Devoir de Philosophie

Les incivilités, prémices d'une délinquance aggravée

Publié le 05/12/2018

Extrait du document

Le mot «incivilité» appartient au vocabulaire français depuis le XVIIe siècle : il définit une inobservation des convenances. Il ne s’agit donc pas d’un néologisme ni d’une invention actuelle. Mais, aujourd’hui, il est associé à l’insécurité urbaine. Cette nouvelle utilisation du concept a une histoire plus récente. Aux États-Unis, les premières publications qui s’y réfèrent en criminologie datent du milieu des années 70 et du début des années 80, notamment avec l’article Fenêtres brisées, publié sous la plume de J. Wilson et G. Kelling, qui fait de ces petits désordres un moteur des violences.

On connaît maintenant les coûts des incivilités sur la vie sociale par quelques enquêtes en France : elles augmentent le sentiment d’insécurité, poussent au repli (sur soi, au domicile, dans le travail) ou favorisent la désertion (déménagement, demande de mutation ou absentéisme). Et, même si les personnes les jugent peu graves, celles-ci sont d’autant plus souvent désireuses de quitter leur logement qu’elles les subissent fréquemment (32% contre 2 à 7% pour celles qui sont le plus épargnées, selon un sondage conduit à Saint-Étienne, en 1995). La ségrégation spatiale et sociale ne peut que croître par contrecoup.

 

Les incivilités incitent également à se détourner des institutions en charge (élus, police, justice, etc.), handicapant ainsi les tentatives de mobilisation collective. Les incivilités sont parfois opposées aux délits. Certaines incivilités ne sont pas incriminables par la loi pénale (un groupe de jeunes qui est assis au pied d’une montée d’escalier). Il y en a d’autres qui le sont ou le deviennent (les dégradations, les tags, depuis le nouveau Code pénal de 1993, etc.). Enfin existent des illégalités qui ne sont pas ou sont rarement perçues comme inciviles (par exemple la fraude fiscale) ou des violences qui ne troublent pas la vie sociale (meurtre en famille).

 

La notion d’incivilité vient combler un certain nombre de lacunes conceptuelles. D’une part, l’idée que toute incrimination par la loi (les textes) correspond à une incrimination par les acteurs concrets : nombre de délits ou infractions ne sont plus considérés par la police et la justice comme tels (les «petits vols» de moins de 500 francs, différentes dégradations, etc.). D’autre part, le fait qu’il existe, à côté de la définition légale du délit, une définition sociale du désordre et que cette dernière a toute son importance dans la dynamique qui conduit à faire augmenter la peur et sans doute la fréquence de certaines violences.

Liens utiles