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ALIOCHA WALD LASOWSKI-Barthes refait signe

Publié le 11/12/2012

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Barthes refait signe Le Magazine Littéraire - 1 janvier 2009 Le Magazine Littéraire, no. 482 LeDossier, , p. 57   Barthes refait signe ALIOCHA WALD LASOWSKI   À quoi tient la séduction que Barthes exerce encore aujourd'hui, ce supplément de charme et de délicatesse donné à l'intelligence critique ? « Le souple, écrit Jacques Derrida, une catégorie que je crois indispensable pour décrire de toute manière toutes les manières de Barthes (1). « Plusieurs manières, en effet. C'est que Roland Barthes (1915-1980) n'a cessé de résister à toutes les images figées - entre l'analyse du discours et l'écriture de soi, discret et cependant rebelle, dans l'entrelacs permanent du sens et du sensible. Sémiologue, mythologue, écrivain : la variété de ses objets va de pair avec l'inventivité de ses approches. D'un côté, le structuralisme, l'idée, la phrase, le texte, une théorie de la lecture1 de l'autre, en constant filigrane, l'incident, le trait, le haïku, la profération amoureuse ou le ravissement érotique, jusque dans l'affirmation de l'expérience du roman comme vie à vivre, sur laquelle Barthes revient avec force dans ses dernières années. Si diverse, si multiple, son œuvre ne cesse de mettre au jour la part de vérité de la littérature. S'il faut déjouer les pièges du sens, ce ne sera pas par une liberté tapageuse, par une insurrection brutale, mais dans la subjectivité mouvante de celui qui, dans les récits, les mythes, les textes et les langues, déchiffre les défaillances, les engluements, les totalitarismes. Éthique du migrant dans son paysage de signes. Il cherche un sens à venir. Il privilégie la déambulation et le fragmentaire. « Barthes aimait le flottement, le suspens du pouvoir «, écrit François Noudelmann. Dans le Journal de deuil, qui paraîtra au Seuil à la fin du mois de février et dont nous publions les fiches constitutives, Barthes interroge la plaie ouverte de la mort de sa mère. Cet immense chagrin, il l'affirme dans sa singularité, confrontée aux discours que produit la parole collective pour intégrer la disparition d'un être cher. L'être d'exception que fut sa mère relance le souci de vérité dans l'écriture du deuil. Si « le chagrin est égoïste «, écrit Barthes le 21 août 1978, pourtant, « tout est vrai : la douceur, l'énergie, la noblesse, la bonté «. Le Journal forme ainsi un second pli, un pli secret, à ce que fut La Chambre claire, le livre consacré à la photographie, bouleversé tout à coup par l'image de la mère dans un jardin d'hiver. On retrouve dans les Carnets du voyage en Chine (publiés le 5 février chez Bourgois et dont nous donnons à lire, en avant-première, des extraits) cet art d'être pleinement présent et de s'absenter, de se montrer gai, charnel, concret, mais aussi subtil et replié sur soi, qui caractérise Barthes. Notations, impressions, commentaires : qu'est-ce que « découvrir « un paysage, un pays, des mœurs et des visages ? Il y a de la joie et de l'ennui, la lassitude devant le stéréotype, le désir de retrait, et cette solitude particulière qui marque chacun de ses écrits. Dans un entretien de février 1977 avec Jean- Marie Benoist et Bernard-Henri Lévy, Barthes confiait : « Je ressens toujours d'une manière poignante que souvent j'écris pour être aimé, parfois de tel ou tel, et en même temps je sais que cela ne se produit jamais, qu'on n'est jamais aimé pour son écriture. «   Encadré(s) : À écouter Roland Barthes, Fragments de voix, Archives sonores Ina/ Radio France, 2 CD, éd. Harmonia Mundi, 20 euros.   Encadré(s) : À lire   Le Toucher des philosophes. Sartre, Nietzsche et Barthes au piano, François Noudelmann, Gallimard, 2008, 186 p., 16 euros.   Note(s) : (1) J. Derrida, « Les morts de Roland Barthes «, 1981, repris dans Chaque fois unique, la fin du monde, éd. Galilée, 2003.
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« pouvoir », écrit François Noudelmann. Dans le Journal de deuil, qui paraîtra au Seuil à la fin du mois de février et dont nous publions les fiches constitutives, Barthes interroge la plaie ouverte de la mort de sa mère.

Cet immense chagrin, il l'affirme dans sa singularité, confrontée aux discours que produit la parole collective pour intégrer la disparition d'un être cher. L'être d'exception que fut sa mère relance le souci de vérité dans l'écriture du deuil.

Si « le chagrin est égoïste », écrit Barthes le 21 août 1978, pourtant, « tout est vrai : la douceur, l'énergie, la noblesse, la bonté ».

Le Journal forme ainsi un second pli, un pli secret, à ce que fut La Chambre claire, le livre consacré à la photographie, bouleversé tout à coup par l'image de la mère dans un jardin d'hiver. On retrouve dans les Carnets du voyage en Chine (publiés le 5 février chez Bourgois et dont nous donnons à lire, en avant-première, des extraits) cet art d'être pleinement présent et de s'absenter, de se montrer gai, charnel, concret, mais aussi subtil et replié sur soi, qui caractérise Barthes.

Notations, impressions, commentaires : qu'est-ce que « découvrir » un paysage, un pays, des moeurs et des visages ? Il y a de la joie et de l'ennui, la lassitude devant le stéréotype, le désir de retrait, et cette solitude particulière qui marque chacun de ses écrits.

Dans un entretien de février 1977 avec Jean- Marie Benoist et Bernard-Henri Lévy, Barthes confiait : « Je ressens toujours d'une manière poignante que souvent j'écris pour être aimé, parfois de tel ou tel, et en même temps je sais que cela ne se produit jamais, qu'on n'est jamais aimé pour son écriture.

»   Encadré(s) : À écouter Roland Barthes, Fragments de voix, Archives sonores Ina/ Radio France, 2 CD, éd.

Harmonia Mundi, 20 euros.   Encadré(s) : À lire   Le Toucher des philosophes.

Sartre, Nietzsche et Barthes au piano, François Noudelmann, Gallimard, 2008, 186. »

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