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Agrippa d'Aubigné : Les Tragiques

Publié le 16/04/2011

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  A partir du XVIème siècle, le protestantisme s’oppose au catholicisme. Cette opposition entraine une terrible guerre civile appelée « guerre de religion ». De nombreux auteurs expriment leur position à travers leurs œuvres. Agrippa d’Aubigné (1552-1630) est un calviniste convaincu. Fidèle à la cause protestante, il lutte pour sa foi par les armes ainsi que par la littérature. C’est un poète engagé aux cotés d’Henri de Navarre. Cependant, il quitte la Cour lorsque ce roi abjure pour devenir roi de France. Il est l’auteur de sonnets amoureux. Le texte auquel nous accordons notre attention est un extrait du Chant VII des Tragiques. Ecrite entre 1577 et 1616, cette œuvre est une épopée violente et satirique dans laquelle d’Aubigné dénonce les horreurs des guerres civiles et il met en cause les princes. Dans cet extrait, le poète exprime l’impossibilité des criminels d’échapper au Châtiment divin. De quelle manière le poète essaie-t-il de ramener le lecteur à sa cause ? Notre étude s’organisera autour de deux axes. Nous distinguerons d’une part la dénonciation des criminels de guerres que fait Agrippa d’Aubigné. D’autre part, nous rapprocheront le titre de l‘œuvre des Tragiques avec celui du Chant VII que nous étudions : « les Jugements ».

 

 

Tout d’abord, Agrippa d’Aubigné souhaite témoigner des horreurs des guerres civiles. Dans ce livre VII, le poète affirme le fait que les persécuteurs que sont les catholiques, ont massacré les protestants.

L’extrait présenté révèle, dans un mélange d’épique, de pathétique et de tragique, que les véritables victimes de guerres civiles sont les protestants, hommes innocents et sans défense qui ont été martyrisés par des soldats chrétiens bien armés et impitoyables.Les criminels de guerre ont donc tué beaucoup d’hommes. La mort est omniprésente sur l’ensemble du poème. D’Aubigné les accuse d’avoir servie la mort : « La mort témoignera comme ils l‘ont servie » (vers 39) Les criminels n’ont pas seulement trahis Dieu et les autres hommes ; ils ont aidé le mal absolu qu’est la mort. On note aussi une accentuation pathétique avec le thème de l’enfant innocent et martyrisé : « leur dressant leur supplice en leur premier berceau » au vers 38. D’Aubigné souhaite ici ramener le lecteur-parent à sa cause en émouvant. On remarque également une violence morale des parents, impuissants de sauver leur enfant. Dans la tragédie, on trouve une certaine fatalité. Le terme de « bourreau » au vers 37 porte cette fonction. On pourrait rapprocher cela avec la légende des chevaliers de l’apocalypse, porteurs d’un destin tragique.

Partout dans ce texte, la mort est présentée de manière pathétique et elle se trouve ainsi liée au tragique. Tous les hommes qui se battent appartiennent à la même nation: « Vous, Caïns fugitifs, où trouverez-vous refuge ? » (vers 2). Tous sont donc frères. Le poète se réfère et évoque l’Ancien Testament. Au chapitre IV de la Genèse, Caïn et Abel sont les enfants d’Adam et Eve. Caïn, le cultivateur, tue son frère Abel, le pasteur. Les frères avaient auparavant fait des offrandes à Dieu. Celui-ci a accepté l’offrande d’Abel mais a refusé celle de Caïn. Dans cet extrait, comme Caïn avec Abel, les chrétiens ont martyrisé et tué leurs propres frères protestants. D’Aubigné présente ces tueries comme les plus horribles des péchés que sont les meurtres ; et bien plus encore, comme des fratricides.

 

D’autre part, les persécuteurs seront punis à la fois par la Terre car celle-ci les bannira mais surtout par le Ciel. Dieu les punira et ils ne pourront se cacher car nul ne peut échapper au châtiment divin.

On peut rapprocher le titre de ce recueil avec celui du livre VII que nous étudions. Les Tragiques désignent les horreurs de la guerre civile dans laquelle les protestants et les chrétiens se battent alors qu’ils appartiennent au même peuple. Ainsi, ils sont frères. Les chrétiens sont présentés comme des persécuteurs par d’Aubigné. Le dernier poème du recueil est intitulé « Jugements ». Ainsi, les criminels finissent par être jugés par Dieu. La mort est inévitable pour les protestants comme pour les chrétiens. Cependant, ces derniers sont responsables de tous les morts. Ils seront donc punis par Dieu lui-même. Agrippa évoque en effet cette force divine comme un « juge saint » au vers 18. Ainsi, les criminels de guerre subiront le châtiment divin et personne ne pourra les sauver. Ils ne pourront pas non plus se dissimuler « Qui se cache, qui fuit devant les yeux de Dieu ? Vous, Caïns fugitifs, où trouverez-vous lieu ? » (vers 1 et 2). Dieu les trouvera, où qu’ils soient et les punira.

Ces persécuteurs seront non seulement punis par la grâce divine, mais ils seront également bannis par la Terre elle-même. Absolument tout s’opposera à eux: « tout s’élève contre eux » (vers 11). Les persécuteurs des guerres civiles brisent des vies humaines mais abiment et détruisent aussi petit à petit les quatre éléments : la terre « les beautés de Nature, que leur rage troubla de venin et d’ordure, se confrontent en mire et se lèvent contre eux » (vers 12 et 13) ; le feu « Pourquoi, dira le feu, avez-vous de mes feux […] fait des bourreaux, valets de votre tyrannie » (vers 14 à 16) ; l’air « l’air encore une fois contre eux se troublera […] disant : Pourquoi, tyrans et furieuses bêtes, m’empoisonnâtes-vous de charognes, de pestes, des corps de vos meurtries ? » ainsi que l’eau « Pourquoi, diront les eaux, changeâtes-vous en sang l’argent de nos ruisseaux ? » Ainsi, les chrétiens ont fait du mal aux hommes bons que sont les protestants mais aussi à leur mère la Terre.

 

Le châtiment divin est inévitable pour les persécuteurs des guerres civiles ; c’est-à-dire les chrétiens d’après Agrippa d’Aubigné. Ce texte marque très clairement l’engagement du poète au service de la cause protestante mais surtout pour défendre sa patrie en danger. On retrouve cette idée chez le catholique Ronsard qui a écrit « Je veux, malgré les ans au monde publier, d’une plume de fer sur un papier d’acier, que ses propres enfants l’ont prise et dévêtue et jusques à la mort vilainement battue. » dans son Discours des misères de ce temps.

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