Devoir de Philosophie

la terre contre le bleu-vert limpide du ciel.

Publié le 06/01/2014

Extrait du document

la terre contre le bleu-vert limpide du ciel. Le désert perd inflexions et accidents. Il se confond avec le soir, immense asse rose, uniforme, à peine plus pâteuse encore que le ciel. Le désert est devenu désert par rapport à soi. Peu à peu la rume gagne : il n'y a plus rien du tout, que la nuit. Après l'escale de Karachi, le jour se lève sur le désert de Thar, lunaire, incompréhensible ; des petits groupes de hamps apparaissent, encore isolés par de longues étendues désertiques. Avec le jour, les cultures se soudent et offrent ne surface continue dans les tons roses et verts ; comme les couleurs exquises et fanées d'une très ancienne tapisserie limée par un long usage et inlassablement reprisée. C'est l'Inde. Les parcelles sont irrégulières mais nullement désordonnées dans la forme ou dans la couleur. De quelque façon qu'on es groupe, elles composent un ensemble équilibré, comme si leur tracé avait été longuement médité avec la mise en lace : quelque chose comme la rêverie géographique d'un Klee. Tout cela est d'une rareté, d'une préciosité extrême et rbitraire, malgré la récurrence d'un thème trinitaire associant le village, les champs réticulés et le bosquet entourant une are. L'escale à Delhi donne, en rase-mottes, un bref aperçu d'une Inde romanesque : temples en ruine dans les roussailles d'un vert violent. Ensuite, les inondations commencent. L'eau paraît si stagnante, si dense, si limoneuse u'elle évoque plutôt une huile dont les traînées surnageraient à la surface d'une eau qui serait elle-même le sol. On urvole Bihar avec ses collines rocheuses et ses forêts, puis c'est le commencement du delta : la terre est cultivée usqu'au dernier pouce, et chaque champ paraît un joyau d'or vert, scintillant et pâle sous l'eau qui l'imprègne, cerné du arfait rebord sombre de ses haies. Il n'y a pas d'angle vif, toutes les lisières sont arrondies et s'ajustent pourtant les unes ux autres comme les cellules d'un tissu vivant. Plus près de Calcutta, les hameaux se multiplient : huttes empilées omme des oeufs de fourmis dans des alvéoles de verdure dont l'intense couleur est encore exaltée par les tuiles rouge ombre de certains toits. En atterrissant, on découvre qu'il pleut à torrents. Après Calcutta on traverse le delta du Brahmapoutre : monstre de fleuve, masse tellement tortueuse qu'elle semble ne bête. Tout autour, la campagne est oblitérée par l'eau, à perte de vue, sauf les champs de jute qui, d'avion, forment utant de carrés de mousse dont la fraîcheur aurait exaspéré le vert. Les villages entourés d'arbres émergent de l'eau omme des bouquets. On aperçoit des embarcations qui grouillent tout autour. Placée entre ce sable sans hommes et cette humanité sans sol, que l'Inde, terre des hommes, offre un visage quivoque ! L'idée que je peux m'en faire, pendant les huit heures que dure sa traversée de Karachi à Calcutta, la écroche définitivement du Nouveau Monde. Ce n'est ni le carrelage rigoureux du Middle-West ou du Canada, formé 'unités identiques dont chacune porte sur un bord, toujours au même endroit, la précise égrénure de la ferme ; ni urtout le profond velours de la forêt tropicale sur quoi les régions pionnières commencent à peine de mordre à coups 'échancrures audacieuses. Le spectacle de cette terre, divisée en infimes parcelles et cultivée jusqu'au dernier arpent, nspire d'abord à l'Européen un sentiment de familiarité. Mais ces tons confondus, ces contours irréguliers des champs et es rizières sans cesse repris en tracés différents, ces bordures indistinctes et comme rapetassées, c'est bien de la même apisserie qu'il s'agit, mais d'une tapisserie que - comparée aux formes et aux couleurs mieux délimitées de la campagne uropéenne - on a l'impression de regarder à l'envers. Simple image ; mais elle traduit assez bien la position respective de l'Europe et de l'Asie par rapport à leur civilisation ommune (et de celle-là même, par rapport à son rejet américain). Du point de vue des aspects matériels au moins, l'une araît être à l'envers de l'autre, l'une a toujours été gagnante, l'autre perdante ; comme si, dans l'exercice d'une ommune entreprise, l'une avait drainé tous les avantages, laissant à l'autre les misères pour récolte. Dans un cas (mais our combien de temps encore ?) une expansion