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Des critères du beau - Naissance de l'esthétique

Publié le 26/03/2015

Extrait du document

s'agit bien d'un concept fondamental, dans la mesure où pratiquement toutes nos réflexions actuelles sur le beau rel�vent de ce qu'on appelle communément I «esthétique�, chacun comprenant dans le langage courant qu'il y est question de la beauté, naturelle ou artistique.

 

Encore une fois, si la philosophie de l'art ou du beau est aussi vieille que la philosophie elle-même, l'esthétique, elle, est une invention relativement récente, qui n'apparaît vraiment qu'avec la pensée moderne.

 

D'où la question, évidemment légitime, du pourquoi d'une telle mutation : pourquoi la philosophie du beau va-t-elle prendre la forme d'une esthétique?

 

Et que signifie, au fond, cette mutation?

 

Le terme renvoie, en grec, à la notion de sensibilité --- l'aisthesis, c'est la «sensibilité�, l'univers de la sensation dans ce qu'elle a de plus subjectif et de plus intime.

 

En d'autres termes : pourquoi la philosophie du beau va-t-elle prendre, au)(ville si�cle, la forme d'une réflexion sur la sensibilité, c'est-à-dire sur ce qui, dans notre subjectivité, est le plus subjectif?

 

La sensibilité, en effet, est à l'évidence plus subjective que la raison.

 

La sensibilité apparaît comme le coeur du coeur de la subjectivité.

 

Ce dernier va se définir, de mani�re subjective, comme un «homme de goût�, comme un être doué d'une sensibilité aiguë, le concept de goût émergeant pratiquement en même temps que les premi�res esthétiques pour désigner la faculté de distinguer le beau du laid.

 

L'art romantique dit la même chose que la philosophie ou la politique romantiques, mais il exprime ses idées, ses symboles et ses valeurs dans un matériau sensible qui les rend accessibles à tous.

 

On peut écouter Schubert ou admirer la peinture hollandaise sans être nécessairement passé par le conservatoire ou les Beaux-arts, sans être musicologue ou peintre soi-même.

 

Dans l'Antiquité, il est clair que la notion qui domine l'art est avant tout celle d'harmonie cosmique.

 

L'artiste est celui qui a pour vocation et pour talent d'incarner dans un matériau sensible les propriétés harmonieuses de cet ordre du monde que les Grecs désignent, comme nous l'avons vu dans des leçons antérieures, sous le nom de cosmos.

 

L'oeuvre d'art, dans cette perspective, est conçue comme un micro-cosmos : elle poss�de «en petit� les mêmes qualités que l'ordre du monde, à savoir l'harmonie, la justesse et la beauté, trois concepts pratiquement équivalents dans la pensée grecque.

 

L'oeuvre d'art, c'est pour ainsi dire l'harmonie du cosmos en concentré, exprimée dans un objet particulier.

 

Il suffit de contempler les statues, les temples ou les amphithéâtres grecs pour voir que la préoccupation principale est la symétrie, l'harmonie, la juste proportion des muscles, des différentes parties du corps, des visages ou des édifices.

 

statues grecques, à l'image des divinités ou des héros qu'elles sont censées représenter, sont parfaites, comme est parfaite l'harmonie du grand Tout.

 

Elles constituent en cela la «présentation� (exactement ce que le mot Darstellung traduit dans la langue de Kant ou de Hegel) ou l'illustration en miniature de l'harmonie qui caractérise l'univers tout entier, en quoi elles sont bien un microcosme.

 

Ce que la tragédie grecque met en sc�ne, pour l'essentiel, en reprenant les principaux mythes qui infiltrent toute la culture commune des Grecs, ce sont les menaces qui p�sent sans cesse contre cette fragile harmonie.

 

Dans les douze travaux d'Héracl�s, par exemple, le héros --- qui n'est qu'un lieutenant de Zeus, le roi des dieux garant de la pérennité de l'ordre cosmique qu'il a si péniblement instauré par sa victoire contre les forces du chaos représentées par les premiers dieux, les Titans --- le héros, donc, est celui qui terrasse les monstres susceptibles de porter atteinte à l'harmonie parfaite du cosmos.

 

Il est donc celui qui, par excellence, «maintient l'ordre�, cet ordre dont, de son côté, l'artiste cherche à mettre en sc�ne et en oeuvre la justesse et la beauté.

 

Deuxi�me grand moment, l'art du Moyen Âge.

 

apparaît pour l'essentiel comme un art religieux.

 

Il ne s'agit plus d'incarner dans l'oeuvre les propriétés admirables de l'ordre cosmique, comme chez les Grecs, mais d'illustrer les multiples aspects de la splendeur du divin.

 

D'où la récurrence des th�mes religieux, empruntés aux textes sacrés, à la Bible ou aux Évangiles.

 

Que l'on consid�re l'art cosmique des Grecs ou l'art religieux du Moyen Âge, notons que, dans les deux cas, il s'agit d'incarner dans un matériau sensible des symboles, des valeurs, des idées qui sont censés être extérieurs et supérieurs à l'humanité.

 

« Je me réjouis de vous entretenir aujourd'hui d'un thème qui me passionne depuis bien longtemps : la nais­ sance de l'esthétique et la question des critères du beau.

La naissance de l'esthétique va, à partir des XVIIe et XVIIIe siècles, accompagner une véritable révolution du regard porté en Europe sur l'art et, plus généralement, sur la beauté.

Pas de malentendu : la réflexion sur le beau, comme sur le rire, l'amour ou la mort, existe sans doute depuis qu'il y a des êtres humains sur cette terre.

Il y a trente mille ans, l'homme de Cro-Magnon réalisait déjà de magnifiques peintures rupestres, c'est donc peu de dire qu'il ne s'agit pas d'une nouveauté.

On sait aussi que l'apparition de la philosophie en Grèce s'est d'emblée accompagnée d'une réflexion sur la beauté naturelle, mais aussi artistique.

Pourtant, ce n'est qu'au tournant du XVIIIe siècle que la phi­ losophie de l'art prendra explicitement la forme d'une esthétique proprement dite.

Que signifie ce terme ? Pour­ quoi n'apparaît-il qu'au XVIIIe siècle et quelle évolution symbolise-t-il ? Quel lien entretient-il avec la naissance d'une question, elle aussi étrangement nouvelle, celle des critères du beau? Quelles réponses concrètes furent appor­ tées, dès le XVIIIe siècle, à cette problématique inédite ? Telles sont, pour l'essentiel, les questions que je voudrais aborder avec vous et, comme vous allez le voir, elles sont aussi peu banales que prodigieusement intéressantes, du moins bien sûr pour qui s'intéresse un tant soit peu à la beauté et à l'histoire de l'art.. »

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