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Conseil d'État, 2 novembre 1992 - la liberté de culte et la laïcité de l'enseignement français

Publié le 06/08/2012

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« Le Conseil d'Etat se place ici en défenseur des libertés individuelles.

On aurait pu penser que le principe de laïcité s'entendait d'une neutralité certes del'Administration, mais aussi des administrés dès lors que la manifestation d'une croyance se fait dans un cadre public.

Ce n'est pas ce qui est retenu par le Conseild'Etat qui affirme au regard des textes cités que c'est l'Etat qui doit être regardé comme laïc et donc soumis à la neutralité, et non la société : l'individu peut très bienexprimer, extérioriser sa religion dans la société, y compris dans le cadre scolaire.

La défense de l'intérêt particulier semble ici très forte.

Toutefois, le Conseil d'Etatapporte un bémol à cette liberté d'expression : elle doit se faire dans un certain cadre. II/ La primauté de l'intérêt général sur l'intérêt particulier La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, qui est le texte fondateur de la liberté de conscience, affirmait déjà que cette liberté devait s'exercer dans lecadre défini par la loi.

Ainsi, la liberté individuelle ne saurait se transformer en liberté anarchique qui conduirait à remettre en cause l'ordre public et la libertéd'autrui.

Aussi, dans l'arrêt Kherouaa, le Conseil d'Etat affirme-t-il que la liberté d'expression est une liberté encadrée (A'), qui peut être limitée par le Législateur(B'). A/ Une liberté encadrée : le nécessaire respect de l'ordre public Le Conseil d'Etat, qui, en protégeant l'exercice de la liberté d'expression, s'est posé en défenseur de l'intérêt privé, n'en affirme pas moins que cette liberté ne sauraitporter atteinte au fonctionnement régulier du service public de l'éducation.

Il indique en effet que la liberté de conscience doit s'exercer « dans le respect dupluralisme et de la liberté d'autrui, et sans qu'il soit porté atteinte aux activités d'enseignement, au contenu des programmes et à l'obligation d'assiduité ».

Et le jugeadministratif ajoute que ces conditions générales se manifestent dans le cadre d'établissements scolaires par une interdiction « d'arborer des signes d'appartenancereligieuse qui, par leur nature, par les conditions dans lesquelles ils seraient portés individuellement ou collectivement, ou par leur caractère ostentatoire ourevendicatif, constitueraient un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande, porteraient atteinte à la dignité ou à la liberté de l'élève oud'autres membres de la communauté éducative, compromettraient leur santé ou leur sécurité, perturberaient le déroulement des activités d'enseignement et le rôleéducatif des enseignants, enfin troubleraient l'ordre dans l'établissement ou le fonctionnement normal du service public ».

Or, en l'espèce, le port du voile par lesjeunes filles qui ont été exclues, ne répondait pas selon le Conseil d'Etat à l'une de ces situations, et donc ne pouvait être considéré comme illégal.

Le jugeadministratif pose ainsi des conditions générales et est amené à faire une appréciation « in concreto » de chaque situation.

Dans un arrêt du 20 octobre 1999, dit« Ministre de l'Education Nationale contre M.

et Mme Ait Ahmad », le juge a considéré que si le port du foulard ne respectait pas les conditions posées, il pouvaitconfirmer la décision d'exclusion de l'établissement.

En l'espèce le juge avait à examiner le refus d'une élève d'ôter le foulard lors d'un cours d'éducation physique etsportive, ce qu'il a jugé comme étant une perturbation du déroulement des activités d'enseignement et donc contraire au principe de laïcité.Le Conseil d'Etat affirme donc la supériorité de l'intérêt collectif sur l'intérêt particulier, en rappelant qu'il existe des limites à la liberté individuelle et que ces limitesne peuvent être posées que par le Législateur. B/ Le monopole du Législateur En censurant le règlement interne du collège qui interdisait le port du voile de manière générale, le Conseil d'Etat entendait affirmer qu'un simple acte administratifne saurait venir limiter l'exercice d'une liberté constitutionnelle.

Le monopole du Législateur est affirmé par les textes cités en visa par le Conseil d'Etat : laDéclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen affirme que la liberté d'opinion religieuse s'exerce dans un cadre défini par la loi.

La compétence du Législateur estainsi prévue constitutionnellement, puisque ce texte fait partie du Bloc de constitutionnalité : l'administration ne saurait donc y déroger.

La loi applicable en 1992,qui datait de 1989, prévoyait les limites à la liberté d'expression : respect du pluralisme, du principe de neutralité et du déroulement des activités d'enseignement.La jurisprudence du Conseil d'Etat qui se fondait sur ces textes a été critiquée en ce sens qu'elle conduisait comme on l'a vu à une appréciation « in concreto », quimettait en difficulté les chefs d'établissements face à des notions de laïcité, de neutralité, de liberté d'expression, dont la complémentarité n'était pas toujours facile àmettre en œuvre.

Aussi le Législateur, fort de sa compétence, est-il intervenu par une loi du 15 mars 2004, codifiée dans le Code de l'Education.

Désormais, l'articleL.141-5-1 de ce même code interdit le port, dans les écoles, collèges et lycées, de tout signe ou tenue « par lesquels les élèves manifestent ostensiblement uneappartenance religieuse ».

Le Législateur met ainsi expressément un terme à toute ambiguïté et affirme de manière claire la primauté de l'ordre public sur l'intérêtparticulier.

Un équilibre discutable, qui contredit quelque peu la position du Conseil d'Etat mais qui a le mérite d'être clair.. »

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