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“Le cinquième poème visible” de Paul Eluard

Publié le 10/05/2012

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Commentaire de ce texte :

Le texte étudié est tiré du recueil « A l’intérieur de la vue », publié en 1947, soit trois ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Il s’agit d’une poésie : « Le cinquième poème visible », écrit par Paul Eluard, qui a été résistant lors de la Seconde Guerre Mondiale, et qui vient de perdre sa femme Nusch. Nous pouvons alors nous demander où le poète puise son inspiration pour écrire une poésie engagée. La première partie traitera de la vision du monde que l’auteur a, avec un monde vaste mais injuste et anarchique, mais qui devient malgré tout sa source d’inspiration. Enfin dans la seconde partie nous traiterons le côté engagé de la poésie avec la résistance, la mort et l’espoir.

 

Le poète puise son inspiration dans le monde qui l’entoure.

Paul Eluard, par l’intermédiaire de son poème, évoque, suggère un monde vaste, qu’il est difficilement de borner. En effet, la forme du poème peut nous donner un indice. Le poème est en vers libres, et de plus il est composé d’une seule et unique phrase, sans ponctuation, excepté le point final. Cet effet de longueur marque le caractère « innombrable » (v. 1 + 3) de la Terre. Les grandes villes ressemblent à une « rivière d’yeux et de paupières » (v. 13). Cette impression de longueur est aussi renforcée par l’assonance en « i » dans les vers un et trois. L’auteur confronte aussi avec un oxymore les mots « limite » et « étendu » (v. 23), qui montre l’échelle à laquelle on considère le monde. L’énumération au vers 5 de ce qui constitue notre environnement : « des formes des couleurs des gestes des paroles » est une autre preuve de la diversité qui nous entoure. Enfin, Eluard est comme un enfant qui « enfante les mystères » (v. 29) de notre environnement, en restant certainement perplexe. Un monde vaste qui cependant reste injuste et anarchique.

L’auteur critique le côté injuste et anarchique du monde dans lequel on vit. On pourra d’abord remarquer que le mot terre, employé à plusieurs reprises, ne comporte pas de majuscule. Sans doute s’agit-il d’un manque de respect. Tout comme l’expression « malgré la terre moins réelle » (v. 26), qui met la Terre en seconde position, comme si elle était un frein à un ordre juste. Il est même évoqué au vers 20 « l’ordre des ténèbres » qui prime sur « le désarroi du jour ». Il semblerait pour l’auteur que la vie après la mort soit plus harmonieuse que la vie en elle-même, c’est une sorte de mélancolie. Cet aspect est confirmé dans les quatre premiers vers : il y a une symétrie entre les deux alexandrins (v. 1 + 3) avec l’anaphore « je vis dans les images innombrables » couplés avec les deux quadrisyllabes vers 2 et 4. On verra un rapprochement des termes « saisons » et « années » pour le temps qui passe, et un autre rapprochement entre « vie » et « dentelle » pour les difficultés de la vie. Enfin un oxymore met en lumière un problème majeur de nos sociétés. Entre « famine » (v. 19) et « abondance » (v. 19), il y a un monde d’écart, c’est un bon exemple d’inégalité dans le monde, que veut dénoncer Paul Eluard. Un monde bon ou mauvais, peu importe, les poètes essayent de représenter le monde avec ses points positifs et ses points négatifs.

Le poète comme Paul Eluard, a parfois cherché à représenter par la création le monde. L’auteur par l’anaphore « je vis dans les images innombrables » (v. 1 + 3) propose de substituer un monde de beauté à la laideur de l’univers. Même si l’auteur pense que sa création englobe tous les aspects de la vie : il dit que « tout est sur terre avec [lui] » (v. 28). Il traitera aussi bien la « beauté surprise » (v. 6), que la « laideur commune » (v. 7). En effet l’anaphore « je vis » répétée aux vers 1, 3, 9, 10, 11, 16, 19, montre que le poète observe tout, regarde tout pour composer mots par mots son poème. Il est aussi intéressant de remarquer la métaphore de la « dentelle » v. 4, qui contient beaucoup de trous et du vide mais qui donne un beau motif à la fin, et c’est ce dernier caractère qui est retenu le beau motif. Le poème pourra comporter un aspect désagréable, mais l’ensemble de l’œuvre sera quand même une belle création.

 

 

L’auteur prêche une certaine résistance face aux mots de la vie, par l’intermédiaire d’une poésie engagée.

Paul Eluard était résistant actif lors de la Seconde Guerre Mondiale, et son poème en ressent. On retrouvera au vers 9 le verbe « résiste[r] », en effet le poète prône la résistance active devant toute forme de dictature qui priverait de liberté avec un « je » omniprésent. Il est aussi intéressant de remarquer que le poème a été rédigé en 1947 soit quelques années après la Libération, où il a était fêté comme le grand poète de la Résistance. L’auteur vit avec ses « frères retrouvés » (v. 18), qui sont certainement les soldats partis à la guerre et qu’on a retrouvé. Cependant, on peut défendre la liberté mais on ne peut rien faire lorsque la mort arrive.

Paul Eluard a été bouleversé par la mort de sa femme : Nusch, compagne idéale qui l’aura accompagné partout. Il apparaît que l’auteur ait eu un certain dégoût de la vie après cette nouvelle, en effet l’anaphore « malgré la mort » (v. 10 + 26) pose tout de suite ce fardeau que l’intéressé traîne derrière lui, chaque action, chaque effort devient alors une souffrance. C’est une sorte de « tristesse » (v. 9) que le poète tente de surmonter. Malgré cela, une touche d’espoir est déposée par l’auteur.

Paul Eluard finit son poème sur une note d’espoir. Effectivement ce distique est une sorte de conclusion à tout le poème. Il repose sur le fait qu’on « fonde[…] la vie de demain d’aujourd’hui » (v. 12). Il est hors de question de s’effondre au moindre problème, il s’agit de préparer convenablement son avenir à l’avance, et on n’a pas de temps à perdre. On verra aussi la rime intérieure entre « mémoire » et « espoir » (v. 31), car c’est uniquement avec des souvenirs et une réflexion qu’on aura un espoir. Il y a aussi la rime entre « vie » et « aujourd’hui » (v. 32) qui insiste malgré tout sur le fait de savourer chaque instant de la vie ; ça passe par le plaisir de chaque instant.

 

Le monde est fait de bon et de moins bon, il est donc du devoir du poète de s’inspirer de tous les aspects. Paul Eluard réussit à faire une poésie engagée à partir d’observations, en prônant la résistance à toute forme d’oppression, et en surmontant la mort et la douleur pour se forger un avenir plein d’espoirs. La poésie est un moyen de résister et de vivre malgré la mort. Il est alors possible de s’interroger sur la portée réelle d’une poésie engagée.

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