NAISSANCE DE LA PHILOSOPHIE À L’ÉPOQUE DE LA TRAGÉDIE GRECQUE (LA), Friedrich Wilhelm Nietzsche

« N FR ~ DRICH E La Naissance de la tra édie La Naissance de la tragédie est dédié à Richard Wagner, que Nietzsche admira beaucoup durant sa jeunesse : l'opéra wagnérien lui apparaît comme un retour génial à cette œuvre d'art totale qu'était la tragédie grecque.

La Naissance de la tragédie est le premier texte important de Nietzsche ; il fut écrit en 1870- son auteur avait vingt-six ans ! Dessins de Maja Une relecture de la tragédie grecque classique L a Naissance de la tragédie a tout d'abord pour sujet un genre littéraire très ancien : celui du théâtre grec des ve et JVe siècles avant Jésus-Christ.

En effet, Nietzsche s'interroge sur les composantes de la tragédie : le chœur, le satyre, le héros, la danse, la musique.

Le philosophe, alors philologue, va jusqu'à juger les dramaturges : Eschyle lui semble à l'origine du genre, il garde son authenticité, sa vigueur ; Sophocle hérite de ce dernier mais inaugure une perversion de la littérature grecque tandis qu'Euripide apparajt comme le symbole même de cette dégénérescence.

Mais ce premier ouvrage fonde une pensée bien plus vaste qui concerne principale­ ment notre époque: en s'interrogeant sur l'opéra wagnérien ou les drames de Goethe, Nietzsche trouve des signes qui nous rapprochent des Grecs : « Cette découverte inaugure une culture que j'oserai appeler tragique et dont le trait saillant est qu'elle remplace la science par une sagesse qui( ...

) fixe un regard impassible sur la structure de l'uni­ vers et cherche à y saisir la douleur éternelle où elle reconnaît( ...

) sa propre douleur.

» Art dionysiaque et art apollinien L es dieux Dionysos et Apollon sont à l'origine de cette douleur : de leur lutte va naître et périr la tragédie.

A l'origine, cette dernière naît des sourires et des larmes de Dionysos, dieu de gaieté, de dépense, de furie destructive.

Eschyle reste au plus près de ce fait.

Mais Apollon, s'opposant à Dionysos par son impassibilité, séduit peu à peu le monde grec, ses dramaturges et ses philosophes : ainsi Euripide, ainsi Socrate qui donne naissance à l'apollinienne ratio­ nalité.

Constatant un évident recul de la raison depuis la philosophie des lumières, Nietzsche annonce notre passage d'un monde apollinien à une pensée diony­ siaque : « Nous revivons dans l'ordre in­ verse, en quelque sorte, les grandes époques del' âme grecque et nous semblons remonter à présent d'un âge alexandrin vers la période de la tragédie.» Ce retour à la tragédie implique un retour à Dionysos, à son unité primordiale, et un rejet d'Apollon, de son individualisation négative.

Première œuvre de Nietzsche, La Naissance de la tragédie est aussi bien une redécouverte de l'art grec que la fondation d'une philosophie moderne.

« Sous le charme de Dionysos, c'est peu de dire que la fraternité renaît ; la nature, devenue étrangère, hostile, ou réduite à la servitude, célèbre sa réconciliation avec l'homme, son fils prodigue.

». »