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LIBÉRALISME

Publié le 02/04/2015

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LIBÉRALISME_______________________________

Les théoriciens politiques classiques (Hobbes, Rousseau, Locke) voyaient dans la volonté individuelle la source même des relations sociales ; le libéralisme politique — dont Locke est le premier théoricien — devait en tirer les dernières conséquences : si l'individu est le fondement des relations sociales, il est contradictoire que sa liberté et ses intérêts propres s'abolissent dans la société elle-même au profit d'intérêts exclusivement collectifs et d'une autorité civile dont la souveraineté est absolue. Politiquement, le libéralisme naît avec l'idée que la souveraineté de l'État doit avoir pour limite les droits individuels. Cette idée est prolongée par le libéralisme économique (A. Smith, 1723-1790, Malthus, 1766-1834, Bastiat, 1801-1850, Ricardo, 1772-1823, Stuart-Mill, 1806-1823, Say, 1763-1832) : la production des marchandises et leur échange est affaire individuelle, tout comme la satisfaction des besoins. Cette conception n'est valable qu'à condition de supposer que la liberté économique (libre concurrence, libre échange, propriété privée des moyens de production) donne naissance à un ordre naturel (dont l'économie réfléchit les lois) assurant le fonctionnement, l'équilibre et la justice dans la société.

Dans des paragraphes célèbres de la Philosophie du droit (241 à 246), Hegel montrait en quoi cette conception entraînait nécessairement la misère pour ceux que les circonstances empêchaient de participer à la lutte économique ; Marx a tenté de montrer comment l'ordre écono­mique libéral avait pour conséquence nécessaire l'exploitation el la misère. Autant que la critique socialiste, c'est la nécessité de surmonter les crises économiques qui a entraîné les néo-libéraux contemporains à reconsidérer le rôle de l'État : celui-ci n'est plus l'organe économique neutre qui gère les biens collectifs improductifs et applique la loi, il intervient pour planifier l'économie, assurer les individus contre les injustices sociales. Ce qui demeure cependant du libéralisme classique, c'est l'idée que les interventions de l'État ne doivent pas être autoritaires, mais passer toujours par la médiation des volontés individuelles (par exemple la planification n'est pas imposée, mais sa réalisation suscitée par un système de subventions, de primes, par la modulation du système d'imposition, etc.). Voir État, démocratie.

________________________________________ LIBERTÉ

Le problème de la liberté est un problème philosophique traditionnel, non qu'il se soit toujours posé sous la même forme, mais plutôt que dans la diversité des problématiques qui y conduisent, et permettent de varier les solutions, c'est en quelque sorte toujours la question du statut d'un certain type d'être qui est en jeu. La façon dont on pense le fait d'être libre, est toujours en rapport non seulement avec la façon dont on pense l'être-homme, mais aussi avec la façon dont on pense la relation de cet être à ce qui constitue l'être de la nature. La difficulté et la complexité du problème proviennent sans

doute du paradoxe que constitue en soi-même cette articulation : déterminer l'être-homme comme être-libre, c'est l'arracher à la nature, et lui accorder l'être-nature, c'est l'arracher à la liberté.

1.         Le fait d'être libre

La liberté correspond d'abord au sentiment qu'éprouve une conscience : je pense à lever mon bras, et je le lève, je peux vouloir ne pas faire quelque chose, remettre à plus tard une décision. En ce sens, la liberté est le rapport d'une conscience à ses actes (Bergson). Mais ce sentiment est aussitôt l'expérience d'une limite, d'une résistance ;  je puis vouloir faire n'importe quoi, mais cela ne veut pas dire que je réussisse à le faire. D un côté, je me heurte à des choses, à une matière qui possède un ordre propre indépendant de ma volonté. De l'autre, quand je donne un ordre, que je cherche à convaincre, ou que je demande quelque chose à autrui, ma volonté n'aboutit pas toujours. Dans cet échec, j'ai le sentiment d'une opposition par où je rencontre la liberté et la volonté d'autrui.

Je reconnais donc ma liberté à ce que je peux faire quand je le veux, et je reconnais les limites de ma liberté à ce que je ne peux pas faire quand je le veux. Mais à l'inverse, je peux vouloir faire n'importe quoi, même refuser de vouloir quoi que ce soit (1), et il se peut que je fasse ce que je n'ai pas voulu. Il y a ainsi deux catégories d'actes libres :

1 — ceux que j'accomplis selon ma volonté ;

2 — l'acte même de vouloir, puisque je puis toujours vouloir.

Ma liberté réside donc essentiellement dans le fait que je veuille ;  c'est pourquoi le langage quotidien rattache toujours l'acte libre à l'intention ou au projet d'un sujet, auquel justement il en impute la responsabilité.