démographique régulière a permis le progrès agricole et industriel, les essources augmentant plus vite que les consommateurs. Dans l'autre, la même révolution a entraîné, depuis le XVIIIe iècle, un abaissement constant des prélèvements individuels sur une masse de biens restée relativement stationnaire. urope, Inde, Amérique du Nord et Amérique du Sud n'épuisent-elles pas les combinaisons possibles entre le cadre éographique et le peuplement ? À l'Amérique amazonienne, région de tropiques pauvres mais sans hommes (ceci ompensant partiellement cela) s'oppose l'Asie du Sud, également tropicale et pauvre, mais surpeuplée (ceci aggravant ela) comme - dans la catégorie des pays tempérés - l'Amérique du Nord aux vastes ressources et à population elativement restreinte, fait pendant à une Europe aux ressources relativement restreintes mais au chiffre de population levé. De quelque façon qu'on dispose ces évidences, l'Asie du Sud est toujours le continent sacrifié. XV FOULES Qu'il s'agisse des villes momifiées de l'Ancien Monde ou des cités foetales du Nouveau, c'est à la vie urbaine que nous sommes habitués à associer nos valeurs les plus hautes sur le plan matériel et spirituel. Les grandes villes de l'Inde sont une zone ; mais ce dont nous avons honte comme d'une tare, ce que nous considérons comme une lèpre, constitue ici le fait urbain réduit à son expression dernière : l'agglomération d'individus dont la raison d'être est de s'agglomérer par millions, quelles que puissent être les conditions réelles. Ordure, désordre, promiscuité, frôlements ; ruines, cabanes, boue, immondices ; humeurs, fiente, urine, pus, sécrétions, suintements : tout ce contre quoi la vie urbaine nous paraît être la défense organisée, tout ce que nous haïssons, tout ce dont nous nous garantissons à si haut prix, tous ces sousproduits de la cohabitation, ici ne deviennent jamais sa limite. Ils forment plutôt le milieu naturel dont la ville a besoin pour prospérer. À chaque individu, la rue, sente ou venelle, fournit un chez-soi où il s'assied, dort, ramasse sa nourriture à même une gluante ordure. Loin de le repousser, elle acquiert une sorte de statut domestique du seul fait d'avoir été exsudée, excrétée, piétinée et maniée par tant d'hommes. Chaque fois que je sors de mon hôtel à Calcutta, investi par les vaches et dont les fenêtres servent de perchoir aux charognards, je deviens le centre d'un ballet que je trouverais comique s'il n'inspirait à ce point la pitié. On peut y distinguer plusieurs entrées, chacune assurée par un grand rôle : le cireur de chaussures, qui se jette à mes pieds ; le petit garçon nasillard qui se précipite : one anna, papa, one anna ! l'infirme presque nu pour qu'on puisse mieux détailler ses moignons ; le proxénète : British girls, very nice... ; le marchand de clarinettes ; le porteur de New-Market, qui supplie de tout acheter, non point qu'il y soit directement intéressé, mais parce que les annas gagnées à me suivre lui permettront de manger. Il détaille le catalogue avec la même concupiscence que si tous ces biens lui étaient destinés : Suit-cases ? Shirts ? Hose ?... Et enfin, toute la troupe des petits sujets : racoleurs de rickshaws, de gharries, de taxis. Il y a autant de taxis qu'on eut à trois mètres, le long du trottoir. Mais qui sait ? Je puis être un si grand personnage que je ne daignerai pas les percevoir... Sans compter la cohorte des marchands, boutiquiers, camelots à qui votre passage annonce le Paradis : vous llez peut-être leur acheter quelque chose. Que celui qui voudrait en rire ou s'irriter prenne garde, comme devant un sacrilège. Ces gestes grotesques, ces émarches grimaçantes, il serait vain de les censurer, criminel de les railler, au lieu d'y voir les symptômes cliniques d'une gonie. Une seule hantise, la faim, inspire ces conduites de désespoir ; la même qui chasse les foules des campagnes, aisant en quelques années passer Calcutta de deux à cinq millions d'habitants ; entasse les fuyards dans le cul-de-sac des ares où on les aperçoit du train, la nuit, endormis sur les quais et enroulés dans la cotonnade blanche qui forme aujourd'hui leur vêtement et sera demain leur suaire ; et confère son intensité tragique au regard du mendiant qui croise le vôtre, à travers les barreaux métalliques du compartiment de première classe placés là - comme le soldat armé accroupi sur le marchepied - pour