1995: FRANCE : LA VICTOIRE DE JACQUES CHIRAC.

FRANCE : LA VICTOIRE DE JACQUES CHIRAC. Le 8 mai 1995, on a pu voir deux chefs d’État côte à côte, célébrant la victoire des Alliés cinquante ans plus tôt, l’un venant d’être élu et sur le point d’entrer en fonctions, l’autre encore président pour quelques jours au terme de quatorze ans de pouvoir. Symbole d’une France de la cohabitation, cette alternance semble mettre définitivement fin à l’affrontement idéologique entre la gauche et la droite, d’autant que Jacques Chirac avait pris pour thèmes de sa campagne électorale quelques idées fédératrices telles que la lutte contre la « fracture sociale » et qu'il n'avait pas hésité à brocarder « l’immobilisme »

de la politique d’Edouard Balladur. Contre toute attente, c’est le candidat socialiste, Lionel Jospin, qui arrive en tête du premier tour de scrutin et réussit ainsi à s’imposer à la tête d’un parti qui reste, toutefois, à reconstruire. Pourtant, les contraintes économiques prennent vite le dessus. Les réformes promises sont ajournées et un plan de redressement des comptes sociaux, lancé. L’absence de consultation des syndicats entraîne le plus vaste mouvement de protestation que la France ait connu depuis 1968.

LA FRANCE ET L’ALGÉRIE. L’explosion d’une bombe sur la ligne B du RER, à la station Saint-Michel, à Paris, a brutalement réactivé sur le sol français le conflit qui déchire l’Algérie depuis près de cinq ans. Il s’avère assez rapidement que des réseaux terroristes, plus ou moins directement liés au Groupe islamique armé, se sont implantés en France. Représailles après la prise d’assaut, en décembre 1994, de l’Airbus détourné par un commando du GIA ou remise en cause plus directe de la politique du gouvernement français à l’égard de l’Algérie ? Hésitant, dans un premier temps, entre la collaboration avec les autorités algériennes dans la lutte contre le terrorisme et la voie du dialogue avec les islamistes, la France semble avoir finalement opté pour la première solution. Toutefois, elle ne peut agir sans courir le risque de s’immiscer dans les affaires intérieures de l’Algérie. Une rencontre entre le président Jacques Chirac et Liamine Zéroual, candidat à sa propre succession, est ainsi annulée dans la plus grande confusion. L’élection de ce dernier, à la fin de l’année, laisse peut être augurer une clarification de ces relations, aussi étroites que périlleuses.

RELATIONS INTERNATIONALES. En 1995, les relations internationales sont entrées dans une phase de transition. Après l’euphorie de la fin des années quatre-vingt, des règles clairement établies n’ont pas remplacé l’ordre bipolaire - qui, en fin de compte, était peut-être plus rassurant - de l’après-guerre. Les rapports entre les États-Unis et la nouvelle Russie ne sont pas devenus aussi confiants que certains pouvaient l’espérer. Si le désarmement a progressé, ainsi qu'en témoigne l'engagement des  États à signer le traité sur l’arrêt définitif des essais nucléaires, la question de la dissémination des armes reste menaçante. Quant à la France, en attendant l’entrée en vigueur de celui-ci, elle décide de reprendre ses essais afin, prétend son président, de se préparer aux techniques de simulation. La fièvre indépendantiste, qui s’est emparée d’une grande partie du monde, a gagné également le continent américain... même si les Québécois ont finalement rejeté le projet de souveraineté qui leur était soumis. C’est du Proche-Orient que nous vient peut-être la preuve qu’un règlement pacifique des conflits est, malgré des années de guerre, possible. 

DU NOUVEAU À L’EST. Alors que l'Union européenne est restée impuissante face à la guerre en Bosnie, ce sont les Etats-Unis et la France (dans une moindre mesure) qui prennent la première initiative énergique pour tenter de mettre fin au conflit. Sous la pression du Sénat, qui décide de lever l’embargo sur les armes à destination des Bosniaques, à la suite de l’action résolue de l’émissaire américain, et, surtout, en raison du changement de rapport de forces qui s’est instauré grâce à l’intervention militaire de l’OTAN et de l’offensive croate en Krajina, les

États-Unis réussissent à convaincre les belligérants de s’asseoir à la table des négociations. L’accord de paix de Dayton reprend certaines des clauses déjà prévues dans les derniers plans de partage de la Bosnie-Herzégovine mais prévoit, entre autres, le maintien de l’État dans ses frontières internationales ainsi que le remplacement des Casques bleus par des forces de l’OTAN. En Pologne, les ex-communistes font un retour en force. Ils semblent toutefois prêts à négocier une entrée au sein de l’Europe que soutient l’Allemagne qui a réussi à intégrer ses citoyens de RDA.

JAZZ : ABONDANCE DE BIEN... Point de creux dans la toujours déferlante, vague du jazz ; bien au contraire, une myriade de très bons disques d'où émergent quelques chefs-d'œuvre, que ce soit dans la nouveauté, la réédition ou l'inédit. Et il y en a pour toutes les oreilles : du blues flamboyant (celui du Dr John, pianiste et chanteur de la Nouvelle-Orléans) au discours « har-molodique » de l'impétueux Omette Coleman, de Dee Dee Brid-gewater et son hommage à Horace Silver à l'épanouissement des  talents de ses consœurs Diane Reeves et Jeri Brown,

du Rouge et or de l'organiste Emmanuel Bex (meilleur musicien français de l'année selon l'Académie du jazz) à la furia métissée du groupe Sixun, du New-York Rendez-vous de Didier Lockwood aux Cinémas de Michel Portai, des soirées torrides Lire at the Plugged Nickle par le Miles Davis Quintet 1965 aux sets vertigineux du Keith Jarrett Trio, Lire at the Blue Note, de IAnthologie du Scat à l'intégrale 1959-1960 de John Coltra-ne... Enfin, saluons l'éclosion ou la confirmation d'excellents pianistes : Jean-Michel Pile et Jacky Terrasson. Kennv Drew Jr. Cyrus Chesnut, Julian Joseph. Eric Reed et Stephen Scott.