Société: LA LOI
Publié le 27/01/2019
Extrait du document
Actualité de la législation française
«Nul n'est censé ignorer la loi», mais la viabilité de la législation est actuellement menacée, en France comme ailleurs, par la prolifération des textes et l'instabilité des règles.
Le citoyen français est supposé se conformer à près de 150000 textes de portée générale, dont 60 codes, plus de 7500 lois, 82000 décrets, 21000 règlements de l'Union européenne et plusieurs dizaines de milliers de circulaires. Ce stock ne cesse de s'accroître: le Journal officiel est passé de 7000 pages en 1976 à 17000 pages au début des années 1990; les codes du travail et des impôts ont augmenté de volume de 35% en quinze ans et le Journal des communautés de 30%, en six ans. Selon les ministères, le volume annuel des circulaires s'est accru de 50% à 450%. Le volume des textes eux-mêmes ne cesse d'enfler: la taille moyenne d'un texte de loi est passée de 90 lignes dans les années 1950 à 220 lignes dans les années 1990.
Cela a pour conséquence l'allongement des formulaires (aux notices de plus en plus complexes) que doivent remplir les citoyens: les années 1980 ont vu, par exemple, 600% d'accroissement de la notice explicative jointe à la déclaration d'impôt sur le revenu.
Ces tracasseries administratives ont de graves effets: «Qui dit inflation de la loi dit dévalorisation; quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu'une oreille distraite.» (rapport 1991 du Conseil d'État).
C'est le rapport de la loi avec l'actualité de la société qu'elle doit servir qui est en jeu avec la question de la stabilité des règles. S'il est souhai-
table que les textes soient modifiés quand les conditions politiques l'imposent, il semble que le foisonnement des changements ne corresponde pas à des réformes nécessaires.
Le cas du domaine fiscal est à ce titre exemplaire: le régime des dons, des intérêts d'emprunts ou des frais de garde d'enfants a changé cinq fois dans les années 1980; pour les sociétés, le régime des créations d'entreprises a été refondu quatre fois entre 1989 et 1992. Par un mouvement de balancier, les modifications se font, dans un premier temps, au nom d'une plus
grande justice fiscale et, dans un second temps, pour simplifier - ce qui provoque des inégalités et relance le balancier.
Ces problèmes renvoient à la protection de la valeur des lois: un trop grand volume de textes ne permet pas de distinguer l'intention de l'action, l'accessoire de l’essentiel, le possible du souhaitable et ce qui est permis de ce qui ne l'est pas. «Toute loi mal faite - parce qu'elle nourrit l'incertitude, provoque la désillusion ou facilite la fraude - est une atteinte portée à la sécurité juridique du citoyen » (rapport 1991 du Conseil d'État).
«
La
loi
saires qui dérivent de la nature des choses>>
(Montesquieu, De l'esprit des lois, 1748).
Puis
l'idée de «nature des choses», trop marquée par
la pensée religieuse, est remplacée par la raison:
«La loi en général est la raison humaine, en tant
qu'elle gouverne tous les peuples de la Terre»
(Encyclopédie, 1751-1772).
La laïcisation des lois
est achevée: issues de la raison humaine, les lois
politiques et civiles de chaque nation s'éta
blissent.
C'est le temps où Montesquieu demande
aux juges de n'être « que la bouche qui prononce
les paroles de la loi; des êtres inanimés qui n'en
peuvent modérer ni la force ni la rigueur» (De
l'esprit des lois).
Le législateur est subordonné
hiérarchiquement à une règle supérieure, que la
Révolution française définit comme instrument
de réalisation d'une politique et procédé de gou
vernement.
La loi, œuvre de la raison, doit être
également expression de la volonté du peuple.
Le sacre de la loi comme
volonté populaire x
0:
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�
...
La Déclaration des droits de l'homme et du �
citoyen emprunte au Contrat social de Rousseau
(1762) sa définition: «La loi est l'expression de la
volonté générale.
>> La primauté de la loi dans son
identification à la volonté du peuple définit alors
la souveraineté nationale.
Les théoriciens de
l'Assemblée constituante, composée d'« hommes
sages et éclairés» fontde la loi à la fois l'œuvre de
la raison et de la volonté du peuple.
LAssemblée
produit les lois: ses délibérations font n�ütre la
volonté du peuple et son vote l'exprime.
A partir ::;; �
Le Vredespalels,
Palais de la Paix,
fut construit à La Haye
entre 1907 et 1913
pour abriter les
administrations des conférences de
la pa/x.
Ces réunions
Internationales
avalent lieu
régulièrement depuis 1898, et se donnaient
pour but de maintenir
la pa/x par la
diplomatie plutôt que
par la force.
On créa
à cet effet une Cour
permanente
d'arbitrage, ancêtre
de l'actuelle Cour
Internationale de
justice qui y siège à
présent.
' Le Conseil d'État
sur /a place
du Palais-Royal
à Paris est l'organe
consultatff
et juridictionnel
supréme de
l'administration
française.
Les
missions de cette
Institution sont
multiples, mals
son rôle primordial
consiste à conseiller
� le gouvernement
:;::,.
8� qui doit notamment
lui soumettre
� tout projet de loi.
des travaux de la Constituante, Napoléon met en
œuvre le Code civil, qui aboutit en 1804 à un
recueil de lois applicables à l'ensemble du terri
toire (et rendant caduques les lois préexistantes);
plus tard baptisé Code Napoléon, il a largement
été remanié et réactualisé depuis.
La loi est désormais l'outil qui affranchit les
gouvernés de leur soumission à des volontés sub
jectives (celles du roi et de son administration) parce
qu'une autorité impersonnelle garantit sa
production.
On remarque que, la royauté dispa
rue, une nouvelle majesté naît, celle de la loi, qui
rejaillit sur l'Assemblée.
Générale et impersonnelle, la première loi
républicaine est également permanente.
Sa géné
ralité est celle de principes universellement
valables; elle est impersonnelle en ce qu'elle ne
concerne «jamais un homme comme individu,
ni une action comme particulière» (Rousseau);
elle est permanente parce que stable malgré les
revirements des gouvernements.
État, législation et liberté
Le débat sur les relations qu'entretiennent les
lois, l'État et les libertés individuelles se résume
aux réponses divergentes qu'y a apporté la philo
sophie politique du xv11• siècle: comment l'har
monie de la société est-elle possible avec des
hommes fondamentalement égoïstes?
La contradiction entre les besoins d'harmo
nie sociale et la satisfaction des intérêts égoïstes
de l'humanité a produit deux solutions oppo
sées: le contrat social en sa version la plus
récente, l'État-providence, et l'harmonie autoré
gulée par l'échange des intérêts sur le marché.
D'un côté, le commandement et l'obéissance
fondée sur la loi et sur l'État ; de l'autre, un
ordre spontané assuré par le commerce: l'éco
nomie de marché mondialisée.
Ce clivage se
cristallise en deux courants d'idées: la social
démocratie, avec ses États-nations législateurs,
et le libéralisme, qui considère l'ordre véritable
comme spontané et toute intervention législatrice
comme nuisible aux libertés individuelles.
À l'État-nation providence, qui s'appuie sur une
loi écrite, révisée selon les besoins et à laquelle
tous se réfèrent, le libéralisme oppose une
conception de la société gérée par la négocia
tion, au cas par cas, assurée par les seules rela
tions de commerce.
Loi écrite contre jurisprudence
La loi comme source du droit est le propre de la
famille latino-germanique.
Dans les systèmes juri
diques anglo-saxons, le droit est fondé sur le prin-.
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