vous protéger contre cette revendication muette d'un seul, qui pourrait se changer en une hurlante émeute si la compassion du voyageur, plus forte que la prudence, entretenait ces condamnés dans l'espérance d'une aumône. L'Européen qui vit dans l'Amérique tropicale se pose des problèmes. Il observe des relations originales entre l'homme t le milieu géographique ; et les modalités mêmes de la vie humaine lui offrent sans cesse des sujets de réflexion. Mais es relations de personne à personne n'affectent pas une forme nouvelle ; elles sont du même ordre que celles qui l'ont oujours entouré. Dans l'Asie méridionale, au contraire, il lui semble être en deçà ou au-delà de ce que l'homme est en roit d'exiger du monde, et de l'homme. La vie quotidienne paraît être une répudiation permanente de la notion de relations humaines. On vous offre tout, on 'engage à tout, on proclame toutes les compétences alors qu'on ne sait rien. Ainsi, on vous oblige d'emblée à nier chez utrui la qualité humaine qui réside dans la bonne foi, le sens du contrat et la capacité de s'obliger. Des rickshaw boys proposent de vous conduire n'importe où, bien qu'ils soient plus ignorants de l'itinéraire que vous-même. Comment donc ne pas s'emporter et - quelque scrupule que l'on ait à monter dans leur pousse et à se faire traîner par eux - ne pas les traiter en bêtes, puisqu'ils vous contraignent à les considérer tels par cette déraison qui est la leur ? La mendicité générale trouble plus profondément encore. On n'ose plus croiser un regard franchement, par pure satisfaction de prendre contact avec un autre homme, car le moindre arrêt sera interprété comme une faiblesse, une prise donnée à l'imploration de quelqu'un. Le ton du mendiant qui appelle : « sa-HlB ! » est étonnamment semblable à celui que nous employons pour gourmander un enfant : « vo-YONS ! » amplifiant la voix et baissant le ton sur la dernière syllabe, comme s'ils disaient : « Mais c'est évident, cela crève les yeux, ne suis-je pas là, à mendier devant toi, ayant de ce seul fait, sur toi, une créance ? À quoi penses-tu donc ? Où as-tu la tête ? » L'acceptation d'une situation de fait est si totale qu'elle parvient à dissoudre l'élément de supplication. Il n'y a plus que la constatation d'un état objectif, d'un rapport naturel de lui à moi, dont l'aumône devrait découler avec la même nécessité que celle unissant, dans le monde physique, les causes et les effets. Là aussi, on est contraint par le partenaire à lui dénier l'humanité qu'on voudrait tant lui reconnaître. Toutes les situations initiales qui définissent les rapports entre des personnes sont faussées, les règles du jeu social truquées, il n'y a pas moyen de commencer. Car, voudrait-on même traiter ces malheureux comme des égaux, ils protesteraient contre l'injustice : ils ne se veulent pas égaux ; ils supplient, ils conjurent que vous les écrasiez de votre superbe, puisque c'est de la dilatation de l'écart qui vous sépare qu'ils attendent une bribe (que l'anglais dit juste : bribery) d'autant plus ubstantielle que le rapport entre nous sera distendu ; plus ils me placeront haut, plus ils espéreront que ce rien qu'ils me demandent deviendra quelque chose. Ils ne revendiquent pas un droit à la vie ; le seul fait de survivre leur paraît une aumône imméritée, à peine excusée par l'hommage rendu aux puissants. Ils ne songent donc pas à se poser en égaux. Mais, même d'êtres humains, on ne peut supporter cette pression ncessante, cette ingéniosité toujours en alerte pour vous tromper, pour vous « avoir », pour obtenir quelque chose de ous par ruse, mensonge ou vol. Et pourtant, comment se durcir ? Car - et c'est ici qu'on n'en sort plus - tous ces rocédés sont des modalités diverses de la prière. Et c'est parce que l'attitude fondamentale à votre égard est celle de la rière, même quand on vous vole, que la situation est si parfaitement, si totalement insupportable et que je ne puis, uelque honte que j'en éprouve, résister à confondre les réfugiés - que j'entends toute la journée, des fenêtres de mon alace, geindre et pleurer à la porte du Premier ministre au lieu de nous chasser de nos chambres qui logeraient plusieurs amilles -- avec ces corbeaux noirs à camail gris qui croassent sans trêve dans les arbres de Karachi. Cette altération des rapports humains paraît d'abord incompréhensible à un esprit européen. Nous concevons