Cette analyse du langage et du sentiment commun en quoi se comprend l'être-libre cache une difficulté : s'il se peut que je fasse ce que je n'ai pas voulu, ne se peut-il pas que, quand je veux, je ne veuille pas l'acte même de vouloir ? A l'inverse, si je puis toujours vouloir, je suis de part en part liberté, comment pourrais-je n'être pas libre en ne voulant pas ce

que je fais ? En posant ces questions, on pose la volonté parmi ses objets, et le sujet parmi ses actes, le langage subjectif utilisé jusqu'ici ne peut donc servir à les résoudre.

2.  L'être-nature et la liberté

Penser quelque chose comme un objet, c'est le déterminer ; la nature est essentiellement un ordre de déterminations. On peut penser diversement ces déterminations ; il peut s'agir d'une préinscription de l'ordre des choses dans la pensée de quelque dieu (2) —fatalisme religieux—; il peut s'agir d'une nécessité logique (3) ; il peut s'agir surtout de la causalité naturelle.

Pour comprendre le monde, il faut supposer un principe de détermination ; si le monde est compréhensible, n'est-ce pas la liberté qui est incompréhensible ? Comme il faut bien que le monde soit compréhensible, c'est la liberté qui devient un problème. Au demeurant, si on ne pose pas un déterminisme, la liberté elle-même n'a pas de sens : non seulement il nous faut concevoir la volonté comme la cause de l'existence de ce que nous voulons, mais encore s'il n'y avait pas d'enchaî­nements causaux nécessaires dans la nature, on ne voit pas comment quelque chose pourrait s'ensuivre de ce que nous le voulons. Ce qui nous rend libres est en ce sens le savoir des chaînes causales naturelles. Mais s'il y a des chaînes causales naturelles, ce qui arrive dépend d'elles, savoir comment la liberté est possible revient à savoir comment placer la volonté par rapport à elles. Diverses solutions sont pensables.

1 — Admettre que l'ordre de la nature n'est pas lui-même nécessaire, mais contingent ; Aristote assure cette contin­gence par sa conception de la puissance, les épicuriens par le clinamen. Mais si ce qui arrivera est indéterminé, toute prévision est impossible.

2 — Admettre que l'ordre du monde est nécessaire et que, les actions humaines appartenant à la nature, ce qui nous arrive dépend de l'ordre des choses, nous n'y pouvons rien. Cette thèse peut sembler rejoindre le fatalisme, et nier toute liberté ; si on admet cependant que la volonté est une cause libre (il dépend seulement d'elle de vouloir ce qu'elle veut), puisque la liberté consiste à faire ce que nous voulons, comme ce que nous faisons ne dépend pas de nous, celui qui veut ce qui lui arrive, pourra néanmoins être dit libre (4).

3 — Admettre que l'ordre du monde est nécessaire et que la volonté elle-même en fait partie, autrement dit qu'elle n'est pas une cause libre : nous sommes déterminés à vouloir telle ou telle chose, et nous ne pouvons pas vouloir n'importe quoi. Spinoza qui est le premier à formuler une pareille thèse admet néanmoins l'existence de la liberté. On peut résumer comme suit son argumentation, quoiqu'elle ne soit pleinement intelligible que dans le contexte de sa doctrine : si nous connaissons la cause par laquelle nous voulons, si cette cause même est la cause de notre connaissance, notre vouloir ne diffère pas de la connaissance de sa cause ; alors la

connaissance de sa cause ne diffère pas de la cause de notre vouloir, sinon elle ne serait pas la cause de notre connais­sance. Par conséquent, nous sommes libres en tant que nous avons une connaissance vraie des choses, puisque alors nous sommes la cause de notre volonté (5).

La liberté pose toujours un problème ontologique. On pourrait croire que la façon la plus simple de le résoudre est d'admettre que la volonté n'appartient pas à la nature, en ce sens, elle n'est pas soumise à l'ordre naturel. Au demeurant, la notion même de sujet semble imposer cette solution à la pensée moderne. Mais notre liberté dans le monde ne peut être pensée en dehors de notre rapport à l'ordre naturel, puisque nos actes s'y insèrent : la difficulté resurgit là encore. Descartes qui doue la substance pensante d'une liberté infinie, échoue à penser le rapport de l'esprit à la matière ; Kant doit faire du sujet libre un simple postulat.

