Vocabulaire: CHANDELLE, substantif féminin. A.— Vieux. Petit cylindre de matière combustible, le plus souvent de suif, muni d'une mèche centrale et employé autrefois pour l'éclairage. Brûler une chandelle. Elle avait acheté de la chandelle (GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Rosalie Prudent, 1886, page 643) : Ø 1.... sur la table, deux chandelles de suif qui brûlent dans deux chandeliers de cuivre argenté, et qui jettent un peu de lueur et de grandes ombres agitées par l'air sur les murs blanchis de l'appartement. ALPHONSE DE LAMARTINE, Les Confidences, 1849, page 51. SYNTAXE : Chandelle de cire, de résine, de suif; chandelles fumeuses; chandelles à la baguette; chandelles moulées; à la lueur, à la lumière de la chandelle. À la chandelle. Le soir, la nuit venue. Allumer, éteindre, moucher, souffler une chandelle. — Par métonymie. Substance dont est faite la chandelle. Madame Lepic le graisse de chandelle (JULES RENARD, Poil de carotte, 1894, page 319 ). · Papier chandelle ou papier à chandelle. Papier de mauvaise qualité (qui serait juste bon à envelopper des chandelles) : Ø 2. Les revues difficiles paraissent sur papier de luxe; ce qui se lit sur papier chandelle est toujours sage et très clair. JEAN PAULHAN, Les Fleurs de Tarbes, 1941, page 19. — Par métaphore, souvent familier. Ce qui éclaire intellectuellement ou spirituellement. Illustres chandelles humaines, qui vous consumez par la tête (HONORÉ DE BALZAC, Œuvres diverses, tome 3, 1850, page 185) : Ø 3. [L'ÂNE :] . — Et pendant que l'énorme lumière, Formidable, emplissait le firmament vermeil, Leur chandelle [des docteurs] tâchait d'éclairer le soleil! VICTOR HUGO, L'Âne, 1880, page 275. B.— Locution figurée. 1. Brûler la chandelle par les deux bouts*. Gaspiller ses biens, sa vie, sa santé par des dépenses excessives ou un comportement désordonné : Ø 4. Arnoux avait toujours été sans conduite et sans ordre. — « Une vraie tête de linotte! Il brûlait la chandelle par les deux bouts! Le cotillon l'a perdu! » GUSTAVE FLAUBERT, L'Éducation sentimentale, tome 2, 1869, page 261. 2. Devoir une belle, une fière chandelle à quelqu'un. Lui être très obligé, lui être redevable d'un grand bienfait. Je lui devais une fière chandelle. Sans lui (...), je n'aurais rien pu faire (BLAISE CENDRARS, Bourlinguer, 1948, page 46 ). 3. Économies de bouts de chandelle. Économies sordides et dérisoires (confer bout II A). 4. Le jeu n'en vaut pas la chandelle. C'est une affaire qui rapporte plus de peine que de profit : Ø 5. Bientôt, la pensée de posséder une femme suscita en lui des objections dominantes : s'habiller! se laver! se mettre en frais! faire le gracieux! que de tracas! la petite chose, certes, lui eût été agréable. Mais il fallait la payer de trop de dérangement. Le jeu n'en valait pas la chandelle. HENRI DE MONTHERLANT, Les Célibataires, 1934, page 834. 5. Moucher la chandelle [Par référence au " moucheur de chandelles " des théâtres d'autrefois] Occuper un emploi subalterne. Il était, lui, [Molière] chef de sa troupe; moi, je mouche les chandelles (PAUL-LOUIS COURIER, Lettres de France et d'Italie, 1807, page 757 ). 6. Le papillon se brûle à la chandelle, se brûler à la chandelle. Se laisser abuser par des apparences trompeuses (Confer Stendhal, Le Rouge et le Noir, 1830, page 393). 7. Tenir la chandelle. Servir de tiers complaisant dans une aventure amoureuse. Elle aurait tenu la chandelle, histoire de rendre le mariage inévitable (ÉMILE ZOLA, La Joie de vivre, 1884, page 956 ). 8. Voir trente-six (ou trente-six mille) chandelles. Avoir un éblouissement par suite d'un choc violent, d'une vive douleur : Ø 6.... un furieux coup de plat d'épée sur la tête lui fracassa le moule du bonnet, et lui montra trente-six chandelles... THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, page 216. C.— Emplois analogiques. 1. [Par analogie de forme] a) Dans la langue courante. Fleur ou plante évoquant une chandelle et dont la tige se dresse avec raideur. Les marronniers (...) avaient poussé trop tôt leurs chandelles blanches ou roses (ALEXANDRE ARNOUX, Paris-sur-Seine, 1939, page 161 ). On souffle la « chandelle du pissenlit » (PIERRE-LOUIS MENON, ROGER LECOTTÉ, Au village de France, tome 2, 1954, page 50 ). b) Argot. Membre viril (confer Dictionnaire de la langue verte (HECTOR FRANCE) 1907). Moucher la chandelle. Pratiquer le " coïtus interruptus " : Ø 7. Samadet (...) sur le moment (...) m'étonna par un excès de vertu (...) mais quand (...) M. m'a dit qu'il ne faisait pas souvent cela à Mme. Pallard sous le prétexte que c'était un grand crime de moucher la chandelle, il m'a semblé qu'il était hypocrite. HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Journal, tome 2, 1805-08, page 226. · Bouteille de vin. Faire fondre une chandelle. Boire une bouteille de vin (Confer Dictionnaire de la langue verte (HECTOR FRANCE) 1907). c) PYROTECHNIE. Chandelle romaine. Fusée d'artifice en forme de grosse chandelle, constituée d'un long tube d'où jaillissent des étincelles de différentes couleurs. Des chandelles romaines (...) retombaient en pluie d'étoiles (JULES SANDEAU, Sacs et parchemins, 1851, page 5 ). 2. Ce qui coule ou pend à la manière du suif fondu. a) Mucosité épaisse coulant d'un nez ayant besoin d'être mouché. Des enfants (...) morveux, avec des chandelles sous le nez (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Manette Salomon, 1867, page 255 ). b) Concrétion de glace. Les chandelles de glace de la pompe (GABRIELLE COLLETTE, DITE COLETTE, Claudine à Paris, 1901, page 73 ). 3. [Par référence à l'idée de verticalité] a) AVIATION. Ascension rapide d'un avion qui s'élève à la verticale. Monter, partir en chandelle. Il (...) devait avoir souvenance de ses vols précédents, tonneaux, virages sur l'aile, (...) remontée en chandelle (BLAISE CENDRARS, Le Lotissement du ciel, 1949, page 166 ). b) SPORTS. Au football, au tennis, coup qui consiste à envoyer la balle suivant une trajectoire presque verticale et assez haut pour qu'elle passe hors de la portée de l'adversaire. Faire une chandelle. Synonyme : lob. Un petit garçon peureux qui craint de recevoir le ballon envoyé en « chandelle » (HENRI DE MONTHERLANT, Le Songe, 1922, page 150 ). DÉRIVÉS : Chandellon, substantif masculin. Petite chandelle. Je vous allume un chandellon (JEAN GIONO, Le Chant du monde, 1934, page 134 ).
