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Considérations générales sur la méthode des sciences ; La conceptualisation du réel; Le fait scientifique

Publié le 12/11/2016

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scientifique

Qu’est-ce à dire ? — Rien de plus, ni rien de moins que ce qui vient d’être exposé, touchant le caractère « abstrait » de toute pensée scientifique. Et si nous y insistons, quand même, c’est que trop souvent le débutant est déconcerté par cette vérité pourtant simple. Il songe que le sàvant — mis à part le mathématicien — s’occupe bien de choses réellement existantes, concrètes,... et non pas d’un vague irréel. Pour vaincre cette impression première et « instinctive », regardez autour de vous, et fixez votre attention sur n’importe quel objet particulier. Soit, dirons-nous, ce vase de cristal contenant quelques roses. Supposez maintenant que, au lieu de vous borner à la simple perception, aux sensations de couleur, de parfum, etc., vous décidez, comme par jeu, de considérer tout cela scientifiquement. Vous constaterez aussitôt (et cela nous rappellera le problème de l’éléphant, évoqué au précédent chapitre) :

 

1° que vous êtes alors contraint de prendre sur l’objet toute une série de « points de vue », qui seront précisément des abstractions. Par exemple : la masse, la couleur (qu’est-ce que la couleur ?), la fleur .(qu’est-ce qu’une fleur ? Un phanérogame, etc.), la température apparente du cristal (conducteur de la chaleur, il nous paraît « froid », etc.)...

1. — LA CONCEPTUALISATION DU RÉEL.

 

Sous une expression d’apparence rébarbative, — conceptualisation du réel, — se cache une notion à la fois très simple et très importante, comme nous l'allons voir.

 

André Lalande caractérise les sciences, dans leur ensemble, par ce qu’il nomme une triple assimilation : assimilation des choses entre-elles, des choses à l’esprit, des esprits entre eux. Qu’entend-il par là ?

 

1° Assimilation des choses entre elles. — Nulle science (sauf, en partie, l’Histoire) ne peut avoir exclusivement pour objet le particulier.

 

II n’y a de science que du général », disait déjà Aristote.

 

Assimiler, c’est rendre semblable. C’est, du point de vue qui nous intéresse, ranger dans un même groupe des êtres ou des choses, en négligeant celles de leurs différences individuelles qui sont jugées accessoires, pour ne retenir qu’un caractère commun délibérément fixé par l’esprit. Prenons aussitôt des exemples, afin de rendre sensible et familière la notion de concept, idée abstraite et générale.

 

La Baleine, le Tigre, la Chauve-Souris sont des Mammifères.

 

En quoi le terme Mammifère est-il abstrait ? Tout simplement parce que c’est un caractère pris à part, une notion en même temps générale, utilisée pour définir et désigner. En effet, abstraire, c’est considérer à part une qualité d’un objet, d’un être (etc.) en négligeant momentanément les autres. Et généraliser, c’est appliquer une idée abstraite à un nombre indéterminé d’êtres ou d’objets.

 

Si nous disons Vertébré, par exemple, ce sera également un concept qui, d’ailleurs, aura plus d’extension puisqu’il conviendra à beaucoup plus d’Espèces.

 

Si nous appelons le réel ce qui nous est donné par la perception pure et simple, nous comprenons bien que conceptualiser le réel ne peut se faire que grâce aux savoirs recueillis par nous, et lentement édifiés au cours des âges. L’ignorant, l’enfant, et même certains « savants » d’autrefois ont pu prendre la Baleine pour un Poisson et

Avant de passer à d’autres questions, mentionnons, car l’intérêt n’en est point périmé, ce que Bacon appelait les faits privilégiés : les faits ostensifs (où la propriété étudiée se montre le plus nettement) ; les faits clandestins (où ladite propriété se montre à son plus bas degré) ; les faits de conformité (ceux où se remarquent des analogies intéressantes, par ex. les organes homologues chez les Vertébrés) ; les faits de déviation (anomalies, pathologie, etc.) ; les faits itinérants (faits de développement, d’évolution, germination d’une graine, phases du développement embryonnaire, etc.) ; enfin, les faits limitrophes (par ex. dans l’étude des phénomènes vitaux, la mosaïque du Tabac, etc.) ...

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« SCIENCES DE LA MATIÈRE.

-LE FAIT SCIENTIFIQUE 85 la Chauve -Souris pour un Oiseau.

L'assimilation des choses entre elles autrement dit la conceptualisation vaudra donc ce que valent les savoirs sur lesquelles elle s'appuie.

Ce que nous apprenons dans les écoles, dans les universités, dans les livres, ce sont les notions rectifiées, précisées, augmentées par le progrès des sciences.

Naturellement, ce progrès a exigé souvent de nouveaux concepts (ex.

: électron, plasma, germen, gan1ètes, ·etc.) correspondant à la découverte de réalités autrefois ignorées.

S'instruire , c'est, en somme, acquérir la connaissance la plus riche et la plus exacte possibles des notions qui sont sous-entendues par les mots désignant des concepts.

Nous sentons bien qu'un même mot -le mot atome, par exemple ­ n'a pas la même signification quand il est employé par un profane ou par un spécialiste éminen:.

Dans la pensée d'un EP!CURE ou d'un LucRÈCE, il avait un contenu d'une extrême pauvreté, si nous le com­ parons avec ce qu'il représente de nos jours pour un Niels BoHR ou un Louis de BROGLIE.

2° L'assimilation des choses à l'esprit est étroitement liée à l'assi­ milation des choses entre elles.

Elle en est le principe, plutôt que la conséquence.

C'est ce qu'il entre de rationnel, de progressif dans l' assimilation primitive fondée sur des ressemblances ou analogies superfi cielles.

C'est aussi, dans une proportion variable, selon la complexité des objets étudiés, selon l'état d'une science à un moment donné, la possibilité de saisir ce que nous avons appelé la raison intelli gible d'un phénomène .

3° L'as simila tion des esprits entre eux.

Cela signifie que la Science n'est pas, à proprement parler, «individuelle », même si des hommes de grande valeur ont contribué à la former.

Elle est le fait de sous­ group es, d' «équipes », dans le temps et dans l'espace.

Après, parfois, des divergences, les esprits (ajoutons : compétents) se mettent d'accord sur ce qu'ils admettent pour vrai.

Les exemples seraient nombreux, à cet égard, dans l'histoire des sciences.

Citons, dans un passé rela­ tivement récent les théories de Louis Pasteur, celles d'Albert Eins­ tein, etc ...

Pour le moment, retenons surtout, puisque nous allons analyser ce qu'il faut entendre par fait scien tifiqu e, l'assimilation des choses entre elles.

Nous espérons avoir permis de bien comprendre ce que signifie abstraire (en même temps que généralise r), et par conséquent, en quoi consiste la « conceptualisation du réel » ••• II .

- QU'EST-CE QU'UN FAIT SC IENTIF IQUE ? Une boutade qui nous semble précieuse sous son allure paradoxale est celle du naturaliste Frédéric HouSSAY (186o- I920) • Un fait, cela n'existe probablement pas"··· Précieuse pour l'étudiant, car elle résume très bien ce qu'il faut avoir compris du fait scientifique.. »

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