3.   La philosophie de l'esprit et la réalité de la liberté

Jusqu'à présent on a tenté de penser la réalité de la liberté comme la propriété d'un sujet ou la contingence d'une nature. Si la nature est le lieu de la nécessité, il faut sans doute chercher la réalité de la liberté hors d'elle. On pourrait la chercher dans l'affrontement des volontés individuelles et montrer que le vouloir se réalise non dans l'arbitraire, mais dans l'ordre social, politique, culturel. Lorsque Hegel pose la société elle-même comme réalité de la liberté (6), il obéit à des préoccupations ontologiques ; la liberté est la substance de la société et sa destination, parce que l'esprit dont la réalité est la société est à la fois présupposé par celle-ci, et ne se distingue pas d'elle : il se détermine comme telle ou telle société où se réalise concrètement telle ou telle forme de liberté. On peut cependant retenir deux points :

1 — La liberté ainsi conçue n'est pas la propriété innée d'un sujet individuel.

2 — Sa réalité est une forme de société.

Maintenir que la liberté considérée par rapport à la société correspond au libre arbitre d'un sujet ne nous avancerait pas par rapport à la précédente discussion : tout comme il y a des lois naturelles, il y a des lois psychologiques et sociolo­giques (7). Mais si la liberté, comme le reconnaît le sens commun, consiste à faire ce que l'on veut, sa condition d'existence est que tout ce qu'on peut vouloir, on puisse le faire. Par conséquent, tout ce qui dans une société empêche de faire ce que l'on veut est contraire à la liberté : chaque nouveau droit est un progrès de la liberté. La liberté poli­tique peut se concevoir indépendamment de problèmes ontologiques parce que dans la revendication d'tin droit, d'une loi, ce qui importe c'est que nous le voulions, et qu'il existe. qu'on ait un libre arbitre et que ce soit notre volonté libre qui nous pousse à la revendication ou que certains déterminismes nous y conduisent et que nous soyons

enserrés dans un cours nécessaire de l'histoire, est indif­férent : la limite de notre liberté, ce n'est pas dans ce cas, un ordre naturel, c'est la liberté des autres, c'est-à-dire leur droit.

1.  Le refus signifie simplement que mon vouloir est tellement à ma disposition que je puis vouloir que ma volonté ne s'engage en aucun acte ; c'est sur cette liberté d'indifférence que Descartes fonde notre libre arbitre.

2.  Voir saint Augustin, Pascal.

3.  L'Antiquité s'est beaucoup préoccupée de ce problème, en discutant l'argument classique attribué à Diodore Chronos, sous le nom de Dominateur. Trois propositions sont incompatibles : 1 — Tout ce qui est passé est nécessairement vrai. 2 — Du possible ne procède pas l'impossible. 3 — Est possible ce qui n'est pas vrai ni ne le sera. Diodore rejette la troisième : si quelque chose était possible qui n'est, ni ne sera, un impossible résulterait d'un possible. Or un impossible ne peut résulter d'un possible ; donc rien n'est possible qui n'est, ni ne sera. Le futur est donc déterminé : une proposition est vraie de toute éternité, elle ne peut pas ne pas se réaliser. Aristote (Herméneutique, IX) tente de réfuter l'argument en admettant que de deux propositions contradictoires (une bataille navale aura lieu demain, une bataille navale n'aura pas lieu demain), il est simplement nécessaire que l'une des deux soit vraie (contingence

des    f u turs). Les stoïciens rejettent soit la proposition 1 (Cléanthe), soit la proposition 2 (Chrysippe) ; les épicuriens soutiennent une solution proche d'Aristote. Cf. P. M. Schuhl : Le Dominateur et les possibles, 1960.

4.  Voir stoïciens. Cf. Descartes : « Il vaut mieux changer ses désirs que l'ordre du monde. «

5.  Cela suppose que la liberté ne réside pas dans l'indéter­mination de l'action, mais dans le seul fait que la détermination soit placée dans l'agent. De façon générale, on peut nommer « autonomie « cette conception de la liberté, qu'on retrouve dans un contexte différent chez Rousseau ou chez Kant, (le sujet politique ou moral est libre parce qu'il pose lui-même la loi à laquelle il se soumet).

6.  « Le domaine du droit est le spirituel en général ; sur ce terrain sa base propre, son point de départ, sont la volonté qui est libre ; si bien que la liberté constitue sa substance et sa destination, et que le système du droit est l'empire de la liberté réalisée, le monde de l'esprit produit cornr seconde nature à

partir de lui-même « (Philosophie du droit,                          4).

 

7.  Les lois sociologiques (ex. : structure de la parenté) mettent en question la liberté comme propriété innée du sujet ; elles posent un problème ontologique : un objectiviste dira que ce que les gens veulent provient de déterminismes multiples, et qu'il n' a pas de liberté, un subjectiviste (Sartre, dans la Critique de laraison dialectique) affirmera que les lois sociologiques résultent de la confrontation des volontés libres (elles sont « la nécessité de la liberté «).

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