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La philosophie de Nietzsche

Publié le 21/03/2015

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2. Nous verrons, cf. plus bas, dans notre chapitre V : l'Action, p. 28, quelle action Nietzsche attend exactement de ces futurs philosophes.

 

Toute philosophie est perspective, et donc partielle, et donc fausse aussitôt qu'elle se prend pour l'unique vérité.

 

C'est pourquoi l'esprit libéré de toute conviction unilatérale peut renvoyer dos à dos toutes les th�ses en présence dans tous les chapitres traditionnels de la métaphysique : l'âme et le corps, la substance et le phénom�ne, la liberté et le déterminisme, l'ici-bas et l'au-delà, Dieu.

 

Il n'y a pas plus de substance matérielle, et en particulier pas plus d'atome (VII, 31), que de substance pensante.

 

La substantialité n'est en réalité que la forme ontologique de l'identité.

 

Or les catégories logiques comme l'identité ne correspondent à rien de réel et ne sont que les fruits de simplifications falsificatrices que nous faisons subir au réel, pour en parler, pour le penser et pour y vivre (XIII, 58 sq.).

 

Mais, à nouveau, Nietzsche ne refuse pas une th�se pour adopter l'antith�se : Il n'exclut pas les «monades� de Leibniz pour s'arrêter à l «esse est percipi� de Berkeley, à un univers réduit à des qualités sensibles : «le monde extérieur n'est pas l'oeuvre des organes�, puisque eux-mêmes font partie de ce monde (VII, 33).

 

L'idée d'un libre arbitre humain est quant à elle si aisément réfutable qu'elle ne semble entretenue que tout expr�s pour donner aux «esprits déliés� (VII, 35) l'occasion d'en multiplier les réfutations.

 

Matérialisme comme spiritualisme, phénoménisme comme substantialisme, affirmation d'un déterminisme universel comme affirmation de la liberté humaine, tout cela n'est donc que pure fiction.

 

L'important est en effet bien plutôt de savoir quelle volonté s'y manifeste, quel type de vie s'y exprime.

 

Nous y retrouvons la même volonté de puissance fatiguée et soumise que nous avons déjà décelée à l'origine des diverses philosophies de la connaissance.

 

Ainsi savants et philosophes qui veulent réduire le monde à un cosmos bien ordonné et réglé selon des lois immuables, trahissent, dans de telles «falsifications naïvement humanitaires� (VII, 40), leur volonté de soumission à cet ordre.

 

Ainsi les partisans du «serf arbitre� montrent au généalogiste qu'ils «ne veulent être responsables de rien, coupables de rien et dans l'intime mépris qu'ils ont d'eux-mêmes, entendent se décharger sur n'importe quoi d'un fardeau qui les accablerait� (VII, 39).

 

Quant aux homines religiosi (VII, 63), ce sont, à vrai dire, des «esclaves� qui, en acceptant de croire ce qui contredit le plus élémentaire bon sens, renoncent à leur qualité essentielle d'animaux raisonnables et donc à eux-mêmes : «la foi chrétienne est essentiellement [...] sacrifice [...] de toute confiance de l'esprit en soi-même [...] dépréciation de soi-même, mutilation de soi� (VII, 64).

 

Et c'est pourquoi il va sans cesse déprécier tout ce qui fait la force du fort.

 

Or, la meilleure mani�re de déprécier une chose, c'est de la comparer à quelque autre chose qu'on prétend supérieure ; la meilleure mani�re de déprécier la vie du fort, c'est d'inventer une autre vie, qu'on prétendra supérieure, par rapport à laquelle cette vie et cette force ne valent plus rien, c'est d'inventer un idéal par référence auquel on pourra déprécier le réel.

 

Il le découvre encore dans l'hypoth�se --- chrétienne et platonicienne2 --- de l'au-delà : C'est «pour pouvoir dire non à tout ce qui représente sur terre le mouvement ascendant de la vie� que «l'instinct du ressentiment devait inventer un autre monde, à partir duquel cet acquiescement à la vie apparaîtrait comme le mal en soi� (VIII, 182).

 

Or, une nouvelle fois, c'est le concept de volonté de puissance qui va servir de base à sa démarche.

 

Et ceci va nous permettre de franchir une nouvelle étape dans la compréhension de ce concept que nous nous sommes donné pour tâche d'élucider et que nous allons rencontrer ici dans un tout nouveau rôle, non plus seulement axiologique mais métaphysique.

 

Que vaut cette nouvelle psychologie estimée selon la volonté de puissance qui s'y exprime?

 

C'est de cette subjectivité du corps qu'il faut partir2, c'est d'un moi volonté de puissance.

 

Or, si un agent pouvait être dit coupable et condamnable parce qu'il aurait pu agir autrement, en revanche «exiger de la force qu'elle ne se manifeste pas comme force 1...1 est aussi absurde qu'exiger de la faiblesse de se manifester comme force� (VII, 241).

 

Et par là la voie est ouverte qui permet de comprendre la connaissance comme perspective2.

 

C'est pour cette raison que la tradition platonicienne et chrétienne3, parachevant en cela sa dévalorisation de l'ici dont elle faisait ainsi un ici-bas, lui opposait un au-delà éternel.

 

Comme le firent en leur temps Socrate ou les fondateurs du protestantisme --- car c'est à des personnages de ce niveau que pense Nietzsche --- ces philosophes devront savoir se montrer en totale rupture, «nécessairement� (VII, 132) en contradiction, avec leur civilisation.

 

La leur provocante immoralité rendrait tout à fait révoltantes --- et tout à fait stupides, ce qui sufffirait déjà à exclure qu'on puisse y voir la pensée de Nietzsche --- s'il fallait les prendre au premier degré.

 

Nous tenterons, dans notre vocabulaire, de procéder, de mani�re un peu détaillée, à cette double lecture (cf. les articles «Aristocrate� et «Esclave�).

 

1. Ce chapitre IV, où nous avons d'abord examiné ce que Nietzsche annonce avant d'examiner ce qu'il rejette, suit donc l'ordre --- moins pédagogique mais plus authentiquement nietzschéen --- inverse à celui suivi dans les chapitres précédents.

 

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« 4 devenir • juif • lion • maître • mort de Dieu • nihilisme, « nihilisme européen » • perspectivisme • probité ou « propreté » • ressentiment • retour éternel • surhomme • tables • tragédie • transmutation • vie • volonté de puissance • Zarathoustra • Indications bibliographiques Sommaire 63. »

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