filles,eton les fitexpectorer dansladécoction degrains pilés.Comme l’exquise boisson,àla fois nourrissante etrafraîchissante, futconsommée lesoir même, lafermentation n’étaitguère avancée.

Lavisite desjardins permitdenoter –autour delagrande cagedebois précédemment occupéeparl’aigle etencore jonchée d’ossements –des arachides, desharicots, diverspiments, despetites ignames, despatates douces, dumanioc et du maïs.

Lesindigènes complétaient cesressources parlacollecte desproduits sauvages.

Ilsexploitent ainsiune graminée delaforêt dontilsattachent plusieurstigesparlesommet, defaçon quelesgraines tombées s’accumulent en petits tas.Cesgraines sontchauffées surune platine depoterie jusqu’àcequ’elles éclatent àla façon du pop corn dont elles rappellent legoût. Pendant quelecahouin traversait soncycle compliqué demélanges etd’ébullitions, brasséparlesfemmes aumoyen de louches endemi-calebasses, jeprofitais desdernières heuresdujour pour examiner lesIndiens. À part lefourreau decoton, lesfemmes portaient desbandelettes, étroitementserréesautourdespoignets etdes chevilles, etdes colliers dedents detapir oudeplaquettes d’osdecervidé.

Leurvisage étaittatoué ausuc bleu-noir du genipa  : sur lesjoues, uneépaisse ligneoblique, allantdulobe del’oreille jusqu’àlacommissure deslèvres marquée de quatre petitstraitsverticaux et,sur lementon, quatreligneshorizontales superposées, chacuneagrémentée par-dessous d’une frange destries.

Lescheveux, généralement courts,étaient fréquemment peignésavecundémêloir ouun instrument plusfin,faitdebâtonnets debois assemblés avecdufilde coton. Les hommes avaientpourseulvêtement l’étuipénien conique auquelila été fait allusion plushaut.

Justement, un. »

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