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La reprise des essais nucléaires français

Publié le 06/12/2018

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Lors de la dernière campagne présidentielle, on s'était interrogé sur la possibilité pour la France de reprendre ses essais nucléaires. En mai 1994, François Mitterrand avait affirmé qu'il s'en abstiendrait et prédit que son successeur agirait de même : « Après moi, on ne le fera pas. Voilà une prévision. » Le 13 juin 1995, Jacques Chirac a donné tort à son prédécesseur en annonçant sa décision « irrévocable » de procéder, entre septembre 1995 et mai 1996, à une série de quelque huit tirs nucléaires souterrains au Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP), précisant qu'après ces ultimes essais, la France opterait pour la simulation. En effet, Paris s'est engagée à signer le futur traité d'interdiction complète et définitive des essais nucléaires, dit « CTBT » (Compréhensive Test Ban Treaty), en cours de négociation à la Conférence du désarmement, à Genève. Or il est prévu que ces pourparlers aboutissent à l'automne 1996. C'est donc avant cette échéance que la France pouvait convenir d’achever le programme d'essais nucléaires interrompu par le moratoire du 8 avril 1992. 

La reprise des essais nucléaires par la France, qui met fin au moratoire unilatéral observé depuis 1992, a suscité de vives réprobations de par le monde. Néanmoins, le président de la République s'en est tenu à sa décision, et le premier tir de cette ultime série a eu lieu le 5 septembre 1995.

« U ne arme thermonucléaire ( « bombe H ») est constituée de trois « étages >> : un explosif chimique déclenche une amorce de matière fissile, généralement du plutonium, qui pro­ voque à son tour la fusion des atomes lourds d'hydrogène composant le cœur de la bombe, ou« l'étage de puissance >>.

L'une des caracté­ ristiques de ce processus de quelques milliar­ dièmes de seconde -temps pendant lequel la chaleur dégagée atteint des centaines de mil­ lions de degrés -est son extrême sensibilité aux variations des matériaux qui entrent dans la composition de la bombe et aux aléas de sa fabrication.

Jusqu'à présent, les tirs en grandeur réelle permettaient de vérifier le bon fonction­ nement des armes nucléaires.

La France ne pourra dorénavant compter que sur la simula­ tion numérique pour garantir la sûreté et la fia­ bilité de son arsenal lors du renouvellement de ce dernier.

La simulation associe des ordina­ teurs extrêmement puissants à toute une pano­ plie d'expériences en laboratoire, réalisées au moyen de lasers et d'accélérateurs de parti­ cules.

Les paramètres recueillis lors de ces expériences sont introduits, comme autant de pièces d'un puzzle, dans un modèle numérique global reconstituant le fonctionnement de l'ar­ me dans toute sa complexité.

Ces paramètres sont, en outre, « calés >> sur les résultats des essais réels antérieurs.

Selon les ingénieurs du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), les données issues d'une quarantaine de tirs réali­ sés en Polynésie française, auxquels s'ajoutent les ultimes essais décidés en juin 1995, sont ainsi encore « exploitables >>.

Un premier type d'expérience, les tirs dits « froids >>, où la matière nucléaire est remplacée par des maté­ riaux inertes tels que l'acier ou le plomb, per­ met de tester le comportement de l'engin lors de la première phase : l'explosion chimique.

Le dégagement d'énergie de fission, qui entre ensuite en jeu, est un phénomène déjà bien connu.

En revanche, la troisième phase, celle de l'étage thermonucléaire, est très délicate à approcher en laboratoire du fait des conditions extrêmes de pression et de température néces­ saires à la fusion des noyaux d'atomes d'hydro­ gène.

Dans son centre de recherche de Limeil­ Valenton, en région parisienne, le CEA par­ vient, grâce au laser Phébus, à reproduire à une échelle beaucoup plus réduite des phénomènes intervenant dans les explosions thermonu­ cléaires.

En portant à plusieurs millions de degrés un mélange de deutérium et de tritium, deux isotopes de l'hydrogène, contenu dans une bille de verre d'environ 1 millimètre de diamètre, les deux faisceaux de Phébus provo­ quent des réactions de fusion semblables à celles qui se produisent au cœur du Soleil et des étoiles.

Mais Phébus, conçu au début des années quatre-vingt en coopération avec les États-Unis, n'est pas assez puissant pour déclencher l'« allumage >>, c'est-à-dire une combustion du mélange gazeux deutérium-tri­ tium s'entretenant d'elle-même et générant plus d'énergie qu'elle n'en consomme.

Le dévelop­ pement de la simulation a également été limité par l'insuffisance des instruments de calcul dont disposait le CEA.

Aussi, prévoit-on toute une série d'investissements qui devraient com­ mencer à porter leurs fruits vers 2005.

Il s'agit d'abord de l'acquisition, pour 400 millions de francs, de superordinateurs américains « vecto- __________________________________________ ....................

_ sciences et techniques 223 Vers la simulation des essais nucléaires La France, qui s'est engagée à signer à la fin de 1996 un traité d'interdiction totale des essais nucléaires (Comprehensive Test Ban Treaty, ou CTBT), mise sur la simulation par ordinateur pour garantir à l'avenir la fiabilité et la crédibilité de sa force de dissuasion.

Toutefois, elle ne disposera de tous les instruments nécessaires qu'au début du prochain millénaire.

lors des « tirs froids >> ou liés à la fission.

Les experts du CEA estiment cependant que la simulation, qui fait appel dans une large mesu­ re à des extrapolations, ne pourra jamais être aussi parfaite que des tests en grandeur réelle, ce qui aura nécessairement des répercussions sur la conception des armes nucléaires futures.

- Après un change­ ment de méthode, le CEA est donc aussi en train de revoir ses ambi­ tions : ses ingénieurs devront concevoir des armes qui pré- Associer de puissants ordinateurs à une panoplie d'expériences en laboratoire riels >> Cray Triton 932, puis de calculateurs dits « massivement parallèles >> Cray T3E, qui multiplient par plusieurs centaines la puissance de calcul.

En deuxième lieu, le gouvernement a décidé la construction dans les Landes d'un laser de puissance -le « Laser Magajoule >> (LMJ) -, qui sera opérationnel vers 2003 et permettra de provoquer l' « allumage >>.

Enfin, un accélérateur de particules générateur de rayons X, dénommé AlRIX, d'un coût estimé à 430 millions de francs, est en cours de construction à Monroviliers, en Champagne.

Il produira des rayons X capables de fournir une image radiographique de milieux de forte den­ sité et de visualiser les phénomènes étudiés sentent des marges de tolérance aux aléas tech­ niques plus importantes que celles existant actuellement.

« Jusqu'à présent, on essayait de faire des Formule 1 qui ne se règlent que sur la piste : maintenant, il va falloir fabriquer des 4 x 4, plus gros, plus lourds, plus solides, moins performants mais qui ne nécessitent pas d'essais préalables >>, explique Marc Launois, directeur adjoint des applications militaires du CEA.

> Emmanuel JARRY et Frédéric NIEL Le laser de puissance Phébus : mise en place de la cible dans la chambre d'irradiation.. »

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