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MYTHE

Publié le 02/04/2015

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MYTHE____________________________________

On qualifie de mythes les récits cosmogoniques des peuples qui sont à l'origine de notre histoire (l'Odyssée, Les Travaux et les Jours d'Hésiode, les textes bibliques), ou ceux des peuples que notre ethno­centrisme rejette dans la primitivité ; mais on désigne aussi comme mythes certains thèmes rencontrés dans notre société (le mythe de la féminité, des objets volants non identifiés, etc.). Traditionnellement, le mythe est conçu comme une certaine façon illusoire d'appréhender la réalité et de la vivre ; le mythe est l'irrationnel, et pour la connais­sance, une moindre valeur. A la pensée mythique s'oppose la pensée scientifique qui s'épanouit dans des techniques. La première, illusion et impuissance, doit être combattue par la seconde qui permet une domination du monde et de la nature. Le problème fondamental est alors de comprendre pourquoi le développement scientifique n'aurait pas aboli la pensée mythique, et à quoi correspond ce que les modernes qualifient de démythification.

0 L'appréhension dévalorisante du mythe n'est possible que dans la perspective des Lumières, et d'un progrès de la raison. L'origine est toujours nécessairement pensée comme irrationnelle, et le mythe est son expression : l'enfance de l'humanité est source d'illusions, de connaissances impar­faites, de rêves. La pensée moderne opère un renversement de cette perspective qui, non seulement correspond à la critique de la notion classique de progrès, mais par la consti­tution des sciences humaines, vise à établir comme connais­sance la rationalité de l'irrationnel (c.-à-d. à en décrire les lois de fonctionnement) ; les mythes alors peuvent être atteints positivement, à la suite de certains déplacements de leur mode d'appréhension.

1 — Déplacement vers les causes matérielles de la production des mythes. Ce mode d'intelligibilité représente alors le mythe sous la forme d'un reflet faussé de la vie économique et des rapports sociaux. Dans ce cas, c'est une théorie de l'idéologie qui rend compte du mythe.

2 — Déplacement vers des structures psychiques incons­cientes. L'irrationalité du mythe est alors réduite au profit d'une théorie montrant le conflit des instances psychiques (cf. le mythe d'OEdipe chez Freud). C'est en un sens très voisin que Bachelard oppose la pensée mythique et poétique, produite par l'activité immédiate du psychisme humain appliquée au feu, à l'eau, etc., à la connaissance objective de la nature.

3 — Déplacement vers la nature discursive du mythe. Lévi-Strauss tente ainsi, en considérant les mythes de certaines populations, de montrer qu'ils constituent les diverses combi­naisons d'éléments déterminables (qui correspondraient quant à leur structure aux possibilités de l'esprit humain). R. Barthes qui étudie les mythes modernes (le vedettariat, l'automobile, etc.) comme des systèmes de signes, en fait des discours greffés sur les langues naturelles, seconde langue parlant de la première.

 

 Ce qui apparaît c'est alors la spécificité de certaines formes de discours au sein d'une société. Ainsi le discours du roi mésopotamien lors de la fête de création de la nouvelle année n'est pas à saisir simplement comme une activité illusoire qui tendrait à faire magiquement commencer la nouvelle année, mais aussi comme une certaine façon de permettre aux échanges sociaux de se dérouler de manière à assurer la vie de la société (cf. l'anthropologie historique de Gernet, Vernant). On peut appréhender le mythe sous la forme d'un enracinement social, sa fonction étant de recimenter régulièrement l'unité du groupe, et en tant que force culturelle (Malinowski), de régir les actions morales et les activités pratiques. Il n'est pas étonnant que toute société ait ses mythes, et toute tentative de démythificàtion apparaît moins comme le combat des Lumières que comme une critique sociale.

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