les ppositions entre les classes sous forme de lutte ou de tension, comme si la situation initiale - ou idéale - correspondait à la solution de ces antagonismes. Mais ici, le terme de tension n'a pas de sens. Rien n'est tendu, il y a belle lurette que tout ce qui pouvait être tendu s'est cassé. La rupture est au commencement, et cette absence d'un « bon temps », à quoi on uisse se référer pour en retrouver les vestiges ou pour souhaiter son retour, laisse en proie à une seule conviction : tous es gens qu'on croise dans la rue sont en train de se perdre. Pour les retenir un moment sur la pente, suffirait-il même de se dépouiller ? Et si l'on veut penser en termes de tension, le tableau auquel on arrive n'est guère moins sombre. Car alors, il faudra ire que tout est si tendu qu'il n'y a plus d'équilibre possible : dans les termes du système et à moins qu'on ne commence ar la détruire, la situation est devenue irréversible. D'emblée, on se trouve en déséquilibre vis-à-vis de suppliants qu'il aut repousser, non parce qu'on les méprise mais parce qu'ils vous avilissent de leur vénération, vous souhaitant plus ajestueux, plus puissants encore, dans la conviction extravagante que chaque infime amélioration de leur sort ne peut rovenir que de celle cent fois multipliée du vôtre. Comme s'éclairent les sources de la cruauté dite asiatique ! Ces ûchers, ces exécutions et ces supplices, ces armes chirurgicales conçues pour infliger d'inguérissables blessures, ne ésultent-ils pas d'un jeu atroce, enjolivement de ces rapports abjects où les humbles vous font chose en se voulant chose t réciproquement ? L'écart entre l'excès de luxe et l'excès de misère fait éclater la dimension humaine. Seule reste une ociété où ceux qui ne sont capables de rien survivent en espérant tout (quel rêve bien oriental que les génies des Mille et ne Nuits !), et où ceux qui exigent tout n'offrent rien. Dans de telles conditions, il n'est pas surprenant que des relations humaines incommensurables à celles dont nous ous complaisons à imaginer (trop souvent de façon illusoire) qu'elles définissent la civilisation occidentale, nous pparaissent alternativement inhumaines et subhumaines, comme celles que nous observons au niveau de l'activité nfantine. Sous certains aspects au moins, ce peuple tragique nous semble enfantin : à commencer par la gentillesse de es regards et de ses sourires. Il y a aussi l'indifférence à la tenue et au lieu, frappante chez tous ces gens assis, couchés ans n'importe quelle position ; le goût du colifichet et de l'oripeau ; les conduites naïves et complaisantes d'hommes qui e promènent en se tenant par la main, urinent accroupis en public, et tètent la fumée sucrée de leur chilam ; le prestige agique des attestations et des certificats, et cette croyance commune que tout est possible, se traduisant chez les ochers (et plus généralement de la part de tous ceux qu'on emploie) par des prétentions démesurées vite satisfaites au uart ou au dixième. « De quoi ont-ils à se plaindre ? » fit demander un jour par son interprète le gouverneur du Bengale riental aux indigènes des collines de Chitta-gong, rongés par la maladie, la sous-alimentation, la pauvreté, et alicieusement persécutés par les musulmans. Ils réfléchirent longuement, et répondirent : « Du froid... ». Tout Européen dans l'Inde se voit - qu'il le veuille ou non - entouré d'un nombre respectable de serviteurs hommes-àout-faire que l'on nomme bearers. Est-ce le système des castes, une inégalité sociale traditionnelle ou les exigences des colonisateurs qui expliquent leur soif de servir ? Je ne sais, mais l'obséquiosité qu'ils déploient réussit vite à rendre 'atmosphère irrespirable. Ils s'étendraient par terre pour vous épargner un pas sur le plancher, vous proposent dix bains ar jour : quand on se mouche, quand on mange un fruit, quand on se tache le doigt... À chaque instant ils rôdent, mplorent un ordre. Il y a quelque chose d'érotique dans cette angoisse de soumission. Et si votre conduite ne répond pas leur attente, si vous n'agissez pas en toutes circonstances à la façon de leurs anciens maîtres britanniques, leur univers 'écroule : pas de pudding ? Bain après le dîner au lieu d'avant ? Il n'y a donc plus de bon Dieu... Le désarroi se peint sur leur visage ; je fais précipitamment machine en arrière, je renonce à mes habitudes ou aux occasions les plus rares. Je

