Vocabulaire: COMBINE, substantif féminin. A.— Moyen ingénieux et généralement malhonnête de parvenir à ses fins. Petites combines; chercher, trouver une combine. Un univers familier de tractations et de combines (FRANÇOIS MAURIAC, Journal du temps de l'occupation, 1944, page 307 ). Le truc, le marché noir, les combines (PAUL VIALAR, La Mort est un commencement, Le Bal des sauvages, 1946, page 17) : Ø 1. S'il s'agissait de l'aura d'une combinaison dramatique, il n'était certainement pas question d'une ruse spéciale des dieux dans le genre de celle qui prend Œdipe dans ses filets, mais d'une bonne grosse combine, cousue de fil blanc, solide à toute épreuve et destinée à ratisser aussi bien la belle pièce que le menu fretin. JEAN GIONO, Chroniques, Noé, 1947, page 103. — Au singulier collectif. Ensemble de ces moyens, habitude de les utiliser. Dans ce pays où la combine même règne avec nonchalance (ANDRÉ MALRAUX, La Condition humaine, 1933, page 241 ). B.— Affaire hasardeuse, généralement malhonnête, préparée à plusieurs et en cachette. Être dans la combine. Elle veut que j'entre dans quelque combine (SIMONE DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, page 470) : Ø 2. Il donne des gages à la réaction, et il croit que les républicains marcheront dans la combine. LOUIS ARAGON. Les Beaux quartiers, 1936, page 204. Forme dérivée du verbe "combiner" combiner COMBINER, verbe transitif. A.— Associer, assembler, suivant des rapports déterminés, deux ou plusieurs choses en vue d'un résultat précis. Combiner des éléments, des formules, des nombres; combiner à (et plus usuellement) avec; combiner des choses ensemble, entre elles. 1. [Le complément désigne un objet concret] L'un et l'autre de ces maîtres a su combiner ses couleurs dans des relations habiles et justes (GEORGES-CHARLES, DIT JORIS-KARL HUYSMANS, L'Art mod, 1883, page 203 ). Ø 1. Il assemble et combine des carrés, des triangles, des croix, pour restituer aisément l'essentiel d'un modèle qu'il risquerait de laisser échapper dans sa complexité. RENÉ HUYGHE, Dialogue avec le visible, 1955, page 169. · Emploi pronominal avec valeur passive. Il fallait que la juxtaposition de ces éléments semblables se combinât dans l'unité de la voûte (PAUL CLAUDEL, Art poétique, 1907, page 210 ). — Spécialement. CHIMIE. Faire réagir un corps sur un ou plusieurs autres corps de manière à en obtenir un nouveau : Ø 2. Les haptènes sont des substances grasses et des sucres. Quand on les combine à une matière protéique, le composé, injecté à un animal, détermine l'apparition dans le sérum de substances nouvelles, les anticorps spécifiquement opposés à l'haptène. ALEXIS CARREL, L'Homme cet inconnu, 1935, page 289. · Emploi pronominal. Le fer possède la propriété de se combiner au carbone quand il est porté au rouge au contact de celui-ci (ROBERT BARNERIAS, Manuel des aciéries, 1934, page 64 ). 2. [Le complément désigne une chose abstraite] Combiner des actes, des hypothèses, des idées. S'il s'agit de combiner, d'organiser logiquement les conséquences d'un principe (AUGUSTIN COURNOT, Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique, 1851, page 419 ). Combinant avec une ingénieuse exactitude occupations et distractions (SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, page 58) : Ø 3. La connoissance du théâtre seule apprend à circonscrire l'événement principal et à faire concourir tous les accessoires au même but. Mais, combiner les effets, semble presque aux Allemands de l'hypocrisie, et le calcul leur paroît inconciliable avec l'inspiration. GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, De l'Allemagne, tome 3, 1810, page 46. Remarque : Emploi pronominal Des forces d'enthousiasme capables de se combiner avec la morale du bon travail (GEORGES SOREL, Réflexions sur la violence, 1908, page 386). — [La notion de rapport s'établit dans le temps] Faire coïncider. Elle [l'armée de la Loire] doit combiner son action avec une sortie de Trochu (GUSTAVE FLAUBERT, Correspondance, 1870, page 180 ). B.— [L'objet désigne une entreprise comportant plusieurs étapes, une réalisation matérielle ou intellectuelle présentant différents aspects] Préparer, mettre au point, organiser avec minutie et habileté. Combiner une action, une bataille, des projets, des plans, un voyage. Noter partout ces toilettes, les combiner ou les inventer, est une de mes principales préoccupations (STÉPHANE MALLARMÉ, La Dernière mode, 1874, page 742) : Ø 4. Un banquier s'habitue à combiner les affaires, à les étudier, à faire mouvoir les intérêts, comme un vaudevilliste se dresse à combiner des situations, à étudier des sujets, à faire mouvoir des personnages. HONORÉ DE BALZAC, Splendeurs et misères des courtisanes, 1844, page 235. · Absolument. Élaborer des idées, des plans, calculer, en vue d'un certain but. L'instinct qui flaire et l'intelligence qui combine (VICTOR HUGO, Les Misérables, tome 2, 1862, page 341 ). Un homme qui sait merveilleusement combiner (MAURICE BARRÈS, Mes cahiers, tome 10, 1914, page 312) : Ø 5. Nous ne pouvons penser, combiner, calculer, conjecturer qu'en négligeant la plus grande part de ce que nous percevons, et la totalité de ce que nous ne percevons pas. PAUL VALÉRY, Mauvaises pensées et autres, 1942, page 211. — Péjoratif. [D'après la nature sémantique de l'objet] Préparer une affaire sournoisement à l'aide de moyens astucieux et peu honnêtes. Combiner des mensonges, sa vengeance. En un clin d'oeil mes lascars avaient combiné leur coup (PIERRE MILLE, Barnavaux et quelques femmes..., 1908, page 183) : Ø 6.... cette fois, la Belcredi tenait sa proie; elle avait tout loisir de combiner et d'arranger ses trames. L'entreprise était obscure, hasardeuse, et il y fallait, semblait-il, une patience de plusieurs vies,... ÉLÉMIR BOURGES, Le Crépuscule des dieux, 1884, page 74. Remarque : On rencontre dans la documentation combineur, euse, substantif. Combineur d'affaires (ALPHONSE DAUDET, Immortel, 1888, page 174) et employé adjectivement, synonyme de combinard*. Dévorés de petites intrigues, débineurs, combineurs (JULES ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, Verdun, 1938, page 217). STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 918. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 1 589, b) 1 000; XXe. siècle : a) 862, b) 1 493.