« XV FOULES Qu’il s’agisse desvilles momifiées del’Ancien Mondeoudes cités fœtales duNouveau, c’estàla vie urbaine quenous sommes habitués àassocier nosvaleurs lesplus hautes surleplan matériel etspirituel.

Lesgrandes villesdel’Inde sont une zone ; maiscedont nous avons honte comme d’unetare,ceque nous considérons commeunelèpre, constitue icile fait urbain réduitàson expression dernière :l’agglomération d’individusdontlaraison d’êtreestdes’agglomérer par millions, quellesquepuissent êtrelesconditions réelles.Ordure, désordre, promiscuité, frôlements ;ruines,cabanes, boue, immondices ; humeurs,fiente,urine,pus,sécrétions, suintements : toutcecontre quoilavie urbaine nousparaît être ladéfense organisée, toutceque nous haïssons, toutcedont nous nousgarantissons àsi haut prix,touscessous- produits delacohabitation, icine deviennent jamaissalimite.

Ilsforment plutôtlemilieu naturel dontlaville abesoin pour prospérer.

Àchaque individu, larue, sente ouvenelle, fournitunchez-soi oùils’assied, dort,ramasse sanourriture à même unegluante ordure.Loindelerepousser, elleacquiert unesorte destatut domestique duseul faitd’avoir été exsudée, excrétée, piétinéeetmaniée partant d’hommes. Chaque foisque jesors demon hôtel àCalcutta, investiparlesvaches etdont lesfenêtres serventdeperchoir aux charognards, jedeviens lecentre d’unballet quejetrouverais comiques’iln’inspirait àce point lapitié.

Onpeut y distinguer plusieursentrées,chacune assuréeparungrand rôle : le cireur dechaussures, quisejette àmes pieds ; le petit garçon nasillard quiseprécipite : one anna, papa, oneanna !l’infirme presquenupour qu’on puisse mieuxdétailler sesmoignons ; le proxénète : British girls,verynice… ;le marchand declarinettes ; le porteur deNew-Market, quisupplie detout acheter, nonpoint qu’ilysoit directement intéressé,maisparce queles annas gagnées àme suivre luipermettront demanger.

Ildétaille lecatalogue aveclamême concupiscence quesitous ces biens luiétaient destinés : Suit-cases ? Shirts ?Hose ?…Et enfin, toutelatroupe despetits sujets : racoleurs derickshaws, degharries, detaxis.

Ilya autant detaxis qu’on veut àtrois mètres, lelong dutrottoir.

Maisquisait ? Jepuis être unsigrand personnage quejene daignerai pasles apercevoir… Sanscompter lacohorte desmarchands, boutiquiers, camelotsàqui votre passage annonce leParadis : vous allez peut-être leuracheter quelque chose. Que celui quivoudrait enrire ous’irriter prennegarde,comme devantunsacrilège.

Cesgestes grotesques, ces démarches grimaçantes, ilserait vaindeles censurer, crimineldeles railler, aulieu d’yvoir lessymptômes cliniquesd’une agonie.

Uneseule hantise, lafaim, inspire cesconduites dedésespoir ; lamême quichasse lesfoules descampagnes, faisant enquelques annéespasserCalcutta dedeux àcinq millions d’habitants ; entasselesfuyards danslecul-de-sac des gares oùon les aperçoit dutrain, lanuit, endormis surlesquais etenroulés danslacotonnade blanchequiforme aujourd’hui leurvêtement etsera demain leursuaire ; etconfère sonintensité tragiqueauregard dumendiant quicroise le vôtre, àtravers lesbarreaux métalliques ducompartiment depremière classeplacés là–comme lesoldat armé accroupi surlemarchepied –pour vousprotéger contrecetterevendication muetted’unseul, quipourrait sechanger en une hurlante émeutesila compassion duvoyageur, plusforte quelaprudence, entretenait cescondamnés dans l’espérance d’uneaumône. L’Européen quivitdans l’Amérique tropicalesepose desproblèmes.

Ilobserve desrelations originales entrel’homme et lemilieu géographique ; etles modalités mêmesdelavie humaine luioffrent sanscesse dessujets deréflexion.

Mais les relations depersonne àpersonne n’affectent pasune forme nouvelle ; ellessontdumême ordrequecelles quil’ont toujours entouré.

Dansl’Asie méridionale, aucontraire, illui semble êtreendeçà ouau-delà deceque l’homme esten droit d’exiger dumonde, etde l’homme. La vie quotidienne paraîtêtreunerépudiation permanente delanotion derelations humaines.

Onvous offre tout,on s’engage àtout, onproclame touteslescompétences alorsqu’on nesait rien.

Ainsi, onvous oblige d’emblée ànier chez autrui laqualité humaine quiréside danslabonne foi,lesens ducontrat etlacapacité des’obliger.

Des rickshaw boys proposent devous conduire n’importe où,bien qu’ils soient plusignorants del’itinéraire quevous-même.

Commentdonc ne pas s’emporter et–quelque scrupule quel’onaitàmonter dansleurpousse etàse faire traner pareux –ne pas les traiter enbêtes, puisqu’ils vouscontraignent àles considérer telsparcette déraison quiestlaleur ? La mendicité généraletroubleplusprofondément encore.Onn’ose pluscroiser unregard franchement, parpure satisfaction deprendre contactavecunautre homme, carlemoindre arrêtserainterprété commeunefaiblesse, une prise donnée àl’imploration dequelqu’un.

Leton dumendiant quiappelle : « sa-HlB ! » estétonnamment semblableà celui quenous employons pourgourmander unenfant : « vo-YONS ! » amplifiantlavoix etbaissant leton surladernière syllabe, commes’ilsdisaient : « Maisc’estévident, celacrève lesyeux, nesuis-je paslà,àmendier devanttoi,ayant dece seul fait,surtoi, une créance ? Àquoi penses-tu donc ?Oùas-tu latête ? » L’acceptation d’unesituation defait estsi totale qu’elle parvient àdissoudre l’élémentdesupplication.

Iln’y aplus quelaconstatation d’unétatobjectif, d’un. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles